Méta-critique
Ma foi.. Force est de constater que malgré ses défauts certains, ce Thimbleweed Park m'a bien plu. Déjà, il faut que je témoigne mon affection pour le genre du Point'n click. Certes, il peut parfois...
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le 26 avr. 2017
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Grand amateur de Point n'click de l'âge d'or de LucasArt, j'ai continué à suivre, de loin, les carrières de Ron Gilbert et Tim Schafer, les deux principaux maître d’œuvre des meilleurs jeux de la firme en guettant l'élan qui permettrait au genre de renaître de ses cendres, moyennement convaincu par les tentatives des jeux indés en la matière. Forcément, Thimbleweed Park a fini par atterrir sur mes écrans, avec la promesse d'un jeu "comme à la belle époque".
Et forcément, il y a quelques trucs à dire. Et à redire.
A Thimbleweed Park, petite bourgade qu'on pourrait presque croire issue du Maine ou d'un Twin Peaks, un cadavre est retrouvé et deux agents fédéraux, Mulder et Sc... Reyes et Ray sont chargés d'enquêter sur ce meurtre curieux, venant compléter le tableau d'une ville en proie à des abandons de commerce précipités, un magnat récemment décédé, des plombiers déguisés en pigeon, une ancienne fabrique d'oreiller dont l'incendie n'a pas été résolu et un clown rôdant dans les ruines du cirque abandonné...
Que ce soit les graphismes ou l'ambiance, les habitués reconnaîtront aussi sec la patte de Maniac Mansion/Zac Mc Kraken (et si vous avez eu un instant de flottement en lisant le descriptif plus haut, c'est que vous n'êtes pas un/une habitué(e).). Absurde, humour méta, anachronismes, défonçage à coup de batte de l'encombrant quatrième mur, la recette est exécutée avec le talent de vétéran qu'on est en droit d'attendre des anciens de LucasArt, jusqu'aux options où il est possible d'activer ou de désactiver les blagues, l'aspect rétro des verbes ou même d'avoir un message vous disant peu ou prou de vous démerder pour trouver les raccourcis clavier et que ce sera "amusant". Winnick et Gilbert font ce qu'il savent le mieux faire et le font forcément bien : le jeu est fun, très bien écrit, ce n'est pas une surprise mais il est agréable de voir que les anciens n'ont pas le talent qui s'essouffle pour nous proposer une nouvelle fournée.
Les graphiques quoiqu'évoquant les jeux des années 80-90 sont suffisamment actualisés pour que le jeu soit beau, les couleurs très lumineuses et le pixelart extrêmement soigné, d'autant que le jeu propose pas mal d'environnement variés et loufoques, tout en parvenant à conférer à l'ensemble une touche vaguement plus inquiétante - on parle quand même d'un coin paumé où les habitants fuient les uns après les autres et où on peut se faire dessouder si on balade avec un ours en peluche.
Et l'écriture est d'autant plus soignée qu'on a à sa disposition une belle brochette de personnages variés - de l'agent fédéral blasé au clown souffrant du syndrome de Tourette - tous excellents et tous intégralement doublés, s'il vous plaît, avec talent. Le jeu fait même l'effort de traduire en français ses pancartes et ses textes à l'écran, preuve du soin apporté jusque dans les moindres détails.
Côté énigme, on retrouve les fameux petits pics de difficulté parfois un brin tordus mais sans trop en faire : le jeu parvient à mettre en place une petite courbe de difficulté et à éviter plutôt bien l’écueil de l'énigme "j'aurais jamais trouvé tout seul", toujours frustrant dans un point n'click. Et au cas où, deux niveaux de difficultés sont proposés ainsi qu'un système d'indice progressifs pour mettre le joueur sur la piste sans lui proposer la solution sur un plateau. Très bon dosage.
On pourrait pinailler sur la prévisibilité du scénario et sa résolution plutôt simple mais on joue rarement à ce genre de jeu pour une histoire très riche, puisque la part belle est faite à l'humour et aux personnages (le scénario de Maniac Mansion ou Day of the tentacle, c'était pas du Kojima non plus, ça n'a jamais été un problème) et on sait parfaitement que le scénario est volontairement simple pour laisser davantage de place aux énigmes. Disons juste que l'apparente complexité du début laisse place à une histoire plutôt linéaire et prévisible, on peut le regretter un peu.
Thimbleweed Park avait été vendu comme un jeu "à l'ancienne" regroupant les talents de l'époque et on peut dire qu'il remplit parfaitement ses conditions. Et c'est là qu'est à la fois sa force et son gros point faible : l'intention derrière tout ça et son exécution.
Ayant été davantage biberonné aux jeux post Maniac mansion, j'ai abordé Thimbleweed Park sans aucune nostalgie, tout en actant bien qu'il s'agissait d'une sorte de "Demake" du point'n click lucasart et que je devais donc le prendre comme tel. Donc avec son gameplay lourd, ses nombreux - très nombreux - allers-retour, sa maniabilité approximative et ses mécaniques datées. Sauf que dans ma grande naïveté, je pensais que l'équipe derrière le jeu, consciente des limites du genre, en aurait profité pour dépoussiérer un peu ses bases. Pas en profondeur, non, juste pour gommer quelques inévitables défauts inhérents à ce parti-pris. Genre en mettant un raccourci pour accéder à la carte (qui existe peut-être mais que je n'ai pas trouvé), en évitant de proposer une énigme à base de scroll au pixel près sur l'écran ou en donnant un peu de souplesse aux ouvertures de portes avec un clic droit qui fonctionne un peu plus qu'un clic sur deux. Parce que même pour un habitué, nom de putain de singe à trois têtes, ce que naviguer dans Thimbleweed Park est parfois laborieux, contre intuitif et CHIANT. Se taper la traversée de trois rues juste pour pouvoir rejoindre la zone de sortie pour ensuite pouvoir se déplacer jusqu'au manoir ou devoir s'y reprendre à deux fois avec clic sur le verbe puis clic sur l'objet parce que l'on a pas cliqué sur LE bon pixel, en 2017 même avec l'excuse "c'est comme avant", ça ne passe pas. Du tout. Je n'ai rien contre la mécanique des verbes en soit, ni contre les allées et venues mais pourquoi fallait-il garder absolument tous les travers des jeux de cette époque ?
On pourrait penser que ce serait pour s'en moquer ou pour troller le joueur mais même pas : le jeu assume totalement cette maniabilité d'enclume dans un bol de semoule. Ni blague méta sur le sujet, ni petit clin d’œil au joueur pour dire "c'est chiant pas vrai ?", ce qui m'amène à un autre gros souci de ce Thimbleweed Park : l'auto-citation.
Le jeu étant basé sur l'héritage de ses prédécesseurs, on s'attendait forcément à ce qu'il glisse des références un peu partout. Sauf qu'il y a référence, citation et grosse lourdeur dans la citation. Un exemple : croiser au hasard d'une bibliothèque un ouvrage par un certain "R.Gilbert", ça fait sourire. Le croiser une seconde fois dans un autre tableau, on peut éventuellement se dire que la première fois étant cachée, le jeu aura doublé la référence. Pas subtil mais ok. Et puis lorsqu'on croise "R.Gilbert" LUI-MÊME dans une pseudo conférence Geek et que votre personnage joueur n'ose pas lui parler parce que trop timide, on bascule dans l'auto citation bien grasse, bien auto satisfaite. Dans l'auto fellation plutôt que citation, en fait. Voir au PREMIER PLAN un carton marqué "pour F.Edison" plutôt que comme détail en fond de décor ou en graffiti sur le mur, bien visible "Call Edna" (deux personnages de maniac mansion, pour ceux qui ne savent pas) plutôt que dans un petit easter egg déverouillable si on cherche, c'est très loin de la subtilité des jeux lucasart. Et je passerais sur l'énigme entière basée sur la compagnie "Muucasfilm Games". Là aussi, subtilité zéro. Ce n'est pas tant le nombre de références que je critique mais la lourdeur avec laquelle elles sont balancées, qui m'a fait peu à peu lever les yeux au ciel plutôt que sourire. Ce qui n'est pas hyper bon signe quand on est le public visé. Et ce qui renforce une impression pas super flatteuse sur l'intention derrière Thimbleweed Park.
Parce qu'entre son scénario - à base de bonne et de mauvaise utilisation de la programmation - son entêtement à vouloir tout faire "comme avant" et son auto-flagornerie, Thimbleweed Park multiplie les coups de coude dans le flanc du joueur en lui suggérant que c'était quand même bien avant. Voire que c'était mieux avant.
Il y a une trentaine d'années, un papier "pourquoi les jeux d'aventure ça pue" avait été rédigé pour pointer tout ce qu'il ne fallait pas faire quand on concevait un jeu de ce type et éreintait déjà ces multiples défauts de conception et de gameplay qui rendaient inutilement laborieux les point n'click. Et ce papier était écrit par Gilbert, aujourd'hui à la manœuvre sur ce Thimbleweed Park et qui semble avoir chopé en plus d'un ego un peu trop enflé une petite Alzheimer. Non, ce n'était pas "mieux avant". Aucune saga n'est parvenue à se maintenir artistiquement à flot en raisonnant de cette façon, et c'est encore plus vrai dans une industrie directement dépendante des progrès technologiques : le point n'click est mort de n'avoir pas su se moderniser à temps, ses principaux orfèvres auraient pu avoir l'intelligence et la modestie de l'admettre. Et j'aurais préféré les voir à la barre d'un projet plus frais que ce "Thimbleweed Park" qui est certes une sympathique capsule temporelle mais clairement pas ce que j'ai envie de voir plébiscité. Parce qu'aujourd'hui, la plupart des point n'click proposés se contentent de refaire - certes avec talent - les mêmes choses que leurs aînés. Et de se dire qu'en seul expérience moderne de point n'click de qualité ces dernières années, je n'ai trouvé que le "Détroit" de Quantic Dream, ben c'est pas ultra palpitant. J'aurais espéré plus d'auto dérision de la part des anciens de LucasArt plutôt que de les voir coincés en 1987. Reste une expérience pas déplaisante, mise en œuvre avec talent, mais clairement pas inoubliable, contrairement à ce qu'elle a voulu imiter.
Si vous êtes un(e) inconditionnel(le) des jeux LucasFilm Games, foncez : vous aurez ce pour quoi vous êtes venu, concocté avec amour et petits oignons. Si vous regrettez que le genre soit au point mort, vous ne passerez pas un mauvais moment, mais le jeu vous laissera une impression mitigée, celle de vous dire que la madeleine de Proust a inévitablement fini par avoir un arrière goût de rassis.
Créée
le 2 janv. 2021
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