2024, livres en cartes

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Bien que, comme son prédécesseur, je le trouve inférieur au premier livre (que j'ai trouvé incroyable), "Vernon Subutex 3" poursuit et achève avec force sa palpitante épopée. Le portrait social, qui s'adjoint de références aux actualités par exemple, communique fortement et directement avec son lecteur, il ne peut échapper au dialogue avec l'autrice et la bande de Vernon (lui qui demeure toujours aussi lunatique, pour mon plus grand plaisir - lunatisme qu'on ne retrouve malheureusement pas dans la série pourtant) ; le style est acerbe, glisse des formules sans en avoir l'air, dresse une vision des choses qui sort de la rue. Le hic pour moi, c'est vraiment la toute fin, déjà parce qu'elle explique, mais aussi parce que son ultime séquence est facile : ça sent la fatigue en somme. Mais je ne lui en veux pas pour ça, ça devait être un sacré investissement personnel pour se maintenir aussi cohérente tout du long, et "Vernon Subutex" gagnera des galons de témoignage précieux de la décennie 2010 au fil du temps - et ce avec grande classe littéraire !

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Toujours drôle de lire les noms d'auteur ayant donné leur blaze aux rues qu'on a habité ; j'habitais rue Xavier Grall à Rennes. Pourtant, son travail n'est pas aussi excitant que celui d'un Max Jacob : certes il sait utiliser des images universelles, mais quant à la pertinence du vers ou de sa valorisation, on repassera.

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Désireux de mieux connaitre la vie de cet artiste, d'autant plus que je n'avais plus lu de biographies depuis un bon moment, j'ai emprunté le premier ouvrage accessible sur le bonhomme. Ce n'est pas une bonne biographie : le 5 se repose beaucoup sur les informations apportées, la sincère admiration de l'auteur, ou encore sa fluidité qui, clairement, est la principale raison pour laquelle j'ai finit. Parce que je reproche profondément au livre de trop se concentrer sur des critiques publiques, négatives comme positives, et de négliger complètement la mise en avant d'informations primordiales (par exemple son enfant, dont il révèle l'existence presque par accident, au cours d'une phrase !). Je lui reproche également de ne pas dramatiser le triste destin de la première compagne de Ferrat, et de l'impact énorme que ça a forcément eu sur leur vie de couple. Je lui reproche aussi le sous-entendu comme quoi, entre les albums, il ne foutait plus grand chose (je rappelle qu'il travaillait dans la municipalité entre deux tournées). Bref, il y a certainement beaucoup mieux à lire sur le bonhomme

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(Ou plutôt 6,5)

"Voyage au bout de la nuit", incontestablement, me fascine. Quelle personnalité, qui donne la réelle sensation de n'avoir peur de rien, y compris de ce qui nous terrorise le plus au monde, à savoir l'opinion des autres. "Mort à crédit" sera pourtant le seul autre ouvrage que je lirai de Céline ; si j'ai bien compris, le reste est rédigé sous la Collaboration, en parle plus ou moins explicitement, et donne logiquement de plus gros soucis. "Mort à crédit", néanmoins, n'est pas aussi indispensable que le premier ouvrage, et c'était déjà rapporté ainsi à l'époque. Il s'ouvre sur une première partie, certes brillante dans le style ("si j'avais bien dormi une fois dans ma vie, je n'aurai jamais écrit une seule ligne"), mais semble complètement superflue. Tout le ventre du livre ensuite s'articule entre paragraphes sans intérêt (tout ce qui concerne les vêtements), grands moments de vie miséreuse (la "pension"), mais c'est surtout tout le regard porté sur les parents qui marque le plus. Des pages entières consacrées aux dialogues enragées du père, comme si Céline lui-même ne se controlait plus, et qui répète l'un des rares défauts du "Voyage", à savoir la tirade finale de Robinson avec sa copine, qui finissait par fatiguer plus qu'autre chose. A coté, la mère, et l'image de sa boutique de babioles, particulièrement déprimante, et dont la larmoirie inspire tantôt la pitié, tantôt l'agacement. Toute la troisième partie en revanche, autour de l'inventeur diablement ambigu, est superbe, surtout avec un point de vue de suiveur à la fois impuissant et fasciné. Un livre très complexe, qui alterne littéralement l'aberration (la scatophilie puérile...), et les moments glorieux, qui fait qu'on en ressort avant-tout intrigué

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Biographie achetée suite au concert, extrêmement émouvant, de "Te garder près de nous", qui accueillait des artistes de tous bords (dont Nicolas Sirkis) pour lui rendre hommage à la Coopérative de Mai, à Clermont Ferrand bien entendu (donc à une vingtaine de kilomètres du Sancy où il aura vécu presque toute sa vie...). Bien qu'elle existe, il manque toujours un sérieux ouvrage à son sujet selon moi, un équivalent du "Gainsbourg" de Verlant ou "Tu vois je n'ai pas oublié" de Rotman, parce qu'il le mérite. Ce livre-là est ce que j'appelle une "biographie de copain" : le biographe met en avant sa proximité personelle avec l'artiste, il parle des faits basés sur des reccherches et sans citer toutes les sources, il ne rencontre pas les proches de l'artiste mais recueille ce que ces proches ont pu dire dans les médias, il cite et fait des liaisons avec les vers de Murat mais sans rentrer dans les détails des thématiques (pour cela, je vous renvoie à cet article Internet qui est génial à propos de Murat : https://www.surjeanlouismurat.com/2024/09/jean-louis-murat-en-sa-contree-mots-du-paysage-analyse-litteraire-poesie-geographie?fbclid=IwY2xjawFS0ZJleHRuA2FlbQIxMQABHWTPQ7rpiopr862vV0uiPX-PPwNpHED96Zo3x9mlwA2c9xexJl9emgJoQg_aem__y8TofFv46i6qXG48ApzTg) ... C'est très sympa à lire ! Ca se lit rapidement ! Mais on n'a pas le portrait complet du bonhomme et de sa vie, on en a une interprétation

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Une énorme affection pour ce livre quoi qu'il advienne, puisque c'est lui et le GR34 (au cours duquel je l'ai lu, entre Saint Nazaire et Arzon), qui m'a donné l'impulsion d'écrire mon propre recueil de nouvelles. Pourquoi ce livre en particulier ? J'aime énormément chez Bukowski son mépris de la forme : la Flamme passe avant tout, brûle l'encre. Sa personalité, à la fois hors du commun et terriblement simple, est son oeuvre, et inversement. L'alcool, bien sûr, présente sur toutes les pages, qui a tous les visages, tous les rôles. La femme, pareillement (mais avec un rapport parfois qui pose question quand même). Un désespoir à portée de tous, surtout, qui le rend diaboliquement attachant malgré les horreurs qu'il raconte. "Arrêtez de lorgner mes nénés" (oui ce titre est pourri par contre) résume vraiment bien les choses : l'histoire est extrêmement immorale, perverse, et on pourrait facilement croire que Bukowski donne raison au protagoniste : mais ce n'est pas le cas, il décrit le réel tel qu'il le voit, aussi noir et aussi réducteur qu'il est. Au vu de tout ce qu'on entend, dans la vie de tous les jours, cette nouvelle parait-elle si surréaliste que ça ? Tout le long de ce recueil, qui pêche par la répétivité inévitable de ce procédé, un univers extraordinairement commun est dessiné par les larmes et le sperme, et c'est bien ce fond qui nous hypnotise, plus que son style qui se soucie surtout d'aller directement au vif du sujet, sans chichis. J'explorerai davantage son oeuvre durant l'année 2025

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Dans tous les cas, c'est intéressant, un point de vue fortement inspiré sur le Plaisir. Ne se teinte-t-il jamais d'ennui, ce frippon ? "Bonjour Tristesse" ne m'a pas complètement convaincu, personellement, parce qu'il reste très prévisible, un peu simpliste dans les rapports entre les personnages, je trouve. Pourtant, le style est très agréable, le regard féminin sur l'histoire lui donne une plus-value indiscutable, mais il a tout de même manqué de consistance

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« Ce mot simplement pour te signaler que je t’aime. Signé : tu sais qui » : que devient une phrase pareille avec une dizaine de profils très différents ? Il y a tellement de personnages lancés au lecteur, qu'au début je croyais que ce serait un simple résumé de réactions (mais ce serait déjà un sacré résumé !). Le défi était là, et heureusement, le grand écrivain Schmitt parvient à fluidifier parfaitement les histoires (même lorsqu'on prend le temps de relier le nom à ses péripéties), à les rendre toutes attachantes, et toutes distiller une réflexion différente sur l'amour, le rapport au corps, le bordel des relations. Comme l'a souligné un critique, l'auteur n'adresse jamais de jugement à ses personnages, ni pitié, ni amitié : il est Juste avec eux, et dévoilent leurs vérités progressivement. Quand à son style, j'ai aimé son raffinement qui parait à la fois naturel et littéraire (j'ai redécouvert les mots "conversation" et "exquis" avec lui !), même lorsqu'il ne semble pas à l'aise avec les dialogues de la petite fille. On pourra lui reprocher, parfois, d'être un peu rose bonbon, et ce jusqu'à la fin malgré l'avant-dernier chapitre ; mais il demeure un très bon livre, qui est plus à la portée de tous que son nombre de pages pourrait évoquer

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Je l'ai lu parce que mon grand-père maternel me l'a offert (aucune idée de pourquoi, toujours est-il qu'il y a sa signature dedans). Mais aussi parce que je ne déteste pas Laurent Ruquier : il est certes bourré de défauts en interview, ce n'est pas lui qui se battra pour notre retraite et c'est un mauvais auteur, mais "On n'est pas couché", malgré des dérives indéniables, apportait un vent de liberté de parole qui sombrait rarement dans le ridicule (contrairement à "Quelle époque" par exemple). Il y avait aussi "On n'demande qu'à en rire", qui nous a quand même apporté une vraie scène comique, nous aura offert Jérémy Ferrari, et c'est le genre d'émission dont la France aurait bien besoin aujourd'hui ! Il ne dégage, enfin, rien de méchant ou de malveillant, tout en ne se laissant pas faire lorsqu'on s'en prend à lui. "Radiographie" conte, avec une authenticité qui ne laisse pas beaucoup de doute, ses années d'aller-retour avec la Normandie, comment son destin s'est jouée à des rencontres, des mauvais soirs, des coups de chance. Son livre est dans la catégorie d'autobiographies que j'appelle "autoportraits pour amis", dans le sens où il n'est pas écrit pour convaincre un public, pour exposer des qualités littéraires, ou même apporter des réflexions sur son métier (et sur sa responsabilité/impact sur le paysage médiatico-culturel actuel). Ruquier l'a visiblement écrit à la cool, entre lui et lui entre deux sessions de travail, et pour cela ne craint pas le risque, inévitable, de raconter des blagues à plat parce qu'elles ne sont pas assez fortes pour tenir sur un simple papier. Alors oui, ça se lit rapidement, on se dit "Ah oui ?", "Ah d'accord", et on passe ensuite très vite à autre chose.

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Assurément le meilleur livre que j'aurai lu en 2024 ! A vrai dire, Oscar Wilde parle pour lui-même, et nul autre que lui ne peut mieux raconter son propre travail. Ses nouvelles sont toujours teintées de fantastique, de visages sanglotants, d'une aristocratie qui se percute à quelque chose. "Le Pêcheur et son âme" est ma préférée ; quel traitement de la dualité de l'homme, entre ce qu'il veut et ce qu'il a, entre sa noirceur qui le poursuit et sa lumière qu'il fuit sans le savoir, entre la combativité de l'amour et la persévérance de la chute. A lire, à ressentir, surtout avec une telle éléguance à tous les niveaux

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L'Auvergne est un Secret. Un jour, peut-être, on vous le chuchote. Ce jour-là, vous aurez le choix, de l'écouter et de vous y accrocher viscéralement jusqu'à ce que vous n'en pouviez plus, ou bien de passer votre chemin et ne jamais savoir que c'est un monde oublié qui ne fait que se mouvoir. L'Auvergne est un Secret clivant, bien sûr, surtout autour des villes (mais il en faut bien hein !) ; l'Auvergne est un Secret que les Auvergnats tiennent beaucoup à conserver ; l'Auvergne est un Secret bien plus passionant que vous ne pourriez le croire, tant il ne ressemble à aucun autre.
La collection "... Pour les Nuls" est une vraie bonne intégration à leurs sujets, elle m'avait notamment aidé à apprendre les bases strictes lorsque j'apprenais la guitare en autodidacte. On y apprend les informations essentielles, y compris pour la vie pratique, et ce avec humour et amour auvergnat. Bonus recettes de cuisine, ce qui m'a fait grandement plaisir ! Il faut, forcément, avoir entendu le Secret auparavant. Mais une fois captivé par ce monde, et son Autre Monde tout volcanique, le livre ne fait que rajouter de l'huile sur le feu

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En terme de durée de lecture, c'est à l'image du Gainsbourg : on peut le lire d'une traite, c'est une centaine de pages, en police épaisse. En terme d'écriture, c'est à l'encre de Gainsbourg, MAIS avec un style extrêmement maniéré (limite... péteuse, quand il égrène des références d'ouvrages sur les pets, qu'on ne peut qu'esquiver). Le contraste entre la particularité principale de l'histoire, et la manière de l'exprimer (avec très peu de virgules, un vocabulaire à la Nabokov, des phrases qui expriment toujours plusieurs idées), donne une force attractive au roman. Etonamment, le sexe est peu présent, contrairement à ses prédilections musicales et cinématographiques. Même lorsque sa personnalité rigoureuse nous fait décrocher, "Eugénie Sokolov" interroge tout du long, consacre sa singularité, en bref, nous pète à la tronche une odeur qu'on peut difficilement oublier

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Beaucoup de choses intéressantes, surtout sur la deuxième partie : je pense surtout aux échanges avec l'Autodidacte ou avec Anny. Le vertige du spleen, l'inutilité de l'existence, sont retranscris avec précision. Mais j'ai quand même trouvé la première partie poussiéreuse un peu, surtout sur sa vision des villes, et je n'ai pas pu m'empêcher de voir de la prétention dans la démarche de pensée. Toutefois, c'est resté instructif à lire, bien que ce ne soit pas ma philosophie

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Je m'intéresse beaucoup à la volcanologie de l'Auvergne (parce qu'on ne va pas se mentir, c'est surtout de lui dont il est question ici), parce qu'elle est extrêmement originale : il n'y a pas deux volcans pareils, les paysages racontent des histoires, les recoins peuvent cacher des trésors uniques à tout instant. Même si je manque encore de connaissances et de vocabulaire en la matière, le livre nous y instruit tout en restant ouvert au grand public. Les photos font, bien évidemment, saliver. Le meilleur moment reste, enfin !, le témoignage de la rencontre entre l'Homme et les éruptions de la Chaine des Puys, la question de l'état des volcans Auvergnats (qui est plus complexe que juste éteints ou endormis). De quoi faire rêver, et rêver de voir des volcans actifs, en Italie comme en Indonésie

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C'est sur cette pièce de théâtre, qui résonne beaucoup trop avec cette année, que 2024 s'acheva. Je ne vais pas cacher que le premier acte me fut pénible à lire, sans doute parce qu'il est beaucoup plus "vivant" que mort sur papier, avec ces dialogues de réactions sans intérêt, s'éparpillant sur plusieurs personnages, difficiles à suivre en plus paradoxalement. C'est le deuxième, et surtout troisième acte, qui m'ont accroché ; la contagion sociale se fait doucement, vicieusement, chacun apporte un propos sur la thématique de fond, un archétype qui se juxtapose aux autres pour dire que personne n'est à l'abri du fascisme. A la fois glaçant, et plein d'espoir avec sa fin résistante, malgré tout