Comme beaucoup de développeurs historiques, SEGA a une foultitude de licences qui dorment dans ses cartons depuis plusieurs années. Pourtant, si tout le monde vous citera spontanément NiGHTS, Jet Set Radio ou Golden Axe pour illustrer ce concept, il y a une série qui a fait grand bruit au moment du lancement de la DS, au point que même les enfants de moins de 10 ans la connaissaient à l'époque : Project Rub.
Pour une fois, on ne pourra donc pas dire que la mise dans le coma de la licence est due à un mauvais marketing, Project Rub était quasiment partout : à la télé, en tête de gondole, dans les magazines (parfois orientés jeunesse)... Il fait dire qu'un jeu qui se vend comme un simulateur de drague exploitant à fond l'écran tactile d'une console prisée des enfants a de quoi défier l'imagination des joueurs et des non-joueurs.
Fort de ce succès, SEGA a tout de suite mis en chantier un épisode 2, qui sortira à peine un an plus tard. Malheureusement, cette suite est beaucoup plus confidentielle que l'épisode précédent et semble s'être beaucoup moins bien vendue. La faute probablement à son changement de nom, Project Rub/Feel the Magic (son nom américain) a donc pour suite The Rub Rabbits dans toutes les régions. Si la connexion entre ces deux noms est faisable, surtout pour ceux qui ont fait le premier épisode (les Rub Rabbits étant une organisation alliée du joueur), elle reste source de confusion et peut faire penser à un simple plagiat. Même la police d'écriture utilisée pour le titre a changé !
Mais y a-t-il d'autres raisons à cet échec qui a entraîné la mort de la série ? Le jeu n'est peut-être tout simplement pas bon ?
Tout va dépendre de ce que vous attendez du jeu à vrai dire. Si vous espérez une compilation de mini-jeux survitaminés à la Wario Ware (les deux titres ont beaucoup été comparés à l'époque), vous risquez d'être déçu. La progression dans les deux jeux est assez différente : là où Wario alterne en permanence ses micro-jeux pour vous tenir en haleine, Project Rub a une approche plus classique et vous demande de faire ses mini-jeux 5 fois d'affilée, en proposant un cran de difficulté supplémentaire à chaque essai. C'est plus répétitif, voire frustrant quand une épreuve fonctionne mal.
En revanche, si vous voulez simplement goûter à une expérience Project Rub approfondie, The Rub Rabbits remplit son contrat à la perfection. Reprenant la formule du premier jeu, TRR propose deux fois plus de mini-jeux, le total passant de 18 à 38 épreuves. Il est d'ailleurs appréciable de constater qu'en-dehors de l'épreuve des taureaux (probablement la plus culte du premier épisode), tous les mini-jeux sont des nouveautés. Certaines épreuves vous demanderont même de tenir votre DS comme un livre voire de la mettre à l'envers, écran tactile vers le haut. De quoi casser la monotonie dans cette aventure plus longue !
D'ailleurs, les épreuves marchent mieux en général, bien qu'elles n'utilisent que le stylet, comme dans le premier jeu. J'ai le souvenir d'avoir buté contre 2 ou 3 mini-jeux qui prenaient difficilement mes inputs en compte dans le premier épisode, hors ici c'est vraiment rare. La seule épreuve qui m'ait posé problème au niveau de la prise en main est celle où on poursuit notre chérie dans une boule de neige. Malheureusement, celle-ci doit être faite deux fois (autrement dit, DIX FOIS !), ce qui est une grosse faute dans le rythme du jeu.
Je dois aussi faire remarquer que certains mini-jeux fonctionneraient mieux si on rajoutait des boutons dans les commandes. Typiquement, dans les jeux où il faut se déplacer de tableau en tableau (la recherche de la rose par exemple), ça irait bien plus vite d'utiliser la croix directionnelle que de déplacer sa main vers une flèche en bord de l'écran.
On note aussi la création d'un bouton pour skip une épreuve qu'on jugerait trop difficile. Cependant il n'est utilisable qu'une fois par partie, donc il vaut mieux être sûr de connaître les 37 autres pour ne pas se retrouver coincé comme un con. Je trouve que c'est assez radin de la part des développeurs qui auraient simplement pu proposer ce bouton après 5 ou 10 essais foirés par exemple.
Parce qu'on ne dirait pas comme ça, mais l'histoire est très intéressante à suivre. C'était déjà une force du premier Project Rub, qui dissimulait habilement une jolie histoire d'amour derrière son esthétique coquine. TRR repart donc sur ces bases et nous narre le combat du héros pour rencontrer son âme soeur...et surtout pour la garder ! Il sera confronté au cour de son aventure à 12 prétendants et à une autre fille beaucoup plus pot-de-colle. Les cinématiques étant montrées sous la forme de bandes dessinées, je vous laisse déterminer si cette histoire est un hommage à Scott Pilgrim (publié 2 ans plus tôt) ou non.
En tout cas, le scénario est empreint d'un humour burlesque et par moment de poésie. L'histoire a beau ne durer que deux ou trois heures, elle est un plaisir à suivre. Et si certaines épreuves sont un peu plus osées que dans le premier épisode (je pense à cette étrange séance de yoga où madame se cambre un peu trop souvent à mon goût, et à l'épreuve où il faut revêtir sa dulcinée de feuilles), le jeu reste tous-publics.
C'est d'ailleurs le bon moment pour parler de la patte graphique du jeu. Si celle-ci n'a pas évolué en un an et reste composée d'ombres chinoises où l'on ne distingue que les habits, elle est diablement efficace pour laisser libre cours à l'imagination des joueurs sur les émotions des personnages, leur allure, etc. Elle a également l'avantage d'être assez légère en ressources, ce qui permet aux développeurs de mettre beaucoup d'éléments dans certains mini-jeux sans que cela n'entraîne des ralentissements.
Comme dans le premier jeu, on peut également customiser sa copine avec des tenues obtenues au fil de la progression. Dommage que ces tenues n'apparaissent que dans les menus et pas in-game, où la copine portera toujours les mêmes fringues, ça enlève de l'intérêt à cette mécanique.
L'esthétique est complémentée par la musique du jeu, principalement composée de titres copiés/collés du premier épisode, mais qui incorpore aussi quelques nouveaux remixes du plus bel effet. Qui aurait pu penser que le French Can-Can se mariait parfaitement à un mini-jeu de frisbee ?
En bref, The Rub Rabbits est la définition même d'une suite parfaite. Plus longue, plus maîtrisée, avec plus de contenu (on note l'arrivée d'un mode multi-joueurs !)... Elle renvoie Project Rub au rang de démo technique. Bien sûr, on peut ne pas accrocher à la formule, mais j'ai du mal à voir un seul point où TRR échoue alors que PR réussissait.
Dommage que la série ait été coupée dans son élan après l'échec commercial de cet épisode. Imaginez un peu ce que donnerait un épisode de la série sur Switch, avec le HD Rumble et sans la beauferie d'un Senran Kagura Reflexions...