Amitiés philosophiques
Quand les philosophes pratiquent l'art du clash (oui le titre de la liste est ironique...). C'est souvent savoureux.
5 livres
créée il y a environ 3 ans · modifiée il y a environ 2 ansPensées (1670)
Sortie : 1670 (France). Essai, Philosophie
livre de Blaise Pascal
P. b. l'a mis en envie.
Annotation :
Pascal sur Montaigne, dans la préface à la première partie des Pensées.
"Le sot projet qu’il a de se peindre ! Et cela non pas en passant et contre ses maximes, comme il arrive à tout le monde de faillir, mais par ses propres maximes et par un dessein premier et principal. Car de dire des sottises par hasard et par faiblesse c’est un mal ordinaire, mais d’en dire par dessein c’est ce qui n’est pas supportable. Et d’en dire de telles que celles‑ci..."
Aphorismes et insultes
Sortie : 19 avril 2012 (France). Essai
livre de Arthur Schopenhauer
P. b. a mis 6/10.
Annotation :
Schopenhauer sur Hegel, dans Aphorismes et insultes.
« La philosophie de Hegel convient tout à fait à une sagesse universitaire en bonne et due forme ; car elle contient, au lieu d'idées, simplement des mots, et il faut des mots aux jeunes gens pour qu'ils répètent leur prière, prennent des notes et rentrent chez eux ; quant aux idées ils n'en ont que faire. Elle accomplit donc complètement la tâche que son auteur lui assignait. Ajoutez à cela que ses résultats sont tout bonnement les grands principes de la religion du pays, que chacun a sucés avec le lait maternel et a, par la suite, établis à son tour irrévocablement. Or avoir la chance de les retrouver dans un galimatias entortillé, ambitieux, ayant grand air, pompeux au suprême degré, cela doit faire beaucoup de plaisir.
Voyons-en un exemple emprunté à l'Encyclopédie de Hegel, deuxième édition, p. 120. On y lit sous cette rubrique : "Seconde partie de la logique, la doctrine de l'existence" : "L'existence, comme l'être s'entremettant avec lui-même par la négativité de lui-même, est le rapport à soi-même, seulement en ce qu'elle est un rapport à une autre chose, qui n'est directement que posée et entremise."
L'impudente scélératesse de ce charlatan, l'improbité réelle de sa manière consistent à assembler des mots qui désignent des opérations impossibles de l'intellect, notamment des contradictions et des non-sens de toute espèce. »
Crépuscule des idoles (1888)
(traduction Jean-Claude Heméry)
Götzen-Dämmerung oder wie man mit dem Hammer philosophiert
Sortie : 1977 (France). Essai, Philosophie
livre de Friedrich Nietzsche
P. b. l'a mis en envie.
Annotation :
Nietzsche sur Rousseau, dans Le crépuscule des idoles.
"Moi aussi, je parle d’un « retour à la nature », quoique ce ne soit pas proprement un retour en arrière, mais une marche en avant vers en haut, vers la nature sublime, libre et même terrible, qui joue, qui a le droit de jouer avec les grandes tâches... Pour parler en symbole : Napoléon fut un exemple de ce « retour à la nature » comme je le comprends (ainsi in rebus tacticis, et plus encore, comme le savent les militaires, en matière stratégique). Mais Rousseau, — où vraiment voulait-il en venir ? Rousseau ce premier homme moderne, idéaliste et canaille en une seule personne, qui avait besoin de « la dignité morale » pour supporter son propre aspect, malade d’un dégoût effréné, d’un mépris effréné de lui-même. Cet avorton qui s’est campé au seuil des temps nouveaux, voulait lui aussi le « retour à la nature » — encore une fois, où voulait-il revenir ? — Je hais encore Rousseau dans la Révolution ; elle est l’expression historique de cet être à deux faces, idéaliste et canaille. La farce sanglante qui se joua alors, « l’immoralité » de la Révolution, tout cela m’est égal ; ce que je hais, c’est sa moralité à la Rousseau, — les soi disant « vérités » de la Révolution par lesquelles elle exerce encore son action et sa persuasion sur tout ce qui est plat et médiocre. La doctrine de l’égalité !... Mais il n’y a pas de poison plus vénéneux : car elle paraît prêchée par la justice même, alors qu’elle est la fin de toute justice... « Aux égaux, égalité, aux inégaux, inégalité — tel devrait être le vrai langage de toute justice; et, ce qui s’ensuit nécessairement, ce serait de ne jamais égaliser des inégalités."
Le Pouvoir des clés
Sortie : 25 septembre 2010 (France). Essai, Philosophie
livre de Léon Chestov
P. b. a mis 10/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Chestov sur Spinoza, dans "Le pouvoir des clés" :
« Le philosophe, d’après Diogène, doit, non pas parler, mais agir. Et je crois que parmi les philosophes modernes, c’est Spinoza qui aurait le mieux satisfait aux exigences de Diogène. Il « faisait » vraiment sa philosophie et élaguait soigneusement de son « être » tous les éléments « sensibles », si bien qu’il réussit mieux que tout autre à transformer son âme en une idée générale. Il cessa d’être Spinoza « hic et nunc » ; il devient « philosophus », c’est-à-dire un être non seulement spirituel, mais « insensible », comme ce Dieu qu’il adorait. Je crois que c’est précisément à cause de cela qu’il provoquait en ses contemporains une répugnance si superstitieuse et que c’est aussi par cela que plus tard il séduisit le cœur de ses lointains successeurs qui le découvrirent à nouveau ou, plutôt, le déterrèrent après de longues années d’oubli. »
Sur les confins de la vie (1927)
Sortie : 1927 (Russie). Aphorismes & pensées
livre de Léon Chestov
P. b. l'a mis en envie.
Annotation :
Chestov sur Hegel, dans « Le pouvoir des clés » :
« A la place de l’être vivant, réel, on érige l’idée, les hommes ayant perdu tout espoir de sauvegarder les droits de l’être vivant. Tout ce qui naît — or tout ce qui est vivant naît, ainsi que le montre l’expérience — doit périr. Hegel avoue franchement que « la mort naturelle n’est que la réalisation d’un droit absolu que la nature possède sur l’homme ». Et ce philosophe est si entièrement convaincu du droit de la mort, qu’on ne sent même pas dans le ton de cette déclaration le moindre effort. Tout à fait dans l’esprit de Spinoza, il parle de la vie et de la mort, de la nature et de l’homme, comme s’il s’agissait de perpendiculaires et de triangles. Et de même qu’à la pensée que la somme des angles d’un triangle est égale à deux droits, il n’éprouve ni joie, ni douleur, il livre l’homme avec une complète indifférence au pouvoir absolu de la nature. L’homme pour lui n’est qu’un moment de l’histoire de l’Esprit, et dans l’Esprit l’homme est déjà surmonté. Je le répète et j’insiste là-dessus : tous les philosophes ont pensé et pensent encore de même. Ils sacrifient avec la même indifférence l’homme vivant et le Dieu vivant, étant persuadés qu’une fois que la science existe, on n’a nul besoin de quoi que ce soit d’autre, et sans se douter évidemment que la science ne possède pas encore la vérité. »