Kris et tremblements

Dans la catégorie des beat-them-all / action-aventure oubliés, The Mark of Kri est peut-être l'un des plus reconnus. Et il fait partie de ceux qui ont essayé des nouvelles mécaniques durant la sombre période de la transition vers la 3D des beat-them-all, avant qu'un certain God of War vienne définitivement imposer ses règles pour les nombreuses années à venir.

Comme beaucoup de jeux PS2 de cette époque, The Mark of Kri n'est pas un jeu particulièrement accessible, et il vaut mieux l'attaquer avec pour volonté d'explorer l'histoire du jeu vidéo plutôt qu'à des fins d'amusement, au risque de s'y casser les dents.

Alors. Vous incarnez Rau, un guerrier polynésien qu'il vaut mieux ne pas trop emmerder, et qui devra dans un premier temps protéger son entourage de vilains bandits, puis rapidement répondre à sa destinée et faire face au mal, tout ça tout ça. Déjà le cadre du jeu est plutôt original, et propose une ambiance particulière, en restant très peu ouvert sur son univers, mais insistant plutôt sur l'aspect mythique de l'aventure que vous allez vivre. Le jeu est entièrement doublé en français, et les narrations sont de qualité. Côté graphisme, le jeu n'est franchement pas très beau, mais la direction artistique solide rattrape le tout. Chaque mission est en plus entrecoupée de séquences en "speed drawing" très jolies.

Fait amusant, le jeu à sa sortie a été directement catalogué comme un "jeu violent", étant donné qu'il est possible d'assassiner ses ennemis par empalement ou décapitation. Une violence qui fait sourire quand on voit les productions actuelles, d'autant qu'ici il n'y a même pas de sang (censuré peut-être ?). En tout cas, The Mark of Kri propose une histoire plutôt sombre, et il est d'ailleurs difficile de s'attacher à Rau, tant il n'a effectivement aucune pitié pour ceux qui se mettent sur son chemin.

C'est au niveau du gameplay que le jeu se démarque, et constitue je trouve une sorte d'ébauche de ce que seront plus tard des jeux comme les Batman: Arkham. Le jeu met l'accent sur les combats contre plusieurs ennemis en même temps, et il sera nécessaire de cibler les ennemis qui vous entourent avec le joystick droit avant de les attaquer. Avec l'épée de base, vous pourrez cibler jusqu'à trois ennemis en même temps, qui correspondront chacun à un bouton de la manette (croix, rond, carré). En appuyant sur le bouton correspondant, vous attaquerez l'ennemi ciblé, à condition qu'il soit à portée d'attaque, sinon Rau se déplacera vers lui. Il faut donc bien gérer les distances et le nombre d'ennemis pour pouvoir espérer s'en sortir, d'autant qu'il n'y a pas de système de contre, et que la garde a ses limites. Petit plus, si un ennemi est vaincu, son ciblage disparaît et vous redonne donc un bouton de disponible pour faire des combos sur les ennemis restants. Sur le papier, ce système est intéressant ; en pratique, ça marche bien, sauf pour le déplacement de Rau lorsqu'il cible un ennemi, qui est vraiment galère. Il y a aussi parfois une sensation de faire un peu n'importe quoi en attaquant, les combos étant dur à sortir.

Une autre composante essentielle du jeu est le système d'infiltration. Ça paraît dérisoire aujourd’hui étant donné que Assassin's Creed a grandement popularisé les mécaniques classiques d'infiltration, mais à l'époque, le système devait être assez surprenant. Il vous sera vite possible d'assassiner les ennemis par derrière, en leur sautant dessus, derrière un mur, et surtout grâce à l'arc à coup de flèches dans la boîte crânienne. Et vue la difficulté des combats dans certaines missions, vous avez intérêt à progressez en silence. En plus de ça, vous pourrez ordonner à l'aigle qui vous accompagne d'aller se poser à des endroits stratégiques pour observer par son regard les situations qui vous attendent. L'aigle pourra même provoquer des distractions pour rendre les ennemis vulnérables à un assassinat. Hmm, une mécanique qui me rappelle quelque chose tiens...

Pour finir, il faut parler un peu de la progression du jeu. Il n'y a que six missions, dont la première qui est un gros tutoriel, et la dernière qui est je trouve un peu ratée et où il suffit de courir sans s'arrêter jusqu'à la fin. Les quatre missions restantes sont toutes assez longues (si toutefois vous jouez la carte de l'infiltration) et ont un excellent level design. Le jeu est plutôt difficile, mais il se termine en 8 à 10h pour un joueur expérimenté. A noter que chaque mission propose des défis à compléter, qui débloquent des arènes, qui débloquent des cheats codes, des tenues et des artworks.

Bref, The Mark of Kri est intéressant à découvrir aujourd'hui, même si il faut bien avouer qu'il a plutôt mal vieilli. Sa jouabilité notamment en rebutera plus d'un. Il constitue malgré tout une illustration de ce qu'était le beat-them-all avant l'arrivé du dieu de la guerre.