2024 : journal de lectures

Annotation :

C'est jusqu'à présent le livre de Carrère que j'ai lu et que j'ai le plus apprécié. Il faut dire que le choix du héros y est pour quelque chose, sa vie a été passionnante, même si j'ai préféré la première partie à ses pérégrinations balkaniques dans le dernier tiers du livre. C'est aussi le livre de Carrère qui m'a le plus parlé dans la mesure où pour une fois, du moins de ce que je connais de son activité littéraire, Carrère y parle très peu de lui et plus de son personnage, les quelques moments où il ne le fait pas restent à son image, navrants, comme avec cette scène par exemple où il rencontre Werner Herzog qui le malmène et s'en sert de blanc-seing pour une réflexion atrocement sérieuse sur le fascisme. Hâte de voir en tout cas ce que l'adaptation par Serebrennikov va donner.

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Je me rends compte que j’ai lu pas mal de « non-fiction » de journalistes cette année, et, si je n’apprécie pas Carrère en soi, lire L’inconnu de la poste permet de se rendre compte de la différence entre un véritable écrivain et un simple journaliste. Aubenas est à la frontière de l’écriture plate, ce qui passe dans un article ou une enquête qui nécessiterait 10 à 15 minutes de lecture, mais c’est plus compliqué pour un livre de 200 pages environ. Je suppose que ça peut convenir à une partie des lecteurs, tout le monde n’a pas besoin de plus. L’histoire en elle-même reste passionnante, malgré un air de déjà-vu, les erreurs judiciaires sont concomitantes à la littérature policière. Peut-être qu’un acteur marginal se situe au centre de cette histoire en renforce l’intérêt. Mais le livre manque de point de vue, d’analyse, de chair, le récit n’est pas en soi neutre (lequel l’est ?), il y avait cependant de quoi creuser, on est quand même dans une histoire où l’art, le cinéma, est utilisé pour accuser quelqu’un, dans la vraie vie, ou on veut envoyer aux Assises à partir de rien, cette histoire méritait plus que le traitement qui en a été fait.

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C’est le genre de livres qui commence de façon intrigante et qui progressivement s’effondre, parce que l’auteur a épuisé son sujet à sa moitié. La faute entre autres à un choix de personnage principal aux antipodes du héros classique : il est ici mutique, rêveur, mais pas vraiment idéaliste, dénué d’ambitions totales, quasi exclusivement au service des autres. On finit par s’ennuyer ferme, d’autant plus qu’il ne s’y passe pas grand chose, une fois qu’on quitte la communauté de hippies.

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Premier gros pavé de Dostoïevski, et déjà un récit qui pose les jalons des drames plein d'orgueils qui suivront dans ses autres textes, plus connus que ce Humiliés et offensés. C'est une histoire de pardon qui ne vient pas, et d'individus qui s'entêtent dans leurs erreurs, avec un narrateur au milieu qui sert plus de confident et de béquille que d'ami que l'on considère, tant ses propres émotions semblent continuellement niées, comme en témoignage quelque part sa fin.

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Roman réac, contrairement à ce que certains en disent, en plus d'être prévisible : si son personnage principal est génial dans l'originalité, on comprend vite qu'il n'existe que pour démontrer un point de vue (ce qui en fait aussi un récit moraliste) chère à l'auteure, à propos de la superficialité et de la quasi débilité des nouveaux riches, en plus de leur propension à accepter les Juifs, ce qui en fait aussi un texte antisémite. Chez les heureux du monde est très bien écrit, psychologique, avec pas mal de descriptions de noeuds cérébraux typiques des raisonnements cognitifs chez les introvertis, ainsi qu'un document pertinent d'un point de vue historique pour comprendre ce que c'est que le rejet des Juifs, ramené à le Juif de service, à qui on fait sans arrêt des procès d'intention pour un oui ou pour un non.

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Surcôté. Livre thriller avec un psychopathe et un jeu de massacre assez costaud étalé sur 300 pages. Parfait pour les fans de films gores qui cherchent un pavé pour l'été ou qui aiment les page turner, mais le problème de Yusuke Kishi, c'est son style plat, ses personnages fonction et les facilités scénaristiques, pour donner l'illusion de toute puissance de son personnage principal. Les scènes de sexe sont grosso modo les pires du livre. Reste un volet psychologique qui mis à part le folklore tente de dresser un portrait juste de ce que signifie la psychopathie.

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Un peu le genre de projet qui fait se poser des questions quant à son utilité (pourquoi écrire sur le nazisme, et surtout sur une de ses figures les plus connues ?) et qui finit par devenir intéressant à la fois dans sa manière de rafraîchir les mémoires, mais aussi d'explorer les contradictions d'un homme tout en se gardant d'apporter des réponses toutes faites. C'est à la fois bien écrit, avec un certain humour perçant ici et là et pétri d'humilité. Après tout, si Speer est une figure qui a obsédé l'auteur de ce livre, qu'est-ce qui l'empêche d'en parler ? Il a bien fait, d'autant plus qu'il n'élude aucun aspect de son personnage, que ce soit dans ses omissions, ses adhésions ou ses relations avec les autres, qu'il a la sagesse de décrire sans aucun voyeurisme.

Annotation :

Le dernier Goncourt est malheureusement un livre assez insupportable à lire. L’Algérie contemporaine passe pour l’Iran, difficile quand bien même la situation des femmes y serait aussi affreuse de ne pas y voir une espèce de fantasme propre à faire frémir une certaine frange politique en France. L’histoire, si courageuse qu’elle soit de par ce qu’elle raconte, qui vaut à ce livre une interdiction pure et simple en Algérie souffre d’un style pompeux, inutilement dramatique et d’une forme qui par sa lourdeur dessert l’intention initiale pourtant louable de son auteur. Une fois achevée ces 400 et quelques pages de monologue intérieur, on comprend assez vite que le prix Goncourt qu’à remporter Daoud vient saluer le geste politique plus que la qualité littéraire, ce que je considère comme une grossière erreur.