2021 en livres
Programme prévisionnel en 2021 : poursuivre avec quelques auteurs dont j'essaie de tout lire (Beauvoir, Quignard, Michon, Giono, Barbarant), colmater de grosses lacunes (Zola, quelques classiques de la philosophie, la tragédie grecque antique), continuer ma découverte de la poésie française ...
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créée il y a presque 4 ans · modifiée il y a presque 3 ansÉthique et infini (1982)
Sortie : avril 1984 (France). Entretien, Philosophie
livre de Emmanuel Levinas
Jeremias a mis 8/10.
Annotation :
05/01.
Retranscription d'entretiens diffusés sur France Culture au début des années 80. De quoi s'initier en douceur à la pensée de Levinas, qui me parle et que j'aimerais approfondir cette année.
Éloge du carburateur (2009)
Shop Class as Soulcraft: An Inquiry Into the Value of Work
Sortie : juin 2010 (France). Essai, Philosophie
livre de Matthew B. Crawford
Jeremias a mis 8/10.
Annotation :
08/01
Un vif et très convaincant essai de philosophie du travail, qui réhabilite l'intelligence des activités manuelles, dans une perspective qui emprunte autant à Marx à qu'Iris Murdoch. Le réparateur de moto dispose d'une compétence économique et d'une compétence intellectuelle et même métaphysique dont on a soigneusement évidé les emplois de bureau. Plus largement, c'est le savoir-faire pratique qui se voit revalorisé dans ce livre, comme un savoir "du typique", selon les mots de l'auteur. C'est assez brillant pour donner envie de lire les autres ouvrages de Crawford — qui vient de faire paraître un essai intitulé Why We Drive: Toward a Philosophy of the Open Road.
La Grande Beune (1996)
Sortie : janvier 1996. Roman
livre de Pierre Michon
Jeremias a mis 9/10.
Annotation :
10/01
Je ne connais pas beaucoup de prosateurs contemporains de l'envergure de Michon. Ici il fait résonner la Dordogne d'un tarabust (comme dirait Quignard) venu du fond des âges, et de la sublimation de la chasse et de la mort que dépeignent les grottes peintes du Paléololithique.
Les Perses (-472)
(traduction Paul Mazon)
Persai
Théâtre
livre de Eschyle
Jeremias a mis 9/10.
Annotation :
11/01
Je confesse au vaste monde que c'était la toute première tragédie grecque que je lisais. Elle est comme j'aime mes tragédies : peu d'actions et cinquante nuances de pathétique, dans une langue noble et simple — qui finit dans la nudité du cri.
Poèmes
Sortie : 5 juin 1996 (France). Poésie
livre de D. H. Lawrence
Jeremias a mis 8/10.
Annotation :
15/01
Cette anthologie fait voir de multiples facettes de la poésie de Lawrence. Grosso modo tout est une forme de prêche, parfois bassement politique (jusqu'à l'antisémitisme), parfois génialement cosmique. En fait : souvent génialement cosmique. Dieu est mort (à moins qu'il n'ait pas fini de naître), et il n'y a pas de dieux non plus, nous sommes tous des vers de terre de toute façon, donc autant se faire plaisir et mordre les figues à pleines dents.
Les Mandarins (1954)
Sortie : 21 octobre 1954. Roman
livre de Simone de Beauvoir
Jeremias a mis 7/10.
Annotation :
21 janvier.
1 000 pages ! C'est bien ce qu'il fallait pour ce roman d'histoire du temps présent (1954), celle de l'après-guerre. Évidemment il y a des chutes de tension. L'ensemble est moins tendu par une intrigue que par des questionnements politiques et philosophiques (dont on perçoit les coutures dans certains discours de pensée un peu plus gauches). L'action politique est-elle préférable et cumulable avec la pratique de l'écriture ? Quelle position adopter à l'égard des communistes ? Comment se situer dans un monde devenu illisible ? Autant de questions qui ont agité Beauvoir elle-même, et que le roman ne tranche pas ou pas en tant que tel, Dieu merci. Les longs chapitres ont l'intérêt d'alterner deux points de vue et deux types d'énonciation, ce qui aère la construction et participe bien de la confrontation des discours et des tentatives d'engagements à l'égard du monde. Avec même, dans la narration à la 1re personne, une histoire d'amour, très ressemblante à celle de Beauvoir avec Algren, qui semble d'abord un corps étranger avant de prendre tout son sens de manière poignante dans les dernières pages. Tout ça est touffu, ce serait illisible sans la prose nerveuse et énonome de Beauvoir, particulièrement douée pour faire entendre des voix distinctes, y compris au sein d'une même psyché.
Rymes (1545)
Sortie : 1545 (France). Poésie
livre de Pernette Du Guillet
Jeremias a mis 6/10.
Annotation :
22/01.
Pas vraiment ce que j'aime. Les formes brèves qu'elle chérit (huitains et dizains) sont beaucoup trop hermétiques pour moi, ça ne m'amuse pas vraiment, d'autant qu'au-delà de la syntaxe amphigourique c'est délibérément pauvre en images et en mots. Quelques chansons moins corsetées, l'intérêt se réveille, et puis vient un pesant poème allégorique et patatra. Pas impossible cela dit que j'ai lu ces poèmes sans vouloir me plier à la discipline intellectuelle qu'ils requièrent.
La Place (1984)
Sortie : 1984 (France). Roman
livre de Annie Ernaux
Jeremias a mis 9/10.
Annotation :
24/01
Assez bouleversé par ce portrait très fin et très pudique, qui ne se paye pas de mots, peut-être parce qu'il est coloré par un discret regard sociologique.
Passion simple (1992)
Sortie : janvier 1992. Roman
livre de Annie Ernaux
Jeremias a mis 8/10.
Annotation :
24/01
C'est un banal récit d'amour, raconté dans une langue désespérément nue, avec quelques coup d'œil un rien narcissique de l'autofictive qui s'observe et s'explique écrire. Et pourtant, ça marche.
Les Grands Chemins (1951)
Sortie : 16 mai 1951. Roman
livre de Jean Giono
Jeremias a mis 9/10.
Annotation :
28/01
Très fort chez Giono, cette capacité à renouveler son écriture sans se travestir. Ce roman-ci est écrit au présent, dans une oralité très gouailleuse, très imagée, qui évoque souvent San Antonio. Le présent et la narration à la première personne, par un drôle de type, font qu'on se sent immergé là-dedans sans grand recul, ce qui pousse rapidement à la circonspection. D'autant qu'on ignore tout du narrateur, qui ne fait rien de plus que des allusions à son passé rocambolesque, et que toute cette prétendue histoire d'amitié a l'air crypto-gay, sans que les choses soient jamais dites, même quand elles sautent au visage. En somme, dans des atours bien plus canailles que d'habitude, l'excellent Giono des Chroniques romanesques, avec la roublardise de ses tours de passe-passe narratifs (l'Artiste, qui fascine tant le narrateur, est un virtuose de la triche aux cartes, évidemment pas par hasard).
Eucharis
Sortie : 4 avril 1989 (France). Poésie
livre de Philippe Delaveau
Jeremias a mis 6/10.
Annotation :
31/01
Failli laisser tomber ce recueil de Delaveau, alors que j'avais plutôt apprécié ceux que j'ai lus, les derniers parus. Mais là ça me paraissait trop policé, trop joli, trop poésie-moderne-de-droite, avec un sous-texte théologique trop ostensible pour retenir l'intérêt. Et puis finalement, soit je me suis pris au jeu soit ça s'améliore au fil du recueil. C'est structuré selon une lecture explicitement téléologique et théologique du temps : Enfances, Mythe, Histoire, Mystère — quadripartition qui rappelle aussi les quatre niveaux de lecture des Écritures, me fait remarquer C. À partir de Mythe, il y a des textes très réussis où le poète hallucine des personnages mythologiques en plein Londres — dont on sait que les soirs de demi-brume ont fait beaucoup pour la modernité poétique… Parmi les figures les plus marquantes, Orphée à Soho puis Southbank. Plus loin, pour conclure Histoire (évidemment), un très grand poème nommé "Le retour du prodigue". Il y a quand même pas mal de choses qui me paraissent relever du cliché ou en tout cas du déja-vu ; beaucoup de solennité assez poseuse sous l'humilité du poète en oraison ; et du métier, qui se voit et peut paraître monosémique ou en tout cas allégorique de manière transparente. Mais déjà une voix, un maniement fin du quasi-alexandrin et de ses possibiités rythmiques ; et une parole poétique, une vraie, même si dans ce premier recueil elle a l'air encore non pas candide mais verte. Je vais enchaîner avec Le Veilleur amoureux, que j'espère plus abouti.
Les Suppliantes (-466)
Ἱκέτιδες
Théâtre
livre de Eschyle
Jeremias a mis 8/10.
Annotation :
31/01
Les Suppliantes : un acte de langage et pas d'autre action. Ça suffit à mon bonheur.
Faceworld, le visage au XXIe siècle (2018)
Sortie : 11 avril 2018. Essai
livre de Marion Zilio
Jeremias a mis 5/10.
Annotation :
03/02
Cette question du visage m'intéresse beaucoup, comme objet philosophique, anthropologique, esthétique, etc. Mais au fond l'ouvrage de Zilio parle moins de visage que de technique, d'un point de vue post-foucaldien — comment l'humanité a construit le visage comme artefact, dans un processus qui s'est brusquement accéléré au XIXe siècle avec l'invention de la photographie et de la psychanalyse, pensées dès l'origine pour mettre le visage au service du biopouvoir. Point de vue intéressant même si ce n'est pas tout à fait ce que j'avais envie de lire ; hélas le livre est inutilement ardu, trop pour être convaincant.
Plume (1938)
précédé de Lointain intérieur
Sortie : 23 octobre 1985 (France). Poésie
livre de Henri Michaux
Jeremias a mis 8/10.
Annotation :
06/02
Je découvre Michaux. J'ai aimé ces brèves narrations fantasques voire fantastiques, poétiques presque sans chercher à l'être.
Cent ballades d'amant et de dame
Sortie : 1001 (France). Correspondance, Poésie
livre de Christine de Pizan
Jeremias a mis 10/10.
Annotation :
11/02.
Quel exploit de la part de Christine de Pizan : raconter une histoire d'amour en recourant à une forme poétique unique, la plus fascinante avant l'invention du sonnet, mais assurément pas la plus dynamique. Pourtant, la ballade, avec son retour constant du refrain, s'avère particulièrement propice à dépeindre les ressassements qui émaillent le discours des amoureux. C'est extrêmement virtuose dans la composition d'ensemble (la relation amoureuse évoluant le plus souvent dans les interstices des pièces poétiques) et l'intérêt est toujours renouvelé dans le détail, grâce à la grande variation des mètres, des tonalités, et aux nombreuses surprises métriques. Un chef-d'œuvre.
Orlando (1928)
Sortie : 1948 (France). Roman
livre de Virginia Woolf
Jeremias a mis 9/10.
Annotation :
13/02
Je découvre Woolf, par ce qui semble être un à-côté de son œuvre fictionnelle. Mais certainement pas une œuvre mineure. Orlando est une œuvre délicieuse, qui joue en permanence avec les conventions littéraires et dénonce les conventions sociales, mais sur un ton ironique, presque austénien. Le style de la narration, ainsi que les préoccupations du personnage, évoluent au fil des périodes présentées dans le roman, de sorte que le lecteur ne s'ennuie jamais. Woolf a qualifié le livre de "vacances pour écrivain", et c'est aussi les vacances du lecteur, un vrai délice !
Les Chants de Maldoror (1869)
Sortie : 1869 (France). Poésie
livre de Comte de Lautréamont (Isidore Ducasse)
Jeremias a mis 4/10.
Annotation :
19/02 (abandon aux deux tiers)
Adolescent, je crois que j'aurais adoré. Mais je suis beaucoup trop vieux pour Maldoror, qui m'a paru puéril, poseur, moralisateur sous ses dehors de transgression infantile. Et, surtout, ce qui est impardonnable, très ennuyeux. D'où cet abandon au milieu du livre, fait rarissime pour moi.
Chéri (1920)
Sortie : 1920 (France). Roman
livre de Colette
Jeremias a mis 8/10.
Annotation :
21/02
Beau petit roman, d'attaque sucrée et de final amer, qui m'a souvent fait penser au Chevalier à la Rose de Strauss et Hofmannstahl (je me demande si la scène d'ouverture n'en est pas une réécriture), à la différence que les personnages y refusent de "faire une fin" bien morale comme la société les invite à le faire.
Temps mort
Journal Imprecis (1986-1998)
Sortie : 15 octobre 1999 (France). Journal & carnet
livre de Olivier Barbarant
Jeremias a mis 8/10.
Annotation :
26/08
Le journal de Barbarant, de la fin des années 80 à la fin des années 1998. Il commence jeune normalien en plein mémoire de maîtrise, qui enchaîne les conquêtes masculines dans son studio parisien. On le quitte prof de lettres, spécialiste d'Aragon, poète déjà publié et remarqué, installé à Saint-Quentin avec une femme (!). Entre-temps, des obsessions constantes : le ciel et ses humeurs changeantes (presque à chaque entrée), la musique, les poètes, surtout Jaccottet et Aragon, les corps. En un mot : le goût du phénomène et du sensible. Une voix d'auteur se forme, d'abord un rien apprêtée, un rien khâgneuse, et progressivement mieux tenue, plus modeste et plus consciente de ce qu'elle cherche à atteindre par l'écriture — et Barbarant est loin d'être un mauvais prosateur, comme son œuvre poétique a l'occasion de le montrer par ailleurs.
Les Sept contre Thèbes (-467)
Édition bilingue
Ἑπτὰ ἐπὶ Θήϐας
Théâtre
livre de Eschyle
Jeremias a mis 9/10.
Annotation :
27/08
Le titre de la pièce vient paraît-il d'Aristophane. Il est à la fois génial et trompeur. L'important ne sont pas tant les Sept (dont les noms donnent l'occasion à un revigorant dialogue épique) que le septième, Polynice, contre lequel le roi Étéocle va devoir se battre. C'est assez amusant à lire après les Suppliantes, car le chœur est aussi constituée de suppliantes, en un sens, mais Étéocle n'a de cesse de les traiter de chouineuses ; mêmes moyens, autres effets. Je ne sais pas si cela provient de son minimalisme dramaturgique (deux acteurs, forcément…) mais je goûte décidément beaucoup ce théâtre, ascétique mais pas austère.
Saül le furieux • La Famine, ou les Gabéonites (1572)
Sortie : 1572. Théâtre
livre de Jean de La Taille
Jeremias a mis 7/10.
Annotation :
27/02
La Taille a eu le culot d'écrire une suite directe à son Saül. C'est presque aussi beau, même si le sous-texte protestant est un rien lourd — et le plagiat de Sénèque (Troades) saute aux yeux, assurent les connaisseurs…
L'Œil oblique
Essai sur l'image, la peinture et le théâtre
Sortie : septembre 2020 (France). Essai
livre de François Lecercle
Jeremias a mis 7/10.
Annotation :
Mars.
Lu pour le boulot. De la très bonne critique, érudite et élégante (une grosse vingtaine d'articles, tous hantés jusqu'au ressassement par la question du sens oblique), même si ce pavé aura complètement foutu en l'air mes routines de lecture.
La Tragique Histoire du docteur Faust (1604)
The Tragical History of Doctor Faustus
Sortie : 1604. Théâtre
livre de Christopher Marlowe
Jeremias a mis 8/10.
Annotation :
Mars.
Où je découvre qu'il y a un théâtre élisabéthain hors de Shakespeare. Ça n'en a pas la densité poétique, mais c'est d'un grand pouvoir de séduction, relativement frontal, quelque part entre les mystères du Moyen Âge et les polémiques (pro- ou anti-? visiblement, on ne sait pas) calvinistes.
America
Sortie : 2 février 1983 (France). Poésie
livre de William Cliff
Jeremias a mis 6/10.
Annotation :
Mars.
Cliff en vadrouille, en Amérique du Sud puis aux États-Unis. Pas son livre le plus inspiré, ça manque d'un vrai travail formel — au-delà des rimes, dont l'art pauvre n'a pas vraiment réussi à me séduire ici.
Les Septante
Sortie : 1994 (France). Beau livre
livre de Pascal Quignard
Jeremias a mis 8/10.
Annotation :
Avril.
Collaboration entre Quignard et Skira, dont les pastels représentant des tranches de livres inspirent à Quignard une narration / méditation autour de la traduction des Septante.
La Frontière
Sortie : 1992 (France). Essai, Recueil de nouvelles
livre de Pascal Quignard
Jeremias a mis 9/10.
Annotation :
Avril.
Conte cruel au XVIIe, sous fond d'azulejos. Dans la forme et le ton, de la même veine que Tous les matins du monde.
Colline (1929)
Sortie : 1929 (France). Roman
livre de Jean Giono
Jeremias a mis 8/10.
Annotation :
Avril.
Trilogie de Pan, premier volume. La fameuse première manière de Giono (en vérité je trouve qu'on exagère sur cette histoire de deux manières), tellement dionysiaque, tellement colorée, tellement poétique. Du Seurat mis en mots.
Un de Baumugnes (1929)
Sortie : 1929 (France). Roman
livre de Jean Giono
Jeremias a mis 8/10.
Annotation :
Avril.
Trilogie de Pan, deuxième volume. Vaut le détour ne serait-ce que pour la sublime scène de l'Orphée à l'harmonica.
Regain (1930)
Sortie : 1930 (France). Roman
livre de Jean Giono
Jeremias a mis 7/10.
Annotation :
Avril.
Trilogie de Pan, troisième volume, relecture. Ce fût l'enchantement de mon premier Giono au lycée. Enchantement quelque peu estompé. C'est quand même une grosse allégorie — mais une belle allégorie quand même.
Sur les dents (2021)
Ce qu'elles disent de nous et de la guerre sociale
Sortie : 11 mars 2021. Culture & société
livre de Olivier Cyran
Jeremias a mis 9/10.
Annotation :
Avril.
Excellente enquête sur les dentistes et leur monde. À charge, bien sûr, mais Cyran ne s'en cache pas. Assez inquiétant de se dire que c'est ainsi qu'on soigne les dents dans un pays qui a un système de santé aussi protecteur que le nôtre.