15 classiques de la philosophie esthétique

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Le Phèdre de Platon est un dialogue sur le beau, qui prend la suite du Banquet. Une partie est consacrée à la rhétorique et à l'art d'écrire. L'inspiration égyptienne, avec la figure de Thot, dieu qui transmet les arts et les métiers aux humains, est explicite. On y trouve aussi un vocabulaire proche de la mystique avec la description de l'âme ailée et de l'état extatique qui est celui de la rencontre avec le beau.

L'influence de la théorie platonicienne de l'art et du beau est quasiment sans égale dans l'histoire occidentale et arabe. Le traité sur le beau intelligible de Plotin, les écrits poétiques d'Ibn Arabi ou encore de Jean de la Croix s'inscrivent dans une lignée platonicienne.

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La Poétique d'Aristote sert de référence, que ce soit en positif ou en négatif, à toute la réflexion occidentale et arabe sur le théâtre et la poésie. La Poétique s'intéresse cependant à la production artistique en général et pas seulement aux arts littéraires. Elle a servi de norme pour le classicisme, avant d'être redécouverte par l'herméneutique de Heidegger et Ricœur.

Les notions de mimesis, de catharsis, de mythe et de métaphore y sont développées. On y trouve également une classification des genres littéraires.

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Les Salons de Diderot sont un modèle de critique d'art, genre très pratiqué à l'époque des Lumières, notamment par Montesquieu, Rousseau et Voltaire.

Diderot, sans élaborer un système d'esthétique, a écrit de nombreux textes sur ce sujet. Il est donc intéressant de compléter les Salons avec Le Neveu de Rameau (sur la musique), le Paradoxe du comédien (sur le théâtre), ainsi que les articles de l'Encyclopédie consacrés à l'Art et au Beau.

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Un livre majeur sur l'esthétique, très étudié et commenté. Kant analyse le sentiment de plaisir esthétique, lié au jeu des facultés de l'entendement et de l'imagination. Il s'inspire largement des Recherches philosophiques sur l'origine de nos idées du sublime et du beau, écrites par l'anglais Edmund Burke. On pourra les lire en complément.

La Critique de la faculté de juger clôt le système kantien qui avait commencé avec la Critique de la raison pure puis la Critique de la raison pratique. Les trois ouvrages forment un tout inséparable.

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Ce livre est, comme son nom l'indique, l'introduction aux cours d'esthétique que Hegel a donnés à l'université. C'est une puissante vision de l'art, à la fois spéculative et historique. Elle replace les productions artistiques des différentes époques dans le cheminement de l'Esprit absolu, qui s'achèvera avec la religion et la philosophie elle-même.

L'esthétique hégélienne est en même temps proche du romantisme et critique de ce mouvement artistique. Son influence sur l'esthétique ultérieure est considérable, tout comme celle de Kant.

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Un des plus beaux livres d'esthétique du XIXe siècle. Nietzsche déploie les valeurs de l'apollinien et du dionysiaque pour rendre compte de la tragédie grecque, de l'épopée et de la poésie lyrique. Il donne une place extrêmement importante à la musique, à la suite de ses maîtres d'alors Arthur Schopenhauer et Richard Wagner. Il polémique avec Socrate et la tradition platonicienne qui en est issue, qu'il accuse de rationaliser et d'assécher l'art.

On pourra approfondir en s'intéressant aux écrits ultérieurs de Nietzsche. Il y a en réalité trois périodes dans l'esthétique nietzschéenne : la période romantique qui culmine avec la Naissance de la tragédie et Vérité et mensonge au sens extra-moral, la période "positiviste" d'Humain, trop humain qui ramène le génie artistique au travail de l'ingénieur, et la période "herméneutique" du Crépuscule des idoles qui fait de l'art un symptôme à interpréter et évaluer comme les autres productions de l'esprit humain.

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Je pense surtout à l'essai "L'Origine de l'œuvre d'art" qui se trouve dans ce recueil. C'est dans celui-ci que Heidegger pose les bases de l'approche herméneutique en art, qu'il analyse les fameuses chaussures de Van Gogh et les temples grecs. Il théorise l'opposition de la terre et du monde dans les œuvres. Il développe également une philosophie de la technique et de la chose.

Heidegger influencera les études sur l'art de Arendt, Gadamer, Derrida et bien d'autres.

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Lotte Eisner est une critique et historienne du cinéma. Elle a écrit un chef d'œuvre dans son domaine, L'Écran démoniaque. C'est une étude de l'expressionnisme illustrée par des photos. Les films majeurs comme le Cabinet du docteur Caligari ou encore ceux de Fritz Lang et F. W. Murnau sont analysés, avec le thème du mal qui est omniprésent dans ce courant cinématographique.

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Ingeborg Bachmann est une poétesse, nouvelliste, romancière et théoricienne de la littérature autrichienne. En 1959, elle donne une série de cours à l'université de Francfort sur la poésie contemporaine, dont ce livre est la forme publiée.

Elle se pose la question de savoir ce qui justifie l'existence de l'écrivain et de son œuvre, face à la douleur et à la souffrance. Elle étudie le sentiment d'impuissance et d'absurdité qui a touché différents écrivains comme Tolstoï ou Kleist. Pour elle, le travail de l'écriture n'a pas pour but de nous bercer d'illusions ou de nous mettre en relation avec l'Être, ce pourquoi elle choisit philosophiquement le Cercle de Vienne contre Heidegger et la métaphysique allemande. Au contraire, l'écrivain a pour tâche de dire la vérité et d'ouvrir les yeux des humains sur le monde.

La lecture de ce livre pourra bien sûr être complétée par les poèmes, nouvelles et romans de l'autrice, mais aussi par les textes théoriques contenus dans Le dicible et l'indicible. Un de ces textes est consacré à son philosophe favori, Ludwig Wittgenstein, qui est aussi une figure majeure de l'esthétique avec ses Conversations sur l'esthétique et ses Recherches philosophiques.

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Il y a un biais important dans cette liste, en faveur de l'immense tradition de l'esthétique germanique. Arendt est la dernière que je mets dans cette liste provenant de cette tradition. Dans la lignée de Kant et Heidegger, mais aussi de l'École de Francfort, elle étudie ce qu'est une œuvre d'art et ce qui la distingue d'un produit du travail ou d'un consommable. Elle montre l'importance de la culture, qui est en crise selon elle. Sa permanence est menacée par l'éphémère et le divertissant, qui sont peu formateurs pour l'individu au contraire des œuvres au sens fort du terme.

À la lecture de ce livre peut être adjoint le chapitre de Condition de l'homme moderne consacré à L'œuvre. On l'ignore parfois mais Arendt a aussi écrit des poèmes et des critiques littéraires, notamment dans La tradition cachée où elle commente Kafka.

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Avec Nelson Goodman, on entre dans le meilleur selon moi de la philosophie anglo-saxonne de l'art. Il est vrai que j'aurais pu mettre Burke, Hume, Dewey ou Hutcheson dans cette liste. Mais Goodman propose à mon sens une théorie de l'art bien plus solide, de tendance nominaliste, qui puise dans les apports de la psychologie cognitive et de la logique pour réfléchir aux symptômes de l'œuvre d'art. Il étudie également la fiction et le réalisme en art.

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Julia Kristeva est spécialiste de littérature et de linguistique, proche des structuralistes Roland Barthes et Claude Lévi-Strauss. Je ne connais pas encore assez bien ce livre pour le noter et le commenter, il va intégrer ma pile à lire...

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Arthur Danto est l'autre grand nom de la philosophie anglo-saxonne de l'art dans cette liste. J'avais été frappé par son article "Le monde de l'art" qui est un must-read en ce domaine. Danto s'inspire autant de Hegel et de Sartre que de la philosophie analytique. Il s'intéresse aux propriétés logiques de l'œuvre d'art et son artiste fétiche est Andy Warhol, auquel il a consacré une biographie.

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Gilles Deleuze est assurément un grand philosophe de l'art. J'ai choisi ce livre consacré à son peintre, Francis Bacon, qui est un artiste des forces selon lui. Mais toute l'œuvre de Deleuze ou presque est esthétique, par exemple Logique du sens et les Dialogues avec Claire Parnet qui insistent beaucoup sur la littérature, les deux tomes de Cinéma, les chapitres consacrés à l'art dans Qu'est-ce que la philosophie ? ou encore Critique et clinique...

Deleuze s'inscrit dans le courant post-structuraliste, ses principales influences sont Spinoza, Nietzsche et Bergson. Il théorise principalement le virtuel, les forces, le mouvement, le temps (Aîon), la notion de création, les surfaces et la perversion.

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J'aurais pu mettre L’œuvre ouverte ou Lector in Fabula qui sont des classiques de l'esthétique herméneutique du philosophe italien Umberto Eco. Mais j'ai choisi Art et beauté dans l'esthétique médiévale car c'est un ouvrage dans lequel Eco étudie en profondeur et de façon passionnante la réflexion médiévale à ce sujet.

Eco rend accessibles nombre d'idées et de textes médiévaux sur l'esthétique. Par conséquent, quiconque s'intéresse à ce qui s'est dit à cette époque sur la beauté, la proportion, la musique, la couleur, la lumière... aura beaucoup de profit à lire ce livre. Eco avait fait sa thèse de doctorat sur Le problème esthétique chez Thomas d'Aquin.