Le timing marketing ne pouvait être meilleur. Alors que le troisième opus de Star Wars Battlefront sort aujourd’hui sur PC et consoles, le film n’est qu’à un petit mois de distance sur le calendrier. Logique que le jeu complète la déferlante de la licence. Évite-t-il toutefois de sombrer du côté obscur ?
Malgré son titre dépouillé, Star Wars Battlefront n’est pas le premier de la série. Faut-il rappeler les deux premiers jeux éponymes sortis en 2004 et 2005, alors en plein dans la nouvelle trilogie de George Lucas. Aussi vieillots qu’ils semblent aujourd’hui, aussi ponctués de défauts qu’ils soient, ils ont bercé toute une flopée de joueurs qui en ont longtemps attendu le séquelle.
C’est que ce reboot de Battlefront qui semble si évident aujourd’hui est loin de l’avoir toujours été. Annoncé, reporté puis annulé, toujours entre deux studios qui se repassent la patate chaude comme un pendentif maudit, la vente de LucasArts a ravivé l’espoir d’une troisième itération du portage. Jusqu’à l’officialisation du projet en 2013 par DICE et la promesse d’un moteur Frostbite 3 qui venait tout juste de fait ses preuves sur Battlefield 4. La promesse d’une peau moderne sur un mythe générationnel : voilà condensés les principes d’un jeu événement.
UNE RÉALISATION IRRÉPROCHABLE
Les fans de Star Wars Battlefront le demandent, l’exigent. Deux ans après les sorties des PS4 et Xbox One, avec la standardisation des pur-sang côté PC, à l’heure où la 4K s’impose comme toute prochaine référence, la réalisation graphique doit être irréprochable. La version finale ne déroge pas aux standards de qualité auxquels nous avait habitués la bêta. Les textures sont irréprochables, les modélisations précises et fourmillantes, la fluidité, impeccable.
Il faut dire que Electronic Arts a les moyens de ses ambitions. Grâce aux fonds colossaux de la multinationale, toute l’équipe de développement a pu piocher allègrement dans le Saint Graal de tout fan de Star Wars, le Lucasfilm Cultural Arts Museum. Des armures de Boba Fett et Dark Vador aux décors originaux d’Islande et de Californie, tout a été analysé pour retranscrire les sensations de la franchise. On ne peut que constater que c’est réussi.
En termes d’immersion pure, Star War Battlefront fait un quasi-parfait. Une fois les premiers constats graphiques notés, on ne peut que s’extasier face à ses cartes immenses, fidèles à l’esprit des environnement de la franchise. Les 12 cartes représentant les planètes Hoth, Endor et Tatooine fournissent une variété environnementale suffisante pour se permettre les plus beaux effets.
Dans les feuillus, les rochers ou dans la neige, en extérieur comme en intérieur, on ne peut que se délecter de ses lasers qui illuminent notre champ de vision. Que dire alors du remarquable travail sonore effectué par DICE, où la banque d’effets des films originaux vient agrémenter les combats de bruits de blasters, de bouclier et des moteurs de vaisseaux comme si vous y étiez. Sans compter les sporadiques « Wilhelm Scream », pour la petite touche geek.
SOUS LES FEUX, LA VÉRITÉ EST MASQUÉE
A l’instar du cinéma, le jeu vidéo est un art multidimensionnel. Aussi incroyable qu’il soit lorsqu’il titille les sens, Battlefront possède nombre de difficultés dans son gameplay. Ceux qui cherchent dans le jeu un habillage du stratégique Battlefield seront déçus. Certes, on retrouve les cartes immenses du FPS d’EA, mais la comparaison, si elle doit absolument exister, va davantage chercher du côté du maussade Hardline.
Ainsi, Battlefront se trouve délesté d’une foule de fonctionnalités, à la fois tactiques et de gameplay. Pas de position allongée, pas de construction de classe, des différences minimes entre les armes et des véhicules à la durée de vie trop éphémères : tout ce qui fait office de profondeur est destitué au nom de la simplicité. D’un côté, EA entérine sa volonté d’accessibilité du titre. De l’autre, il en réduit considérablement la durée de vie, et in extenso, l’implication sur le long terme.
Battlefront en devient un titre immédiat, avec les limites et les avantages qu’une telle caractéristique porte avec elle. Toutes les armes, du sniper aux grenades en passant par la barre de vie, fonctionnent sur le principe du « cooldown », ce rechargement automatique temporel. Pas de balles, pas de bouton de recharge, donc. Quant aux bonus, qui incluent les véhicules et héros, pas besoin de sortir un « kill streak » de 10 frags pour les obtenir : on les ramasse… par terre, de manière aléatoire.
Pour accentuer le tout, le joueur n’a aucune notion de choix dans le respawn, si ce n’est un vague ersatz d’escouade, plutôt aléatoire. Résultat : aucune notion de stratégie ni même de positionnement géographique, mais plutôt un joyeux bordel où chacun fonce dans le tas au petit bonheur la chance. Là encore, la raison en incombe à cette fameuse immédiateté de la prise en main, érigée en leitmotiv.
QU’IMPORTE LES MODES
On aurait pu penser que la variété des modes de jeu aurait pu contenter les styles les plus exigeants : il n’en est malheureusement rien. Parmi la dizaine de modes proposés en multijoueur, trois servent de phares, de part leur classicisme d’une part, et de leur capacité d’accueil simultané de l’autre. Ainsi, le mode Suprématie permet de se disputer l’avancée de 5 points de contrôle à 40 joueurs et convient pour jauger de l’immensité des cartes proposées et fournit un bon point de départ pour les nouveaux venus. Dans la même veine, en comité réduit, on trouve la Course au droïde, en seulement trois points.
Indéniablement, le mode le plus personnel de ce Battlefront est bien le mode Assaut de marcheur. Combinant défense/attaque de points stratégiques et bourrinage en règle, il s’agit pour les soldats de l’Empereur de protéger un ou deux TB-TT tout en désactivant les liaisons aidant les frappes aériennes à abattre ceux-ci. Pour les rebelles, l’objectif est bien évidemment inverse. Varié et dynamique, il s’agit bien là de la star du multi.
Pour les amoureux des X-Wings et des Intercepteurs TIE, il faut se tourner du côté du mode Escadron de Chasseurs. Sur des cartes anecdotiques, une vingtaine de vaisseaux rivalisent d’adresse et de manœuvres pour échapper aux tirs croisés. Si la conduite est agréable, le manque de profondeur du mode rend rapidement la démarche monotone, au constat de l’étroitesse des mouvements disponibles et de la fragilité de l’espérance de vie.
Même constat pour manier les héros, entre eux dans la Bataille des Héros ou contre des hordes d’infanteries sur Traque des Héros. Luke ou Dark Vador sont eux aussi bien modélisés mais souvent brouillons dans les mouvements. Derrière, les modes classiques, comme l’Escarmouche ou la Cargaison, autre nom pour la Capture de Drapeau, n’ont pas grand chose à faire valoir avec ce gameplay arcade et finiront à coup sûr boudés par les joueurs.
VOTRE MANQUE DE POIDS ME CONSTERNE
Sûrement coincé entre la sortie prochaine du film, ses références à la trilogie initiale et la foule de spin-offs et hors-séries de la mythologie Star Wars, aucune campagne solo scénarisée n’est disponible dans Battlefront. A la place, des modes en coopération réalisables également en solo qui ne font pas briller l’inventivité des gars de chez DICE. Les vagues d’ennemis du mode Survie occuperont un temps les joueurs, sans jamais se rendre indispensables.
Certes, l’attractivité principale de ce Star Wars Battlefront réside dans l’exploitation de sa licence, d’autant plus à quelques semaines de la sortie événement que le monde attend. Face à la portée culturelle et marketing de la licence, EA a fait tout ce qu’il faut pour produire un objet destiné à tous les fans, hardcore comme occasionnels. Il en va de même du côté des profils de joueurs. Ce gameplay arcade, immédiat dans tout ce que la définition en comprend, laisse finalement place à la frustration une fois l’émerveillement initial passé.
Oui, Battlefront est un excellent produit de licence. Mais, au fond, il s’en limite à ce constat. Quitte à entrer dans un tel univers, pourquoi avoir abandonné toute notion de profondeur de gameplay, surtout lorsque celle-ci agrémente précisément l’immersion personnelle et vidéoludique ? Battlefront aurait pu poser un jalon de plus du côté des adaptations cinématographiques marquantes, épaule contre épaule avec Le Retour du Roi, par exemple. Il se contente d’être beau, à défaut d’être bon. Pas très jedi, tout ça.
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