Zed
4.6
Zed

Jeu de Eagre Games, Chuck Carter et Cyan Ventures (2019PC)

Développé par le studio Eagre Games, ZED est un jeu d’aventure à la sauce Walking Simulator comme on a pu en voir avec What Remains of Edith Finch ou Draugen. Le jeu nous sort directement de l’esprit des excellents Chuck Carter (Myst), Joe Fielder (Bioshock Infinite, The Flame and the Flood) et David Chen ( Metal Gear Solid series, Narcosis). Il est parvenu à se faire financer par une campagne Kickstarter plutôt modeste mains néanmoins efficace. ZED nous narre l’histoire d’un artiste atteint de démence qui tente désespérément de reconnecter ses souvenirs fragmentés. Il faudra explorer les rêves de son esprit en ruine dans l’espoir de l’aider à assembler suffisamment d’images marquantes pour laisser derrière lui un souvenir plein d’amour et un héritage final pour sa petite-fille.


ZED est avant tout une histoire de rédemption pour notre artiste qui ira découvrir des paysages surréalistes et familiers couvrant toute sa vie et sa carrière de dessinateur. Atteint de démence et fort proche de la fin de sa vie, il fera tout pour se remémorer les bons et les mauvais moments de sa vie familiale et professionnelle.
Le jeu se déroule à la première personne et il nous faudra découvrir des objets particuliers bien mis en surbrillance dans des niveaux reprenant toutes les étapes de sa vie pour pouvoir débloquer une nouvelle porte de son esprit par le biais d’une énigme simpliste reprenant la forme d’un puzzle à 9 pièces qu’il faudra remettre en ordre.


On ne peut pas tromper mille fois mille personnes
On ne vas pas se mentir, j’espérais carrément autre chose de ZED. Vu le pedigree des créateurs du jeu et le fait qu’il soit édité chez Cyan Ventures, je m’attendais à un jeu du genre Obduction et Myst. Loin de moi l’idée de galvauder l’intérêt des Walking Simulator mais j’espérais vraiment être face à un jeu qui nécessite de la réflexion et des énigmes dignes de ce nom. Il n’en sera rien à mon grand désarroi! On va me dire que j’avais qu’à mieux lire le descriptif du jeu ou de la campagne Kickstarter mais à la vue de la démo et des premières vidéos diffusées, j’espérais un voyage en plein surréalisme et avec des surprises. Fort de ce constat, il serait facile de massacrer le jeu et de la cartonner mais je n’en ferais rien. Après tout, j’ai tout de même apprécié Draugen récemment qui m’avait lui aussi vendu autre chose que ce à quoi j’ai pu jouer.


Parlons directement du côté technique et des réglages proposés par le jeu. On comprend très vite que le jeu en version 1.0 va nécessiter quelques ajustements et autres patchs avant de satisfaire même le moins exigent des joueurs. Je ne parlerais même pas de la version VR qui semble être assez problématique avec une gestion buggée de la téléportation mais tout ceci sera patché sous peu. Une fois le jeu lancé, on est un peu triste de ne pas voir les grands classiques comme l’édition des touches (ce qui va vous obliger à jouer en QWERTY), la gestion de la V-Sync, de l’inversion de l’axe des Y et bien d’autres réglages au niveau de la vidéo. Fort heureusement, le jeu a parfaitement bien calibré les quelques réglages vidéo pour ma configuration ce qui m’a donné un jeu très beau et fluide.


Le jeu gère donc partiellement les manettes et correctement le combo clavier-souris pour peu que l’on bascule nos paramètres régionaux en UK ou US. Il n’est disponible qu’en anglais à l’heure actuelle dans les voix et le texte et tout n’est pas si simple à comprendre pour les néophytes! Je vous conseille donc fortement d’afficher les sous-titres sous peine de ne rien comprendre à ce qu’il se passe et à se mélanger les pinceaux entre notre artiste et son ego dans des dialogues certes intéressants mais pas toujours très clair de prime abord.


You’ll Never Walk Alone
Concernant le jeu en lui-même, ZED a complètement changé de cap et de genre pendant son développement. On est passé d’un jeu d’énigme à un jeu d’aventure linéaire narratif comme What Remains of Edith Finch par exemple. On note donc quelques similitudes au niveau du ton général de la narration ainsi que des thématiques abordées. Comme je l’expliquais plus haut, ZED est avant tout une histoire de rédemption d’un homme qui a passé sa vie à travailler quitte à oublier un peu le reste. Fait intéressant, le jeu commence au chapitre 6 pour finalement arriver au premier chapitre en toute fin de jeu, sympathique et imprévu! Le début de l’histoire est passablement bordélique avec une mise en situation sans nuance et directement dans le vif du sujet. On a un mal fou à se glisser dans la peau du personnage et à comprendre là où l’histoire du jeu veut en venir.


On comprend bien que l’on doit trouver des objets marquants de sa vie et qu’ils seront dès lors consignés dans un journal lui permettant de remettre ses idées en ordre mais franchement on aurait aimé avoir plus de difficulté à les trouver. En effet, chaque objet qu’il faut trouver se démarque très fortement du décor et il ne faudra pas plus de 10-20 minutes pour boucler un chapitre. C’est d’ailleurs très étonnant de voir la progression au sein de certains chapitres, une fois on est en plein couloir et une autre on se trouve dans un réseau de couloirs fermés dans le seul but de trouver des collectibles prompts à débloquer un achievement… super.


Une fois notre quête des objets cachés terminée, une énigme digne de Fort Boyard se présentera à nous devant une porte. Comme je l’ai explicité plus haut, il nous faudra remettre en ordre 9 pièces d’un même puzzle. Vous allez me dire, ça peut le faire! Pour peu que les images soient complexes, on peut espérer y passer plus de 10 minutes mais non, on a la solution dudit puzzle sous notre nez ou en bougeant notre souris de quelques centimètres de côté. On est proche du foutage de gueule mais si l’on prend en compte qu’il s’agit surtout une aventure narrative et linéaire et que le but est d’arriver à la fin sans encombre cela passe crème au final malgré ma profonde déception.


Sweet Dreams are made of cheese
En gros, ZED n’est tout simplement pas le jeu que j’attendais. J’espérais du lyrisme, de l’émotion et du surréalisme et au final je récupère une qualité écriture franchement basique, des situations certes compliquées et puissantes émotionnelles mais sans réel impact vu la mise en scène et le jeu des acteurs. Le jeu est délicieusement cheesy avec des remises en questions certes salutaires mais particulièrement inopportunes et la qualité des dialogues n’aide pas vraiment l’implication du joueur. Tout n’est pourtant pas à jeter, loin de là. Une fois l’introduction incorporée et la trame narrative comprise, on commence tout doucement à comprendre les réelles intentions des auteurs. On est dans une quasi autobiographie avec tout ce que l’art peut engendrer de drames familiaux et en matière de qualité de vie et d’addictions.


Sans vouloir spoiler trop fortement le jeu, on comprend vite qu’il y a un fort parallèle entre notre personnage et un créatif travaillant soit dans l’édition ou dans le domaine du jeu vidéo. Que ce soit le crunch et l’hygiène de vie lamentable, tout y est décrit avec une précision qui fait mouche. La thématique d’une bande dessinée à succès qui se fait racheter par une boite pour en faire un film live daubé ressemble fortement à des cas réels et à d’autres catastrophes industrielles en matière d’adaptation par des producteurs sans scrupules. Au final, tout parvient à se mettre en place vers le dernier tiers du jeu et l’on commence à réellement apprécier à sa juste valeur ZED. Comme dans Usual Suspect, on remet les choses dans l’ordre et ce qui nous paraissait compliqué auparavant devient du coup plus limpide.


J’ai tout de même eu quelques soucis de continuité entre les chapitres et la symbolique des différents lieux oniriques m’a parfois échappé. Les transitions sont abruptes et on se demande bien pourquoi les scènes avec les ascenseurs apportent au récit et à l’univers. Autre chose qui aurait pu être sympathique mais qui se révèle finalement mal dosé, les 4 peluches que l’on doit trouver dans chaque niveau casse l’immersion et fini par lasser. Si, là aussi, la symbolique des peluches est forte, cette recherche de collectibles finit par lasser et c’est sans compter sur un achievement qui est cassé sur Steam à l’heure où j’écris ces lignes.


On Your Way Down
ZED peut se terminer en 2h chrono pour peu que vous ne cherchiez pas trop à explorer les niveaux. C’est fort léger mais le jeu est disponible à petit prix ce qui devrait tout de même aider à faire passer la pilule. Au niveau de la réalisation c’est superbe malgré quelques textures affreuses et des bugs de textures qui seront corrigés dans le premier patch du jeu. Le jeu est fluide même sur une configuration correcte et se trouve être magnifié sur une 1070 ou même un 2060. Une 750ti suffit largement à le faire tourner correctement ce qui est plutôt encourageant. Le jeu prend tout de même 10 Go sur votre disque dur ce qui n’est pas négligeable surtout avec une seule VO et des textures pas toujours au rendez-vous au niveau résolution.


Le changement brutal de genre fera jaser, c’est une évidence mais ce serait dommage d’occulter les réelles qualités du titre et de ne pas le voir comme une expérience simple mais singulière. Oui la mort, le deuil et la rédemption sont à la mode dans les jeux vidéos mais ZED parvient à y instiller un côté actuel presque meta qui fera mouche chez tous les créatifs en herbe ou pour tous ceux qui comptent placer leur travail avant leur famille ou autres. Le rêveur du jeu n’est pas au final un contradicteur mais bel et bien un accompagnateur et on ne le comprend que trop tard dans le jeu pour mieux comprendre la réelle force de l’histoire.


ZED n’est pas le jeu que j’espérais et au final c’est presque tant mieux. Vu son budget limité et sa thématique, cela aurait très difficile d’y appliquer un style fantasmagorique trop prononcé. Je suis passé par tous les sentiments en jouant à ce jeu, la colère de le voir si différent que ce à quoi je m’attendais, la déception de le voir sorti sans réel peaufinage technique mais également de la joie d’avoir vécu une histoire presque normal quoique tragique. ZED révèle sa force dans sa normalité ainsi que dans sa gestion des émotions et non dans son côté irréel et dépaysant. Mine de rien, je ne m’y attendais pas et même si je reste sur ma faim au final je rêverais ce soir de ce qu’aurais pu être le ZED que j’avais fantasmé.

LoutrePerfide
5
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le 4 juin 2019

Critique lue 300 fois

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