Tomb Raider
7.2
Tomb Raider

Jeu de Crystal Dynamics, Nixxes Software et Square Enix (2013PlayStation 3)

Ce Tomb Raider symbolise si bien à mes yeux ce qui ne va plus dans le monde du jeu vidéo moderne que, finalement, je pourrais presque dire que ça valait le coup d'y jouer. Pourtant, si on ne me l'avait pas prêté, je n'y aurais clairement jamais touché. Parce que je savais que je n'aimerais pas beaucoup. Et j'ai failli me tromper.

Avant la sortie du jeu, je m'étais mis à rêver des possibilités offertes par le virage « survival » de ce reboot. Une ile, une vilaine secte, des animaux sauvages, des tempêtes étranges, les ruines d'une ancienne civilisation, la faim, la soif... et un putain d'arc ! Puis, j'ai lu le retour des joueurs et je savais que tout ça avait été lamentablement foiré. A l'heure des mondes ouverts (souvent superficiels, certes), ce Tomb Raider avait choisi une succession de hubs (des environnements semi-ouverts reliés entre eux) linéaires. Lara n'a jamais ni faim ni soif et on affronte des animaux à seulement deux reprises. C'est tout. Le coeur du jeu, c'est avancer en flinguant des centaines d'opposants humains presque tous semblables, résoudre une dizaine d'énigmes dont les trois quarts font partie de temples optionnels et chercher plein de petites conneries dissimulées dans le décor. Et ben, contre toute attente, au début ça me bottait bien !

Les hubs bénéficient d'un bon level-design qui permet parfois d'arriver au même point en empruntant différents chemins. La recherche des items cachés offre de bons petits moments d'exploration et certains proposent même du contenu narratif qui renseigne Lara sur les différents habitants de l'ile au long des siècles, jusqu'à sa propre équipe. Les énigmes ne sont pas aussi simplistes que dans la plupart des jeux, et ça, c'est franchement bon ! Enfin, l'arc propose des sensations d’infiltration et de combat assez sympas et m'a permis de limiter assez drastiquement mon utilisation d'armes lourdes. Mes quatre ou cinq premières heures étaient assez agréables pour que j'apprécie le jeu et me remette du choc de la déception initiale. Le problème, c'est qu'on a très vite fait le tour de tout ce que ce reboot a à offrir.

On combat très, très souvent, dans des séquences explosives de plus en plus folles mais qui ne correspondent pas du tout au personnage de Lara qui est censée être une jeune femme inexpérimentée. La voir projetée en tout sens par d'innombrables explosions devient très vite insupportable si on a dépassé les capacités d'amusement d'un enfant de 10 ans. Tout sonne forcé, artificiel et atrocement répétitif. Le titre joue la carte qu'il ne pouvait pas abattre: celle de l'exagération à la God of War ou à la Uncharted. Pour ça, il faut un héros mythologique ou, à contrario, un clown improbable totalement dévolu au fun. Ici, on a une Lara qui geint et reprend son souffle en permanence. Ils ont gardé l'héroine du jeu de survie auquel beaucoup de joueurs avaient rêvé et ils l'ont balancée dans un shoot'em up improbable. C'est le fameux concept de discordance narrato-ludique où on joue quelque chose qui ne correspond pas à l'univers affiché.

Déjà qu'on atteint les limites du nanar avec un scénario vu un million de fois à base d'une vilaine secte dirigée par un type vraiment fou qui va réveiller un grand méchant endormi qui va conquérir la Terre et l'Univers, blablablablabla... On s'emmerde à écouter ces dialogues écrits par des scénaristes SDF mais on finit également par s'emmerder en jouant. Après avoir ramassé son 200ème item, on comprend vaguement enfin que cette pseudo exploration (qui fait honte à des titres comme Fallout, Soul Reaver ou même le premier Tomb Raider) n'est là que pour apporter un semblant de variété à des gunfights qui se règlent toutes peu ou prou de la même façon. Il y a bien un ou deux ennemis super protégés et donc plus intéressants à dégommer, mais la plupart du temps, bourriner, fuir, bourriner, fuir, suffira à passer tous les obstacles. C'est pourtant pas faute d'avoir tenté une approche plus discrète avec l'arc mais bon... Soulignons tout de même que quelques rares environnements permettent vraiment d'établir des courses-poursuites intéressantes avec nos opposants. Dommage que la plupart soient cependant trop étriqués et qu'on finisse par tourner en rond bêtement en attendant que notre vie se régénère toute seule...

Pas d'affrontements contre des animaux donc, ni même contre des ennemis surnaturels... ha si, juste à la fin ! Très décevants également, comme tout le reste du jeu. Les environnements enfin, bien qu'assez jolis, ne dégagent aucune autre ambiance que « tiens voilà un hub de jeu vidéo bourré de cachettes à trouver !». C'est particulièrement probant quand vous regardez le décor depuis une hauteur, avec toutes ces cordes et ces structures à grimper qui puent l'artificialité à dix kilomètres. A maintes reprises, j'ai davantage eu l'impression de m'être perdu dans la section « aventure » de Disneyland Paris que sur une véritable ile déserte. Seule l'ambiance sonore est réellement très bien foutue et particulièrement réaliste (bruit de l'eau, des pas, des coups de feu...). J'avais pourtant tout fait pour m'immerger dans le jeu: je n'ai par exemple jamais utilisé la carte ou cet horrible « sixième sens » qui te dit carrément où aller et quoi faire. Mais retirer toutes les aides ne m'a pas empêché de traverser tout ça les doigts dans le nez et les autres dans le cul (oui, je jouais avec ma bite).

Tout ça fut long... beaucoup trop long. Il y a longtemps que je n'avais pas autant soupiré en priant pour arriver au boss de fin (si j'avais su à quoi il ressemblait, j'aurais plutôt prié pour que la foudre grille ma console). Pourquoi tant de violence dans cette critique me direz-vous ? Parce que ça me débecte de voir un tel potentiel gâché. Le jeu n'est pas affreux, il y a un vrai savoir-faire derrière. Savoir-faire sacrifié sur l'autel de la superficialité et d'un fun qui, comble du ridicule, n'arrive presque jamais ! Ultra répétitif, dépourvu d'innovations et de véritable challenge, terrassé par une narration infantilisante car en complet désaccord avec l'espace du jeu (ho, j'ai peur, ho je suis fragilBOUUUUUUUUUM), Tomb Raider se pose comme une expérience sans saveur, neutre et sans guère d'espoir pour la suite de la franchise.

Un parfait représentant de l'industrie vidéoludique actuelle, je vous disais.
Amrit
5
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le 29 août 2014

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Amrit

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