Au fil des lectures

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"N'avez-vous pas froid" d'Hélène Bessette est un roman épistolaire centré sur un vieux thème: la rupture. J'ai trouvé intéressant le principe d'une écriture brisée et de plus en plus dépouillée, parvenant parfaitement à communiquer un sentiment de détresse et d'épuisement. Pour autant, si Bessette semble innover par le style, elle a en réalité tendance à tomber dans le piège d'autres effets de rhétorique un peu agaçants, comme les répétitions un peu pathétiques (ex : "Je pars sans toi. Sans toi" -> c'est un type de répétition que l'on retrouve sans arrêt).

La critique de la société est intéressante (notamment grâce à cette déconstruction du discours de l'homme // de la société par la magie de l'ironie), parfois mordante, mais manque aussi beaucoup de subtilité. Finalement, je me suis un peu ennuyée en lisant ces lettres, trouvant l'écriture assez monotone. Et pourtant, il y a des choses à apprécier ici, ne serait-ce que la volonté de présenter les lettres comme des sortes de poèmes en vers libres, le parti pris du portrait en creux et du délitement d'un discours qui ne tient pas debout.

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Commencé en janvier.

Difficile à noter parce qu'intéressant à plus d'un titre (notamment pour ce qui concerne la question de la fiabilité du narrateur), et très bien écrit. Le problème majeur est plus de l'ordre de la sensibilité : l'indifférence du narrateur, sa vulgarité et sa nonchalance rendent très difficile tout attachement au personnage. Certes, ce n'est pas un argument pour juger une œuvre ... D'autant qu'il me semble important de voir une satire "en creux" du vaniteux Redmond Barry : s'il n'était pas insupportable, si l'on ne remettait pas en cause ce narrateur toujours prompt à tourner les choses à son avantage - bref, sans cette ironie constante, le roman ne serait certainement pas aussi intéressant. J'ai aussi beaucoup apprécié la dimension tragique de l’œuvre.

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L’œuvre du poète allemand Erich Arendt (1903- 1984), fragmentaire et marquée par le surréalisme, est difficilement accessible, raison pour laquelle je devrai y revenir. Beaucoup d'aspects la rapprochent de l’œuvre de Celan. Cela aurait dû me plaire, et pourtant je reste un peu décontenancée par cette poésie très "intellectuelle".

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Poèmes de Key West et de La tour brisée (sélection de François Tétreau). Un recueil beau dans ses failles et son inachèvement. Beaucoup de poèmes me touchent malgré (ou à cause) de leurs faiblesses. Et certains passages sont beaux au-delà des mots.

Je dois tout de même souligner que les choix du traducteur ne sont pas toujours heureux. A ne pas lire exclusivement en français, donc.

"Slagged of the hurricane - I, cast within its flow,
Congeal by afternoons here, satin and vacant.
You have given me the shell, Satan, - carbonic amulet
Sere of the sun exploded in the sea"

"Reflective conversion of all things
At your deep blush, when ecstasies thread
The limbs and belly, when rainbows spread
Impinging on the throat and sides ...
Inevitable, the body of the world
Weeps in inventive dust for the hiatus
That winks above it, bluet in your breasts."

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Commencé en décembre 2013, fini en février 2014.

Des jugements de valeur sur des événements historiques dont manifestement l'auteur n'a pas étudié tous les ressorts, et des passages qui ressemblent trop à d'autres livres que j'ai lus sur l'Europe centrale. Par principe, je ne peux donc pas mettre plus de 5, malgré les anecdotes spirituelles et quelques observations intéressantes.

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Commencé en octobre 2013, fini après un accès de mauvaise conscience.

Peut-être pas mon préféré d'Eliot - la dimension morale m'a un peu plus ennuyée que lorsque j'ai lu Middlemarch - mais toujours cette lucidité, cette merveilleuse acuité qui permet de percevoir l'injustice sur laquelle repose la société, et le caractère dévastateur pour l'individu des idées reçues. Une belle réflexion sur l'éducation, surtout celle des femmes. Un bel art "pictural". Et l'absence de tout manichéisme, tous les personnages étant susceptibles de bonté.

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Début février 2014

"Ik ben de hazel-noot. – Een bleeke, weeke made
Bewoont mijn kamer, en die blind is en die knaagt.
Ik ben die van mijn zaad een duisternis verzade.
En’k word een leêgt’, die klaagt noch vraagt.

‘k Verlaat me-zelf; ‘k lijd aan me-zelven ijle schade.
Ik ben’t aanhoudend maal, in een gesloten kring,
Van eene domme, duldelooze, ondankb’ re made.
Maar raak’ de vinger van een kind me, dat me rade:
Hij hoort mijn holte; ik luid: ik zing."


"C’est moi la noisette – Une larve blanche et molle
Habite ma chambre, elle est aveugle et ronge.
C’est moi qui de ma substance dois rassasier une ombre
Et je deviens un vide qui ne se plaint ni ne demande.

Je me quitte moi-même; j’endure en moi le ravage qui me vide.
Je suis l’incessant repas en un cercle fermé
De cette larve stupide, ingrate, insupportable
Mais que me touche un doigt d’enfant qui me devine,
Il entendra mon vide : je résonne, je chante."

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"J'écris mes livres comme on fait un tableau. Tout tableau est d'abord une composition".

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La poésie de Joan Vinyoli, écrivain catalan, porte en elle des réminiscences du surréalisme et du symbolisme, sans jamais être obscure ni s'éloigner du quotidien, de l'expérience vécue. Tout semble y être chaleureusement accueilli: les relations humaines, l'interrogation sur le sens de la vie, les expériences sensorielles les plus élémentaires ... Il n'y a rien en elle de prosaïque ni de prétentieux. Formellement, certains vers sont précautionneusement disposés sur la page afin de créer des respirations et des pauses, si bien que ses poèmes me sont apparus un peu comme des partitions. Parfois, j'ai regretté quelques banalités; j'aurais peut-être préféré des textes un peu plus marquants et originaux. Mais la lecture de Vinyoli n'en reste pas moins agréable et souvent stimulante.

"Si, ja sé prou que el mut sumarinista
que va per folga a tot mor ofegat,
pero qui cerca peixos impossibles
no esdevindra madrepora o rocall,
ans viura sempre en xarxes invisibles"

"Oui, je sais très bien que le plongeur muet
qui va vers tout par plaisir meurt noyé,
mais celui qui cherche des poissons impossibles
ne deviendra pas madrépore ou rocher;
il vivra toujours dans des fils invisibles"

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J'ai lu le passage sur les monuments aux morts. Très intéressant.

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Ces poèmes sont mignons (ils n'affectent pas la mignonnerie), ludiques, mais interrogent sans crier gare. Il s'agit d'une véritable recherche spirituelle, de multiples voyages intérieurs. Souvent, c'est un peu gratuit - et alors? J'aime bien la gratuité.

Voir la critique de PollyEsther: http://www.senscritique.com/livre/Jours_effeuilles/critique/12855386

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Février.

La pièce soulève des questions mais ne donne aucune réponse. Elle est traversé par un humour paradoxal et une noirceur ne dérapant jamais dans le pathos facile. Et c'est une vision assez rare de la folie qui n'est accompagnée d'aucun jugement moral.

"(...) ni tragédie, ni comédie, la pièce n'est pas non plus un mélodrame qui tenterait de nous apitoyer sur le sort des victimes. (...) C'est encore moins une pièce à thèse, et pas davantage un drame naturaliste à la Zola ou à la Haptmann. Büchner invente une forme nouvelle et originale qu'il cherche à établir sur un nouveau registre. C'est dire qu'il imagine une tout autre manière de composer son drame". Patrice Pavis

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Voir la courte critique que je lui ai consacrée.

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Bobrowski est avant tout poète, même dans ses nouvelles. Style épuré, musicalité et sens du mystère. Des réminiscences de Robert Walser?

Je préfère ses poèmes, mais ces nouvelles ne sont pas mal du tout. L'intérêt de Bobrowski c'est qu'il est simple sans être insipide, et il se débrouille bien dans l'art de la miniature.

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Pot-pourri absurde dont je ne sais trop quoi penser, si ce n'est que je l'ai bien aimé. J'ai lu cette pièce avec intérêt, mais sans savoir quoi en faire. Je me suis laissée porter par l'écriture, par cette façon de mettre à mal la syntaxe (Else aussi était poète). Je recommande donc Moietmoi en sachant qu'il est possible qu'on bute un peu sur cette oeuvre pleine d'humour noir et d'ironie. Peut-être même pensera-t-on qu'elle ne rime à rien. Pour ma part, il faudra que je la relise.

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Je ne connais pas Le Clézio romancier, mais cette promenade parmi les films qui l'ont marqué est assez agréable.

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Mars

Comment savoir ce qu'on perd du coréen au français?
En tous cas c'est une belle lecture en français. Sans le langage du prophète, Ku Sang saisit les choses dans leur éclosion, l'éternel dans l'éphémère; et si certains passages sont plus convenus que d'autres, l'ensemble n'est jamais figé. J'ai beaucoup aimé nombre d'images et de mots évocateurs, touchants ...

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Je le relis.

Je suis très mal à l'aise lorsqu'il s'agit de parler des philosophe (ou pire, de les noter). Mais je ne saurais que recommander ce livre.

"L'activité n'emprunte pas son sens et sa valeur à un but ultime et unique, et comme si le monde formait un système de références utiles dont le terme concerne notre existence même. Le monde répond à un ensemble de finalités autonomes qui s'ignorent. Jouir sans utilité, en pure perte, gratuitement, sans renvoyer à rien d'autre, en pure dépense - voilà l'humain. Amoncellement non systématique d'occupations et de goûts, à égale distance du système de la raison où la rencontre d'Autrui ouvre l'infini du système de l'instinct, antérieur à l'être séparé, antérieur à l'être véritablement né, séparé de sa cause, nature.
Dira-t-on que cet amoncellement a pour condition l'aperception de l'utilité, réductible au souci pour l'existence? Mais le souci de nourritures ne se rattache pas à un souci pour l'existence. L'inversion des instincts de nutrition qui ont perdu leur finalité biologique, marque le désintéressement même de l'homme. La suspension ou l'absence de finalité dernière a une face positive, la joie désintéressée du jeu. Vivre, c'est jouer en dépit de la finalité et de la tension de l'instinct; vivre de quelque chose sans que ce quelque chose ait le sens d'un but ou d'un moyen ontologique, simple jeu ou jouissance de la vie. Insouciance à l'endroit de l'existence qui a un sens positif. Elle consiste à mordre à pleines dents aux nourritures du monde, à agréer le monde comme richesses, à faire éclater son essence élémentale. Dans la jouissance les choses retournent à leurs qualités élémentales. La jouissance, la sensibilité dont elle développe l'essence, se produit précisément comme une possibilité d'être en ignorant le prolongement de la faim jusqu'au souci de conservation. Là réside la vérité permanente des morales hédonistes: ne pas chercher, derrière la satisfaction du besoin, un ordre par rapport auquel la satisfaction acquerrait seulement une valeur, prendre pour terme la satisfaction qui est le sens même du plaisir. Le besoin de nourriture n'a pas pour but l'existence, mais la nourriture."

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C'est bien écrit, poétique. Retournement de perspective intéressant. Point de vue sur l'Allemagne qui apparaît en filigrane - passionnant, quoiqu' un peu caricatural. Mais ce qui me gêne le plus, c'est ce personnage de Médée qui devient une victime de ce méchant monde alors que c'est une brave fille ... La fin m'énerve prodigieusement à cause de ça.

Je ne vais pas cracher dans la soupe, c'est quand même un très beau livre. Il me trotte encore dans la tête. En réinterprétant le mythe, Christa Wolf l'a rendu à nouveau fertile; et je trouve passionnante sa démarche féministe.

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C'est sûr que pour mon mémoire, c'est très intéressant, mais je ne suis pas qualifiée pour parler de ça ...

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Très clair, très carré, et stimulant. Un peu catégorique sur certains points, mais les thèses centrales du livre sont bien argumentées.

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Le piano, certes, mais aussi une ribambelle d'anecdotes croustillantes qui rappellent que pour Rubinstein, aimer, paresser, lire, voyager, s'amuser - toutes ces expériences participent à la formation de l'interprète.

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Ce sont des petits contes moraux intelligents et poétiques. Bien traduits par Philippe J. l'Incontournable.

Le propos a parfois l'air simplissime, mais à bien y réfléchir, aucune "morale" n'est si évidente que ça ... Et l'auteur préfère nous laisser l'ambiguïté et l'indécidable pour cogiter sur le sens de ces brefs écrits. Ce qui n'est pas pour me déplaire.

Bon, puis j'insiste, c'est poétique. Rien que le bestiaire devrait ravir les amateurs de fables.

Désolée si je fais une fixation sur Robert Walser, mais quand même, c'est drôle de constater que les deux hommes étaient Suisses (ce qui ne présume en rien de leur manière d'écrire, soit), qu'ils ont écrit dans la même moitié de siècle, et avaient un goût prononcé pour les récits courts type miniature. Tant pour ce qui les rapproche, que pour ce qui les éloigne, il est intéressant de les comparer.

Merci à Steka pour la découverte.

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C'est juste beau.

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Desnos faisant des jeux de mots, Desnos écrivant des poèmes d'amour faussement naïfs, et dans d'autres recueils, Desnos transformé par la déportation, à l'aube de sa mort. C'est difficile de ne pas être ému en cheminant avec lui. Ça fait forcément sommeiller mon esprit critique déjà prompt à la somnolence. D'où l'absence de note (ça n'a aucun sens de lui mettre 6 ou 9 - je suis capable de mettre les deux honnêtement).


"J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu'a être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène
Et se promènera allègrement
Sur le cadran solaire de ta vie."

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Oui, c'est bien.

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Je lis les chapitres qui m'intéressent. Sur "L'exode et l'expulsion" : passionnant! Nuancé, précis et argumenté.

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Lu les chapitres qui m'intéressaient pour mon travail, dont "Mémoire, histoire, présent". C'est contestable, notamment parce que c'est une interprétation qui s'applique mal à d'autres pays que la France. Il y a de très bonnes analyses par ci par là, des remarques tout à fait pertinentes, mais dans le cadre d'une lecture engagée de l'histoire qui n'est pas sans poser des problèmes.

Annotation :

Les ficelles sont un peu grosses parfois, et le sens ne se laisse pas assez effleurer. Plusieurs lectures des poèmes ne devraient pas avoir épuisé leur sens ...

MAIS, autant être honnête, j'ai quand même bien aimé: pour l'humour omniprésent sous toutes ses formes (mais rarement subtil ...); parce que certains textes sont franchement émouvants. Il y a des poèmes beaucoup plus coriaces que d'autres: je veux dire qu'ils sont plus exigeants sur le plan de l'interprétation. Ils nécessitent qu'on y revienne ... Je pense en particulier à "Glücklose Engel", qui me rappelle un texte de Walter Benjamin, mais peut aussi se lire comme un poème d'amour.

Annotation :

Thème et variations. C'est drôle et bien fait.