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Amoncellement

Pas de critique, pas de journal, seulement quelques esquisses.

"Rien dire de rien. C'est pourquoi il ne saurait avoir de limites au nombre de livres. Tout les corps ensembles, tout les esprits ensembles et toute leur production ne valent pas le moindre mouvement de charité, car cela ...

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17 livres

créée il y a plus de 7 ans · modifiée il y a environ 3 ans
Le Livre de l'intranquillité
8.5

Le Livre de l'intranquillité

O Livro do desassossego por Bernardo Soares

Sortie : 1982 (France). Journal & carnet, Aphorismes & pensées

livre de Fernando Pessoa

Héliogabale a mis 10/10.

Annotation :

L'évidence, c'est l'asséchement proposé par Soares (et non Pessoa, il faut prendre au sérieux ses constructions hétéronymiques). Le guide du renoncement, mais écrit dans un style magnifique, loin de toute sécheresse descriptive. Et pourtant il ne s'agit pas de trouver des avantages à l'inaction et aux rêves jamais réalisés. Soares n'a pas choisi: le fait que le livre de l'intranquillité ne soit pas achevé n'est pas la conséquence d'une posture de dandy surfait, mais le fruit d'une nécessité. Soares ne vit pas, mais doit ressentir.

Il me semble que le Livre de l'intranquillité est la description la plus fidèle de l'hétéronyme. Soares, plus qu'un autre, a une consistance de papier. Là où les autres hétéronymes (en tout cas, les principaux) semblent avoir une œuvre. Pessoa, en forgeant ses hétéronymes, vit par procuration; Soares est le plus proche de cette vie amoindrie. Il ne s'agit pas d'y voir un déficit, mais une différence.

Ce livre n'est qu'une fiction, il a été écrit par un être fictif, être n'étant qu'un versant de Pessoa, lui qui a tant de nuances. Qui peut suivre un tel livre ? Personne. En ce sens, cette fictivité, cette virtualité ouvre à l'impersonnel, a quelque chose qui ne peut être vécu personnellement. Quelque chose sort de cette contemplation: un livre qui ne peut se conclure, non-écris par un être dilué dans le monde.

Pompes funèbres
7.6

Pompes funèbres (1947)

Sortie : 1947 (France). Roman

livre de Jean Genet

Héliogabale a mis 9/10.

Annotation :

Un livre suffocant, dédié à la mort d'un amant. Mais précisément, autour de la mort se dessine nombres de personnages dans un Paris en clair-obscur: miliciens, maquisards, soldats allemands, mère en deuil, gosses etc... Entre la fuite allemande et la libération, les personnages (qui sont certainement autant de nuances de Genet) se croisent avec la traîtrise comme commun. Contre la france et les français, contre les allemands, contre l'esprit bourgeois. Malgré l'horreur qui affaire chacun, par la honte et la traîtrise, une transformation s'opère, portant l'infamie aux fleurs blanches.

Oh les beaux jours
6.9

Oh les beaux jours (1961)

Happy Days

Sortie : 1963 (France). Théâtre

livre de Samuel Beckett

Héliogabale a mis 7/10.

Annotation :

Bien entendu, il y a de l'ennui. Les personnages sont autant embourbé dans le sable que dans leur existence.Mais ce constat n'est pas l'essentiel de Oh les beaux jours. C'est un point de départ. Même si les deux personnages ne bougent pas, il a y toute une description du parcours langagier (Winnie surtout) pour rendre compte de cette existence, prise dans une immanence terne. Quel langage, quel pratique de langage pour rendre compte de cela ? Winnie ne cesse de qualifier sa parole de « vieux style ». Sûrement que sa parole n'est pas encore adéquate à l'immobilisme de sa situation, elle ne rampe pas assez dans le sable.

Et bien entendu, le reste appartient au théâtre.

Pas moi
6.7

Pas moi (1972)

Not I

Sortie : 1972 (France). Théâtre

livre de Samuel Beckett

Héliogabale a mis 8/10.

Annotation :

Une bouche dans le noir, une parole naît. Bien que le discours soit à la troisième personne, elle ne peut parler que d'elle. Il n'y a pas d'autrui sur la scène, à la limite une adresse envers le public. Toute une série d'action est décrite, mais la bouche ne se désignera jamais comme en étant l'auteur. Il y aura même dénégation. Pas moi donc. Peut-être qu'une bouche, ce n'est pas assez pour renvoyer à un corps. Peut-être que le discours doit se soutenir d'un corps ordonné et pas seulement d'un objet partiel (la bouche ici) pour que l'auteur des actes se reconnaisse comme tel. Peut-être que Beckett montre la voix – plutôt l'objet voix – détaché du corps qui la soutient et ainsi rendant cette voix inhumaine, monstrueuse.

Commentaires sur la société du spectacle
7.8

Commentaires sur la société du spectacle (1988)

Sortie : 1992 (France). Essai, Politique & économie

livre de Guy Debord

Héliogabale a mis 7/10.

Annotation :

Quelques années après le publication de la Société du spectacle, Debord reprend ses analyses d'une manière assez curieuse. On pourra saluer le caractère lucide de certaines de ses analyses. Ce qui est étonnant, c'est une utilisation d'une rhétorique complotiste. Dans la société du spectacle, ce qui était décrit et critiqué était une organisation de la représentation, et in fine de la vie. Dans les Commentaires, Debord identifie les responsables de cette organisation, décèle le secret mais évite de trop révéler les rouages du Spectacle, de peur que ses ennemis apprenne à perfectionner ce dernier. Le secret et ces individus obscurs qui agissent, voilà la tonalité stylistique des Commentaires.

Pourquoi cette rhétorique complotiste ? On pourrait vite conclure que Debord soit devenu complotiste en 1988, que le concept de Spectacle ne pouvait que mener à nommer des individus l'organisant (en considérant que spectacle = pouvoir, et qu'il faut bien des individus pour exercer un pouvoir). Or, on pourrait interpréter autrement cette utilisation de la rhétorique complotiste. Le complotisme, c'est précisément le produit d'une pensée qui ne possède plus de conscience historique (ou de conscience critique) et qui ne peut voir que dans les événements qu'une catastrophe faisant irruption dans le paysage social. Le complotisme conjure minimalement cet aspect catastrophique en produisant une narration, cette dernière étant tout aussi a-critique que la conscience abusée par le Spectacle. Le complotisme est une réponse tout aussi réifiée que la situation produite par le Spectacle (le complotisme produit une vision systématisée et essentialiste des groupes sociaux).

On pourrait dire: le complotisme est un commentaire de la société du spectacle, c'est une de ses vérités noires. Le commentaire ne prétend pas dépasser la chose qu'il commente : il restitue de manière détournée. Le commentaire peut espérer provoquer une conscience qui cessera d'être prise dans le Spectacle, mais jamais ce premier dépassera le spectaculaire (et d'une certaine manière, il est pris dans le Spectacle : la rhétorique complotiste de Debord pourrait en témoigner). Les Commentaires sur la société du spectacle sont pris dans cette limite. Mais face à un monde qui tente de définir ce qu'est l'information et la désinformation (et Debord écrit de très belle pages à ce sujet), et qui de manière perverse enfante le complotisme, il faut bien retourner ses armes contre lui à condition de ne pas se blesser avec.

Terminus radieux
7.2

Terminus radieux (2014)

Sortie : 31 août 2014 (France). Roman

livre de Antoine Volodine

Héliogabale a mis 9/10.

Annotation :

La taïga, les rêves et les radiations ne cessent pas d'exister. La mort s'instaure dans un toujours-déjà. Quelle vie après et par les radiations ? Tout semble perdu, et pourtant des hommes s'obstinent à agir. Un sorcier incestueux et ses trois filles s'évertuent à écrire quelque chose malgré la splendeur impersonnelle des étendues du Bardo.

Avertissement d'incendie
8.3

Avertissement d'incendie (2001)

Une lecture des Thèses « Sur le concept d’histoire »

Sortie : 2001 (France). Essai

livre de Michael Löwy

Héliogabale a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

"Or s'il est évident que l'histoire ne se répète pas et que notre époque ne ressemble guère aux années 30, il me semble difficile de croire, à la lumière de l'expérience de la fin XXe siècle, que les guerres, les conflits ethniques, les massacres appartiennent seulement à un passé lointain. Ou que le racisme, la xénophobie, le fascisme même ne représente plus un danger pour la démocratie [...].
Contrairement à ce que prétend le discours rassurant de la doxa actuelle, l'avertissement d'incendie de Benjamin garde une étonnante actualité: la catastrophe est possible - sinon probable - a moins que...
Formulées à la manière des prophéties bibliques les prévisions pessimiste sont conditionnelles : voici ce qui risque d'arriver si...
Ce qui veut dire: le pire n'est pas inévitable: l'histoire reste ouverte, elle comporte d'autres possibilités, révolutionnaires, émancipatrices et/ou utopiques. Benjamin nous aide à rendre à l'utopie sa force négative, par la rupture avec tout déterminisme téléologique et avec tout modèle idéal de société qui entretient l'illusion d'une fin des conflits et donc de l'histoire"

Trilogie
6.4

Trilogie

La machine molle, Le ticket qui explosa, Nova express

Sortie : 3 novembre 2011 (France). Roman

livre de William S. Burroughs

Héliogabale a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

"Songez que tout ce que l'on peut atteindre par des voies chimiques est accessible par d'autres chemins..."

"Je tente de créer une mythologie nouvelle pour l'ère spatiale. Je sens que les vieilles mythologies sont définitivement brisées et ne sont pas adaptés aux temps présents.

La Machine Molle

C'est le coup d'envoi. Les textes sont encore consistants, mais le cut-up déchire la narration. Les incas, la drogue, les queers, les flics, les agents doubles, la paranoïa, tout cela se mêle pour devenir un texte circulaire, ne faisant qu'appel qu'a lui même.

Le ticket qui explosa

Deux idées principales, deux idées mythologiques qui fondent le cut. "Language is a virus from outer space.": le pullulement du verbe, une contamination extraterrestre sans précédent. Mais aussi que le verbe est vivant, qu'il se réécris de lui-même sans cesse.
L'autre pan: les machines à écrire nous déterminent, le dispositif nous préexiste et on se fait écrire autant qu'on nous parle. Quelle histoire ne saurait pas être de l'ordre du mensonge ? (Très belle représentation de cette idée, dans le Festin Nu de Cronenberg)

Nova express

Le plus sidérant, le plus incompréhensible. Le sens est à l'état de lambeau, et les mots ne sont plus des mots, mais plus des unités sécables dont ordonnancement importe peu.

Une morale du minoritaire
7.3

Une morale du minoritaire (2001)

Variations sur un thème de Jean Genet

Sortie : 2 novembre 2001. Essai

livre de Didier Eribon

Héliogabale a mis 7/10.

Annotation :

Une position étrange tout de même. Le projet - en partie - d'Eribon est de faire sortir Genet de son assignation d'écrivain se confrontant à la transgression (description que l'on retrouve chez Sartre et Bataille). Projet louable et nécessaire, mais Eribon semble rester au ras du texte qu'il commente mais aussi de ce qu'il critique. Est-ce toujours une morale qui est mobilisé par Genet ? La morale quelque fois évoquée ne s'accompagne t-elle pas de devenir ? Eribon - mais c'est un avis d'étudiant en psychologie clinique - est quelque fois trop sociologue pour Genet: il semble voir dans les mots qu'une expression d'un social pur. Alors, évidemment il doit bien conjuguer ce social avec la position d'un sujet (l'écrivain donc), cela passe donc par le recours au concept d'Hontologie de Lacan (et ce sont les plus belles pages de ce livre).

Pour autant Eribon attaque la psychanalyse, avec justesse (oui, la psychanalyse fut l'expression d'un ordre moral bourgeois, oui il faut la décoloniser) mais semble passer de côté à ce qu'elle introduit de bizarrerie conceptuelle (dont le concept d'hontologie qu'il utilise à demi-mots), voire tombe dans l'énonciation de thèses ridicules (l’œuvre de Lacan serait compréhensible à l'aune de son "engagement" maurassien), quand les textes cités sont très mal restitués.

Il y a une facilité qui parcours tout le livre: réduire Genet, pour en faire une confirmation des thèses foucaldiennes de l'histoire de la sexualité, et pour attaquer (assez injustement) quelques textes appartenant au corpus analytiques qui auraient mérité plus de nuances. Mais ce livre est nécessaire, ne serait-ce que par qu'il veut faire échapper Genet aux interprétations bien trop hétérocentrées que son œuvre a subit.

Le Triomphe de la religion
7.5

Le Triomphe de la religion

précédé de Discours aux catholiques

Sortie : 21 janvier 2005 (France). Essai, Psychologie

livre de Jacques Lacan

Héliogabale a mis 8/10.

Annotation :

Ici, une digression lacanienne. Lacan pensait que son enseignement pouvait éclairer tout type de personnes: il expose ici les grand axes de sa pensées devant des catholiques. Il y a quelque chose de l'ordre d'un recadrage: il ne s'agit pas de présenter la psychanalyse comme étant anti-religieuse, ni comme étant pro-religieuse. Elle produit un écart, et se loge dans une place marginale.

La religion c'est qui déverse du sens continuellement sur les choses, et le progrès scientifique ne cesse de découvrir de nouvelles choses, ainsi la religion ne peut que triompher. Ce court texte à l'avantage d'établir une distinction là où certains mauvais esprits voudrait voir dans la psychanalyse une religion. Aussi, il est particulièrement pessimiste à l'endroit du progrès, et par là à la survie de la psychanalyse. Nous verrons bien si Lacan était lucide; en attendant il reste quelques traits d'humour.

" - Quand on va chez son psychanalyste on confesse aussi.

Mais absolument pas ! Cela n'a rien à faire. Dans l'analyse, on commence par expliquer aux gens qu'ils ne sont pas là pour se confesser. C'est l'enfance de l'art. Ils sont là pour dire - dire n'importe quoi."

Ferdydurke
7.8

Ferdydurke

Sortie : 1937 (France). Roman

livre de Witold Gombrowicz

Héliogabale a mis 9/10.

Annotation :

Une description de la culture comme infantilisation. On a beau être adulte, il y aura toujours un pédant pour nous renvoyer à l'école. Et c'est là que les déformations commencent. L'écriture en pâtit: il y a une réelle impression d'être plongé dans un monde vain et inepte, uniquement voué à l'éducation constante, éducation qui ne produit que du vide, sur tout les êtres.

Ainsi, tout un chapitre sera réutilisé par Tiqqun, dans Premier matériaux pour une théorie de la jeune fille. On ne s'en sort pas facilement de ce vide et du pédantisme. Pour autant, Ferdydurke n'est pas nihiliste, c'est un constat du mensonge culturel: on ne se trouve pas un être à travers la lecture, ni dans son exact inverse, l'adoration de la paysannerie. Il vaut mieux espérer les failles de la culture.

La Zone du dehors
7.6

La Zone du dehors (2001)

Sortie : 2001 (France). Roman

livre de Alain Damasio

Héliogabale a mis 6/10.

Annotation :

Le projet de Damasio est clair: faire de la science-fiction politique pour éclairer le devenir actuel des démocraties libérales. Trop clair, en vérité. La Zone du Dehors laisse peu de place pour l’ambiguïté: c'est un livre à thèses. Ainsi, pour celui qui a un peu lu Foucault, Deleuze et Nietzsche, ce dernier peut avoir l'impression de les relire dans une forme adaptée pour la dystopie. Il est dommage, pour un livre qui clame en faveur de l'invention, de tomber dans le name-dropping et la reprise de concept sans subtilité.

Il y a cette impression que le roman est constitué d'appels, d'intentions pour autre chose que la gestion: mais on ne dépasse pas l'intention. Il manque quelque chose de la poésie, de l'esthétique, du geste gratuit, de l'étrange. Ce n'est peut-être pas un hasard si la sexualité est si peu abordée, si la place des femmes dans ce roman a toujours un petit goût patriarcal (mais Alain fait des efforts), qu'il y a un toujours des hommes bien viril pour faire la révolution: la critique féroce de la Volte est injonction au lieu d'être trouble, et les corps ne finalement que peu altérés par le Dehors tant souhaité.

Finalement, un livre assez adolescent, avec ses charmes et sa pesanteur.

La révolution est le frein d'urgence

La révolution est le frein d'urgence (2019)

Essais sur Walter Benjamin

Sortie : février 2019 (France). Essai

livre de Michael Löwy

Héliogabale a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Ce livre - compilation de divers articles - retrace la singularité de Walter Benjamin, notamment sur les questions autour de la critique du capitalisme, de ses rapports avec le matérialisme historique et bien entendu de la question de la révolution. Aussi démonstratif qu'informatif, l'essai synthétique de Löwy est une mise en exergue de ce qui fait de Benjamin un "inclassable" autant qu'une introduction à sa lecture.

Dark Deleuze
5.8

Dark Deleuze

Sortie : 15 juin 2016 (France). Essai, Philosophie

livre de Andrew Culp

Héliogabale a mis 6/10.

Annotation :

Court livre sur l’ (in)actualité de Deleuze. Ou plutôt sur la question du devenir de la pensée de Deleuze au sein des démocraties libérales. Car il y a une lecture libérale de Deleuze – pressentie par quelques critiques marxistes, actualisée désormais par les éloges envers le connectivisme – qui peut être combattue.

Dark Deleuze c’est avant tout un geste, un programme visant à investiguer – à contrario de la joie – la négativité propre à l’œuvre deleuzienne. Il s’agira de promouvoir la haine de ce monde, l’asymétrie, la conspiration communiste, la cruauté, la fuite, le dehors, les puissances du faux contre la création de concept, les agencements, l’accélération, le moléculaire.

Cette longue liste indique bien la dimension esthétique de Culp. Il s’agit de rompre, au niveau de l’image de la pensée, avec un Deleuze qui serait entièrement récupéré par les derniers ajustements idéologiques des démocraties libérales (les réseaux d’informations, les techniques de gouvernement de soi etc.). Dark Deleuze est avant tout une esquisse visant à obscurcir la philosophie deleuzienne, encore faut-il des deleuzien.e.s pour réaliser ce programme.

Les Détectives sauvages
8.4

Les Détectives sauvages (1998)

Los detectives salvajes

Sortie : 2006 (France). Roman

livre de Roberto Bolaño

Héliogabale a mis 9/10.

Annotation :

Aller et retours de vies consacrées à la poésie et à la vie, leur espoirs et leurs agonies, où la mort survient cruellement mais sans surprise.

"Un temps la Critique accompagne l'Oeuvre, ensuite la Critique s'évanouit et sont les Lecteurs qui l'accompagnent. Le voyage peut être long ou court. Ensuite les Lecteurs meurent un par un et l'Oeuvre poursuit sa route seule, même si une autre Critique et d'autres Lecteurs peu à peu s'adaptent à l'allure de son cinglage. Ensuite la Critique meurt encore une fois et les Lecteurs meurent encore une fois et sur cette piste d'ossements l'Oeuvre poursuit son voyage vers la solitude. S'approcher d'elle, naviguer dans son sillage est signe indiscutable de mort certaine, mais une autre Critique et d'autres Lecteurs s'en approchent, infatigables et implacables et le temps et la vitesse les dévorent. Finalement l'Oeuvre voyage irrémédiablement seule dans l'Immensité. Et un jour l'Oeuvre meurt, comme meurent toute les choses, comme le Soleil s'éteindra, et la Terre, le Système solaire et la Galaxie et la plus secrète mémoire des hommes."

Ecrire l'absence

Ecrire l'absence

Au bord de la nuit

Sortie : 2019 (France). Essai

livre de Dorothée Legrand

Héliogabale a mis 8/10.

Annotation :

Remise en jeu de l'opposition entre psychanalyse et phénoménologie, cette dernière toujours un peu vite congédiée par Lacan.

Le point développé par Legrand sera donc l'absence, choix judicieux, car à la fois bel objet phénoménologique et perturbateur d'une clinique analytique qui irait un peu trop vite dans la psychopathologie, dans un empressement de classer différentes modalités de la subjectivité.

L'absence dans l'anorexie, dans la mélancolie n'est jamais la confirmation d'une subjectivité pathologique, mais au contraire une mise en place pour résister à quelque chose du réel, du vide.

Sans tomber dans le psychanalysme facile ni dans la philosophie évidente, Legrand tient une ligne de crête qui me paraît être digne de la psychanalyse la plus subtile qui soit.

Éperons : Les styles de Nietzsche
5.6

Éperons : Les styles de Nietzsche (1972)

Sortie : 1972 (France). Essai, Philosophie

livre de Jacques Derrida

Héliogabale a mis 8/10.

Annotation :

A propos d'un fragment posthume de Nietzsche, qui suit : "J'ai oublié mon parapluie"

"En quoi le ou la psychanalyste se mettrait au principe, quoique moins naïvement, dans la même situation que le lecteur primesautier ou que l'herméneute ontologiste qui pensent tous que cet inédit est un aphorisme signifiant, qu'il doit vouloir dire quelque chose, qu'il doit venir du plus intime de la pensée de l'auteur, pourvu qu'on oublie qu'il s'agit d'un texte, d'un texte en restance, voire oublié, peut-être d'un parapluie. Qu'on ne tient plus dans la main.

Cette restance n'est entraînée en aucun trajet circulaire, aucun itinéraire propre entre son origine et sa fin. Son mouvement n'a aucun centre. Structurellement émancipée de tout vouloir-dire vivant, elle peut toujours ne rien vouloir-dire, n'avoir aucun sens décidable, jouer parodiquement au sens, se déporter par la greffe, sans fin, hors de tout corps contextuel ou de tout code fini.

Lisible comme un écrit, cet inédit peut toujours rester secret, non qu'il détienne un secret mais parce qu'il peut toujours en manquer et simuler une vérité cachée dans ses plis."

Héliogabale

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