La publicité mensongère et le joueur aveuglé ? Peut-être pas à ce point-là !

Si Nippon Ichi Software est principalement connu pour la saga tactique Disgaea, ils sont aussi à l’origine de bien d’autres projets plus modestes comme c’est le cas pour le jeu dont il sera question au cours de cette critique. The Liar Princess & The Blind Prince se présente comme un jeu de réflexion à l’histoire de conte pour enfant avec une direction artistique crayonnée du plus bel effet, c’est clairement la promesse que j’ai ressenti en voyant son trailer et il reste à savoir si cette promesse est remplie, même en prenant en compte la modestie du projet. La critique étant longue, je vous propose l’écoute de Falling Ash Forest pendant la lecture.



SCENARIO / NARRATION : 6 / 10



The Liar Princess & The Blind Prince est donc l’histoire émouvante d’un enfant humain et d’une louve. Le premier est tombé amoureux de la voix de la seconde chantant de belles mélodies dans sa forêt, mais alors qu’il allait découvrir sa vraie nature la louve paniqua et rendit le jeune prince aveugle par accident. Rongée par la culpabilité, elle se lance dans une quête périlleuse pour l’accompagner jusqu’à une sorcière qui saura le guérir, en lui mentant sur ce qu’elle est et en se transformant en une jeune princesse pour l’approcher et gagner sa confiance.


Ce récit aux allures de conte pour enfant permet d’apporter beaucoup de charme à l’ambiance générale du titre, on le sentait déjà dans le trailer, mais est-il réellement intéressant ? Déjà, il y a une belle inversion des stéréotypes genrés, ce qui est toujours appréciable : c’est la fille qui est forte et le garçon qui est plutôt vulnérable, c’est le garçon qui est intéressé par les fleurs et la fille qui lui en amène pour lui faire plaisir… Mais le plus important c’est qu’on a une vraie complémentarité des personnages dans les phases de jeu pour casser l’archétype de base, qui serait juste inversé, et donc peu intéressant sinon.


Le scénario principal est assez plaisant à suivre à mon goût mais il est assez classique et même un peu basique, et surtout il est ponctué de péripéties intermédiaires assez inégales en qualité. Certaines sont intéressantes en soi et apportent un prétexte à l’évolution de la relation entre nos deux protagonistes, d’autres semblent juste là pour prolonger artificiellement un récit bien court en réalité. L’écriture des personnages secondaires n’est pas toujours au rendez-vous et ça montre qu’au delà d’une bonne idée de base, le scénario ne peut pas compter sur grand-chose d’autre pour être porté.


Parfois, le jeu essaye de lier une phase de jeu à une phase narrative, mais ce n’est pas très maîtrisé. Par exemple, un pont un peu bancal se dresse devant les deux persos, j’avance en laissant le prince à l’arrière pour étudier ça et là ça s’enchaîne sur une cinématique où le jeu a considéré que les deux persos étaient sur le pont, ce qui est incohérent. Ça n’a l’air de rien mais c’est à ce genre de détail que je vois que la narration non plus n’était pas parfaitement aboutie et que tout relève un peu de l’amateurisme, sans doute bien intentionnée et avec de bonnes idées, mais de l’amateurisme tout de même.


Tout ça n’est pas bien grave puisqu’il y a tout de même des forces à ce scénario et que ses écueils ne sont pas bien méchants, mais on est quand même face à un jeu dont la petite promotion a mis en avant cet univers, ces choix… et ne pas les voir si bons que ça, c’est assez regrettable dans un titre qui n’a pas tant de bons points à faire valoir pour compenser. Mais avant de s’attaquer au cœur du problème empêchant le jeu d’être au moins une petite réussite pour moi, parlons de la réalisation et de l’esthétisme.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 7 / 10



La direction artistique est sans doute la plus grande force du titre, le jeu lui-même est issu d’un concours artistique annuel du studio duquel étaient déjà ressortis des titres à l’esthétisme original et réussi. C’était peut-être la plus grande ambition du jeu et elle a été très bien assumée. Les décors dessinés à la main aux couleurs dominantes très marquées marquent vraiment par leur niveau de détails et c’est toujours un plaisir de découvrir un nouvel environnement dans le titre, à tel point que ça devenait même l’une de mes principales sources de motivation pour continuer dans les moments les plus frustrants, mais ça on y reviendra.


Le chara-design des personnages principaux est aussi travaillé, j’adore le design de princesse de la louve ou encore celui de la sorcière. Ça s’inscrit parfaitement dans le style d’univers que le jeu a adopté tout en étant un petit peu sombre et original, parce qu’il faut bien admettre que ce type de personnage est très caricatural pour ce type d’univers justement et le risque était de proposer la même chose que partout ailleurs, ce n’est pas le cas ici. Il y avait assez peu de personnages principaux en même temps, donc le défi n’était pas si difficile à relever que ça, mais ça reste une des qualités visuelles du jeu.


Si l’on peut voir un soin accordé sur ces décors, chara-design et quelques autres éléments visuels, comme l’animation des personnages qui se mettent à sourire lorsqu’ils se tiennent par la main, il y a quelques limites à ce potentiel. Déjà, il y a assez peu de mouvement à l’écran, il y a toujours un élément en lien avec la thématique environnementale qui va être présent et dynamique mais c’est sur lui que reposera tout le mouvement en dehors des personnages, comme des feuilles qui tombent en pleine forêt. Les décors sont très statiques dans l’ensemble et ça manque un peu de vie.


Un autre détail, cette fois-ci plus technique et pas terrible, ça serait la gestion dynamique de la lumière qui est assez peu présente mais qui est surtout très austère quand elle apparaît avec un passage abrupte d’un contraste à l’autre et un petit effet d’escalier sur la délimitation bien marquée. Il est à noter aussi que le design des ennemis et personnages secondaires est peut-être plus générique ou moins travaillé dans l’ensemble et que leurs animations peuvent être aussi très peu décomposées, ce qui contraste avec le très bon travail sur les personnages principaux.


Pour terminer sur une note plus positive, qui justifiera aussi la sous-note assez bonne de cette sous-catégorie, l’OST est une bonne petite surprise. Composée par un petit groupe de compositeurs sans expérience particulièrement notable dans le milieu du jeu vidéo, elles arrivent assez bien à retranscrire l’aspect contemplatif de l’expérience et même ses petits moments épiques. Leur seule limite se situe dans leur utilisation en boucle sur tout un monde, une meilleure répartition ou quelques pistes ou variations de plus aurait été préférable, l’OST ne faisant que 25 minutes. Passons maintenant à la dernière catégorie et celle pour laquelle je serai le plus méchant.



GAMEPLAY / CONTENU : 5 / 10



Si l’on peut craindre qu’un principe d’escort sur tout un jeu soit une mauvaise idée tant ces phases peuvent être ratées ou au moins mal représentées ailleurs, le jeu ne manque pas d’idées pour compenser le problème. La forme louve du personnage jouable permet bien des mouvements assez puissants et la forme humaine offre la possibilité de donner des ordres au personnage escorté pour qu’il se rende utile et débloque des situations que la louve ne peut résoudre seule. Non seulement, ça sert la narration comme on l’a vu plus tôt mais en plus ça permet d’apporter un peu de variété aux situations de jeu.


Parce que j’avoue qu’au début de l’aventure j’avais vraiment peur qu’on ait que des combats basiques, avec une seule touche d’attaque, et que toute la difficulté viendrait du fait de garder un œil sur le prince et d’avancer lentement sans prendre de risques. Finalement, le jeu tombe parfois dans cet écueil mais le plus souvent il met en place des situations de jeu plus élaborées et recherchées. Reste à savoir par contre si celles-ci sont réussies et là c’est peut-être un peu plus compliqué d’être positif.


Les phases de plate-forme sont assez simples et reprennent efficacement des mécaniques d’autres jeux du genre mais elles peuvent s’avérer un peu frustrantes, notamment à cause de dégâts de chute assez méchants sous forme humaine. Le parti pris est en soit très défendable mais quelques imprécisions, notamment dû au contrôle de deux personnages simultanés, m’amènent à penser qu’il s’agit tout de même d’un défaut. Ajoutez à cela une gestion des collisions un peu brouillonne par moment et on se dit que le gameplay n’est pas très maîtrisé dans son ensemble.


Des problèmes peuvent aussi se retrouver dans les phases de réflexion du jeu, si quelques énigmes sont tout à fait sympathiques et bien pensées, quelques autres ne seront pas très logiques et peu intéressantes à résoudre. Ça se couple à des phases de Die & Retry gratuites, comme un ennemi masqué par le décor qui va en jaillir au dernier moment et comme on ne peut pas réagir vite en jeu on se coltinera de nouveau une phase de jeu élémentaire sans grand intérêt ou même une situation de jeu antérieure qui n’était pas suivie d’un checkpoint.


J’y vois un aveu d’échec dans ces checkpoints nombreux et pourtant pas toujours bien placés et également dans la possibilité pure et simple de passer les niveaux au bout d’un certain temps. Le niveau pour lequel je trouve les énigmes le plus illogiques mais en même temps les plus ambitieuses propose même dès son commencement un raccourci pour arriver à la fin du niveau. Les développeurs avouent complètement qu’ils ont essayé de faire du challenge mais qui n’ont pas toujours su le maîtriser et que ce n’est pas là que le jeu est le plus intéressant, ce que je trouve dommage quand on pense à sa faible durée de vie qui doit pouvoir l’en préserver.



CONCLUSION : 6 / 10



Au-delà de jolies promesses artistiques et scénaristiques pour lesquelles il peut avoir quelques bonnes idées et fulgurances appréciables, The Liar Princess & The Blind Prince échoue à proposer un jeu aussi complet et abouti qu’on pouvait l’espérer, même en prenant en compte la modestie du projet. C’est un petit peu décevant mais loin d’être catastrophique non plus et j’ai réussi à y passer suffisamment de bons moments pour ne pas regretter de l’avoir fait, mais peut-être pas assez pour vous le conseiller.

damon8671
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le 24 juil. 2019

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