(Test originellement publié le 5 décembre 2016 sur GameHope.com)


Il est revenu de loin le fameux The Last Guardian : après un développement débuté en 2007 sur PS3, suivi d'un premier trailer en 2009, le départ en 2011 du game director Fumito Ueda de l'équipe de développement pour se mettre en freelance... Il aura fallu attendre 2015 pour avoir de nouvelles images du jeu par le biais d'une présentation de gameplay PS4 à l'E3. Le développement avait l'air d'être chaotique pour le troisième jeu de la "trilogie" Ico, mais est-ce que ça se ressent dans le produit fini ? Réponse dans ce test sans spoilers !


Il y avait de quoi perdre espoir : longtemps considéré comme une arlésienne qui ne verrait jamais le jour, The Last Guardian a été en développement pendant presque 9 ans (sûrement par intermittences), soit deux fois plus longtemps que ses aînés Ico et Shadow of the Colossus qui avaient chacun demandé 4 ans de développement sur PS2. Le jeu est alors passé, auprès du grand public, du jeu "exclu incontournable" à un jeu qui a perdu de sa hype dans les derniers mois avant la sortie. Mais il sort dans quelques jours, et nous avons déjà pu le parcourir pour vos beaux yeux afin de vous guider dans vos achats de Noël. C'est pas beau ça ?



Tu aimes le Trico mon garçon ?



Le titre a bien évidemment une grosse emphase sur le scénario, mais nous allons éviter tout spoil pour éviter de vous gâcher la surprise. Mais The Last Guardian, pour ceux qui ne le savent pas encore, conte l'histoire d'une aventure et d'une relation entre un petit garçon et une grande bestiole, un Trico. Pour éviter d'aller plus loin, on va donc rester sur des généralités sur le jeu et se concentrer sur comment il structure son récit : ce qui est certain, c'est qu'il reste dans le minimalisme et va directement dans le cœur du sujet, à l'instar de ses prédécesseurs Ico et Shadow of the Colossus.


En effet, ici, pas de cinématique d'introduction ou de tutoriel de 40 minutes pour vous exposer les personnages ou l'univers, puisqu'on commence très rapidement avec du gameplay et on vous donnera les informations nécessaires au fur et à mesure de votre progression dans le jeu. Ce n'est pas pour autant que vous n'aurez pas droit à un petit lot de cinématiques, mais celles-ci restent rares pour privilégier une narration par le biais du gameplay. D'ailleurs, contrairement aux jeux précédents de Fumito Ueda, elle passe aussi par le biais d'un narrateur parlant dans une langue inventée mais aux sonorités japonaises, soit pour vous exposer brièvement les sentiments du protagoniste, soit pour vous donner des indices pour progresser dans votre aventure.


Le scénario reste globalement très efficace, peut se révéler touchant et se dévoile au compte-gouttes pour le plus grand plaisir du joueur. Pas d'artifices, le jeu se veut humble avec une narration subtile, et ça fait plaisir d'avoir quelque chose de plus "mature", de plus calme que certains gros jeux sortis récemment. C'est un véritable bol d'air frais, et on accompagne avec plaisir les deux personnages jusqu'au bout de leur périple, qui alterne entre phases de puzzle et phases un peu plus orientées "action" (rappelant un certain Uncharted par moments). Bien évidemment, l'expérience sera différente d'un joueur à l'autre, et notamment parce que le gameplay va parfois aller un peu à contresens de tout ça.



Teurecooooooooo !



Si le jeu accorde beaucoup d'importance à sa narration, il accorde aussi beaucoup d'importance à son gameplay, mais ce dernier n'est pas pour autant exempt de défauts : selon les dires de Shuhei Yoshida, président de Sony Worldwide Studios, la présentation de gameplay de l'E3 2015 n'était pas "en direct" mais était pré-enregistrée parce que "les comportements de Trico seraient un peu aléatoires et impacteraient la démonstration". C'est quelque chose qui n'a visiblement pas été assez corrigé parce que même à la sortie, il y a apparemment encore des problèmes de ce côté-là.


En effet, si au début du jeu on apprend à maîtriser quelques interactions avec Trico, on pourra le pousser à faire des actions spécifiques au bout d'un bon tiers du jeu : "va dans cette direction", "saute", "descends", "pousse", etc. Cependant, certaines actions se confondent dans quelques cas : imaginez qu'il y a une plate-forme à atteindre de l'autre côté d'un précipice, et vous serez enclin à utiliser la commande "saute" pour aller de l'autre côté, mais il faut en fait utiliser la commande "va dans cette direction". Ces petites imprécisions vont parfois vous frustrer parce que vous aurez essayé la commande "logique", sans succès, pour ensuite essayer toutes les autres commandes. Sauf que, parfois, la bestiole ne comprend pas tout à fait ce que vous voulez, ce qui ajoute de la frustration (je me suis surpris plusieurs fois à dire "mais bordel il est con ce chat !"), et vous pouvez rester bloqué dans une zone pendant une bonne demi-heure, voire une heure.


Le second problème vient du level-design, qui est pourtant un digne héritier de ses prédécesseurs dans ses points positifs mais aussi dans ses points négatifs (tirant ainsi beaucoup plus d'Ico que de Shadow of the Colossus) : comme dit précédemment, vous pouvez rester dans une zone pendant un bon bout de temps parce que vous n'arrivez pas à trouver l'action suivante à effectuer, mais aussi parce que vous n'arrivez pas à voir là où vous pouvez aller dans le décor. Le level-design est intuitif, mais parfois un peu trop obscur et vous pouvez vous retrouver à dire "ah mais je peux faire ça en fait ?!" après une suite d'expérimentations improbables dans l'espoir où ça fonctionne. Du coup, est-ce que The Last Guardian est une métaphore de la vie ? Rien n'est moins sûr.



A mi-chemin entre Ico et Shadow of the Colossus



Ce qui est sûr, c'est que le jeu est vraiment dans la continuité des jeux précédents de Fumito Ueda, avec un mélange réussi entre Ico et Shadow of the Colossus, mais où les situations s'inversent. En effet, lors des rencontres avec des ennemis, le personnage que vous incarnez s'assimile plus à Yorda d'Ico, puisque vous serez presque impuissant face à eux et ce sera à Trico de vous défendre. De même, vous allez devoir escalader la bestiole assez régulièrement comme dans Shadow of the Colossus, mais ici dans le but d'extraire les lances envoyées par les ennemis ou pour tout simplement franchir certains obstacles. D'ailleurs, vous n'aurez pas de jauge de stamina pour l'escalade comme dans le jeu précédent, donc à vous l'escalade sans stress et à l'infini !


Cependant, cette auto-référence s'arrête là puisque le jeu ne possède pas vraiment de rejouabilité. Pour rappel, dans Ico, refaire le jeu une seconde fois vous permettait d'avoir des sous-titres compréhensibles lors des cinématiques (ceux-ci étaient "cryptés" lors du premier run) et certaines zones du jeu étaient un peu cachées et comportaient des petits easter eggs sympathiques. Dans Shadow of the Colossus, vous aviez droit à un new game plus où votre jauge de *stamin*a s'accumulait au fil des parties afin de vous permettre d'atteindre des zones secrètes. Mais là, ni collectibles, ni intérêt visible pour un new game plus, si ce n'est pour obtenir tous les trophées du jeu (dont beaucoup sont axés sur quelques easter eggs).


C'est un peu dommage pour un jeu que l'on termine en une douzaine d'heures lors de sa première partie, donc comptez un peu moins d'une dizaine d'heures si vous décidez de faire le jeu une seconde fois. En tous cas, une chose est sûre, le jeu reste accessible à n'importe qui n'ayant fait ni Ico ni Shadow of the Colossus mais il ne s'adresse pas forcément aux amateurs frustrés au moindre blocage. Par ailleurs, The Last Guardian hérite aussi de problèmes de caméra sortis tout droit des jeux PS2, puisque celle-ci va se bloquer régulièrement dans le décor, sans pour autant être un problème majeur.



Une vraie beauté tachée de défauts



Mais le jeu arrive quand même à sublimer l'expérience du joueur grâce à une bande-son très réussie, presque un peu hollywoodienne, avec un mélange de violon et de piano qui sied parfaitement à l'univers du jeu. Certains thèmes risquent de vous marquer, même s'ils peuvent paraître un peu "faciles" de temps à autres (l'un d'entre eux reprend presque la même suite d'accords que le thème principal du film Prometheus), mais ils restent globalement bien efficaces et ne sont pas trop présents afin de rester dans la subtilité des autres aspects du jeu. Le reste du paysage audio (bruitages, voix) arrive très bien à prendre le relais lorsqu'il n'y a pas de musique et permet de poser encore plus l'univers du jeu pour renforcer les visuels.


Le jeu a également droit à une très jolie direction artistique, dans la continuité des jeux de Fumito Ueda, avec des couleurs pastels majoritairement teintées de vert et de bleu pâles, et des graphismes très propres : les décors sont imposants et les textures sont détaillées, le plumage de Trico et les touffes d'herbes ont l'air de répondre au vent... Et pour cause, le jeu est cette fois-ci doté d'un moteur physique, pour le meilleur et pour le pire. En effet, le bonhomme qu'on contrôle se retrouve régulièrement à avoir un comportement de chewing-gum lorsqu'il est accroché à Trico, ce qui fait malheureusement sourire le joueur malgré lui.


Mais le plus gros problème du jeu au niveau de ses graphismes reste quand même son framerate assez instable au lancement, puisque la fluidité prend un coup lors de certains passages : le jeu vise les 30 images par seconde, mais il se retrouve très régulièrement à 20 images et peut baisser jusqu'à 5 ou 10 lorsque les graphismes sont lourds à afficher. Même si ce n'est pas quelque chose qui entache vraiment l'expérience globale, c'est assez présent pour être signalé. De même, le personnage que l'on contrôle a une légère latence au niveau des commandes (quelque chose d'assez subtil), donc ça demandera un petit temps d'adaptation avant de pouvoir les maîtriser totalement. C'est probablement quelque chose qui sera atténué par le biais de mises à jour, mais c'est dommage de retrouver ces problèmes à la sortie du jeu.



Conclusion



On reste quand même sur de très bonnes impressions sur The Last Guardian : le jeu est atypique dans le paysage vidéoludique, avec une narration subtile, une direction artistique réussie et une bande-son efficace. Cependant, il n'est pas exempt de défauts, avec un level-design un peu problématique par moments, un framerate instable et une rejouabilité au ras des pâquerettes. Comme toute œuvre, The Last Guardian est imparfait, pour autant il reste mémorable et, d'ici quelques années, je me souviendrai toujours de l'aventure vécue avec Trico et j'en parlerai avec plaisir.

Ratchetlombax
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le 8 déc. 2016

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