2☽24 livres
« Voici la difficulté :
marcher dans les rues
et montrer le ciel ou la terre. »
21 livres
créée il y a 11 mois · modifiée il y a 21 joursOeuvres, tome 1
Sortie : 15 avril 2022 (France). Poésie
livre de Alejandra Pizarnik
Annotation :
aube, crépuscule, nuit, silence, communication et parole, obscurité et lumière (jamais totale), mur, oiseaux, animaux ; les images, les sons, les couleurs, les synesthésies ; la mémoire, l'histoire, les souvenirs, le passé et l'ancien ; c'est magnifique, très évocateur et ça laisse beaucoup de traces et d'impressions en soi. elle travail autour d'elle et de sa solitude, de la difficulté à former une syntaxe et à se satisfaire de la forme poétique comme langage, de son histoire d'exil, et évidemment autour de la mort et de sa détresse psychique qui traverse toute son oeuvre. C'est vraiment beau et particulièrement Extraction de la pierre de folie qui est un des plus beaux recueils que j'ai lu, entre vers et proses vraiment magiques. Les Travaux et les Nuits est aussi un très beau recueil et La Comtesse sanglante est un exercice intéressant à lire.
Ses premières œuvres sont moins marquantes mais portent déjà beaucoup en elles.
𝔈𝔵𝔱𝔯𝔞𝔠𝔱𝔦𝔬𝔫 𝔡𝔢 𝔩𝔞 𝔭𝔦𝔢𝔯𝔯𝔢 𝔡𝔢 𝔣𝔬𝔩𝔦𝔢 (𝔈𝔵𝔱𝔯𝔞𝔠𝔠𝔦ó𝔫 𝔡𝔢 𝔩𝔞 𝔭𝔦𝔢𝔡𝔯𝔞 𝔡𝔢 𝔩𝔞 𝔩𝔬𝔠𝔲𝔯𝔞) :
« La mort a restitué au silence son ensorcelant prestige. Et je ne dirai pas mon poème et je dois le dire. Même si le poème (ici, maintenant) n'a aucun sens, aucun destin. »
(𝘍𝘳𝘢𝘨𝘮𝘦𝘯𝘵𝘴 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘥𝘰𝘮𝘪𝘯𝘦𝘳 𝘭𝘦 𝘴𝘪𝘭𝘦𝘯𝘤𝘦, 𝘐𝘐𝘐)
« La muerte ha restituido al silencio su prestigio hechizante. Y yo no diré mi poema y yo he de decirlo. Aun si el poema (aquí, ahora) no tiene sentido, no tiene destino. »
(𝘍𝘳𝘢𝘨𝘮𝘦𝘯𝘵𝘰𝘴 𝘱𝘢𝘳𝘢 𝘥𝘰𝘮𝘪𝘯𝘢𝘳 𝘦𝘭 𝘴𝘪𝘭𝘦𝘯𝘤𝘪𝘰, 𝘐𝘐𝘐)
𝔏𝔢𝔰 𝔱𝔯𝔞𝔳𝔞𝔲𝔵 𝔢𝔱 𝔩𝔢𝔰 𝔑𝔲𝔦𝔱𝔰 (𝔏𝔬𝔰 𝔗𝔯𝔞𝔟𝔞𝔧𝔬𝔰 𝔜 𝔏𝔞𝔰 𝔑𝔬𝔠𝔥𝔢𝔰) :
« Bien que la voix (son oubli
me submergeant de naufragés qui sont moi)
officie dans un jardin pétrifié
de toutes mes vies je me souviens
pourquoi j'oublie. »
(𝘚𝘢𝘯𝘴 𝘮é𝘮𝘰𝘪𝘳𝘦)
« Aunque la voz (su olvido
volcándome náufragas que son yo)
oficia en un jardín petrificado
recuerdo con todas mis vidas
por qué olvido. »
(𝘋𝘦𝘴𝘮𝘦𝘮𝘰𝘳𝘪𝘢)
Portrait huaco (2021)
Huaco retrato
Sortie : 18 août 2023 (France). Roman
livre de Gabriela Wiener
Annotation :
c'est plus proche d'un récit de journalisme/étude sur l'archéologie et l'art, et de l'autobiographie/de l’introspection/du témoignage. Charles Wiener que je connaissais pas du tout parcours tout le roman et en est un des objet d'étude, Gabriela Wiener étant une de ses descendantes péruvienne - elle trace l'histoire de sa filiation à lui, et l'analyse dans ce qu'elle peut signifier dans sa vie à elle. Et elle analyse aussi le personnage, l'archéologue en pleine époque coloniale, et ce qu'il a semé comme monde, ce à quoi il a participé, et comment ce monde universitaire qui légitime le pillage, et le vol a pu existé. Je connaissais pas non plus la notion de huaqueros (pilleurs de huaca, lieux sacrés pré-colombiens au Pérou ; ni le terme huaco (mots quechua), représentation en céramique ou poterie d'une figure, d'un visage. Le livre débute d'ailleurs au Musée du Quai Branly à Paris qui comporte beaucoup de huaco volés et qui est présenté par l'autrice comme un cimetière, la marque du colonialisme et de la réification coloniale, désacralisée, du regard occidental.
C'est un long récit sur sa famille, ses origines, ses parents et leur relation, mais aussi sur sa sa place de femme péruvienne, ayant immigré en Espagne, en Europe. Et elle mêle tout ça à sa vie amoureuse, sa situation relationnelle (polyamour), sa vie de famille et son désir.
J'ai beaucoup aimé son récit et l'honnêteté dans le regard qu'elle porte sur elle et la manière dont elle parle d'elle et le partage, le met à nu. C'est même souvent cru. C'est un exercice pas facile à faire et elle l'a bien fait.
Lieu-dit- l'Eternité
Sortie : 2007 (France). Poésie
livre de Emily Dickinson
Annotation :
pouvoir de transmission immense, être aussi secouée devant un livre c'est pas quelque chose qui m'arrive souvent, cette capacité à faire sentir le vertige, la mort, l'angoisse et le questionnement constant, mais à le regarder aussi posément et sans crainte, avec une clairvoyance très calme et contemplative. C'est grandiose. ça m'a vidé. C'est très imagé, très obscur parfois (les mouches, les abeilles, les rouge-gorges? la place de la nature en général), mais c'est si sensible, et ça sonne comme des chants. Il y a des poèmes dans ce recueil qui sont vraiment précieux. Eternity by term.
aussi très contente de la version bilingue parce que les poèmes en anglais sont d'une beauté pure (pour les plus compréhensibles pour moi) et cette traduction prends des choix (même de ponctuation) qui m'ont paru bizarres et qui donne pas du tout à mes yeux la même expérience du rythme. Je suis pas convaincue du tout.
« Sweet debt of Life, - each night to owe,
Insolvent, every noon. »
« Charmante Dette que la vie - Chaque Nuit l'échéance -
Chaque jour - la faillite - »
580 ⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑
« I had no time to hate, because
The grave would hinder me,
And life was not so ample I
Could finish enemity.
Nor I had time to love ; but since
Some Industry must be,
The little toil of love, I thought,
Was large enough for me. »
« Je n'ai pas eu le temps de Haïr -
Sachant
Que la Tombe serait une gène pour Moi -
Et la Vie pas assez longue
Pour faire
Cesser les Hostilités -
Et pas non plus le temps d'Aimer -
Mais puisque
Il faut Faire quelque chose -
La petite Misère de l'Amour -
pensai-je
Suffirait à Mon bonheur - »
478 ⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑
« That such have died enables us
The tranquiller to die ;
That such have lived, certificate
For immortality. »
« Que Ceux-là soient morts
Nous mourrons plus tranquilles -
Que Ceux-là aient vécu,
Certificat d'Immortalité. »
1030 ⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑⭑
Ariel (1965)
Sortie : 1999 (France). Poésie
livre de Sylvia Plath
Annotation :
j'ai aimé The Applicant / Le candidat, Tulips / Tulipes, Daddy / Papa, The Hanging Man / Le pendu et Edge / Extrémité.
mais ça m'a peu parlé globalement, j'ai trouvé ça inégal. Je suis passée assez vite dessus et ce que j'aimais bien parfois dans l'écriture (quelques oralités, exclamations, répétitions de mots ou de vers) était au final pas très présent et j'ai trouvé ça un peu fade globalement, surtout au niveau du rythme (et dans mon ressenti). malgré ce qu'elle aborde, ses tentatives de suicide, et sa condition de femme, mère et écrivaine écrasée par son mari et les obligations sociales.
« By the roots of my hair some god got hold of me.
I sizzled in his blue volts like a desert prophet.
The nights snapped out of sight like a lizard’s eyelid :
A world of bald white days in a shadeless socket.
A vulturous boredom pinned me in this tree.
If he were I, he would do what I did. »
The Hanging Man
« Par la racine de mes cheveux un dieu s’est emparé de moi.
J’ai grésillé dans ses volts bleus comme un prophète du désert.
Comme une paupière de lézard la nuit s’est fermée d’un bruit sec :
Le monde n’est plus qu’un long jour blanc dans une cavité sans ombre.
Un ennui rapace a cloué ma vie à cet arbre.
S’il était moi, il ferait ce que moi j’ai fait. »
Le pendu
la note qui va avec ce poème : « Le poème fait référence à la carte du jeu de tarot « the hanged man » (le pendu) – celle que ne retrouve pas la « clairvoyante » Mme Sosostris dans le grand poème de T. S. Eliot The Waste Land ? – et évoque la dépression de Sylvia Plath durant l’été 1953 : le traitement aux électrochocs qui a suivi sa tentative de suicide. »
Surveiller et Punir (1975)
Sortie : 20 février 1975. Essai, Histoire
livre de Michel Foucault
Annotation :
« Tu finiras au bagne, peut dire la moindre des disciplines » p.350 à lire avec un bagage philo quand même, mais c'est passionnant et je flex juste un peu avec cette citation lyrique parce impossible de faire rentrer un mémo de ce bouquin ici
La prison est-elle obsolète ? (2003)
Are Prisons Obsolete?
Sortie : 31 mars 2014 (France). Essai
livre de Angela Davis
Annotation :
concept de complexe carcéro-industriel
privatisation des prisons et donc profits, capitaux et intérêts privés
accroissement du nombre de prison et de leur systèmes sécuritaires sans pour autant augmentation du nombre de crimes
criminalisation des populations selon des critères de races, de classe et de genre
la prison est une continuité de l'esclavagisme après son abolition aux US en 1865
les populations noires ne pouvant plus être mis en esclavage, ont été soumises au régime pénitentiaire et au travail forcé - avant l'abolition de l'esclavage, les prisons étaient constituées en majorité de blancs, ça s'est inversé par la suite et de nouveaux instruments punitifs ont fait leur apparition, notamment le fouet qui était utilisé avant seulement sur esclaves noir-e-s
contexte US donc différences à noter (sur le phénomène de privatisation) par rapport à la France mais super pour rentrer dans et comprendre les thèses abolitionnistes, notamment en plus ici en y liant la pensée féministe. Accessible, rapide à lire, super clair, à lire vraiment!
Le Condamné à mort (1942)
et autres poèmes, suivi de Le Funambule
Sortie : septembre 1942. Poésie
livre de Jean Genet
Annotation :
j'ai lu parce que je l'ai trouvé et que je suis dans un petit cycle sur la prison. J'aime Jean Genet mais c'est rempli d'impensés autour de l'exotisme dans l'écriture et de la "libération sexuelle".
Ce que je retiens :
« Nous n'avions pas fini de nous parler d'amour.
Nous n'avions pas fini de fumer nos gitanes.
On peut se demander pourquoi les Cours condamnent
Un assassin si beau qu'il fait pâlir le jour.
Amour viens sur ma bouche ! Amour ouvre tes portes !
Traverse les couloirs, descends, marche léger,
Vole dans l'escalier plus souple qu'un berger,
Plus soutenu par l'air qu'un vol de feuilles mortes.
Ô traverse les murs ; s'il le faut marche au bord
Des toits, des océans ; couvre-toi de lumière,
Use de la menace, use de la prière,
Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort. »
(Le Condamné à mort) (écrit d'ailleurs tout en rimes embrassées - la forme et le fond!)
Et j'ai trouvé aussi intéressant que ça soit très formel dans la structure (rimes, alexandrins ou hexasyllabes) alors qu'il parle de cul, de bites, de mecs qui s'aiment, qui baisent et qu'il idolâtre ou idéalise. Et en plus en prison.
« Un voleur en détresse un voleur à la mer.
Ainsi sombre Harcamone au visage de fer.
Des rubans des cheveux le tirent dans la vase
Ou la mer. Et la mort ? Coiffant sa boule rase
Dans les plis du drapeau rit le mac amusé.
Mais la mort est habile et je n'ose ruser. »
(La galère)
« On chante dans la cour de l'Est
Le silence éveille les hommes.
Silence coupé d'ombre et c'est
de fiers enculés que nous sommes. »
(La parade)
Et pourtant je m'élève (1978)
And still I rise
Sortie : 2022 (France). Poésie
livre de Maya Angelou
Annotation :
très joli, j'aime la poésie qui peut parler loin et fort et à beaucoup. C'est ce que fait Maya Angelou. Edition bilingue, c'est toujours un immense plus ! Des poèmes sur des proches, des poèmes sur l'histoire, des poèmes sur des lieux, des poèmes sur des femmes, des poèmes d'amour et des poèmes sur la vie surtout.
The Lesson
« I keep on dying again.
Veins collapse, opening like the
Smalls fists of sleeping
Children.
Memory of old tombs,
Rotting flesh and worms do
Not convince me against
The challenge. The years
And cold defeat live deep in
Lines along my face.
They dull my eyes, yet
I keep on dying,
Because I love to live. »
Life Doesn't Frighten Me
« I go boo
Make them shoo
I make fun
Way they run
I won't cry
So they fly
I just smile
They go wild
Life doesn't frighten me at all. »
One More Round
« There ain't no pay beneath the sun
As sweet as a rest when a job's well done.
I was born to work up to my grave
But I was not born
To be a slave.
One more round
And let's heave it down,
One more round,
And let's heave it down. »
Lettre d'une inconnue (1922)
(traduction Alzir Hella)
Brief einer Unbekannten
Sortie : 1927 (France). Nouvelle
livre de Stefan Zweig
Annotation :
pas sans intérêt, au moins pour voir à quel point Zweig fantasme lui-même l'idée qu'une femme (jeune ado au début de son "amour passion") puisse a ce point s'abandonner à cet écrivain, et faire tourner chaque détail de sa vie autour de lui. puis c'est pompeux et répétitif à souhait
Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818)
Frankenstein; or, The Modern Prometheus
Sortie : 1821 (France). Roman, Science-fiction, Fantasy
livre de Mary Shelley
Annotation :
Paysages de Genève et des Alpes françaises et suisses. Montagnes, forêt, grottes, sublime… thèmes romantiques. Sublime qui joue avec la terreur qu’inspire ces paysages, où on sait d’ailleurs que la créature se cache, qu’elle peut toujours ressurgir. Tour d’Europe, entre l’Allemagne, le Royaume Uni, la Suisse, la France…. Et récit qui débute dans une expédition au pôle nord.
Le Destin et l’orgueil d'un bourgeois scientifique. Qui échoue à s'élever comme Créateur et qui se regarde sombrer.
La deuxième partie sur l’éveil de la Créature au monde, seule, dans l’apprivoisement de ses sens et de sa connaissance est la partie la plus intéressante du roman. C’est en plus un rapport au monde qui se fait dans la pure altérité – créant la peur et étant hideux et monstrueux. C'est la partie que j'ai préféré. Le reste c'est beaucoup de ouin ouin de Victor Frankenstein en fait.
Récits enchâssés, narrations internes et passages épistolaires.
« La vie m’est chère, bien qu’elle ne soit peut-être, après tout, qu’un longue suite d’angoisses, et je suis bien décidé à la défendre. N’oublie pas que tu m’as crée plus fort que toi. Ma taille est supérieure à la tienne et mes membres ont plus de souplesse et de vigueur que les tiens. Cependant, je ne veux pas céder à la tentation de me mesurer avec toi. Je suis ta créature et je veux te témoigner de la soumission et de la douceur, car tu es, par les lois de la nature, mon seigneur et maître. Mais, pour cela, il faut que tu joues aussi ton rôle, que tu m’accordes ce que tu me dois Oh, Frankenstein ! Ne te contente pas d’être juste pour les autres et implacable avec moi seul qui, plus que quiconque, ai droit à ta justice, et même à ta clémence et à ton affection. Rappelle-toi que je suis ta créature. Je mériterai d’être ton Adam, mais tu me traites en ange déchu et tu me prives sans raison de toute joie. Partout, je vois s’épanouir la félicité dont je suis seul irrévocablement exclu. J’étais bienveillant et bon. Les tourments ont fait de moi un être abject. Donne-moi le bonheur, et je redeviendrai vertueux. »
Le Dernier Jour d'un condamné (1829)
Sortie : 1829 (France). Roman
livre de Victor Hugo
Annotation :
Texte très intéressant, processus d'humanisation du personnage par l'écriture romantique à la première personne et exaltation de ses sentiments, pensées internes. C'est un beau texte qui dans son contexte est très intéressant : la préface de 1832 est vraiment passionnante à lire. Hugo raconte comment l'abolition de la peine de mort a été discuté en 1830 (au début de la monarchie de juillet) pour empêcher la mort de 4 ministres qui avaient préparés un coup d'Etat - seuls condamnés à y échapper, du fait de leur statut. Les autres, après un sursis, y sont tous passés. « Tout cela est affreux mais c'est de l'histoire. »
Très intéressant à noter, et Angela Davis le disait dans "La prison est-elle obsolète ?" : les plus grands opposants à la peine de mort sont les plus grands défenseurs de la prison. Clairement le cas pour Victor Hugo, qui n'hésite pas à présenter comme alternatives à la peine de mort : la prison à vie, une plus grande surveillance, un meilleur système sécuritaire et disciplinaire des prisons.
J'ai beaucoup aimé le fait qu'on ne connaisse pas la raison de sa condamnation. Détail très beau et très humain.
« Ah ! qu'une prison est quelque chose d'infâme ! il y a un venin qui salit tout. Tout s'y flétrit, même la chanson d'une fille de quinze ans ! Vous y trouvez un oiseau, il a de la boue sur son aile ; vous y cueillez une jolie fleur, vous la respirez : elle pue. »
« Il se peut bien aussi qu'à certaines dates les morts de la Grève se rassemblent par de noires nuits d'hiver sur la place qui est à eux. Ce sera par une foule pâle et sanglante, et je n'y manquerai pas. Il n'y aura pas de lune et l'on parlera à voix basse. L’hôtel de ville sera là, avec sa façade vermoulue, son toit déchiqueté, et son cadran qui aura été sans pitié pour tous. Il y aura sur la place une guillotine de l'enfer, où un démon exécutera un bourreau : ce sera à quatre heures du matin. A notre tour nous ferons foule autour.
Il est probable que cela est ainsi. Mais si ces morts-là reviennent, sous quelle forme reviennent-ils ? que gardent-ils de leur corps incomplet et mutilé ? que choisissent-ils ? est-ce la tête ou le tronc qui est spectre ?
Hélas qu’est-ce-que la mort fait avec notre âme ? quelle nature lui laisse-t-elle ? qu’à-t-elle à lui prendre ou à lui donner ? où la met-elle ? lui prête-t-elle quelquefois des yeux de chair pour regarder sur la terre, et pleurer ? »
Les Contes de ma mère l'Oye (1697)
Histoires ou contes du temps passé, avec des moralités
Sortie : 1697 (France). Recueil de contes
livre de Charles Perrault
Annotation :
les contes c'est toujours intéressant mais les moralités qu'il en tire elles sont fucked uppp (surtout pour barbe bleue, le chat botté et la belle au bois dormant)
Les Carnets du sous-sol (1864)
(traduction André Markowicz)
Zapiski iz podpol'ia
Sortie : 1992 (France). Roman
livre de Fiodor Dostoïevski
Annotation :
Passionnant à lire. La première partie « Le Sous-sol » est très marquante. Monologue d'un homme (« créature bipède et ingrate ») seul, malade, dans son "trou", qui répond intérieurement et dans un dialogue avec lui-même et des interlocuteurs imaginés aux idées de son époque.
écrit comme un gros crachat : contre le positivisme, l’héritage rationaliste des lumières ? (il n’aime pas l’Europe et en particulier la France), la pensée moderne sur le progrès social, l’idée de bonheur comme fin de l’individu, et de l’harmonie comme fin de l’organisation sociale. La deuxième partie, les carnets sur l'année de ses 24 ans, volontairement coupés par un narrateur externe, pour laisser un inachevé sur une des seules actions qu'à décidé d'entreprendre ce "penseur".
« Ah, messieurs, mais il est bien possible que la seule raison pour laquelle je me prenne pour un homme intelligent, c’est que, de toute ma vie, je n’ai jamais rien pu ni commencer ni achever. »
« Mais je reste persuadé que l’homme ne refusera jamais la souffrance véritable c’est-à-dire la destruction et le chaos. Car la souffrance est la seule cause de la conscience. Même si j’ai commencé par affirmer que la conscience était pour les hommes leur plus grand malheur, je sais qu’ils l’aiment et ne l’échangeraient contre aucune satisfaction. La conscience est infiniment supérieure à deux et deux. Parce que, après deux et deux, cela s’entend, il ne reste non seulement plus rien à faire, mais plus rien à connaître. Tout ce qu’il est possible de faire alors, c’est de se boucher les cinq sens et de se plonger dans la contemplation. Bien sûr, la conscience vous emmène au même résultat, c’est-à-dire que, là non plus, il n’y a plus rien à faire, mais on peut toujours se flageller de temps à autre, et ça vous ravigote un peu quand même. C’est vieux jeu, d’accord, mais c’est mieux que rien. »
La Métamorphose (1915)
Édition de Claude David
Die Verwandlung
Sortie : 1989 (France). Nouvelle
livre de Franz Kafka
Annotation :
description visionnaire de la dépression, et magnifique nouvelle sur l'exclusion sociale et la vie recluse. Les 20 premières pages sont géniales. 20 pages pour se présenter au regard de sa famille et de son supérieur.
Le Procès (1925)
(traduction Alexandre Vialatte)
Der Prozess
Sortie : 1933 (France). Roman
livre de Franz Kafka
Annotation :
Comme dans La Métamorphose, le pitch est dans la première phrase du livre. A mes yeux c'est assez répétitif et sent l'inabouti, et le fait qu'il soit inachevé joue surement. Sinon, on suit Joseph K. dans sa lutte contre et dans son acception amère et humiliante de ce procès absurde et c'est super intéressant. J'aime car ça décris l'incompréhension face à la loi, comment elle s'applique et comment les hommes de loi et les subordonnés et petites mains de l'Etat sont des administrateurs sous un gros tas de paperasse sans sens. J'aime beaucoup aussi les passages plus oniriques/absurdes/presque fantastiques, comme les premières visites au tribunal, décrites par des vertiges, des interlocuteurs imprécis, des longs couloirs et des escaliers interminables. Le passage où il rentre dans la salle de procès est magnifique. Une description vraiment frappante, salle serrée, bruyante, avec des spectateurs collés au plafond. "Le Bastonneur" est aussi un super chapitre. La manière dont à partir de son accusation mystère chaque geste peut l'accuser (son comportement avec les femmes, son comportement au travail...). Où est-on coupable ? un peu incel avec les femmes mais vachement intéressant. « Dans quel théâtre jouez vous ? »
La Princesse sans reflet (2023)
Sortie : 3 novembre 2023 (France). Conte
livre de Marine Peyrard et Mirion Malle
Annotation :
très beau et belle réutilisation du conte, dans une transcription contemporaine. et joliment illustré par mirion malle. fait du bien au cœur
À propos d'amour (1999)
All About Love: New Visions
Sortie : 7 octobre 2022 (France). Essai
livre de bell hooks
Annotation :
La grande thèse du livre c’est de proposer l’amour comme action et non comme sentiment. L’amour comme sentiment ouvre la possibilité à l’amour dysfonctionnel car il se justifie par le fait qu’il existe simplement chez la personne qui ressent ce sentiment. Et peut justifier toutes les violences. Or, si on pense l’amour comme le fait d’aimer, il devient une action qui doit se faire, sous certaines modalités (qui sont : une pratique de justice sociale, de soin, d’attention…globalement). Aimer ne se ressent pas, mais aimer se fait. C’est pourquoi elle dit aussi que aimer est un choix.
Livre où bell hooks dialogue donc avec sa propre expérience, des auteur-ices de développement personnel, de la théologie et du corpus religieux (la Bible, le Noble Sentier Octuple du bouddhisme), de la littérature (Toni Morisson, James Baldwin...), de la psychanalyse (Jung...). C'est une lecture intéressante mais qui ressemble plus à du développement personnel qui joue dans le syncrétisme (puisque ses références, comme Peck ou Jung sont déjà de grands syncrétiseurs, et que ses croyances personnelles sont liées aussi bien au christianisme qu'au bouddhisme) et un appel à se rapprocher du sacré, qu'à un essai qui propose, à mes yeux de "nouvelles visions". Y'a des choses vraiment intéressantes, ses analyses sur la manière dont le patriarcat et la structure familiale nucléaire permettent les violences envers les femmes et les enfants, empêchent l'amour. La manière dont elle pense la nécessité de justice sociale et de politisation de la vie amoureuse aussi. Sinon, sa définition de l'amour c'est ancré dans la Charité et elle se fait à travers une éthique ici inspiré du bouddhisme puisqu'elle reprends le concept des moyens d'existences justes (qu'elle s'évite d'ailleurs de définir clairement...). Pourquoi pas mais (je dois faire partie des cyniques dont elle parle...) beaucoup de passages sortent de manière assez naïve quand même. Je trouve que beaucoup de gens en parlent en ôtant ce fond religieux très fort, alors que même le livre se termine sur l'action des anges et des esprits divins dans la vie et dans la recherche d'amour. Puis, ça reste aussi très centré autour de la romance de couple (het), même si elle écrit un chapitre autour de la communauté (c'est d'ailleurs là il me semble où elle parle explicitement de charité). Pas trèèès satisfaisant pour un "All About Love".
L'Expérience intérieure (1943)
Sortie : 1943 (France). Essai, Philosophie
livre de Georges Bataille
Annotation :
[inachevé au milieu de la 4ème partie ; septembre]
lecture très complexe et son style d'écriture (qui essaie en même temps de s'échapper, de quelque part renoncer au discours tout en l'utilisant, puisqu'il tente de dire ce qui ne peut pas être dit) n'aide pas. C'est d'abord passionnant à lire mais la difficulté à comprendre, appréhender, saisir ce qu'il dit bloque beaucoup. ça m'a au moins donné envie de me replonger un peu dans Nietzsche, depuis le temps que j'avais arrêté avec la philo. (je reprends doucement cette année)
Les Damnés de la terre (1961)
Sortie : 1961 (France). Essai, Politique & économie
livre de Frantz Fanon
Introduction à la métaphysique (1903)
Sortie : 5 octobre 2013 (France). Essai, Philosophie
livre de Henri Bergson
Amitié (1942)
L'art de bien aimer
Sortie : 23 mars 2016 (France). Essai, Philosophie
livre de Simone Weil