Rétrospecfrite : 2/12 (au rythme d'une critique tous les 4 mois, on n'a pas fini)
Tintin au Tibet est probablement le jeu d'Infogrames le plus connu, celui qui a mis l'éditeur sur le devant de la scène et qui leur a permis de briller pendant les ères 16 et 32-bits. Il faut dire que le jeu bénéficiait d'animations soignées, utilisait une licence extrêmement populaire en Europe, adaptait le meilleur album du petit reporter et surfait sur le succès de la récente série télé. Un cocktail parfait pour vendre des copies par millions !
Evidemment, aujourd'hui tout le monde s'en rappelle pour sa difficulté et peu d'enfants en ont vu le bout, mais c'est pas grave, l'argent de vos parents a permis de financer une suite et de lancer la carrière d'escroc de Bruno Bonnell.
Comme pour toutes les productions Infogrames, le jeu a connu un portage sur Game Boy développé par la filiale espagnole Bit Managers, qui aura lui-même l'honneur d'une réédition sur Game Gear puis Game Boy Color dans les années qui suivent. C'est cette dernière version que je teste aujourd'hui.
Première constatation : le jeu est très beau. Les décors sont riches tout en restant lisibles, on reconnaît bien les personnages issus de la BD même les plus secondaires (comme l'oncle de Tchang) et Tintin a même droit à un sprite avec cinq couleurs, un vrai petit exploit technique sur GBC. Le tout est complémenté par les compositions d'Alberto José Gonzalez, toujours aussi à l'aise avec la petite 8-bits et qui nous sort des musiques incroyables quasiment à chaque niveau. Si toute la carrière du bonhomme sur la machine est de ce niveau, je pense qu'il gagnera sans peine le titre de meilleur compositeur chiptune, oui Monsieur !
En termes de gameplay, on est face à un jeu de plate-formes avec une composante de puzzles. En effet, presque chaque niveau a un gimmick qui vous empêche d'atteindre la sortie et vous demandera un peu de réflexion pour le passer, que ce soit de parler à un PNJ, empiler des sacs à dos pour atteindre une plate-forme trop haute, nourrir un yack qui bloque le chemin ou aider des moines qui ont décidé de vous faire faire les pires tâches subalternes dans leur temple.
Dans la catégorie des améliorations par rapport à la version 16-bits, notons l'absence de timer pour finir un niveau. C'est très bien, ça laisse le temps au joueur d'appréhender son environnement dans les niveaux les plus labyrinthiques. On a bien assez d'occasions de crever, ce n'était pas la peine de conserver celle-là.
Tout cela serait merveilleux si le jeu communiquait clairement ce qu'il attend du joueur, malheureusement on est chez Infogrames. Et si cette version 8-bits est moins complexe que sa grande soeur sur consoles de salon, elle a tout de même de gros problèmes de gameplay et de lisibilité.
Petit écran de la GB oblige, dès que le level-design devient montagneux (et je vous laisse relire le titre du jeu, que vous compreniez à quel point cette condition est problématique) on a tendance à ne plus voir où il faut aller. En haut ? En bas ? A droite ? On rencontre pas mal de sauts de l'ange dans certains niveaux de l'aventure, et c'est vraiiiiment relou de devoir sacrifier des vies pour simplement comprendre la marche à suivre.
Pire, Tintin est sujet aux dégâts de chute, c'est-à-dire que tomber de trop haut va le blesser…et plus précisément le tuer ! Eh ouais, ça one-shot, hop, finito le reporter au Petit Vingtième !
C'est complètement con quand ton jeu se passe dans une MONTAGNE déjà, et surtout c'est implémenté de façon très arbitraire. Il y a eu des cas où j'ai fait tomber Tintin sur une plate-forme hors de l'écran et où il n'a rien subi, et d'autres fois où une plate-forme visible en bas de l'écran me tuait si je me laissais tomber. C'est vraiment une grosse mécanique de merde, si encore ça se limitait à prendre un dégât ça irait, mais vu que ça tue et que ça punit la moindre erreur qui n'était même pas anticipable, c'est juste casse-couille.
Dans les points positifs, citons tout de même le gameplay très vif du jeu, beaucoup plus que la version 16-bits qui me paraît assez lente quand je regarde des vidéos. On a complètement abandonné le concept des deux plans sur lesquels se déroule l'action et Tintin peut passer en un clic de la marche tranquille à la course effrénée grâce au bouton… Select ! Eh oui, c'est une critique que j'avais faite à Spirou sur le même support, qui n'avait rien trouvé de mieux que de mettre le tir et la course sur le même bouton, histoire d'être bien confusant. Chose incroyable, Spirou est sorti un an après Tintin au Tibet, donc les développeurs n'avaient vraiment aucune excuse, je ne comprends pas ce qu'ils ont fumé. En tout cas, même à vitesse maximale on arrive très bien à atterrir sur des petites plate-formes, donc c'est vraiment plaisant à contrôler. Et tant mieux, parce que vous allez vraiment en avoir besoin dans le dernier niveau !
Autre pas en avant, les mots de passe nous sont donnés tous les deux niveaux, ce qui ne nous renvoie jamais trop loin en cas d'échec (bien que l'absence de checkpoint dans les niveaux reste frustrante). Le jeu incorpore également un code de triche pour passer les niveaux librement (comme Spirou), mais vu qu'on recommence à chaque fois avec 7 vies, je pense qu'on peut facilement s'en passer et tout de même progresser assez vite.
Occasionnellement, le jeu s'amuse à changer de genre (insérer blague sur les LGBT ici), et en général c'est foiré. Les phases où Tintin nage contre le courant sont insupportables à cause de toutes les merdes qui se trouvent dans les rivières qu'il fréquente, en particulier les branches d'arbres qui apparaissent derrière vous et filent à toute vitesse, on est obligés de crever à plusieurs reprises jusqu'à connaître par coeur les obstacles et le moment où ils apparaissent si on veut avoir une chance de passer.
Autre niveau spécial : la descente à flanc de montagne (scène d'Haddock dans la BD, j'imagine que les développeurs n'avaient pas le temps de créer de nouveaux sprites pour lui et ils ont donc donné cette section à Tintin). Pareil, tout va trop vite et les obstacles nous blessent avant même qu'on ne puisse réagir. J'ai fini par trouver le timing pour tout passer, mais ça s'est vraiment joué au poil de cul à plus d'une reprise, je ne comprends pas le délire.
Enfin, je vous épargne le niveau de la tempête de neige, qui aurait pu me rendre fou si les développeurs n'avaient pas eu la décence de le faire assez court. En fait, le seul niveau spécial qui fonctionne bien à mon sens, c'est l'escalade. Le défi est là, mais c'est suffisamment lent pour qu'on ait bien le temps de préparer nos actions.
Au niveau du scénario, notons la présence de jolies cinématiques qui recréent en pixels des cases de la BD, c'est tout mignon. Je suis déçu par la fin par contre, où la réflexion sur l'humanité du yéti est totalement absente. J'imagine qu'il ne faudrait pas que les enfants deviennent trop intelligents avec un jeu Infogrames.
C'est quand même un changement étonnant vu que les éditions Moulinsart (sous la direction de Nick Rodwell, autre personnage détestable) sont connues pour casser les couilles au moindre cheveux de travers sur la houppe de Tintin. J'imagine qu'ils étaient moins chiants dans les années 90.
Bref, Tintin au Tibet c'est un petit jeu sympathique sur GBC. Le genre du puzzle-plateformer est toutefois assez concurrentiel sur cette console (dans des styles différents, on pourrait citer Wario Land 2 ou les Tomb Raider), donc proposer une expérience mal équilibrée à cause de violents pics de difficulté ou de changements de gameplay trop brusques n'en fera hélas pas un incontournable de la machine.
Cette version pourra toujours se consoler avec sa moyenne générale légèrement au-dessus de l'épisode 16-bits. A voir si Le Temple du Soleil saura corriger le tir.