Je me souviens de l'époque bénie de la Nintendo 64. Une sacrée console, hélas depuis longtemps tombée dans l'oubli, mais qui m'offrit pourtant certains des meilleurs jeux auxquels j'ai joué, du sublime Zelda Ocarina of Time au non moins sublime Majora's Mask, en passant par le très addictif GoldenEye (qui n'a pas passé des heures à flinguer du soviétique sur ce jeu ?), l'ultra-cool Duke Nukem Zero Hour, le fascinant Turok et le génial Mario 64. Une console mythique mais quelque peu oubliée, dont j'ai aujourd'hui la nostalgie et dont je m'apprête à replonger avec plaisir dans un de ses antiques jeux, un de ceux pour lequel je m'étais pris de passion durant mes jeunes années.
Il ne s'agira pas ici de revenir sur un des titres les plus célèbres de la console mais bien au contraire sur un des moins connus, un vestige de ce que fut la StarWarsmania des 90's, quand la prélogie cinématographique n'existait pas encore, et que personne ne pouvait imaginer que Disney en rachèterait un jour les droits. Sous contrat avec Nintendo, LucasArts avait déjà depuis longtemps offert à la société nippone bon nombre de jeux à licence, la plupart ancrés dans l'univers mythique des Jedi. La N64 ne fit pas exception en offrant le fantastique Rogue Squadron, un véritable hit devenu cultissime et auquel vint s'ajouter une génération plus tard, deux suites tout aussi grandioses sur GameCube (Rogue Leader et Rebel Strike). Bien plus tard, en 1999, le carton du révolutionnaire Star Wars Racer sur la même console balaya la sortie de la piètre adaptation de The Phantom Menace sur PsOne.
Vendu dès 1996, uniquement sur 64 et sur PC, Star Wars : Shadows of the Empire ne resta pas dans les annales vidéoludiques. Son moteur 3D un rien à la masse, son énorme difficulté (certains niveaux semblaient quasi-impossibles à traverser) et le peu de promotion dont il bénéficia, en fit un jeu vidéo sacrifié, très peu commercialisé à l'époque et de ce fait, relativement difficile à trouver. Sa sortie suivit de peu la parution du roman éponyme de Steve Perry et du comic officiel, écrit sous l'impulsion d'un George Lucas désireux de revenir sur ce qui s'était passé entre les événements de L'Empire contre-attaque et du Retour du Jedi. L'intrigue des Ombres de l'Empire, particulièrement tortueuse, se déroule donc entre les épisodes 5 et 6 et revient sur la traque de Boba Fett à travers la galaxie pour délivrer Han Solo, prisonnier de la cryocarbonite et destiné à devenir le futur trophée de Jabba le Hutt. Alors qu'une prime pèse sur la tête de Luke Skywalker et que ce dernier parfait sa formation de Jedi sur les traces d'Obi-Wan sur Tatooïne, le dénommé Dash Rendar (que l'on incarnait tout au long du jeu), rescapé de la bataille de Hoth, participe à une série de missions où il croisera des personnages bien connus des fans. Son périple le mettra au prise avec le Soleil Noir, une organisation criminelle dont le leader félon et ambitieux, le Prince Xizor, rêve de supplanter Vador comme bras droit de l'Empereur. Les événements conduiront à l'arrivée de Luke dans le palais de Jabba...
Hormis l'histoire, vraiment passionnante et qui aurait amplement mérité un film, la force de Shadows of the Empire résidait avant tout sur l'alternance de ses différentes phases de jeu. Fait assez rare à l'époque, le joueur se voyait ici proposer différentes sortes de gameplay allant du traditionnel third person shooter (les corridors glacés de Hoth, la décharge de Ord Mantell, la base impériale de Gall, les sous-sols du palais de Xizor...) à la course-poursuite en land speeder sur les sables de Tatooïne, en passant par des phases de tirs dans le vaisseau de Dash (évoquant bien entendu une scène mythique de l'épisode 4) et une fuite désespérée à travers un champ d'astéroïdes. Au cours de l'aventure, Dash sauvait Luke d'une horde de mercenaires, manquait de tomber dans le puit du Sarlacc et se frottait méchamment à Boba Fett dans un long pugilat en jet pack sur les hauteurs d'une base de l'Empire (un passage qui contribua à rendre culte le personnage de Fett). Le tout culminait dans une immense bataille spatiale entre la rébellion et les forces du Soleil Noir à laquelle venait s'ajouter un troisième belligérant via le croiseur impérial de Vador. S'il n'était présenté que comme un simili Han Solo en plus bad-ass, Dash Rendar aurait pu facilement être intégré à la mythologie officielle tant son périple détermine grandement les événements du Retour du Jedi. On regrettera juste qu'il n'ait jamais été ré-employé dans la mythologie (légendaire ou non), la fin de l'histoire faisant quelque peu l'impasse sur son destin et sur celui de Xizor, que l'on imagine peu enviable, puisque le baron du crime était laissé aux mains d'Anakin le balafré. Dash était déjà laissé pour mort par l'auteur Steve Perry au terme du roman mais le jeu de LucasArts récompensait quand même les joueurs les plus persévérants (à condition qu'ils terminent le jeu en mode difficile) en leur proposant une fin inédite où le héros survivait à la bataille finale.
Porté par le score de Joel McNeely, qui revisitait ici les grands thèmes composés par John Williams, Shadows of the Empire avait pour lui de proposer une des premières grandes immersions dans l'univers de Star Wars via le médium du jeu vidéo. Auparavant la franchise n'avait généré que quelques jeux à licence plus ou moins appréciables. Ici, le joueur se trouvait enfin plongé de plein pied dans l'univers imaginé par George Lucas, avec une liberté de mouvements qui lorgnait parfois grandement, selon les niveaux, sur les futurs jeux à monde ouvert que furent GTA 3 et Ocarina of Time. L'atmosphère des films y était très bien restituée tant par la musique que par le level design et les nombreux caméos, même si les graphismes ont vraiment pris de l'âge (ils n'étaient d'ailleurs pas à la pointe de ce que pouvait offrir de mieux la console à l'époque). Pas de cinématiques ici entre les niveaux (dans la version 64, les cinématiques étant dispo sur la version PC), mais une succession d'illustrations animées, qui liaient entre eux les différents niveaux traversés et finissaient de nourrir l'imaginaire du joueur.
Je parle ici d'un jeu d'un tout autre temps, très loin des Battlefront et autres Jedi Knight modernes, mais qui témoigne grandement de ce qu'était déjà à l'époque, le mythe Star Wars.