Carnet de curiosités : Lectures 2013
« A great book should leave you with many experiences, and slightly exhausted at the end. You live several lives while reading. »
— William Styron
Carnet 2013
Carnet 2014 : https://www.senscritique.com/liste/Carnet_de_curiosites_Lectures_2014/361673
Carnet ...
126 livres
créée il y a presque 12 ans · modifiée il y a 11 moisTemps - Les Univers multiples, tome 1
Manifold : Time
Sortie : février 2007 (France). Roman
livre de Stephen Baxter
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
Temps, c'est un peu l'anti-Spin, sa face ratée. Ils partagent des thématiques communes, le même vertige cosmique : on va 50 milliards de milliards d'années dans le futur, on voit des univers se créer, des trous noirs être moissonnés, le vide s'effronder, etc. et tout ça se base sur des articles de Nature.
Bien, mais le reste, style, personnages, monde, est foireux. Mal écrit, terriblement répétitif, d'horribles longueurs, les personnages sont en carton-pâte et il y a Reid Malefant, le Marty Stu de l'auteur. Tout semble facile, cliché et rajouter une ligne de dialogue qui pointe ce mauvais cliché ne l'excuse pas, au contraire ! Sans parler des piques de mauvais aloi "c'est le futur, Colic-Cola fait des pubs sur des écrans souples". Non merci.
Spin fonctionnait grâce à une certaine élégance de la retenue, de la canalisation de son sujet et à des personnages attachants, Temps se complait dans une certaine vulgarité de l'empilement, du kitschouille 80's, sorte d'Arthur C. Clarke boursouflé, et il n'y a même pas l'excuse d'être du space-opera.
Ulysse bâtit son lit
Sortie : 1917 (France). Poésie
livre de Jean de Boschère
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Le bandeau jaune fluo l'annonce bien : il faut lire Boschère pour Antonin Artaud. Encore un de ces auteurs oubliés pour eux-mêmes et qui, lorsqu'ils ont la chance d'être lus, ne sont plus qu'un simple maillon dans la chaîne menant aux moins oubliés.
Il ne faut pas.
Il faut écouter la voix de Boschère, entendre ses bruissements, voir ses couleurs. Oui l'on perçoit nettement ce qui a pu plaire à Artaud et comment il va pousser ça jusqu'au bout. Mais Boschère n'est pas un Artaud-pas-fini. Londonien, ami des Imagistes, Pound, T.S Eliot, Huxlay. Il est encore dans cette langue rapide qui cherche à être brute mais pas brutale, tente des formes nouvelles mais sans sacrifier aux jeux des sonorités et des couleurs.
Le Dit de Heichû
Heichû monogatari
Sortie : 0950 (France). Récit
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Sieffert parle du Heichû Monogatari comme la pièce manquante avant le récit moderne, sorte de proto-roman. C'est pourtant très répétitif : Heichû envoie des tanka enflammés à une nana quelconque et soit elle lui rembarre un bon tanka cinglant, soit c'est trop galère d'aller la voir dans son palais bien gardé, soit autre chose et il abandonne. Puis recommence avec une autre nana. Mais ce n'est pas désagréable.
L'on peut aussi voir que la nouvelle d'Akutagawa V'olupté' reprend presque mot à mot l'une de ses aventures.
Éloge de l'ombre (1933)
Sortie : 1933 (France). Essai
livre de Junichirō Tanizaki
Nushku a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Kojiki
Sortie : 3 février 2012 (France). Culture & société, Histoire, Poésie
livre de Yukako Matsui
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Très aride, laconique, des ellipses et des raccourcis. On est franchement loin du souffle d'autres mythologies mais, chronique écrite dans une perspective royale et non épopée, ce n'est pas étonnant.
Surtout, on s'y perd très facilement dans ce méli-mélo de kamis à rallonge et d'empereurs. D'autant plus que ma traduction [pas celle de la fiche] manquait d'outils : généalogie, glossaire complet, fiches plus élaborées pour les principales divinités, cartes des anciennes provinces. J'imagine que si l'on va lire le Kojiki c'est que l'on a déjà en tête quelques bases : pas besoin de tout traduire. En plus, on perd un peu plus de la musique originelle.
Tout l'oeuvre peint de Füssli
Sortie : 1980 (France). Beau livre
livre de Paola Viotto et Gert Schiff
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Grande collection classique : texte sans intérêt, très belles reproductions pleine page des grands tableaux et minuscules vignettes n&b pour le reste du corpus.
Mort d'un personnage (1949)
Sortie : 1949 (France). Roman
livre de Jean Giono
Nushku a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Tendre violence, lourdeur suave, ombres colorées. Un court roman tout en nuances, en clair-obscurs et en contrastes adoucis. Délicieux.
«J'ai dit que je soutenais ma grand'mère. C'était beaucoup plus important que ça. Elle ne pouvait être soutenue par personne, sauf par elle-même, sauf par son désir. Elle tenait son bras plié raide et tendait son petit poing très ferme. je posais ma main sur ce poing. et nous partions. En réalité, elle me tenait tout entier posé sur ce poing comme un faucon de chasse. Car il était manifeste qu'elle cherchait quelque chose. Elle avait dû d'abord le chercher longtemps en elle-même, puis autour d'elle, dans ce château de Rians, les terres, les collines et les forêts qu'elle avait vendues en un jour avant de venir chez nous, chercher plus loin. De plus en plus loin, et de plus en plus avidement, à mesure que le temps passait : depuis qu'elle était certaine qu'aujourd'hui était toujours vide, que demain était son seul espoir. A-t-elle fini par comprendre que la mort seule pouvait le lui faire rejoindre? Je ne crois pas : elle aurait sauté dans la mort. »
En un pays lointain
In a Farther Country
Sortie : 1952 (France). Roman
livre de William Goyen
Nushku a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Cf. Critique
La Tour de Babylone (2003)
Stories of Your Life and Others
Sortie : 1990 (France). Recueil de nouvelles, Science-fiction
livre de Ted Chiang
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
A force de lire et d'entendre un peu partout que Chiang est le dernier petit prodige capricieux de la SF on finit par être, non pas déçu, je n'avais pas vraiment élevé mes attentes, mais simplement ramené à la lumière de la réalité. Disons que cette dernière ne vaut jamais les volutes de l'imagination. Cette satanée boite de Shrödinger est pire que celle de Pandore, on finit par l'ouvrir et le plaisir de l'énigme qu'on voulait conserver s'évapore.
Ce n'est absolument pas ce à quoi je m'attendais : on voit l'auteur souvent taxé de froid, d'ardu, de "mathématiques". Mais pas du tout ! Tout au contraire ! Il y a de la douceur, de la rondeur, ça prend son temps, parfois un peu trop, c'est très pudique, pas racoleur pour un sou. Il développe clairement de la tendresse pour ses personnages et parvient, le plus souvent, à nous la transmettre. Sur les huit du recueil, trois nouvelles ne sont même pas de la SF à proprement parler mais davantage des expériences de pensée uchroniques. Même qu'en fin de compte ça manque d'angles, de coupant, d'arêtes.
Ca se lit avec plaisir, c'est certains, mais on (je) n'y trouve pas le vertige et le sense of wonder que l'escalade de la tour devrait accompagner. Je retiens plus la sensation d'avoir lu de la fantasy rigoureuse, du merveilleux old-school dépoussiéré plus que de la Hard Science-Fiction qui pousserait son domaine au-delà de ses limites.
Jambes de Cheval
Sortie : 2013 (France). Recueil de nouvelles
livre de Ryûnosuke Akutagawa
Nushku a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
"Dans son cœur se trouvait pourtant un Raskolnikov, déguisé en clown."
Résidus d'un volume avorté de la Pléïade. Surtout des histoires qui sont du passé dans ce recueil, saupoudrés un peu de fantastique, toujours autant d'humour. Celles sur les Kirishitan (les Chrétiens) sont savoureuses et explorent une des périodes les plus intéressantes du Japon et pourtant souvent peu abordée, du moins de notre point de vue. On retrouve aussi, avec joie, Yasukichi, triste clown, double romancé de l'écrivain.
Je me demande toujours pourquoi avoir pris le titre de cette nouvelle, Jambes de cheval. Il y a plus glamour.
Palimpseste
Palimpsest
Sortie : 2009 (France).
livre de Charles Stross
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
Sujet qui, s'il est peu original, mérite et nécessite un traitement rigoureux, au poil, sans accroc aucun. Palimpseste pourtant devient très vite confus, pas tant à cause des voyages dans le temps – on commence à s'habituer – ou d'un jargon scientifique somme toute très peu présent mais tout simplement car c'est écrit avec les pieds et souvent traité par dessus la jambe.
On est loin du didactisme d'un Egan ou de l'imbroglio d'un Primer. Stross ne prend pas la peine d'expliquer des choses basiques, de simples conséquences logiques, qui étaient sans doute évidentes dans sa tête mais n'apparaissent pas à la lecture. Souvent il ne s'agit que de pronoms mal placés ou d'une figure de style maladroite : est-ce une métaphore balourde ou un truc magique du futur vient de surgir ? et s'emmêle les pinceaux dès qu'il y a plus de deux personnages (ou deux planètes) dans une scène.
Ce faisant, il court-circuite tout l'émerveillement qu'il cherche à donner avec sa Stase, Ur-Histoire s'étalant sur plusieurs milliards d'Années, et ses sympathiques Diapositives sur l'histoire du Système Solaire. Même la thématique du palimpseste reste grandement inexploitée, nous ne sommes jamais réellement confronté à ce mille-feuilles temporel, couche par couche, itération par itération. Ni même celle du voyage dans le temps qui se limite à de vagues allusions temporelles. Même Lost est plus cohérente (et intéressante) de ce côté là.
Le reste, enquête, histoire d'amour à contre-temps, affaires internes, allusion balourde à Kafka, twist, est sans surprise et à peine esquissé.
Dommage car, comme chez Banks, on décèle une pointe d'ironie toute anglo-saxonne dans une volonté de dépoussiérer de vieux concepts. Et on ne peut nier que ça soit rempli de bonnes idées. Il a au moins eu la délicatesse d'en faire un roman dense et de nous épargner tout un cycle de six tomes chacun dans une époque différente ou des Uchronies variées.
Radieux (1998)
Luminous
Sortie : septembre 2007 (France). Recueil de nouvelles, Science-fiction
livre de Greg Egan
Nushku a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
On retrouve les thèmes d'Axiomatique mais aussi les défauts. Amplifiés : 1ere personne systématique pas toujours des plus pertinentes, personnages féminins identiques, constante ambiance de polar de second zone (6 sur 10 nouvelles sont des enquêtes à la première personne), athéisme un brin primaire et caricatural. Moins de nouvelles aussi et souvent un peu trop longues, ça traîne et tourne pas mal autour du pot.
De manière générale, ce "Radieux" embarque moins qu'Axiomatique. Là où ce dernier creusait la question de l'identité, à l'intimité du Moi, Radieux tend à prendre du recul et faire un pas en arrière de façon à englober l'identité de l'Humanité en elle-même. Aussi le Je narratif n'est-il plus là pour sonder les affres d'une psyché mais pour donner son avis et ses jugements (comprendre : celui de Greg Egan), souvent étroits, sur le Monde et les gens.
Contes nocturnes
Nachtstücke
Sortie : 1816 (France). Recueil de contes
livre de E. T. A. Hoffmann
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
Ha, malheur. Lire celui qui a pour ainsi dire donné sa forme moderne au fantastique et inspiré tant et tant d'auteurs, de Poe à Lovecraft en passant par Gautier, Balzac et Gogol, forcément, ça perd de son éclat quand tant d'autres sont venir polir ce diamant.
Bien sur tous les thèmes romantiques, le double et le sublime, la nature et le génie, surtout les ambiances inquiétantes de forêts noires sous la lune, de chaleureuses tavernes en hiver, de châteaux allemands mais, forme vieillotte, trop dilués, trop de détours et d'atermoiements.
Dialogues d'utopie (2001)
Sortie : 2001 (France). Recueil de nouvelles
livre de Marcel Schwob
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Recueil posthume de textes divers et donc un peu disparate. Une ou deux vies écartées des Imaginaires, courts articles, reprises de fait-divers. Ca se lit vite, ça s'oublie vite, il faut l'admettre.
La Chouette aveugle (1936)
Sortie : août 1989 (France). Roman
livre de Sadegh Hedayat
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
Je le cherchais depuis longtemps celui-là ! tout en me méfiant car récupéré par Breton et étiqueté "surréalisme". Hedayat aura fait le trait d'union entre vieille littérature persane, qui tournait à vide depuis Hafez, et modernité importée d'Europe. Si, en effet, ça ressemble vaguement à un roman européen classique du XXe (1936), un narrateur qui s'abîme dans des souvenirs et des visions, on retrouve bel et bien dans les images, le style aussi, la tradition séculaire iranienne.
Ca nous donne un mélange un peu bâtard, lyrisme noir malade, qui a du mal à se fixer, qui aura choqué à sa sortie, échangée sous le manteau. Sans doute comme son auteur, suicidé 15 ans plus tard à Paris.
Van Gogh : Le suicidé de la société (1947)
Sortie : 1947 (France). Essai
livre de Antonin Artaud
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
Voila ce qu'il faut faire. Voila comment il faut parler [de peinture]. Peut-être car semi-commande mais ça n'est pas aussi touffu, dense, violent, jusqu'au-boutiste que son Héliogabale.
Pour préparer la lecture de ses lettres au frère.
"Il n'y a pas de fantômes dans les tableaux de van Gogh, pas de visions, pas d'hallucinations. C'est de la vérité torride d'un soleil de deux heures de l'après-midi. Un lent cauchemar génésique petit à petit élucidé. Sans cauchemar et sans effet. Mais la souffrance du pré-natal y est. C'est le luisant mouillé d'un herbage, de la tige d'un plant de blé qui est là prêt à être extradé.Et dont la nature un jour rendra compte. Comme la société aussi rendra compte de sa mort prématurée."
Goya, la dernière hypothèse (1998)
Sortie : 18 mars 1998. Essai, Peinture & sculpture
livre de Jean-Louis Schefer
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
Comment noter. 1 ? 6 ? C'est verbeux et laconique, onaniste, saturé de tics et de répétitions, ça m'a énervé, c'est souvent imbitable tellement ça s'encombre d'effets de manche. Ca tourne en rond et prend beaucoup de place pour pas grand chose. Mais, dans ce gros bouillon, il dit pas que des bêtises.
Et c'est toujours mieux que les innombrables paraphrases tiédasses que l'on trouve dès que des écrivains se frottent à la peinture (et les pires, sans même parler de romans historiques, ceux qui s'improvisent historiens, veulent se rattacher aux wagons des chercheurs et sans recul sont à la traîne d'un bon demi-siècle).
La Synagogue des iconoclastes (1972)
La sinagoga degli iconoclasti
Sortie : 1 novembre 1977 (France).
livre de Juan Rodolfo Wilcock
Nushku a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Le stéréoscope des solitaires (1972)
Lo stereoscopio dei solitari
Sortie : 1972 (Italie). Roman, Recueil de nouvelles
livre de Juan Rodolfo Wilcock
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Ce stéréoscope c'est un peu comme les bonbons magique dans Harry Potter, on ne sait jamais ce que la prochaine capsule va nous délivrer. Il y en a pour tous les (dé)goûts ! et au pire on passe vite à la suivante.
Rue de la Sardine (1945)
Cannery Row
Sortie : septembre 2000 (France). Roman
livre de John Steinbeck
Nushku a mis 9/10.
Annotation :
On début on croit relire Tortilla Flat : une bande de potes s'installe dans une maison et veut préparer une jolie fête pour un autre pote et ça va mal tourner. Mais les personnages m'ont paru plus vivants, moins artificiels et les aventures plus variées et colorées. Ca sonne moins Jackass. La rue fonctionne réellement comme un microcosme, ou comme une grande famille. L'ensemble, sur la fin, devient réellement touchant et le personnage de Doc est fantastique.
“Look at them. There are your true philosophers. I think that Mack and the boys know everything that has ever happened in the world and possibly everything that will happen. I think they survive in this particular world better than other people. In a time when people tear themselves to pieces with ambition and nervousness and covetousness, they are relaxed. All of our so-called successful men are sick men, with bad stomachs, and bad souls, but Mack and the boys are healthy and curiously clean. They can do what they want. They can satisfy their appetites without calling them something else.”
Jérôme Bosch et la fable populaire
Sortie : 1995 (France). Essai
livre de Jacques Darriulat
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Ce qui, je crois, fascine tant chez Bosch c'est que sous le grouillement visuel se cache non pas une juxtaposition factice et aléatoire mais une égale densité sémantique, une effervescence de sens qui ne laisse rien au hasard. Attention! pas de ces correspondances cosmétiques à la Dan Brown ou Ancient Aliens qui appliquent le filtre de l'Alchimie, de la Numérologie ou des E.T à tout et n'importe quoi et qui ne s'ouvrirait qu'aux vrais (non-)naïfs ; non, de l'iconologie vraie dont on peut remonter la généalogie des formes jusque dans les fables païennes, les croyances populaires, la littérature d'époque, la culture chrétienne, l'histoire antique, les autres peintres et qu'il faut toujours attester, nuancer, replacer dans le contexte. Se demander si l'on est toujours dans la sphère du peintre.
Et ce qui fait la force de cette esthétique médiévale (comparée à celle de la Renaissance même si Bosch y est en plein dedans), c'est la polysémie. L'historiographie de chaque tableau s'allonge perpétuellement. Ca s'empile, ça s'ajoute, se contredit sans pour autant s'annuler. Jamais de réponse finale et surtout pas de secret d'initié dévoilé.
Bref 150 pages uniquement sur l'Escamoteur et selon un seul angle (une fable médiévale sur Néron enfantant une grenouille basée sur l'histoire antique à coup de déformation et sauts symboliques) quand on pourrait en écrire encore des centaines d'autres.
L'Âge de craie
Sortie : 1943 (France). Poésie
livre de André Pieyre de Mandiargues
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
Mandiargues le dit lui-même: ce sont des pièces de jeunesse, qu'il ne pensait tout d'abord pas publier et qui pourraient paraître inintéressantes. Et en effet, ses vers sont bien trop plats, bien trop imprégnés de ses modèles. Sa prose, c'est déjà son style flamboyant mais sans canalisation.
Contes cruels (1883)
Sortie : 1883 (France). Recueil de contes
livre de Villiers de L'Isle-Adam
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
Toujours un délice de se replonger dans le fin de siècle du XIXe. C'est vraiment une ambiance, une saveur, une ombre lumineuse, très particlière. Surtout avec tel style flamboyant, riche de son insolence bien évidemment mais aussi très oral.
Un endroit où aller (1977)
A Place to Come to
Sortie : 28 décembre 1993 (France). Roman
livre de Robert Penn Warren
Nushku a mis 9/10.
Annotation :
Structure moins alambiquée que les Fous du Rois, on déplie la chronologie linéaire des souvenirs mais c'est tout autant roman Total qui tente d'englober la vie, d'embrasser tout un Monde et même de créer le sien propre avec sa large palette stylistique (rien que ça suffit à l'éloigner de Faulkner dont le style reste toujours très noble, même dans le flux de conscience, l'argot ne vient pas contaminer la prose) et métaphysique (Ha! quelle surprise de découvrir le héros spécialiste de Dante !).
Quoique.. à mi-parcours, alors que la grande guerre et ses traumatismes sont passés en quelques pages seulement, ça s'enlise dans l'histoire d'amour avec Rozelle ; pourtant décrite, de ses premiers soubresauts jusqu'à sa mort avec une précision, une acuité et une justesse désarmantes. Sûrement la faute à l'anamorphose des souvenirs. Un peu comme ces représentations du corps humains par le cerveau: les mains, les pieds et les lèvres y sont énormes.
Tamerlan des Coeurs
Sortie : 1954 (France).
livre de René De Obaldia
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
Au début, on pourrait craindre un vague roman moderne, l'histoire d'un parisien néo-Don Juan, proto-Beigbeder, figure de papier découpé sans épaisseur ni articulations pendue à de la ficelle trop lâche. Mais Obaldia raccomode Jaime dans le tissu de l'Histoire, l'ample tapisserie de Roland, de Cortèz et de Tamerlan, à quelques mailles seulement de la guerre 39-45. On ne sait plus trop si la tenture est repliée sur elle-même comme un origami ou juste un petit mouchoir repris sans cesse, n'étant plus qu'une broderie de cicatrices.
Souvent plus proche d'un poème en prose à l'ampleur universelle suitant, dans ses accents surréalistes tardifs, le sang et l'érotisme.
"C'est le temps où Hérodote visite la Perse, le Nil, l'Hellespont. Les marchandises suivent les pavillons. Il flotte des agneaux dans le ciel. Tel un animal fabuleux le cor se couche aux pieds de Roland : le Héros peut se permettre d'être nu. A l'Opéra la chaleur devient supportable; des femmes splendides se donnent dans les baignoires à des hussards cloutés d'étoiles. inoubliable symphonie! Le dernier violon attire à lui tous les sanglots, le chef d'orchestre se met à sa boutonnière, il se respire; sa baguette suspendue dans les airs se couvre d'oiseaux. Un petit garçon en costume de premier communiant chevauche l'éléphant d'Hannibal et fredonne : «Eléphant que j'dompte, Montre-moi ta trompe. Eléphant du borgne, Dis-moi qui tu lorgnes ?...» L'incantion reverdit les bosquets si proches des genoux de l'enfance. "
Haiku
Sortie : 1 janvier 1994 (France). Poésie
livre de Kobayashi Issa
Nushku a mis 9/10.
Annotation :
Je crois que je préfère Issa à Basho, plus croquant, plus mordant.
"A l’ombre des fleurs
même un parfait étranger
ne l’est plus"
"Pluie de pétales --
on aimerait boire l'eau
des brumes lointaines!"
Le Lac (1955)
みづうみ (Mizuumi)
Sortie : 1978 (France). Roman
livre de Yasunari Kawabata
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
Zut alors ! Pas vraiment convaincu... On suit un pervers, c'est glauque (mais très japonais), parfois un peu triste quand des souvenirs jaillissent au détour d'un reflet de vitrine. Ressenti toutefois zéro empathie pour les personnages. Lisse et glacé comme la surface du lac, le style précautionneux et ampoulé. (mais ça...les aléas de la traduction, le Français doit être trop précis)
Le Dîwân de la poésie arabe classique
Poésie
livre
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
«Il dit au vent à chaque fois qu'il souffle :
"O vent, veux-tu avec moi rivaliser ?"»
On a souvent tendance, du moins dans nos vertes contrées, à circonscrire la littérature arabe (classique) aux contes, ou en tout cas à l'imaginer en déborder et en être le plat principal.
Distorsion toute européenne, comme souvent, quand il s'agissait en réalité d'un genre mineur, peu développé, populaire, au style brut et rêche, grandement délaissé par l'intelligentsia de la cours de Bagdad ; loin derrière les prolifiques genres dits érudits : la Religion, les sciences & la philosophie, les Séances et bien sur la poésie en vers. Et, paradoxalement, le genre du conte sera redécouvert par eux grâce à l'enthousiasme européen du XVIIIe siècle et ses traductions.
«Il domina si intensément le vaste horizon
Que la terre devint à ses yeux une maison.
Renonce à l'image de toute possession, la fierté me saisit
Au simple souvenir et la répulsion m'envahit.
Je n'ai que ma monture pour demeure
Et une poésie qui ne se prête ni ne se vend.»
– Abû Tammâm
Cours du Bauhaus
Contributions à la théorie de la forme picturale - Weimar 1921 / 1922
Sortie : 2004 (France).
livre de Paul Klee
Nushku a mis 9/10.
Annotation :
Un seul cahier, 200 petites pages, extirpé d'un corpus de plusieurs dizaines de cahiers, plus de 4000 pages. Il y a pourtant de la matière pour des années dans ces quelques semestres. Et dans le déploiement, dans le détail, dans la pensée façonnée en direct live, elles éclairent ce qui, parfois, pouvait sembler accidentel, trivial ou vasard dans sa "Théorie de l'art moderne".
Les Fous du roi (1946)
(traduction Pierre Singer)
All the King's Men
Sortie : 1950 (France). Roman
livre de Robert Penn Warren
Nushku a mis 9/10.
Annotation :
Jack Burden est un fouilleur, historien dévié, gratouilleur et même un fouille-merde. Toutes profondeurs et toutes latitudes. Ses chapitres de plongée, dans l'Ouest, dans son passé, dans celui de vagues ancêtres sudistes durant la Guerre de Sécession ou celui du Juge Irwin, chacune dans un registre différent, sont vraiment les chapitres les plus prenants. Trop souvent, le narrateur, Je de carton et de ficelles, n'est là que pour mettre en lumière un autre personnage, véritable personnage central. Mais en l'occurrence Jack est de rouages bien solides et bien rouillés ; l'intrigue politique, celle de Willie, celle qui sert à harponner le lecteur, en serait presque la vertèbre faible de ce Livre-Tout.
« La vérité est une chose terrible. On commence par y poser le bout du pied, sans rien éprouver. Quelques pas de plus, et on s’aperçoit qu’elle vous entraîne comme le ressac, vous aspire comme un remous. D’abord, la vérité vous attire à elle d’un mouvement si lent, si régulier, si mesuré, qu’on s’en rend à peine compte ; et puis le mouvement s’accélère, et puis c’est le tourbillon vertigineux, le plongeon dans la nuit. Car la vérité a ses ténèbres. On assure qu’il est terrible d’être saisi par la grâce divine. »