Yakuza Zero
8.1
Yakuza Zero

Jeu de Ryû ga Gotoku Studio et SEGA (2015PlayStation 4)

Mon histoire avec Yakuza a commencé sur PS3 avec Yakuza 3 auquel j'avais commencé à "jouer" quelques secondes avant de m'apercevoir - en visionnant quelques scènes du premier dans le résumé inclus dans le jeu - que j'étais en train de faire une grosse connerie en ratant les deux premiers qui dégageaient une aura qui me rappelait le SEGA de l'époque megadrive avec ses ambiances à la Streets of Rage. Du coup, ni une ni deux, je courais acheter Yakuza puis le deuxième dans la foulée. Cet achat entérina une passion pour cette série dont j'ai dévoré tous les épisodes européens aui atteignaient à chaque fois difficilement nos frontières. J'ai d'ailleurs apprécié tous les épisodes - les vrais en tous cas (désolé Dead Souls) - mais d'épisode en épisode depuis le 3 (inclus), j'avais l'impression que la série s'aventurait sur une mauvaise pente avec des défauts de plus en plus dérangeants voire décourageants (car oui Yakuza est si addictif qu'on en veut toujours plus) pour les raisons suivantes :



  • la niaiserie de plus en plus envahissante, notamment dans le 5 qui selon moi avait très légèrement franchi la barrière

  • l'éparpillement qui empêchait de profiter vraiment des personnages (si le 4 avait le mérite d'incarner un souffle nouveau, retrouver une structure à 5 personnages dans le 5 diluait - voire noyait - complètement l'intrigue)

  • une perte de qualité dans la quantité - malgré la présence de plein de personnages, le gameplay de Kiryu restait le meilleur car entre technicité et bourrin (là où les autres étaient plutôt dans le deuxième catégorie)

  • le "hors sujet" de plus en plus visible avec un titre de moins en moins justifié : les emmerdes d'un chauffeur de taxi ou d'un usurier - pourquoi pas si c'est bien traité - mais personnellement je voulais plutôt voir des intrigues comme celles du 1 et du 2

  • les boss (finaux et non finaux) nuls avec certains affrontements navrants - voire ridicules pour des Yakuzas - et des "grands" méchants sortis de nulle part


En même temps, avec une intrigue fondée sur le "retour" permanent du héros contre sa volonté première et le changement d'écrivain après le 2, je me disais qu'il n'y aurait plus aucun espoir et qu'il faudrait se résoudre à accepter ce qu'on avait bien que je rêvais d'avoir des épisodes "Origins" pour voir le Kiryu des cinématiques du 2 (un vrai Yakuza quoi).
Alors que le point de rupture était proche, j'appris par hasard que Yakuza 0 était prévu. Outre le stress quant à sa sortie en Europe, je me questionnais sur la qualité du titre en voyant les premiers screenshots et Majima - aka le clown de la bande. Je m'attendais en fait aux défauts des derniers épisodes appliqués à la période qui m'intéressait le plus et qui allaient saccager cette partie.


Après avoir fini le jeu hier soir à quatre heures du matin, je m'avoue vaincu et me dois de faire amende honorable : Yakuza Zero ramène la série à son vrai niveau en effaçant pratiquement tous les défauts cités plus haut et renouant ainsi avec ce que porte son titre européen.


Premièrement, l'intrigue est vraiment bonne avec une intrigue qui réussit à retrouver le mélange d'action abusée avec un certain réalisme adulte dans son traitement. Le pari ici était de présenter l'ascension de Kazuma et Majima au statu de Yakuzas légendaires et accessoirement de "vrais" Yakuza (thématique reprise dans les dialogues) avec les valeurs, la virilité et la puissance associées. Yakuza Zero est donc un récit d'apprentissage qui réussit surtout dans sa capacité à développer de façon assez subtile et peu manichéenne les enjeux en termes d'état d'esprit, de vie matérielle, de renoncement qu'implique l'engagement dans la vie de Yakuza. Le dilemme moral est évidemment présent et s'offre une conclusion à la fin du jeu par Yakuza que je ne révélerais pas mais qui est finement écrite et imagée. Majima quant à lui aura droit à une aventure plus romantique (au sens large) avec un dénouement justifiant de manière assez dure et même assez bouleversante (j'ai eu le bourdon presque toute la matinée) le port de son "habit" (pas vraiment en fait) de clown sans tomber dans le mélodrame dégoulinant. Sincèrement, même si j'appréciais déjà ce personnage, il gagne dans cet épisode une profondeur que l'on n'attendait pas (d'ailleurs on se demande tout le long : mais il devient fou quand en fait ?) faisant de lui presque le vrai personnage principal du jeu (là où Kazuma est plus ou moins fidèle à lui-même).
La situation du récit nous plonge au coeur même du clan Tojo et non plus dans des annexes plus ou moins osef (comme le clan Ueno ou autres mini-familles). Les manœuvres sont moins grossières qu'à l'accoutumée et les bouleversements de l'intrigue du coup plus percutants, adultes et cohérents (évidemment ça reste Yakuza quand même :p ). Les fans des premiers retrouveront d'ailleurs les personnages mythiques qui gagnent ici en relief (Shimano, Dojima, Sera, ...). Les intrigues politiques et de violence s'entremêlent de façons plus naturelle et moins forcée que tous les autres épisodes (pas de politicien sorti du chapeau, de mega-complot...). Ce dernier point découle d'un soin plus grand apporté à la peinture du monde des Yakuza avec ses traditions (auxquelles le jeu nous convie d'ailleurs de façon sanglante) et sa hiérarchie fondée à la fois sur la force et les héritages.


Du côté des autres personnages, c'est aussi un carton plein avec Tachibana, Makuto, Lee...sans oublier Nishiki que l'on découvre au fond pour la première fois (il était simplement catapulté big boss du jeu sans explication dans le 1 sans développement préalable), l'occasion aussi d'introduire des thèmes anciens : la purge des clans de migrants et de l'environnement "familial" de Kiryu dont Kazama fait aussi partie. Je ne vais pas en dire plus car on arrive vite à du spoil. Je me contenterais de dire qu'on arrive à l'attachement qu'on pouvait avoir pour les personnages du 2.


Concernant la progression, Yakuza fait un peu comme d'habitude en servant avec maîtrise une aventure originale néanmoins jalonnée de "marqueurs" historiques (de fanservice pourra-t-on dire par délit de mauvaise langue) : la rencontre d'un inspecteur de police, la découverte d'un lieu souterrain, la fusillade en voiture (bordel quelle purge...), les gros qui portent des canapés pour nous empêcher de passer, l'infiltration qui finit en bastonnade de masse, ... Du coup, le rythme suit la même courbe de progression avec une montée exponentielle en rythme et en difficulté dans les derniers chapitres. Cette montée est particulièrement intense dans le zero qui revient à un déroulement linéaire (il y a deux personnages certes mais l'intrigue partagée avance sans jonction forcée). Du coup, les 2/3 des premiers chapitres sont plutôt axés sur l'enquête (musclée) avec exploration des villes et introduction des mécanismes annexes du jeu et la fin sur des combats longs avec boss de plus en plus costauds puis une fin ici absolument magistrale qui fait en sus le lien avec le premier.
Les boss finaux et intermédiaires sont réussis aussi bien en termes de gameplay que de personnalité (sauf un mais il n'est pas un vrai boss). Je place Yakuza Zero à égalité avec les deux premiers à ce niveau.


Puisque l'on embraye sur le gameplay, j'ai trouvé que Majima était le premier personnage annexe vraiment réussi depuis Tanimura de Yakuza 4. Par rapport à Akiyama qui était un personnage de type agile/rapide, Majima autorise beaucoup plus de recherche de technicité, notamment avec l'introduction des trois styles de combat qui sont tous pour moi assez réussis car proposant des approches différentes et des plaisirs attachés au même adjectif (entre le mode beast de Kiryu et Thug de Majima, il y a un grand écart). Du coup, Yakuza redevient un vrai bon jeu à la lisière du BTA et du jeu de comabt là où il ne l'était plus qu'un défouloir hors Kiryu. En difficile, les combats demandent de bien étudier sa stratégie (pour les boss en tous cas, le menu fretin est toujours intéressant uniquement par la composition des escouades), de gérer son heat, de bien palcer ses esquives, de bien choisir son style, ... De ce point de vue, Yakuza Zero est le meilleur Yakuza de très loin. On pourra juste reprocher une rupture de cohérence avec les capacités de Kiryu dans les autres jeux mais ce n'est pas très gênant non plus. La série rattrape ici son retard sur Shenmue auquel on la compare souvent (à tort d'ailleurs).
Les mécanismes annexes quant à eux sont moins nombreux que dans les derniers opus. J'avoue ne pas avoir tout testé et m'être attardé surtout sur la gestion du bar à hôtesses mais Yakuza Zero semple un peu plus vide en activités qui ne sont pas forcément de meilleure qualité (sans être forcément moins bonnes). Le plus important pour moi est que chaque épisode propose quelques activités inédites et de qualité et c'est ici réussi avec la gestion du bar à hôtesse. Pour le reste, je préfère avoir une bonne trame principale que d'avoir une profusion d'activités comme le 4. Si par contre vous aimez la série surtout pour cet aspect là, vous serez sans doute déçu par le Zéro qui pour le coup se rapproche davantage des premiers épisodes avec un contenu bien moindre en mini-jeux.
Là où elle perd en contenu, il reste à noter que la ville et les activités gagnent le cachet des années 80 qui est pour le coup très bien rendu et traité de façon intensive dans les quêtes annexes. Mo qui sui fan du rétro, j'avoue avoir une faiblesse pour Yakuza Zero, son tatoo, ses téléphones fixes, ses VHS, son esthétique kitsch ...


Les substories enfin sont aussi un peu moins dans la profusion également mais sont très bien écrites dans l'esprit SEGA à l'ancienne. J'ai beaucoup aimé les quêtes de mise en abîme, d'autodérision sur le n'importe quoi de la série ou de réflexion/morale générale (on tombe un peu dans le travers japonisant naïf de temps en temps mais c'est très soft) sur la société ou la vie en général. L'humour et les easter eggs sont également nombreux et savoureux. Sincèrement, jouer à Yakuza c'est aussi renouer avec certaines choses simples auxquelles on ne pense plus.Evidemment, il y a la galerie de personnages atypiques qui va avec. Savoureux tout simplement !


Je finirais ce développement par l'évocation de deux défauts assez gênants :



  • l'utilisation d'argent pour débloquer les techniques crée une grande incohérence sur la valeur de l'argent qui fait perdre en intensité certaines scènes : quand tu entends qu'un million est "beaucoup d'argent" alors que tu récupères cette somme en battant quelques voyous dans la rue ou que tu vois le héros être ébahi devant la somme "énorme" de 500 millions qui correspondent à la moitié de ce que tu as en poche, c'est moyen... Pourquoi ne pas avoir gardé des points séparés comme avant ? Je sais que le thème de l'argent caractéristique de la période et de l'opposition de fond du jeu sur ce qu'est un Yakuza mais je ne vois pas l'intérêt de l'avoir gardé pour ceci...cela déséquilibre l'évaluation pécuniaire

  • quelques phases de la préhistoire de la série qu'on aimerait voir disparaître et qui sont un peu lourdes (les fusils, les gros qui te bloquent la route avec leurs fauteuils, les gunfights sur l'autoroute) : en même temps cela donne un charme arcade au jeu, difficile...


Vous l'aurez compris, Yakuza Zero est pour moi une très grande réussite et un retour de la série à son plus haut niveau. Cette préquelle arrive avec habileté à se raccrocher aux mythiques premiers épisodes de façon cohérente et percutante - complètement badass même. Plus profond et adulte dans sa narration avec son final magistral qui laisse complètement sur le cul, plus technique et intense que les itérations récentes, Yakuza Zero ramène le joueur dans l'ambiance des années 80/90 avec la signature du SEGA de l'époque. Sincèrement bravo, il s'agit là de ma meilleure expérience de jeu vidéo dans cette génération assez morose qui me ramène au temps où le jeu vidéo était capable de m'enchanter. Bref, une réussite totale et une démonstration que la série mérite désormais de garder son nom européen. J'attends du coup avec impatience de rejouer au premier au travers de son remake et aimerais vraiment d'autres épisodes dans le passé puisqu'il y a encore plein d’événements/personnages évoqués à développer.

Foulcher
9
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le 27 févr. 2017

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Foulcher

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