Cover 2021, 2022, etc. - estampes et figures

2021, 2022, etc. - estampes et figures

Une fois tous les deux ans, c'est bien d'aligner un peu les cases, les compositions, les belles lignes colorées qu'on aura dévoré (il n'y aurait pas assez de contenu pour justifier à mon sens une liste annuelle ; au moins, j'ai moins d'images de couverture à chercher).

Dans ...

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43 BD

créée il y a plus de 2 ans · modifiée il y a environ 1 an
Mauvais genre
7.7

Mauvais genre (2013)

Sortie : 18 septembre 2013.

Roman graphique de Chloé Cruchaudet

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

---seule BD terminée en 2021...---

Quelques images qui marquent plus que d'autres : la poisse des griffonnés noir/gris, les cases soudaines sur l'horreur de la guerre, la danse concoctée comme un carnet de croquis accumulant les poses et élancées, et bien entendu les tenues, maquillages, objets et habitudes à prendre (la bourse, la maîtrise du corps - posture, les robes, le "miel dans la bouche") pour déguiser aux yeux de la société Paul en Suzanne. Bien moins touché par les hallucinations, démons ajoutés ci et là, enfin.

Escale à Yokohama
8.1

Escale à Yokohama (1994)

Yokohama Kaidashi Kikō

Sortie : 24 mars 2021 (France).

Manga de Hitoshi Ashinano

Rainure a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

---Lue toute l'année 2021, finie en 2022---

Siroté sous forme de jpg sur presque un an (à la fois la bénédiction et le malheur de mes lectures de bds sur ordinateur, je prend un temps monstre - c'était déjà le cas pour Calvin & Hobbes). Petite merveille sereine des petits riens, du ichi-go ichi-e et autres attitudes zen, attentives et calmes. Voir l'étrangeté d'un monde déclinant (mont Fuji à moitié explosé, villes éteintes les unes après les autres, ressources limitées) par le biais des échanges solidaires, des vies réduites qui poursuivent leur cours tranquille, d'êtres vivants grandissants, vieillissants, mourants, et des étranges robots (Alpha) qui persistent et maintiennent la mémoire des visages, des changements, des saisons. Donc : la grande joie des discussions de coin de café, des soirées pyjamas, de se traîner, ou juste de revoir quelqu'un, poursuivre les routines et leurs micro-bouleversements - une vie simple (et Ojisan, le grand-père ! plus beau sourire du manga)

Élégie en rouge
7.6

Élégie en rouge (1969)

Sekishoku Elegy

Sortie : 25 février 2010 (France).

Manga de Seiichi Hayashi

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

De sacrées propositions visuelles - les emportées bicolores qui composent avec les personnages simples, faits de simples contours presque, parfois des traits pour des ombres - quelque chose des collages des dernières années de Matisse ; quelque chose de très papier collé dans la composition aussi de la plupart des cases, à laisser tout de blanc autour des éléments importants, apparents, pour mieux ensuite tout combler lors d'éclats où reviennent les détails, les calques, les copies de photos (la lune en plein espace, mais aussi le portrait inaugural de Mishima - quelques visages là et là qui rappellent ce que fera Inio Asano bien plus tard). On est loin en effet (comme le mentionne l'intro) de Tezuka : tout là est plus acerbe, hors-les-clous, compose par associations d'idées, d'objets (on pense au Godard d'A bout de Souffle un peu, autant dans l'histoire de couple qui s'aime et ne s'aime plus, ne sait pas, que dans le montage chahuté).

Parfois les ennuis mettent un chapeau
7.8

Parfois les ennuis mettent un chapeau (2012)

Sortie : 24 février 2012 (France).

BD (divers) de José Parrondo

Rainure a mis 5/10.

Annotation :

Ennui quasi-complet : des monostrips mignons, crayonnés, aux petits bonhommes à la tête et au nez ronds, avec une phrase un peu poétique, un peu rigolote, légère et vite envolée ; déjà lu déjà passé. "Les gardes placés à tous les coins du château n'ont pas pu empêcher la tristesse d'envahir le roi."

Une vie dans les marges
8

Une vie dans les marges (1995)

Gekiga Hyōryū

Sortie : 24 mars 2011 (France).

Manga de Yoshihiro Tatsumi

Rainure a mis 6/10.

Annotation :

Juste l'impression de voir un ensemble de vignettes historiques (très intéressantes, foisonnantes, mais juste ça, inscrites dans l'histoire d'après-guerre japonaise) sur l'apparition du gekiga et son contexte, et toute l'intrication, la lutte des maisons d'éditions et des maisons de prêts de mangas pour parvenir à trouver sa formule, son public, son style - tenter de s'éloigner des canons Tezukesque ; mais jamais de n'avoir quelque chose qui échappe à la structure d'un manga historique bien classique (ennuis, amours, trahisons, refus, etc). Je n'y ai pas eu l'excitation d'avoir l'impression d'accéder à quelque chose d'inconnu, d'interdit, d'hors-les-chemins comme semblait être le gekiga alors / la revue Kage - faute à une facture de dessin finalement très classique, mise en scène comme trait, sans page à couper vraiment le souffle, qui appellerait à ralentir la lecture, souffler, s'extasier.

La Ville - New York Trilogie, tome 1
8

La Ville - New York Trilogie, tome 1 (1985)

New York : The Big City

Sortie : mars 2008 (France).

Comics de Will Eisner

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

Petites vignettes de la ville - avec un point de vue d'observateur un peu archi, questions d'appropriation de la ville, des façons d'habiter un quartier, ou observations de gentrifications ; Will Eisner propose une foule de points de vue sur la mégalopole américaine (sous formes de grands traits noirs plus ou moins épais, lignes perpendiculaires et parallèles à perte de vue) où se mêlent les silhouettes (quelque part pas si loin des croquis de Jan Gehl) et les personnes sur lesquelles Will resserre sa pensée ; bien des paumés et bien des malchanceux, pour une sorte de diaporama très rire noir, souvent violent, dur, parfois clicheteux, au dynamisme impressionnant (cases sans limites, laissant les sujets grandir et se tordre au besoin, les images s'interposer et se superposer, les détails disparaître et ressurgir)

L'Immeuble - New York Trilogie, tome 2
8.2

L'Immeuble - New York Trilogie, tome 2 (1987)

New York : Life In The Big City

Sortie : juillet 2008 (France).

Comics de Will Eisner

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

Un second volume qui creuse davantage le phénomène de vies partageant en s'ignorant les mêmes lieux (avec la grande histoire introductrice de quatre vies se croisant autour du même immeuble qui vient à être détruit), avant de revenir dans une seconde partie élaborer autour de concepts de la ville, les petites techniques des habitants pour se lever, aller travailler, y vivre, sur les temps et les espaces côtoyés. M'aura plus saisi graphiquement, quelques enchaînements saisissants, de sacrés crayonnés (les pluies, les brouillards, les nuits), les dernières grandes pages sur les rues désertes , hostiles, tristes et la foule pour de beaux jeux d'ombres et perspectives.

Les Gens - New York Trilogie, tome 3
8

Les Gens - New York Trilogie, tome 3 (1992)

New York : Invisible People

Sortie : octobre 2008 (France).

Comics de Will Eisner

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

Moins captivé par le petit troisième, qui s'obstine à ne plus raconter que des "histoires d'habitants", plus ou moins captivantes (une première très truculente, kafkaïenne, avec son personnage d'invisible qui vient à être vraiment indiqué comme mort, par erreur, au registre du journal, et les didascalies qui s'ensuivent). Toujours les volutes impressionnants, cases qui se délitent, faces rivetées de cernes et plis, mais moins d'enjeu, d'attrait.

Everyday
7.3

Everyday (1998)

Sortie : 21 mai 2005 (France).

Manga de Kiriko Nananan

Rainure a mis 5/10.

Annotation :

Quelque part dans le flottement perpétuel: silhouettes jamais bien déterminées ou presque (ciselées, presque brouillonnes ; cercles et autres formes géométriques qui échappent régulièrement au rectiligne), et étrangeté des textures monocordes, pleines, sans dégradés ; grands fonds noirs soulignant les réflexions internes, contrechamps et hors-cadres multipliés pour attraper un membre, un dos, souligner le visage, pour une histoire toute aussi flottante, personnages incertains, compromis difficilement réalisables, aspirations floues.

Corps sonores
7

Corps sonores (2017)

Sortie : 4 janvier 2017 (France).

BD franco-belge de Jul' Maroh

Rainure a mis 5/10.

Annotation :

Historiettes inintéressantes bouclées aussitôt entreprises, aux dessins ternes de chez ternes, un gris pâle aux fonds souvent en bouillie, brumeux, parfois des corps fluides, leurs frottements, leurs délacés, mais en dehors de ça quelque chose de statique et affreusement triste qui mériterait beaucoup plus de couleurs, de vie. Bref ennui triste, assez loin de mon (lointain) souvenir du "bleu".

Jolies ténèbres
7.5

Jolies ténèbres (2009)

Sortie : 6 mars 2009 (France).

BD franco-belge de Fabien Vehlmann et Kerascoët

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

Loin de m'y attendre, à cette glauque aventurette joyeusement coloriée ; fantaisies et couleurs des quatre saisons, conte de fées déglingués à coup de ces "jolies ténèbres", de jeux d'horreur (on pense forcément à Burton, ou un Don Bluth qui glisserait plus loin dans le violent, le sinistre. Forcément, beaucoup de rire jaune à voir l'espèce de survie mal embarquée (trahisons, jeux de pouvoir, incompréhension de la faune et la flore alentours dans un monde de "chapardeurs"), les princes ridiculisés, la naïveté, l'innocence souvent perdante, et le contretemps du monde des "géants", oiseaux et rongeurs, tout aussi violent mais sans y penser, pour vivre juste. Comme ne jamais être vraiment droit dans ses bottes, le pied au bon endroit.

Quéquette Blues : Intégrale
7.7

Quéquette Blues : Intégrale (2010)

Sortie : 27 octobre 2010.

BD franco-belge de Hervé Barulea (Baru)

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

Petite fascination : quasiment de la bédé sociologique (m'aura évoqué le "Ceux qui restent" de Coquard, ou le Paysage Fer de François Bon dans une moindre mesure). Baru dessine des gueules : gros pifs, traits absurdement forcés, grossis, ventres plus que ventrues, baves, boutons couvrant largement la face, mauvaises moustaches, bref, tout pour que les rares visages plus fins, propres, ressortent d'autant. Mais pas que ; Baru dessine Villerupt au passage de cette année 1966 surtout, et ses rues, et bistrots, café-tabac (sales, plein de fumée, d'alcool renversé, de coups partis si vite), usines de hauts-fourneaux. Partout, des tâches, des saletés, des crasses, et là-dedans un groupe de jeunes fils d'ouvriers (majoritairement d'immigration italienne et du Maghreb) qui tente de s'éclater comme elle peut un soir de nouvel an : qui veut draguer, boire, danser et baiser, de ne pas penser à l'usine un temps encore. C'est donc suivre une sorte de gueule de bois dans ce microcosme très largement machiste, et cette bande de copains à l'énergie d'avant les vingt ans, fonceurs, rock période Stones et Salut les Copains, qui passe la frontière proche pour le Luxembourg dès que ça veut poursuivre la fête folle (et tomber dans les milieux trop guindés pour eux et s'en moquer, se faire jeter, poursuivre ailleurs, tomber encore). Soit, une flamme assez fascinante.

L'Enragé : Intégrale
7.6

L'Enragé : Intégrale (2010)

Sortie : 4 novembre 2010.

BD franco-belge de Hervé Barulea (Baru)

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

Toujours mitigé penchant vers le bien pour Baru - il y a un espèce de dynamisme haché dans ses albums, des sortes de cases qui manqueraient et qu'il faudrait rajouter de tête pour compléter, et des broussailles, colorations en tâches aussi surprenantes que parfois juste pas très belles (les affiches de la manif, en genre de JPG copié-collé, m'aura arraché les yeux) - mais restent les angles des visages, les gueules qui s'ouvrent et s'écrasent, les traits déformés sous l'émotion de façon très exagérée. Il y a un côté Raging Bull au premier tome, plus encore un côté social marqué, vouloir la gloire sans rançon à la force de ses poings, se sortir de son milieu pourri, de sa banlieue et ne plus rien à voir à faire avec sa famille - pour revenir sur ce milieu, faire son "retour" sur un deuxième tome (moins convainquant pour ma part, toute la manipulation judiciaire m'interpelle moins, même si restent la marche, les manifestations, les retrouvailles). Encore une fois, en tout cas, de la bédé avec de la place pour les "potes", entre autres conneries.

Le Fleuve Shinano : Intégrale
7.9

Le Fleuve Shinano : Intégrale (2018)

Shinanogawa

Sortie : 24 août 2018 (France).

Manga de Hideo Okazaki et Kazuo Kamimura

Rainure a mis 6/10.

Annotation :

Histoire d'éducation amoureuse est plus convenue, pénible, pas farouche. Je suis loin d'être fan de ces abandons du premier amour, jalousies, sensualités, vus et revus. Ce qui est d'autant plus dommage que sinon le dessin est virtuose : voir ces vents soulevant les nuances, les ukiyo-e quasiment, les neiges et surtout les pluies torrentielles qui découperait presque vraiment.
Pour les tomes 2 et 3, mêmes constats, voire à un niveau encore plus grotesque dans toutes ses insistances "je suis une femme lubrique" / "perfide" / "ne méritant que le pire", avec l'espèce d'héritage du passé par la mère et la postérité identiquement perverse (ridicule jeu de poursuites des perversions), alors qu'encore vraiment, le dessin est à couper le souffle, tempête comme brise, noyades et envolées.

Le Club des Divorcés
8

Le Club des Divorcés (1974)

Rikon Kurabu

Sortie : 6 novembre 2015 (France).

Manga de Kazuo Kamimura

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

Ambiances et histoire radicalement différentes à celles du Fleuve Shinano - Kamimura fouille le milieu urbain dense tokyoïte, loin des plaines, des ruralités, de la société pré-moderne de Shinano. Zoom sur la vie des clubs et la place des femmes dans des années où explosent les divorces, sur une période sociale d'inégalités et de crises marquées par les fermetures, les suicides - donc, ancrage beaucoup plus réaliste et social cette fois. Puis : Yûko surtout, qui développe son amertume, ses réjouissances, sa volonté de construire tout de même un coin réconfortant, un "quelque part" pour que des clients se sentent heureux, tiraillée entre telles envies et telles nécessités, tenant bon an mal an son club et son équipe. Restent ensuite la densité : nuits poisseuses, pleines de brouillards de néons, d'un Tokyo brouillé de détails, d'un club aux éléments simples mais aux gestes, mouvements déplaçant les perspectives, parfois des ensembles quasi photoréalistes, parfois des gris bien plus estompés, des broussailles, des buissons ; puis au contraire, les jours plus épurés, cases évidées sauf du principal. Bref, m'aura bien plus accroché que l'autre lu, il a tout pour me donner envie de poursuivre chez Kamimura !

Satanie
7.4

Satanie (2016)

Sortie : 19 octobre 2016 (France).

BD franco-belge de Fabien Vehlmann et Kerascoët

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

Très bel imaginaire des sous-sols et troglodytes, des territoires infernaux en rhizomes : sensations de voyages au centre de la Terre façon Verne, tout le superflu et l'imaginaire libre, avec le fondement semi-scientifique, ou des profondeurs des miasmes de Nausicaä, d'insectes terrifiants et dévorants. Assez fasciné aussi par ces couleurs qui viennent s'affoler de plus en plus, pleines de dangers, de variants effroyables de températures, de poisons variés - tout un univers sans socle, d'agitation permanente, de pièges et de survie (une équipe de choc pourrait en faire un jeu formidable d'explorations vertigineuses, à apprendre à connaître écosystèmes, tellurismes, vents et à s'adapter en permanence en fonction des règles survenant). Soit : régal d'imaginations en forme d'emmêlements, de toiles d'araignées.

1978-1987 - Broussaille : L'Intégrale, tome 1
8.6

1978-1987 - Broussaille : L'Intégrale, tome 1 (2016)

Sortie : 7 octobre 2016 (France).

BD franco-belge de Michel de Bom (Bom) et Frank Pé (Frank)

Rainure a mis 9/10.

Annotation :

Tout autant pour l'historique de la grande première moitié de l'intégrale (l'Elan de Spirou, les papiers de Broussaille très dans l'esprit de la Hulotte) que les magnifiques deux premiers tomes de ses aventures ; les Baleines Publiques et ses nuits pâles, ses sombres choses héritées de Gustave Doré, et l'esprit d'aventure, de mystère, de dépaysement du tout - Broussaille voyant ces créatures précisés, marines, voler un peu partout dans un simili-Bruxelles. Puis le second tome (les Sculpteurs de lumière) avec la campagne magnifique (le détail des feuillages, impressionnant embrouillamini de Frank), l'oncle bourru, massif, et les contre-jours de Böcklin, les menaces d'ombres et lumières. Tout ça, et l'esprit plaisantin, toujours proche de la naïveté, du simple du tout, donc de belles odes. Surpris de voir à quel point le dessin est différent du Zoo que j'avais lu il y a longtemps, on verra bien sur le reste de l'intégrale l'évolution du trait (moins Gaston, sans doute).

1988-2002 - Broussaille : L'Intégrale, tome 2
7.8

1988-2002 - Broussaille : L'Intégrale, tome 2 (2017)

Sortie : 25 août 2017 (France).

BD franco-belge de Michel de Bom (Bom) et Frank Pé (Frank)

Rainure a mis 6/10.

Annotation :

Beaucoup moins conquis par tous les tomes récents de Broussaille - après le tome 3 disons ; bien moins de mystères, de jeux de lumières fascinants, même de vraies pauses, plutôt un rythme qui tend à s'ankyloser, et un mystère qui devient plutôt un ennui d'anticapitalisme new age convenu, aux dessins plus ronds, presque clichés, bien plus kitchs. Toujours le plaisir des feuillages, de l'espèce de tendresse du tout quand même (mais toutes les pages du faune en revanche, grand ennui)

L'Homme sans talent
7.4

L'Homme sans talent (1985)

Munō no hito

Sortie : 22 janvier 2004 (France).

Manga de Yoshiharu Tsuge

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

Pour continuer à fouiller dans le gekiga et dérivés et héritiers, avec une figure apparemment de proue - quand il faisait paraître des mangas précédents dans la revue Garo. Ici, pas forcément les fulgurances visuelles, les choses aussi coupantes que l'Elegie en Rouge lue plus tôt dans l'année, mais autrement, grand récit d'incapacité, d'inadaptabilité au capitalisme naissant, ou comment l'inutile tente de maintenir sa place sans grande conviction et avec beaucoup de misère, de ridicule. Douloureux suivi de l'homme qui pourchasse des rêves, des métiers voués à rien et qui le sait bien, tout en fuyant par principe les quelques métiers où il pourrait stabiliser ses ressources - total décrochage de la société et ses évolutions, pour une nostalgie de l'exception disparue, des oiseleurs rares et chercheurs de beaux cailloux, nostalgie d'antiquaire et de ruines. Se tourner vers la poussière, les ombres, les haïkus de Basho, les poètes morts misérables, la disparition sans empreintes.

Paul à Québec
7.9

Paul à Québec (2009)

Sortie : 21 octobre 2009 (France).

BD de Michel Rabagliati

Rainure a mis 9/10.

Annotation :

Sacrebleu de simplicité, m'attendait pas à ça ; touchante tranche de vie d'un point de vue "en dehors", secondaire - Paul en dehors, pas absent mais pas invité en premier lieu - une foultitude de personnages qui prennent au moins autant de place que lui, puis forcément le sujet le laisse en second plan, spectateur avec nous. Couleurs et traits de coton, qui savent s'agiter comme il faut (onomatopées et bruitages, râles et murmures, courses et attentes, quelques cases très amusantes), dans le plus pur style case par case et phylactères (aucun grand vertige du montage, du style - au plus simple dans un grand brio). Très curieux de lire un peu plus de choses de la série, du coup.

Paul dans le métro
6.7

Paul dans le métro (2005)

Sortie : 2005 (France).

BD (divers) de Michel Rabagliati

Rainure a mis 6/10.

Annotation :

Plus je le lis, plus j'aime les dessins de Rabagliati, tout en symboles et noms affichés, contours relativement grossiers, simples, traits de visage évidents, dynamisme certain de ses cases après cases. Un certain sens du gag aussi, du rythme des chutes, de la réplique, tout en ayant cette histoire banale et touchante qui s'étale.
Là, on compile plusieurs petits récits : si le premier m'enchante, me réjouit tout à fait (explorer les lieux cultes de Montréal mais en adolescents, inventer des jeux là ou on peut, rêver nostalgiquement), on n'échappe pas à quelques trucs plus lourds après, compilation qui ne vaut pas toujours qualité (très pénible, lourdement sexiste, Paul à la quincaillerie en tête). Fouillis, varié et cabossé : des chutes et des chutes (très drôle de derniers extraits "bloopers" pour conclure, quand même).

Paul à la maison
7.6

Paul à la maison (2020)

Sortie : 10 janvier 2020 (France).

BD (divers) de Michel Rabagliati

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

Toujours la série des Paul, que je découvre plutôt égale de qualité, mais à son plus noir ici : problèmes d'un Paul devenu cinquantenaire et vieux con assez haïssable, qui fait beaucoup de peine tout de même, déconnecté de sa famille ou presque, méprisant un monde qu'il ne reconnaît plus, où il trouve de moins en moins une place (quand à côté il reste reconnu, demandé comme auteur de BDs) - mais avec de la reprise en main, parmi les noirs et gris quelques tâches blanches qui se glissent, des efforts de lumière. Faire de l'expérience de contrejours encore, d'hivers très longs, et de douleurs du corps vieillissant, pourrissant par manque de soin de soi-même, par abandon, ratatinement. Forcément, des cases presque immobiles, impeccables de solitudes, et un clebs qui se met à parler pour combler sans doute le trop-vide, la peur d'aller trop loin peut-être.

Paul au parc
8

Paul au parc (2011)

Sortie : 18 novembre 2011 (France).

BD (divers) de Michel Rabagliati

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

Michel Rabagliati a un talent certain pour la variation du ton : traverser des réalités politiques passées comme un rien sous le prisme de l'adolescence, des amourettes, de la vie "classique" ou supposée québécoise, et ses personnages à qui il parvient à donner une forme palpable, des idées et des convictions sans trop de mots, d'une remarque et d'un froncement de sourcils. Passer par le comique de quelques situations, la fascination pour un bouquin, un auteur (Franquin ici, comme partout chez "Paul", puis bondir sur l'universel des personnalités qu'on peut trouver parfois - les "grands frères" et autres guides spirituels, les grands-parents envahissants, les guides scouts d'une bonhomie toute sympathique, les grands peurs des nuits seuls ou des hontes jusque-là cachées qu'on est forcé de révéler. Soit, encore un beau talent à mêler mine de rien les petites histoires et le plus grand tableau, avec sans doute beaucoup d'autofictions, d'événements repris et tordus de la vie propre de l'auteur.

Les Deux Vies de Pénélope
7

Les Deux Vies de Pénélope (2019)

Sortie : 6 septembre 2019 (France).

BD (divers) de Judith Vanistendael

Rainure a mis 6/10.

Annotation :

Tendres aquarelles et joli trait à l'encre noir, les visages faits de presque rien comme traits, de quelques traces, les contours qui sont dépassés, les couleurs débordantes. Du reste, histoire sans bien de passion ; un écart, un décalage, des restes, fragments qui peinent à ravivoter de flammes - des sentiments qui ne traversent jamais, restent dans leurs couleurs et leurs personnages.

Les Intrus
7.7

Les Intrus (2015)

Killing and Dying

Sortie : 22 octobre 2015.

BD de Adrian Tomine

Rainure a mis 9/10.

Annotation :

Dingue l'aisance avec laquelle Adrian Tomine jongle avec les thèmes, les humeurs, les ambiances d'une histoire à l'autre - d'une page à l'autre - dans une mise en scène toute classique de cases et de cases ; toujours une grande tendresse envers ses personnages qu'il met dans des situations dérangeantes, paumées, voire carrément tristes, pleines de lâcheté, de bêtises, de tentatives d'amour et de soutien, soit : un très très beau recueil.

Anaïs Nin : Sur la mer des mensonges
7.5

Anaïs Nin : Sur la mer des mensonges (2020)

Sortie : 26 août 2020.

Roman graphique de Léonie Bischoff

Rainure a mis 6/10.

Annotation :

De l'affection pour la pâte graphique de la bédé, au crayon magique (unité dans la variation des couleurs, entre les rouge-rosés et le bleu de rêve), pour les volutes omniprésentes, l'espèce de flou des nuits et des rêves, la tendresse des scènes de sexe (notamment celles avec Henry Miller). Moins d'envoûtement pour le reste, la vie elle-même d'Anaïs Nin me passionne t-elle ou juste la BD ? (lire le journal, plus tard plus tard) (plus loin que ça : est-ce qu'une seule BD biographique m'a déjà plu ? je ne trouve pas de contre-exemple hélas)

L'Œil du cyclone
7.4

L'Œil du cyclone (2022)

Sortie : 1 décembre 2022.

BD franco-belge de Théo Grosjean

Rainure a mis 6/10.

Annotation :

----2023----

La pâte à modeler mélangée de Bryan Lee O'Malley, Tom Gauld ou ce que j'imagine de Riad Satouf, et les nostalgies et cynismes des gens moitié à côté (de leurs godasses, forcément) et trop conscients et concentrés sur ce qui ne tourne pas rond pour savoir aller bien. On a déjà vu ces couleurs qui apparaissent quand une émotion, un nouvel être apparaît - d'une bicolore noire et blanche à un trio où vient se mettre la "vie en rose - mais pas tant" - toujours un peu faciles, symboles d'une vision qui s'ouvre et perçoit enfin quelque chose de neuf, d'une complicité, d'une personnalité propre. Déjà vues, mais toujours qui permettent quelques pages plus touchantes, les vies en accélérées, certains épisodes - alors que le dessin se ramifie, gagne du détail après les traits gros et ronds des premières pages. Quelque chose très de notre temps en somme, déprimes et angoisses profondes, recherches de quelques choses solides, où s'accrocher, à quoi croire, attachements rapides puis s'étiolant qu'on laisse filer presque par cynisme ; historiette touchante en soi.

Chère Scarlet
7

Chère Scarlet

BD de Teresa Wong

Rainure a mis 5/10.

Annotation :

Dans la suite de ces bédés didactiques aux traits un peu moches, à deux couleurs noir / blanc et aux traits grossiers (Liv Stromquist), même sans griffures et sans de grands étonnements : surtout raconter une expérience de vie, des expériences désagréables et qui touchent davantage sous le format témoignage que leçons explicatives (ici, dépression post-partum). Il y avait un peu de quoi s’amuser dans les polices, les grands remplissages et découpages que faisait Liv Stromquist, là même pas ; reste le récit suffisamment humble, simple, pour lire tout ça.

Les Rigoles
8.1

Les Rigoles (2018)

Sortie : 29 août 2018.

BD franco-belge de Brecht Evens

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

Une fois les premières pages passées (très compliquées à suivre, le temps de s’habituer à l’effervescence, aux cases remplies de couleurs et de détails sans liens les uns avec les autres, toiles bourrées et dégueulant toute une palette de ternes et de pâles), on se fait l’œil : si tout est toujours autant généreux et abondant à l’excès, à la fièvre, on sait cependant un peu plus sur quoi s’attarder et ralentir le regard, et s’amuser des dizaines de changements de styles, d’aplats, de noirs-blancs-mauves qui reprennent un peu de palettes, d’uniformisations puis d’errances ivrognes, d’éclaircissement des scènes qui se dégagent des décors puis du replongeon dans une foule immense aux couleurs et attraits bizarroïdes, corps extraordinaires de toutes tailles et de toutes couleurs, qu’on s’amuse à suivre à travers l’immense gueule de bois d’une nuit terrible parisienne (dégueulis, vols, baisers et baises, fuites et retrouvailles, crasses et saignements). Soit : un cocktail ajoutant ingrédient après ingrédient, parfois amer parfois tout à fait imbuvable, et souvent juste l’extase et l’exploration béate de la myriade, le plongeon dans on-ne-saura-jamais, pour oublier tous les détails et garder l’étrange goût en bouche.

Éveils
7.3

Éveils (2021)

Sortie : 19 février 2021 (France).

Roman graphique de Juliette Mancini

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

Dans un style proche des affiches des concerts Kythibong (serait-ce la même personne derrière?) ; griffonnages aux crayons de couleur, dans des gammes restreintes, laissant peu de détail, de quoi deviner juste les éléments nécessaires, et toutes les violences symboliques et les émotions qui viennent s’y planter. Beau, assez fin témoignage graphique de ce à quoi peut ressembler, sous l’angle des violences des injonctions de genre, l’enfance moyenne d’une femme à peu près de ma génération (5-10 ans de plus plutôt) ; dans un style un peu « blanc », un peu Ernaux, l’utilisation du témoignage intime pour venir toucher plus large et donner à voir sans expliquer. Objectifications, attentes propres au rôle de genre, terreurs profondes des événements politiques de mon époque, et saisir ça sous l’aune de la tendresse, de colère, de peurs et de quelques joies – brouillaminis des beaux choix de crayons.

Rainure

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