L'île nue
Curiosité morbide où appétence véritable pour les désastres en tous genres ? Le mystère restera entier sur les motivations ayant pu me pousser à plonger dans cette aventure oubliée avant...
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le 13 juin 2019
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Curiosité morbide où appétence véritable pour les désastres en tous genres ? Le mystère restera entier sur les motivations ayant pu me pousser à plonger dans cette aventure oubliée avant d’avoir existé. Yoshi’s New Island, donc. Voici un titre on ne peut plus programmatique de ce qu’on peut attendre du jeu qui se cache derrière : affubler “New” au début, au milieu ou à la fin de “Yoshi’s Island”, signifie explicitement qu’on aura affaire à la resucée la moins audacieuse possible du séminal jeu de 1995... c’est comme ça, que voulez-vous, c’est dans la convention de Genève.
S’attaquer à Yoshi’s Island - l’original - n’est, justement, pas une mince affaire : après tout, on parle bien du jeu dont Consoles + disait que le moindre de ses niveaux supplantait la concurrence dans son intégralité ! Force est de constater qu’il ne s’agissait pas là d’une hyperbole, car les affres du temps ont été bien impuissantes face à Yoshi’s Island, véritable joyau qui continue de briller aujourd’hui. 1995 fut une année glorieuse pour les jeux de plateforme et Yoshi’s Island en est peut être le plus illustre des représentants, monument d’audace, miracle de level-design et merveille d’harmonie.
La tâche s’annonçait ratée à l’avance; en cause, un précédent malheureux appelé “jurisprudence Yoshi’s Island DS”, véritable cas d’école du copier-coller raté : gimmick envahissant, progression pénible et neurasthénie généralisée arrivaient presque à désosser la rutilante mécanique de l’opus original. Personne n’a fait le deuil de Yoshi’s Island, car ses héritiers sont finalement peu nombreux : l’original a en effet inventé et perfectionné cette recette alliant niveaux denses, progression apaisante favorisant l’exploration...et possibilité de gober les ennemis pour en faire des projectiles. Face à ce constat, Yoshi’s New Island a une solution simple : proposer exactement la même chose. Mécaniques identiques, déroulement identique, ennemis identiques, Yoshi’s New Island pousse si loin l’hommage que des lois devraient obliger Nintendo à porter plainte contre eux-mêmes pour plagiat. L’histoire est extraordinaire au sens littéral du terme, car personne n’aurait jamais osé fournir aussi peu d’efforts. Je refuse de rentrer dans les détails, sachez simplement que la cigogne a encore lâché Bébé Mario chez les Yoshi qui vont, dans un élan de solidarité propre à leur espèce, se relayer pour ramener le chérubin à ses parents en récupérant Bébé Luigi au passage.
Exit donc, les innovations malheureuses de Yoshi’s Island DS à savoir progression sur deux écrans et nécessité de jongler entre des bébés aux capacités distinctes : dans cet opus, on revient aux fondamentaux. Et si une telle approche garantit des bases on ne peut plus solides , il s’agit de la limite la plus évidente du programme. Il faut s’attendre ici à des variations sur un même thème, mais il ne faut pas pour autant s’attendre à Obsession face à Vertigo. Car tout Yoshi’s New Island ou presque est inclus dans Yoshi’s Island, et à aucun moment cette redite ne propose de moment aussi mémorables que certains des combats de boss où le niveau Touch Fuzzy, Get Dizzy (Cotonou Prout-Prout en VF, il serait illégal de ne pas le citer !). Mais pour qui a déjà exploré l’original de fond en comble, il s’agit là d’une nouvelle balade ô combien plaisante. Avaler des créatures pour en faire des œufs reste une idée de gameplay brillante, la construction des niveaux est rigoureuse et la progression constamment agréable. Ajoutons que l’exploration requise pour collecter tous les bonus n’est jamais aussi punitive et écrasante qu’elle n’a pu l’être dans l’opus DS et les boss ponctuant deux niveaux par monde sont relativement réussis, surtout si on prend comme point de référence la série voisine des *New Super Mario Bros.*
Le jeu n’est pourtant pas exempt de fautes de goût, en premier lieu desquelles celle qui s’affiche indécente sur la jaquette : je parle bien entendu du gimmick des œufs géants qui était probablement une concession faite aux services marketing de Nintendo. Voyez plutôt : de temps à autre, des ennemis géants se dresseront sur la route de Yoshi et il sera possible de les gober pour en faire des œufs d’une taille idoine. Naturellement, ceux-ci sont armés d’un pouvoir destructeur inégalé et si d’aventure l’ennemi en question est tout de métal constitué, l’œuf obtenu, de par sa lourdeur, empêchera Yoshi de sauter lui permettra de plonger au fond de l’eau.
Je vous vois déjà aveuglés par tant d’aplomb de la part des développeurs, mais préparez-vous, car ça ne s’arrête pas là : la présence de phases où Yoshi se mue en véhicule relèvent quant à elles de l’anecdote pure et simple et sont d’ailleurs nettement déconnectées du reste de la progression, entre aveu de défaite ludique et cadeau au joueur qui peut dès lors le plus souvent choisir de s’en passer.
Venons-en au point qui fâche, au motif de moqueries fondateur de l’identité de ce New Island : son accompagnement musical. Des thèses entières pourraient être consacrées à ce désastre industriel mais l’hilarité viscérale et inévitable que procure l’écoute de “The Yoshi Clan” et ses kazoos impérieux chez toute âme dotée d’une paire d’oreilles vaut tous les mots du dictionnaire. Face aux compositions inégalées de l’original, forcément, celles-ci évoquent davantage la pitié que la colère.
En réalité, je le confesse : je ne suis pas réfractaire au thème principal du jeu, petite ballade mi-joyeuse mi-mélancolique qui donne l’impression d’être lucide sur ce qu’elle accompagne, un jeu mort qu’on tente par tous les moyens de ramener à la vie. C’est tant mieux pour moi, puisque ce thème est décliné ad nauseam au fil de l’aventure dans des versions plus où moins heureuses, dans une tradition née avec Super Mario World qui justifie le relâchement des compositeurs en assurant l’homogénéité musicale au cours de l’aventure. Le jeu est pourtant du reste d’apparence parfaitement charmante, fluidité des animations et couleurs bigarrées s’affichant en effet avec bonheur sur l’écran de la 3DS, là où le prédécesseur sur DS manquait cruellement de vie.
Voilà donc une promenade remarquable mais dérisoire, qui ne mérite pas vraiment votre temps, à moins que vous ne souhaitiez désespérément entretenir la flamme de votre amour pour le jeu original. Cette décalcomanie bien sous tous rapports rappelle en effet qu’il ne suffit pas de réunir les mêmes ingrédients pour reproduire un miracle.
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le 13 juin 2019
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