Après quelques jeux mineurs, le jeune studio Bethesda entend rentrer dans la cour des grands en portant leur vision du jeu de rôle occidental sur PC, donnant ainsi naissance à l’une des sagas les plus emblématiques du genre pour les décennies à venir. Mais si la réputation de The Elder Scrolls n’est plus à faire, ce n’est qu’à partir de son deuxième épisode que les critiques s’avéreront excellentes et du troisième que les ventes se compteront en millions. Alors, qu’en est-il du tout premier épisode de la franchise : The Elder Scrolls Arena, une expérience déjà complète et injustement oubliée ou un premier jet brouillon qui avait besoin d’être revu en profondeur avant de connaître le succès ?
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★☆☆☆☆☆
Le gameplay semble assez ambitieux de prime abord, déjà le système de coups possibles est très complet. Pour les armes, il y a des variables plutôt techniques sur l’angle d’attaque et la préférence portée sur la précision ou la puissance. Pour la magie, les synergies à trouver entre les sorts sont assez intéressantes, comme les boules de feu qui sont suicidaires au corps-à-corps mais qui deviennent très efficaces combinées avec un sort d’absorption de feu en complément. Néanmoins, l’IA ennemie connaît pas mal de limites pour exploiter ce potentiel avec un pathfinding pouvant les rendre bêtement vulnérables aux attaques à distance parce qu’il n’arrive pas à contourner un obstacle ou simplement se reculer pour se mettre à l’abri. Il n’y a qu’à voir ces chiens de l’enfer qui lancent des attaques de zone même quand on est au corps-à-corps, ce qui fait qu’on peut les pousser à se suicider…
Proposant 3 grandes classes elles-mêmes déclinées en 6 versions chacune, l’ambition est là encore affichée mais l’équilibrage est loin d’être parfait. Être un archer dans un jeu qui n’arrête pas de faire apparaître les ennemis juste devant toi sans que tu puisses les combattre à distance au préalable, ce n’est pas très malin. Être un chevalier immunisé à la paralysie que l’on rencontre très fréquemment et débarrassé du problème de réparation qui peut vite faire perdre pas mal de temps de jeu, c’est très confortable. Je me demande bien quelle classe je vais choisir… Bien sûr, le modding est déjà de la partie et le mod New Classes apporte plusieurs réponses, mais je ne parlerai ici que du jeu de base, sans mod.
Si les donjons de la trame principale sont relativement bien élaborés et auraient largement pu se suffire en eux-mêmes, les quêtes d’artefact, essentielles pour optimiser son style de jeu, souffrent grandement du système de donjons aléatoires au level-design essentiellement composé de couloirs interminables, de phases de plates-formes pour déboucher sur des impasses ou des salles vides… et le manque d’indications sur la carte peut demander qu’un même étage soit parcouru intégralement plusieurs fois pour y trouver l’item clef nécessaire pour poursuivre la quête qui se fait sentir beaucoup plus longue que nécessaire.
L’aspect addictif de récupérer des loots et de gagner en niveau est assez mal géré sur la durée puisqu’on gagne énormément en début de partie et après quelques heures de jeu la progression du personnage devient très lente avec les passages de niveau qui demande des heures de jeu, des loots souvent moins qualitatifs que ceux du tout premier donjon… De plus, le butin aléatoire demande de sauvegarder la partie avant d’ouvrir le loot jusqu’à trouver l’un des meilleurs butins possibles, même raisonnement pour les statistiques à la création de personnage mais aussi à la montée de chaque niveau avec de très importants écarts entre 2 jets, encore du temps de jeu rébarbatif.
Entre quelques bugs de collision pouvant nous bloquer indéfiniment dans le décor et le jeu qui peut planter occasionnellement, l’expérience n’en est que plus laborieuse, même si c’est au moins limité par la générosité pour les blocs de sauvegarde distincts. Par ailleurs, les énigmes sous forme de devinettes sont assez faciles dans l’ensemble, même si on en trouvera toujours une ou deux tirées par les cheveux, elles apportent un petit quelque chose pour marquer un peu plus par une phase de jeu originale les moments clefs de la progression dans l’aventure, sans plus. Le gameplay n’est donc clairement pas suffisamment abouti et sans doute trop ambitieux à ce stade, et ce n’est pourtant que le début des problèmes.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★☆☆☆☆☆
On ne va pas y aller par quatre chemins, la réalisation native, entendez par là avant mods, de The Elder Scrolls Arena est une catastrophe. Framerate calamiteux, textures très grossières, faible distance d’affichage… c’est bien simple, rien ne va. Et là je ne parle que du visuel, ne sachant jouer qu’un son à la fois, le mixage sonore peut facilement rencontrer quelques soucis également avec des sons manquants. Ce n’est quand même pas terrible, surtout quand c’est au détriment du gameplay qui n’avait pas besoin de handicaps supplémentaires.
Je vais être très clair, il m’a été impossible d’y jouer plus de 10 heures sans mods pour corriger ces problèmes tellement ça finissait par me donner mal à la tête. Je n’ai pas eu envie de m’arrêter à ça mais si les mods n’existaient pas, j’aurais clairement abandonné le jeu et c’est quand même sacrément alarmant. Comme pour le gameplay, si tu ne sais pas encore maîtriser une formule très ambitieuse, tu rétrécis les choses pour mieux soigner le travail et rendre une copie à peu près présentable afin de pouvoir profiter des qualités artistiques, car là aussi il y a de belles promesses.
Les environnements profitent d’une direction artistique très notable, Morrowind sous les cendres avec son volcan en arrière-plan, Rihad et ses cactus et palmiers sous le soleil rayonnant… sous un cycle jour/nuit très réussi alors qu’en intérieur les différents motifs des étages de donjons permettent de leur dégager un minimum d’identité visuelle. Le chara-design de notre protagoniste est assez soigné avec la quantité de portraits possibles à la création du personnage et le fond d’écran du menu en fonction de la région d’origine. Et si les skins sont recyclés à outrance pour les PNJ, ils restent assez soignés dans leur design avec pas mal de détails et d’animations (l’orbe au bout du sceptre du magicien ne cessant de tourner, le forgeron battant sans arrêt le fer duquel jaillit des étincelles…).
La seule chose que je pourrais reprocher à cette direction artistique c’est qu’avec des orcs, des squelettes, des araignées géantes, des loups, ou encore des bandits, on ne peut pas dire que le bestiaire soit très original ou soigné. On pourra tout de même se consoler en se disant qu’il a le mérite d’être assez riche et pleinement cohérent avec l’univers. Une fois qu’on mêle les mods corrigeant les soucis techniques avec cette direction artistique originale, l’expérience visuelle est plutôt satisfaisante, mais encore une fois, je juge ici sans les mods.
Cependant, l’OST et les bruitages font le travail sans être particulièrement notables, donc même en corrigeant le problème technique du mixage sonore avec le modding, là le travail original n’est pas aussi prometteur que le reste. Ce n’est pas bien grave mais ça n’incite pas non plus à être davantage clément à ce stade de la critique. The Elder Scrolls Arena a ça de curieux que ce sur quoi il y aurait peut-être le moins de choses à dire serait peut-être ce qu’il réussit le mieux : son scénario et sa narration.
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆
L’épisode instaure des schémas narratifs emblématiques de la franchise et cela dès le début consistant à s’échapper d’une prison dans laquelle nous n’avons pas notre place ou même encore avant ça. Il est assez intéressant pour l’immersion de proposer l’attribution d’une classe en fonction des réponses à un questionnaire sur la personnalité que l’on pense donner à notre avatar, d’autant que ces questions sont suffisamment nombreuses pour s’offrir le luxe de varier d’une création de classe à une autre.
Mais si je dois être exigeant je dirais aussi que c’est maladroit puisque l’équilibrage modifie très fortement la qualité de l’expérience de jeu selon la classe, par conséquent mêler ce choix ludique à un choix narratif n’était pas la meilleure idée à cause des problèmes mentionnés plus tôt. D’autant qu’il n’y aura pas de choix scénaristiques à faire par la suite, ça peut donc aussi faire l’effet d’une poudre aux yeux, mais l’idée en soi est plaisante et présente dès ce premier opus, gardons-en cette petite note positive.
Pour l’intrigue en elle-même, si les personnages principaux, alliés ou antagonistes, qui nous interpellent en rêve au fur et à mesure de notre progression sont assez simplistes dans leur traitement, gentille magicienne et méchant sorcier, ça a le mérite d’être parfaitement clair et de suivre sans mal. Ça manque peut-être de quelques ennemis secondaires au service du sorcier, parce que ses serviteurs, soit des mobs parfaitement classiques, qu’il envoie à chaque fin de donjon principal, c’est un peu ridicule, mais ça fait le travail.
La plus grande force narrative ça serait à mon sens que le jeu invite réellement à explorer et discuter avec tous les PNJ pour obtenir les indications permettant de trouver les bâtiments utiles, de débloquer des quêtes… le seul problème c’est que ça finit en indigestion tellement il y en a des tonnes et qui finissent quand même par raconter la même chose. Donc même si je suis un peu moins négatif en parlant de scénario et de narration, là non plus ce n’est franchement pas suffisamment abouti ce qui ne peut qu’amener cette note finale bien basse, à mon grand regret.
CONCLUSION : ★★★★★☆☆☆☆☆
Si l’on se débarrasse des problèmes techniques et d’équilibrage par le modding et que l’on se concentre pleinement sur la trame principale sans chercher à faire le jeu à 100 %, The Elder Scrolls Arena peut prétendre au rang de bon RPG occidental de son époque. Mais en l’état, c’est un jeu bien trop bancal en raison de sa réalisation catastrophique et de ses problèmes d’équilibrage qui plombent une expérience de jeu qui parvient malgré tout à faire apparaître des promesses qui ne demandent qu’à être sublimées.