Sorti depuis quelques années, la Gameboy se devait de se doter d’un jeu Zelda pour être portée comme il se doit par Nintendo, Takashi Tezuka poursuit ainsi son travail pour la première fois sur cette console. Pour l’anecdote personnelle, Link's Awakening est l'un des tous premiers jeux vidéo auxquels j'ai joué et si je n’ai malheureusement pas eu la patience d’aller bien loin étant jeune, sa redécouverte bien plus tard fut pour moi un immense plaisir et l’occasion de rédiger cette critique. Je vous propose l’écoute de ce remix onirique de la ballade du Poisson-Rêve pendant la lecture.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★★☆



Si l’on pouvait craindre du support Gameboy une large régression des mécaniques de jeu au profit d’un gameplay plus simplifié et adapté au faible nombre de touches sur la machine, The Legend of Zelda Link’s Awakening parvient à reprendre le gameplay de A Link to the Past avec une virtuosité impressionnante, quasiment aussi riche, parfois même meilleur, avec 3 fois moins de touches et des capacités techniques inférieures, un tour de force plus qu’impressionnant. La liberté totale de l’action attribuée à chacune des deux touches permet d’ailleurs des combinaisons amusantes et ingénieuses qui laissent place à une certaine expérimentation du joueur.


Beaucoup d’éléments de gameplay se retrouvent ainsi disséminées au cours de l’aventure, mais dans le désordre, avec des variantes et des nouveautés, à l’image de la map du jeu qui reprend la structure générale de celle de Zelda 3 sans pour autant la recopier bêtement. Certaines zones seront peut-être un peu plus petites que d’autres si on voulait pinailler mais franchement je ne trouve pas que ce soit un problème. Elles présentent toutes des ennemis et des situations de jeu qui leur sont spécifiques avec toujours en tête le compromis entre reprendre les meilleurs idées des épisodes précédents tout en y ajoutant celles propres au jeu.


La possibilité de sauter, et très tôt dans le jeu, apporte une dimension dynamique aux combats très intéressante en offrant la possibilité d’esquiver les attaques et les ennemis avec style et talent. Ce saut est d’ailleurs avec différentes intensités, la possibilité de contrôler assez librement Link pendant le saut en terme de direction mais aussi d’action… c’est une mécanique de jeu aussi inédite, prometteuse que complète. Il existe différentes manières d’affronter les très nombreux boss et demi-boss, on peut aussi bien se faciliter grandement la vie que de s’imposer de vrais petits challenges, une liberté assez rare dans les jeux Zelda. Le retour aux phases en 2D mal aimées de Zelda 2 est également parfaitement maîtrisé ici avec des phases de plates-formes très honnêtes.


On retrouve une ergonomie très optimisée, retourner dans le menu se fait par exemple avec le curseur placé sur l’emplacement où on l’avait laissé si ça n’a l’air de rien dit comme ça, vu le nombre d’allers-retours, parfaitement inévitables, c’est un sacré confort au bout du compte. La seule faute d’ergonomie que je relèverai c’est le bloc de texte un peu long qui va apparaître à répétition et ralentir le rythme pour t’expliquer par exemple que tu peux casser, fondre ou soulever tel obstacle à son toucher, des messages de tutoriel qui n’ont pas besoin d’être répétées aussi souvent. Si la difficulté a été revue à la baisse, je trouve qu’elle est très bien maîtrisée et je préfère une difficulté moins élevée mais mois de possibilités de soins à farmer que le contraire, c’est-à-dire le système de A Link to the Past.


De la même manière, je trouve que les énigmes dans les phases d’exploration sont toujours aussi présentes et élaborées tout en étant mieux réparties entre celles qui sont obligatoires et celles qui sont facultatives, les secondes étant plus difficiles que les premières en général. Il est juste dommage que l’accès au boss final soit si cryptique, c’est la seule fois où le jeu s’avère excessivement complexe dans son exploration obligatoire. L’ouverture du monde explorable est bien progressive et tout a été pensé pour amener subtilement le joueur aux différents scriptes du jeu. La map aide bien à se repérer en ne se révélant que suite à nos déplacements et en indiquant des informations textuelles pour chaque tableau présentant une particularité, la boussole fournit plus d’indications dans les donjons…


Chaque donjon présente d’ailleurs une cohérence exemplaire entre l’item qu’il recèle, les obstacles qu’il contient et le boss qui le conclut. On retrouve ce game-design très scolaire mais très maîtrisé et efficace de générer de la frustration à l’idée de voir un obstacle infranchissable pour être soulagé de débloquer l’item résolvant le problème et l’exploration du donjon prend alors 2 niveaux de lecture, avant et après le déblocage de l’item, tout en familiarisant le jour à l’utilisation de l’item avant que le boss nous évalue avant que l’on retourne dans le monde avec de nouvelles possibilités et idées. En somme, la reprise des forces du game-design précédant sous une forme encore plus maîtrisée, les innovations brillantes insufflées ici et là, l’optimisation extra-ordinaire du support



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★☆



Si le noir & blanc pourrait rapidement être une catastrophe pour témoigner de la vie et de la magie digne d’un The Legend of Zelda, alors qu’on venait de voir comment la palette de couleurs de la SNES faisait des merveilles pour A Link to the Past, Link’s Awakening est parfaitement irréprochable sur son rendu visuel avec un univers onirique merveilleusement retranscrit aux environnements bien distincts, malgré cette limitation de couleurs. Le monochrome lui va tellement bien que je préfère cette version sur le plan visuel à sa remastérisation en couleur sur la Gameboy Color : Link’s Awakening DX.


Les capacités techniques de la Gameboy sont savamment exploitées pour reproduire certaines animations de la SNES, des petits détails comme la traînée quand on sprinte ou des plus gros comme quand il faut dégommer des piliers pour faire s'écrouler une tour, le niveau d’éclairage dynamique… je ne pensais pas que la Gameboy pouvait gérer tout ça. Il y a pas mal de sprites différents plutôt détaillés, PNJ, mobs comme boss, sans problèmes de clignotements comme ça pouvait si souvent être le cas sur cette console, je ne pense pas que les développeurs pouvaient faire bien mieux sur Gameboy.


Les quelques compromis techniques réalisés, car il faut bien qu’il y en ai en toute logique, sont très discrets, comme le retour à un système de tableaux sans scrolling et donc de plus petite taille, absolument rien de gênant à ça. La réussite visuelle du titre dépasse de très loin ce que l’on pouvait espérer et confirme ainsi la saga comme étant un fer de lance pour démontrer la puissance de ses consoles respectives. Mais si d’un point de vue visuel le titre s’en sort si bien, c’est également le cas d’un point de vue sonore.


L’OST, signée par les deux compositrices Kozue Ishikawa et Minako Hamano, jusqu’ici inconnues et hors de la franchise, est tout simplement grandiose. On retrouve une ambition folle avec un thème musical par donjon pour la première fois de la saga, beaucoup plus de musiques intra-diégétiques et beaucoup plus implémentées dans l’intrigue et dans le gameplay, la mélodie du poisson-rêve qui se retrouve partiellement dans d’autres thèmes pour donner un fil rouge musical à cet ensemble très riche…


Et encore une fois, on retrouve tout ça alors qu’on est sur la Gameboy. La seule petite fausse note, si je peux me permettre ce jeu de mot, vis-à-vis de la musique, c’est le thème qui se déclenche automatiquement quand on ramasse un boost temporaire qui n’est pas terrible et qui remplace le thème de l’environnement souvent bien meilleur. C’est le seul défaut que je peux trouver dans cette catégorie sur l’ensemble du jeu, ce qui est tout de même bien peu. Il n’y a que sur la partie scénaristique finalement que je ne serai pas si élogieux, et encore...



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆



Link’s Awakening est le premier jeu Zelda abandonnant le schéma scénaristique récurrent impliquant Link sauvant la princesse Zelda, recherchant la Triforce, combattant Ganon, plaçant l’action en Hyrule… pour mon plus grand plaisir. Non pas parce que ces éléments centraux et récurrents de Zelda n’ont aucun potentiel bien entendu, mais déjà parce que ça lui permet de s’assumer comme étant à part de la franchise principale, par ailleurs c’est l’occasion de développer une histoire plus originale, ce qui sera bien le cas ici.


Un bon exemple ça serait la présence d’un PNJ féminin qui semble simplement se substituer à Zelda en début d’aventure, qui est même confondue avec elle par Link, mais pour finalement remplir une fonction très différente. Le background du jeu est moins riche en informations et en détails, permettant ainsi d’ouvrir le jeu sur une cinématique d’introduction et non sur un long bloc de texte pour que tu y comprennes quelque-chose, pour une intrigue plus intimiste qu’à l’accoutumée.


Ça se ressent aussi sur le nombre de PNJ qui sont les plus impliqués dans l’intrigue, moins nombreux mais très distincts les uns des autres et contribuant à l’identité du titre, certains influenceront par ailleurs des personnages futurs récurrents comme le hibou. Leu excentricité un peu plus marquée permet vraiment de les rendre attachants et j’ai eu beaucoup plus d’émotions à les revoir un par un à l’épilogue que dans A Link to the Past où j’en avais oublié la moitié en toute franchise.


L'univers en lui-même est clairement bon enfant, de manière plus assumé que pour les premiers jeux de la série à mon sens, avec son village des animaux mignons et rigolos, cette jeune fille qui chante joyeusement, ce Chomp-Chomp bien agité mais tout gentil... C'est un univers qui a son identité, parsemé avec différents clins d’œil à d'autres jeux Nintendo, quelques touches d'humour, et ça sied très bien à la fois au côté spin-off du jeu et à son univers qui se doit d’être nécessairement excentrique pour coller à son concept.


Étonnamment, on retrouve des blagues assez irrévérencieuses pour un Zelda, mais toujours dans le ton bon enfant et burlesque du jeu, donc ça ne pose aucun problème. La version française est par ailleurs d’excellente qualité et je la trouve même meilleure que la version anglaise, the wind fish devenant par exemple le poisson-rêve, ce qui me paraît bien plus pertinent. Mêlant mélancolie et amusement, l’intrigue est aussi simple qu’efficace et si a en fait les limites, ça en fait aussi sa réussite.



CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆



The Legend of Zelda Link’s Awakening est à la fois le cas d’école de l’optimisation d’un game-design ambitieux sur une console nomade, de l’exploitation maximale des capacités techniques de sa machine pour le meilleur rendu visuel et sonore possible, de l’utilisation du rêve comme d’un enjeu scénaristique intimiste et émouvant... C’est le premier jeu Zelda à autant trouver grâce à mes yeux, et je ne pense sincèrement pas que c’est la nostalgie qui parle, en tout cas pas seulement.

damon8671
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le 17 août 2014

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