Je suis très partagé. Il m'a fallu du temps pour avoir accès à Togainu no Chi, jeu n'ayant pas dépassé la frontière nippone, connu en occident pour ses visuels superbes, "classique" proclamé par les yaoistes de tout poil puisqu'il l'un des rares jeu vidéo yaoi de type "visual novel" qui soit relativement connu.
J'ai enfin mis la main dessus, après avoir été déçu par l'anime, fade adaptation partiellement censurée...Et le constat, c'est qu'en plus d'être mauvais, l'anime est aussi fidèle au jeu que si Uwe Boll l'avait adapté.
Alors, Togainu no chi ça donne quoi ?
Hé bien tout d'abord, le terme "jeu vidéo" est mensonger. L’interactivité est réduite à quelques clics à peine, pour choisir une réponse lors des dialogues, c'est essentiellement une histoire qui défile sans qu'on ait rien à faire. Je ne critique pas le principe, on aime ou pas, c'est une sorte de livre avec illustrations, musiques et doublages audios pour porter l'action. Personnellement, ça ne me déplaît pas. On peut choisir différents "chemins", en fonction du personnage avec qui on veut se confronter et ensuite, on a plus grand chose à faire, sinon lire.
Les visuels du jeu n'annonçaient pas vraiment un truc mignon et romantique, pourtant la violence du contenu m'a beaucoup surpris. TNC est interdit aux moins de dix huit ans et le moins qu'on puisse dire c'est que c'est justifié. Je n'irais pas lui donner le titre de texte le plus gore du monde (j'ai lu pire) mais je ne m'attendais pas à ça. Autant dire qu'il vaut mieux ne pas trop s'attacher à Akira, tant on a parfois le sentiment d'assister à une séance de torture physique et mentale continue. Je n'ai certes pas fait le jeu à fond, me bornant aux deux "chemins" principaux (Keisuke et Shiki) mais je ne saurais dire lequel est le pire. Bref, c'est pas du tout public, c'est pas romantique, c'est pas mignon, c'est gore, explicite et franchement, je pense que j'aurais pu m'abstenir de lire certains détails, qui m'ont arraché une grimace. Encore une fois, il y a pire, mais j'ai trouvé une certaine obstination et complaisance dans ces descriptions, un parti pris de ne pas éluder qui déplaira sans aucun doute aux personnes plus sensibles que moi. Et je ne me considère pas comme spécialement sensible. L'apathie d'Akira - supposé être un combattant de rue aguerri - est clairement le cœur du problème, on a du mal à s'imaginer qu'un personnage pareil se laisse torturer et tabasser sans davantage réagir.
Niveau histoire - c'est quand même le principal intérêt, on ne va pas revenir sur le chara design parfaitement réussi - c'est intéressant, pour peu qu'on aime les relations tortueuses, l'univers post-apocalyptique dans lequel évolue Akira est pas mal développé, notamment le "jeu", sorte de battle royale amélioré. On peut éventuellement regretter que l'histoire de fond (le microcosme d'Igura) soit un peu délaissée au profit des personnages, toutefois. Mais je n'ai pas eu de réelle sensation d'ennui en lisant. Il faut compter presque cinq heures pour une "route" (du moins celle de Shiki m'a pris à peu près quatre - cinq heures, je n'ai pas compté pour celle de Keisuke, qui m'a paru plus longue). Pour le coup, les passages réellement interactifs m'ont presque gêné dans ma lecture , d'autant que l'un des choix vous mène presque toujours vers un game over/bad ending. Et ils sont longs, ces foutus game over. Longs, détaillés et comme je le disais, parfois on préférerait ne pas savoir (petite mention au premier Bad ending avec Keisuke, mis en scène avec un art du détail qui m'a fait vaguement regretter de comprendre certains mots d'anglais.)
Côté sonore, inutile de dire que les doubleurs font leur travail à la perfection (venant des doublages japonais, je n'avais pas vraiment de doutes). La musique est étrange, dissonante et met mal à l'aise : cela améliore l'immersion mais franchement, était-ce bien nécessaire ? C'est déplaisant par moment et le texte est déjà bien assez explicite comme ça. Bref, je suis sceptique sur certaines pistes mais elles ne nuisent en rien à l'ambiance.
Il existe plus de dix fins différentes au jeu - dont une bonne partie est très loin du "happy end" - j'ai d'ailleurs noté que l'anime avait fait fort en ne ressemblant ni de près ni de loin à aucune de ces fins. Globalement, les fins sont influencées par les - rares - choix que le joueur doit faire et nul besoin d'avoir fait une école de scénario pour se douter de la réplique/action qui vous mènera à la mort ou pire (dans ce jeu, il y a pire que de mourir, à mon avis). Ceci dit, on est jamais totalement sûr d'avoir fait le bon choix, puisque les fins sont relativement longues, le suspense reste donc assez bien ménagé.
En bref, Togainu no chi est un livre interactif plutôt bien foutu, un produit fini réussi mais clairement destiné à un public restreint, de par son côté violent qui tranche avec les habituels plot romantiques des œuvres yaoi. En tout cas, le studio Neutro+Chiral livre un travail d'une qualité presque parfaite. Presque, oui, car Togainu no chi reste leur travail le plus connu hors Japon...et le plus surestimé. Il est clair que Togainu no chi était leur premier jeu, les balbutiements de leurs visual novel yaoi et qu'il a été clairement sur-vendu par un public - dont je fais partie - qui a été "leurré" par un chara design superbe et l’inaccessibilité du soft. TNC est une bonne visual novel mais selon moi, le jeu le moins abouti du studio. A voir si vous êtes public ou pas. Personnellement, je le suis, il existe trop peu de yaoi bénéficiant d'un vrai scénario et de personnages consistants pour que je passe à côté de Togainu no chi.
PS : Naturellement, si vous ne maîtrisez pas - ou peu - la langue de Shakespeare, point de salut, le jeu n'est pas disponible en français et une bonne compréhension de l'anglais est indispensable pour apprécier l'histoire.
Autre chose, côté technique, le jeu marche de manière très capricieuse chez windows 7, j'ai dû partiellement terminer mes parties sur des let's play après un plantage sauvage et un refus catégorique de fonctionner du jeu, au bout d'une ou deux heures. A voir si votre bécane fait moins d'histoires que la mienne.
Côté traduction, je ne suis pas totalement bilingue mais la traduction anglaise est de qualité, un travail soigné a été effectué par l'équipe amateur qui s'est chargée de mettre Togainu no Chi à la portée des non-japanisant, travail qui n'a selon moi rien à envier à une traduction pro.