Sorti tout juste trois mois après Ultima, Wizardry est le premier Dungeon Crawler commercial et l’un des jeux les plus influents de tous les temps (il est par exemple l’une des sources principales d’inspiration du tout premier Dragon Quest). Il est ici question de créer une équipe de six aventuriers afin d’aller occire un gros vilains pas beau planqué au dixième niveau d’un donjon souterrain, et, croyez-moi, le voyage va être mouvementé !


Pourtant quand on commence à lire le manuel ça se présente plutôt pas mal. Il y a certes un paquet d’informations à ingurgiter, mais le système de jeu a l’air complexe et intéressant, et on n’a qu’une hâte, se lancer ! On crée donc nos petits héros un par un, en tirant leurs bonus de stats aux dés, et si cela demande un peu de temps, il faut avouer que l’interface, toute au clavier, est assez efficace. Puis on descend une première fois dans le donjon, et on est surpris par la fluidité du jeu. Certes, la fenêtre où s’affichent alternativement le labyrinthe ou les ennemis n’occupe qu’un sixième de l’écran, mais après avoir joué au premier Ultima qui peinait à afficher trois images par seconde, c’est super plaisant.


Le premier combat nous permet de nous familiariser avec les commandes de combat, et se passe pas trop mal. Et là, paf, on meurt. Parce qu’on croise un groupe d’ennemis trop dur pour notre niveau, qui nous écrase avant qu’on ait eu le temps de réagir, et on se rend compte que les persos que l’on a mis un peu de temps à créer, tout de même, sont victimes de la permadeath démentiellement punitive mise en place par les développeurs du jeu.


En gros, le jeu sauvegarde chaque fois que vous avancez d’une case, et chaque fois qu’un de vos persos meurt. Et si vos six persos meurent, leurs cadavres restent au fond du donjon et il faudra aller les récupérer avec une autre équipe. Et payer des sommes exorbitantes pour avoir le droit de tenter de les ressusciter (oui ça peut échouer, et oblitérer votre perso). Oh, et cerise sur le gâteau, attention au reset intempestif quand les choses se passent mal : le jeu « corromp » artificiellement votre sauvegarde quand vous entrez dans le donjon, et la restaure à votre retour en ville. Du coup si on quitte le jeu sans ramener son équipe en ville (en éteignant l’ordinateur, par exemple), elle est perdue dans les limbes. Heureusement le jeu est livré avec un petit utilitaire pour restaurer les personnages concernés, mais c’est une petite manip’ pas très pratique à faire alors on le fait le moins souvent possible.


Mais on le fait quand même, hein. Parce que le jeu se montre d’un sadisme extraordinaire pour ce qui est de vous tuer, et très peu généreux en argent pour ressusciter les morts. Du coup jouer sans faire de backup de son équipe (il suffit de faire une copie de la disquette contenant les personnages) ou sans restaurer son équipe suite à un reset relèverait d’un masochisme absolument fou. En gros, dans Wizardry, on progresse en mappant les cases du donjon et donc en apprenant ce qui se trouve derrière chaque coin de couloir. Et sans cette connaissance, que l’on acquière lentement et douloureusement, on n’arrête pas de tomber dans les pièges sadiques du jeu et de mourir, encore et encore. Alors on mappe, case par case, chacun des dix étages. On meurt, on restaure notre équipe, et on repart plus fort car plus familier avec les lieux.


Mais force est de reconnaître que le jeu souffre de gros problème d’équilibrage, du côté de l’XP et du côté de l’argent. Conscient de cela, les développeurs ont prévu deux endroits permettant de gagner des quantités assez élevées de l’une et de l’autre, mais perso j’aurais préféré qu’ils équilibrent mieux leur jeu. Parce que tuer le même groupe de fantôme en boucle juste pour arrêter de servir de serpillère au moindre lanceur de sort ça n’est pas exactement ma définition du fun.


Et c’est dommage que le jeu se montre aussi impitoyable, car il fait tout de même preuve d’un certain nombre de qualités : il se contrôle bien, le système de combat au corps-à-corps et de magie est franchement sympa, et la narration, certes très timide, est plaisante et efficace. Et puis y’a le plaisir de mapper, il faut pas se mentir. Même si c’est rendu lent et fastidieux par la difficulté hallucinante du jeu, c’est toujours un vrai plaisir de dessiner case par case les étages du donjon. Il y a juste un passage où les spinners / téléporteurs étaient un poil trop fréquents à mon goût, mais sinon globalement ça se fait très bien.


Mais, fidèle à sa cruauté jusque dans la dernière ligne droite, le jeu vous force à farmer les ennemis du dernier étage pour trouver de l’équipement à la hauteur du défi que représente le boss final du jeu. Il m’a fallu onze heures entre la première fois où je l’ai rencontré (et où il m’a détruit en deux tours), et le moment où j’avais un équipement suffisamment bon pour espérer le vaincre. Et même avec le meilleur équipement, si les dieux du hasard ont décidé qu’il serait accompagné par des tas de vampires, vous êtes de toutes manières fichu.


Bref, j’ai réussi à finir Wizardry en faisant des backups réguliers de mon équipe, ça m’a pris 48 heures, et une bonne partie de ma motivation venait du statut de jeu culte que possède le jeu. Parce que même si j’y ai pris un certain plaisir, beaucoup de chose m’ont énervé plus que de raison.


12/20

Jopopoe
6
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le 16 janv. 2022

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