Star Wars: Battlefront
5.9
Star Wars: Battlefront

Jeu de DICE et Electronic Arts (2015PC)

Beaucoup d'encre a coulé sur ce nouveau Battlefront. De l'encre bien souvent chargée de haine, sur un jeu dont le but avoué était avant tout de paver la route au 7ème épisode de la saga la plus célèbre du monde. Une voie toute tracée qui s'annonçait d'or massif, servie par un des studios les plus réputés en matière de FPS, reposant sur un univers d'une richesse pléthorique et adoré par des millions de personnes. Comme beaucoup d'autres, j'ai été emballé à l'annonce de ce jeu. Comme beaucoup d'autres, j'ai bavé sur les premiers trailers. Comme beaucoup d'autres, j'ai eu du mal à croire aux premières vidéos de gameplay : la beauté des champs de bataille, les lasers qui fusent, l'ombre menaçante d'un AT-AT au loin ... je me suis laissé à penser, que peut-être, on tenait enfin LE jeu capable de retranscrire les batailles des films avec tous les artifices que nous permettent nos machines actuelles.


Avant de commencer, je dois préciser que j'ai la chance (ou la malchance selon les points de vue), d'avoir un avis vierge de toutes références éventuelles aux précédents Battlefront. C'est bien simple : j'ai dû jouer environ 15 minutes à l'opus précédent, après l'avoir ramassé dans un bac à la FNAC pour un prix dérisoire. Je n'avais tout simplement pas accroché : beaucoup trop arcade, déjà daté visuellement, troisième personne repoussante ... je ne peux donc pas juger de la faiblesse du contenu de ce nouveau Battlefront par rapport à son aîné. C'est mieux ainsi, autrement j'aurais probablement été bien plus déçu que je ne le suis aujourd'hui.
Parce que oui, soyons clair, je suis déçu. Je ne suis pas déçu au point de demander un remboursement (à ce qui se trouve être un très beau cadeau de Noël), ni au point de bouder mon plaisir. J'aime ce jeu, vraiment, et je pense qu'il a de quoi être aimé, malgré ses innombrables défauts.


Ses graphismes déjà. Je suis probablement face au jeu le plus beau de l'année, devant The Witcher 3. C'est bien simple, on se croirait sur les planètes de la première trilogie Star Wars. On pourrait presque sentir le sable brûlant de Tatooine sous nos pieds, la neige de Hoth collée à notre arme, la visière de notre casque trempée par les marécages de Endor ... d'un point de vue purement graphique, Battlefront est une immense claque. Pour le fan de Star Wars que je suis, c'est un vrai rêve de gamin qui se réalise : rejouer les batailles des films dans des environnements d'une fidélité et d'un niveau de détails encore jamais atteint ... comment ne pas être emballé ? Cette réussite est bien sûr dû au Frostbite 3, qui a déjà fait des merveilles par le passé, mais également et surtout à une nouvelle technologie utilisée par DICE, qui permet de retranscrire des objets en plaquant des textures issus de photographies sur des objets 3D. Ajouté à cela un traitement de la lumière novateur, et on obtient là une ambiance à couper le souffle. N'importe qui aimant un tant soit peu Star Wars se retrouvera rapidement scotché à son siège durant les premières minutes de jeu, ignorant la furie des combats pour admirer la scénographie de chaque maps. Si le jeu a bien une qualité, c'est de respecter avec scrupule et attention l'univers de Star Wars. Peu de choses dénotent au point qu'il sera difficile, même pour un grand fan, d'avoir quoi que ce soit à redire là dessus.


Ce respect se retrouve également dans la partie sonore, autre gros point fort du jeu. Même si je dirais qu'il est difficile de se planter sur la partie sonore d'un jeu Star Wars, tant l'héritage laissé par John Williams et Lucas est réussi, on atteint à nouveau des sommets avec ce nouveau Battlefront. Outre les musiques des films, toujours aussi mythiques, les bruitages et le sound design propre à chaque map ont fait l'objet d'un grand soin, et, encore une fois, d'une fidélité qui force le respect. Le moindre son est directement issu des films, et le fan reconnaîtra facilement le son de toutes les armes, du blaster E-11, l'arme réglementaire des stormtroopers, au DL-44, l'arme de point de Han Solo, en passant par le plus petit bips de droide.


Difficile d'attaquer Battlefront sur ces deux points. L'univers Star Wars a bénéficié d'un traitement d'exception et d'un souci du détail qui confine à l'admiration. La forme est une vraie réussite, et joue beaucoup dans le plaisir que l'on peut prendre à parcourir les maps : Star Wars prend vie sous notre clavier, et on s'y croit.


Si tout le reste avait été de ce niveau, sans euphémisme aucun, on tenait le jeu de l'année. Et accessoirement un des meilleurs jeux Star Wars jamais crée. Evidemment ce n'est pas le cas : le fond ne suit pas, et c'est tout le problème. Au delà d'un gameplay que l'on qualifiera gentiment de simplifié, il existe une myriade d'autres soucis qui au final plombe le jeu, et motive la déception pour beaucoup de joueurs. Une déception que j'ai rapidement fini par comprendre, étant avant tout un joueur avant d'être un fan de Star Wars.
Comme l'ont martelé ses développeurs, Battlefront n'est effectivement pas un Battlefield. Et c'est bien dommage. Pour être exact, c'est bien un Battlefield, mais un Battlefield du pauvre, qui a oublié ses bases, affublé d'une jolie plastique signé Star Wars. C'est bien simple, toutes les bonnes idées de Battlefield, qui se retrouvent avec brio dans BF4 (d'ailleurs trois fois plus joué que Battlefront à l'heure actuelle, sur PC du moins) ont été purement et simplement supprimé dans Battlefront.


Quelle connerie ! Je me serais volontiers contenté d'un vrai Battlefield avec un skin SW (surtout vu la tête du skin), mais non. Au delà de l'excuse de la différenciation, DICE a tout simplement cherché à rendre son jeu ultra accessible, en simplifiant au maximum toutes les mécaniques du jeu, et en gardant seulement l'essence Battlefield. C'est à dire les grands maps, les objectifs, et le côté "combined arms". Ainsi, on se retrouve avec des décisions de game-design aberrante qui feront bondir les amateurs des anciens Battlefield, dont je fais malheureusement partie.


Ce parti-pris arcade se traduit notamment par l'absence de classe, remplacé par une customisation à la marge via des cartes à équiper sobrement appelées "cartes des étoiles", apportant divers gadgets. De fait, le teamplay n'est absolument pas encouragé, d'autant qu'il n'y a aucun système d'escouade ou quoi que ce soit qui pousse à la coopération. Aucun joueurs n'a de rôle spécifique, il n'y a pas besoin de communication et c'est le grand bordel. Un comble, quand on sait que le côté teamplay n'est déjà pas fameux dans les jeux qui l'encourage. La profondeur du jeu s'en ressent, et pour parfaire le tableau, il n'y a pas non plus de cartes à consulter, ni de points de repères (c'était si dur de donner un nom aux objectifs à prendre ?) pour éviter que les joueurs se coordonnent, et encore moins de points de spawn à choisir. Le respawn parlons-en d'ailleurs. Une vraie catastrophe. Il n'est pas rare de se retrouver en plein milieu de la bataille ou face à face avec un AT-ST. La seule customisation possible se résume à ces fameuses cartes qui permettent de se créer un loadout adapté à nos besoins, ce qui est malgré tout une bonne idée bien que trop limité. Il est également possible de choisir un skin pour son soldat, et diverses émotes (!!!). Une personnalisation des armes aurait peut-être été plus intéressante ...
L'autre gros point noir du jeu est le gunplay. Sous ce terme se cache tout ce qui a trait à la partie shooter du jeu, ce qui dans un FPS est plutôt important. Là encore le côté arcade du jeu se ressent douloureusement. La gestion des munitions est inexistante (pour les armes principales, comme pour les grenades et autres gadgets acquis via les cartes), remplacé par la surchauffe des armes et un petit mini-jeu remplaçant le rechargement. Les sensations de tirs sont tout aussi inexistante. Le plus gros problème vient de l'absence de recul (et du très faible spread des tirs). La principale différence entre les armes vient de leurs vitesses de tirs, et c'est tout. Alors oui, il s'agit de blaster et on me dira qu'il n'y a logiquement pas de recul, je répondrai qu'il s'agit d'un jeu vidéo et avoir des armes bien différenciés avec un vrai feeling propre, c'est quand même extrêmement important, surtout quand il s'agit d'un FPS. Le côté shoot très simplifié rend la courbe de progression peu importante, et il est possible de maîtriser toutes les armes au bout de quelques minutes seulement.


Ces deux points, l'absence de classe (et de teamplay), et la faiblesse du gunplay font à mon sens beaucoup de mal au jeu. Le tout s'accompagne également de divers problèmes de game design, héritage direct de l'orientation très arcade du jeu.
Les power-ups qui apparaissent un peu partout sur la carte sont à ce titre symptomatique : des bonus à ramasser par terre, comme à la bonne époque des Doom et consorts, qui donnent divers armes ou gadgets, permettent d'incarner un héros ou de prendre possession d'un véhicule. Ces bonus donnent lieu à des courses aussi effrénés que désolantes, et on se rend vite compte que la plupart des joueurs ne jouent tout simplement plus l'objectif et attendent tranquillement leurs apparitions. L'immersion, pourtant principal point fort du jeu, s'en trouve évidemment brisée, et c'est vraiment dommage.


Comment avec de telles faiblesses motivés les joueurs à rester ? L'une des réponses à cette question, qui se pose dans tous les jeux multis, résident habituellement dans la progression et le contenu proposé.
La progression se fait classiquement par niveau. A la fin de chaque manches, le joueur acquiert un certain nombre de points d'expérience au regard de ses performances, ainsi que des crédits, la monnaie du jeu. Ces crédits servent à débloquer des cartes, comme vu précédemment, achetables selon le niveau atteint. Elles sont plutôt variées, et comprennent notamment des grenades, un jump pack, des fusils snipers (oui j'ai trouvé ça étrange aussi), et un bon nombre de gadgets, comme des munitions explosives, utilisables selon un cooldown ou des charges. Le problème est que la progression est très linéaire et les cartes peu nombreuses, et qu'on en a fait le tour en quelques dizaines d'heures. Problématique quand c'est à peu près la seule chose d'intérêt à débloquer, sauf à vouloir débloquer absolument un skin en particulier. Alors oui, il y a pas mal de trucs à collectionner, mais rien qui ne sert le jeu, et rien de très motivant pour un joueur lambda.


Le contenu est lui aussi faible, même pour un joueur comme moi qui ne peut faire directement la comparaison avec son illustre ancêtre. Il y a relativement peu de maps, et seulement cinq pour les deux modes les plus intéressants, à savoir Supremacy (l'équivalent du mode conquest des Battlefields) et Walker Assault (probablement le plus intéressant). On tourne vite en rond, malgré l'évidente qualité des cartes et du level design. Cela aurait pu être moins dommageable, si il n'était pas évident que du contenu avait été réservé pour le season pass (qui coûte aussi cher que le jeu soit dit en passant). Moins dommageable aussi si la comparaison avec Battlefront II n'était pas aussi défavorable au jeu qui nous intéresse ici.


Si je voulais résumer en grossissant le trait, je dirais que ce nouveau Battlefront est un Battlefield raté avec un skin Star Wars réussi. Même la partie combined arms, pourtant principal point fort des Battlefield, est raté. Et pour cause, il n'y a qu'un seul véhicule terrestre dans tout le jeu, le AT-ST, et seulement 5 pauvres vaisseaux au gameplay basé sur de l'autolock à gogo et des manœuvres à effectuer via un unique bouton, au rôle anecdotique sur le champ de bataille. Passé l'ébahissement des premières heures, le plaisir nostalgique et ému de la découverte, on se retrouve face à un jeu creux, vide, emprunts des défauts des jeux de son temps, simplifié à l'extrême dans toutes ses composantes pour toucher le plus de monde possible. Un gâchis, voilà le mot qui s'est imposé à moi au fil des heures.


En préambule j'ai pourtant dit que j'aimais ce jeu. Mais pourquoi ? Pour sa plastique ? Non, enfin pas uniquement. Malgré ses défauts, la sauce prend. Etre un grand fan de Star Wars joue sûrement beaucoup, mais le jeu réussit ce qu'il entreprend : plonger le joueur au coeur de la bataille sans prise de tête. Pas besoin de réfléchir, pas besoin de perdre du temps à préparer méticuleusement son loadout, pas besoin de planifier l'approche du prochain point avec ses équipiers. Non. Il y a un point à capturer et un point à défendre, et selon son envie on avance vers l'un ou l'autre. En trois clics, on se retrouve face à face à l'armée impériale. Je vois Han Solo passé juste à côté de moi en pestant à propos d'une certaine princesse. Les lasers fusent, un TIE nous rase en larguant sa torpille à proton un peu au hasard, puis prend le large en faisant hurler ses moteurs. Au détour d'un couloir, je croise une grande silhouette noir vêtu d'une cape, ce qui signe mon arrêt de mort. Mais pas le temps de souffler, j'appuie sur le bouton respawn et me revoilà au milieu du champ de bataille en moins d'une seconde.


C'est ça, Battlefront. Un jeu plein de défauts, simplifié à l'extrême et au contenu famélique, mais qui procure du fun immédiat, la définition même du jeu pop-corn que l'on lance quand on ne sait pas trop à quoi jouer. C'est beau, on s'y croit, on s'amuse, et c'est bien ça qu'on lui demande au final. Je ne sais pas si j'y resterai longtemps, ou si je passerai le cap du Season Pass malgré mon fanboyisme aiguë, mais ce que je peux dire c'est qu'en définitif j'adore ce jeu. Je l'adore d'un amour un peu enfantin, très nostalgique, et j'ignore volontairement que DICE (et surtout EA) a surtout joué sur ma corde sensible et celles de milliers d'autres pour refourguer un jeu au public le plus large possible, et ainsi préparer dignement l'arrivée de l'épisode VII de Star Wars (que je n'ai d'ailleurs toujours pas vu). J'en ai conscience, et pourtant je prend plaisir à y jouer, et tant pis si, effectivement ce jeu est un gigantesque gâchis et qu'il y avait tellement mieux à faire. Le plus triste est encore de penser que ce sera peut être le cas pour le prochain Battlefront, déjà annoncé alors qu'on ne sait toujours rien sur le contenu des futures DLC. Pathétique.

Jadenor
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le 27 déc. 2015

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