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Années 1930 : les livres
Top des tops : les incontournables de la décennie. La littérature a droit aussi à son palmarès !
Début de siècle : http://www.senscritique.com/liste/Debut_de_siecle_les_livres/417937
Années 1910 : http://www.senscritique.com/liste/Annees_1910_les_livres/220206
Années 1920 ...
30 livres
créée il y a presque 12 ans · modifiée il y a 6 moisLes 40 jours du Musa Dagh (1933)
Die vierzig Tage des Musa Dagh
Sortie : 1936 (France). Roman
livre de Franz Werfel
bilouaustria a mis 10/10.
Annotation :
Le grand roman du drame arménien. En 1915, alors que la guerre fait rage en Europe et dans le monde, les turques déportent et exécutent systématiquement les populations arméniennes sur leur territoire, ce qui conduira au premier génocide du vingtième siècle. Trois villages qui ont anticipé l’inévitable s’organisent et occupent les hauteurs du Musa Dagh d’où ils surplombent la région. Ils décident de résister. C’est le début de 40 jours de batailles, de faim, de désespoir, de lumière et de beauté aussi, un concentré de vie, une existence comme accélérée par l’urgence de chaque moment et chaque décision, aux portes de la mort. Le classicisme de Werfel sert admirablement cette tragédie, sans en rajouter. Les faits parlent pour eux-mêmes et il y a une puissance qui se dégage de ce destin funèbre. Il y voyait en 1933 au moment où il achevait les près de mille pages de son chef d’œuvre, un parallèle avec la situation inquiétante des juifs en Europe. Roman inoubliable et annonciateur.
Si je t'oublie Jérusalem (1939)
If I Forget Thee, Jerusalem
Roman
livre de William Faulkner
bilouaustria a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Les Enfants Oppermann (1933)
Die Geschwister Oppermann
Sortie : 2023 (France). Roman
livre de Lion Feuchtwanger
bilouaustria a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Voilà un roman considéré par Klaus Mann comme le plus grand sur la montée du nazisme. Feuchtwanger est un auteur majeur en Allemagne mais sans les efforts des éditions Métailié, ce livre extraordinaire n’aurait pas trouvé de lecteurs français puisque le roman était indisponible chez nous depuis la deuxième guerre mondiale. Feuchtwanger centre son roman autour d’une famille de juifs berlinois, trois frères brillants : un docteur, un intellectuel et un vendeur de meubles. En quelques semaines, en 1933 (et Feuchtwanger écrit son livre en temps réel, il le publie déjà en 1933 après avoir quitté le pays), cette famille va tout perdre. Cette chute est effroyable, les méthodes nazies d‘intimidation absolument abjectes. On n’achète plus de meubles chez les juifs, les prix chutent, le chantage commencent, avant la terreur pure et simple. On ne se laisse plus soigner par un docteur juif non plus. L’intellectuel qui est un peu le héros ici, mais le plus déconnecté de la réalité, ne va longtemps pas croire à la menace. Ce sont des idiots, des parasites, ils vont disparaître, l‘Allemagne est le pays de Goethe et Schiller, pas besoin de s’inquiéter. Quand il ouvrira les yeux, ce sera déjà trop tard. Quand une minorité de crétins violents et complexés prennent le pouvoir, les valeurs, la morale, la justice, plus rien ne compte, tout est jeté aux ordures avec le reste. Feuchtwanger fait très progressivement basculer le pays. À la fois patiemment et brutalement. Chaque page sent l’effroi, la peur.
Les Frères Ashkenazi (1936)
Di brider Ashkenazi
Sortie : 1936 (États-Unis). Roman
livre de Israël Joshua Singer
bilouaustria a mis 9/10.
Annotation :
Israël Joshua Singer est le grand frère du prix Nobel Isaac Bashevis Singer et Les frères Ashkenazi son chef d’œuvre. Incroyablement ambitieux, il y trace le parcours de deux frères jumeaux que tout oppose : l’un est sensuel, bienveillant, charismatique, bon vivant. L’autre ambitieux, fourbe, radin, et absolument brillant. Ils escaladeront les échelons des entreprises du textile à Lodz jusqu’à devenir les deux plus puissants et bien sûr deux féroces concurrents. Ils connaîtront aussi la cruauté de la guerre, la misère, la peur. Singer écrit avec un soin extrême les détails de la vie religieuse qu’il a lui-même bien connu (son père rabbin, il était promis à y consacrer sa vie). Son étude de la vie économique est aussi remarquable. Mais ce sont son sens du portait et son humanité qui emportent finalement la mise dans les cent dernières pages tout à fait mémorables ! Grande fresque romanesque. Le grand frère aurait aussi mérité son Nobel.
Le Volcan
Der Vulkan : Roman unter Emigranten
Sortie : 1939 (France). Roman
livre de Klaus Mann
bilouaustria a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
J’imagine que Jean Ruffet, traducteur, est également l’auteur des quelques notes introductives. Il y décrit « Le volcan » (sous-titre de Klaus Mann, « un roman de l’émigration allemande 1933-1939 ») comme une formidable et singulière psychologie de l’exil. Un Roman-document clairvoyant en forme de chronique contre le terrible régime qui a fait de l’Europe un volcan bavant une lave honteuse et meurtrière. C’est beau. Mann a 33 ans et ces années sont les plus belles de sa vie d’écrivain même si elles correspondent à des années de souffrance qui le pousseront au suicide une décennie plus tard. Klaus, le fils qui est né « condamné à la littérature », écrit avec une facilité déconcertante. J’ai bien plus de sympathie pour ses livres (celui-là ou le magnifique Tournant) que pour ceux de son père.
Roman avec cocaïne (1934)
Roman s kokainom
Sortie : 1983 (France). Roman
livre de M. Aguéev
bilouaustria a mis 9/10.
Annotation :
Je crois qu‘à la relecture, le roman m‘a encore plus impressionné qu‘il y a dix ans. Aguéev déploie son style vif et très dynamique sur tout le roman mais il y ajoute quelques moments de bravoure qui élèvent son texte bien au-dessus de la majorité des romans. Ce sont les quelques monologues, comme celui de Bourkevitz à la fin de la première partie ou la lettre de Sonia. Ces passages d’une intensité incroyable sont ceux où la voix d‘Aguéev parle par-dessus ses personnages, où l’auteur se laisse emporter dans ses pensées et ses colères et ce sont les plus belles pages parce qu‘elles nous explosent au visage. Dans mon souvenir la cocaïne prenait bien plus de place. Elle n’apparaît seulement que dans la deuxième moitié et ce n‘est pas forcément là où le roman me captive le plus. L‘élan vital englobe la cocaïne et le reste, l’amour, la rébellion contre le système, contre sa mère. Une énergie sidérante qui se traduit par une certaine vitesse littéraire.
Voyage au bout de la nuit (1932)
Sortie : 15 octobre 1932 (France). Roman
livre de Louis-Ferdinand Céline
bilouaustria a mis 9/10.
Les Boutiques de cannelle (1933)
Sklepy Cynamonowe
Sortie : 1992 (France). Recueil de nouvelles
livre de Bruno Schulz
bilouaustria a mis 9/10.
Lumière d'août (1932)
Light in August
Sortie : 1935 (France). Roman
livre de William Faulkner
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
On lit, on lit, et on a souvent l'impression qu'il n'y a qu'une manière de raconter une histoire et puis on lit Faulkner et on tombe de haut ! Pas de linéarité paresseuse chez lui, on expérimente, on s'offre un flash-back qui fait la moitié du roman, un personnage clé qui apparait à deux chapitres de la fin, des sauts dans le temps, des digressions, trois intrigues parallèles, ahhh William ! Ta linéarité tu la gardais pour Hollywood, pour les choses pas très sérieuses... Dans "Lumière d'août" comme dans "L'intrus" ou "Sanctuaire", Faulkner suggère davantage qu'il n'écrit les scènes clés, celles de bascule qui sont synonyme de violence. Comme s'il laissait un trou béant dans le texte, faisait sentir quelque chose sans tout à fait le montrer. Parfois se laissant le soin de revenir sur des détails cent pages plus tard. Je trouve qu'il y a un art du "hors-champ" si l'on peut imaginer ce qu'un hors-champ littéraire serait. Et puis il y a ce sud, poussiéreux, brutal, plein d'églises et de racisme, toujours entre hauteur et bassesse. Il y a une grandeur biblique dans le style même, les personnages tous autant qu'ils sont traversent des épreuves terribles qui leur révéleront leur nature profonde. C'est d'une noirceur éprouvante et pourtant il y a une lumière d'août, oui, quelque lueur d'espoir dans ce marasme, si on veut bien la discerner au milieu des horreurs humaines.
Codine · Mikhaïl · Mes Départs · Le Pêcheur d'éponges (1930)
La Jeunesse d'Adrien Zograffi
Sortie : 1930 (France). Roman
livre de Panaït Istrati
bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
S‘il a été découvert par Romain Rolland (qui relisait ses épreuves pour en corriger les fautes d’orthographe), Istrati fait davantage penser à Cendrars pour son grand cœur, son goût pour les aventures fauchées et les personnages hauts en couleurs. Les 100 et quelques premières pages de ce recueil intitulées Codine sont les plus belles que j‘ai pu lire cette année, pleines de géants, de prison, d’enfance, de pauvreté, et de scènes bigger than life. Tout y a un caractère mythique, comme si son adolescence était directement sortie d‘un conte de fée. Codine lui-même en est la quintessence. Un jour une embrassade, un jour un coup de couteau, c’est comme ça dans la Roumanie magique d‘Istrati, où les sentiments sont si exacerbés qu‘il y a comme de la magie dans l‘air. Une nuit de chasse aux canards dans les marais, une journée d’épidémie, un bal, un règlement de comptes entre des clans de villages voisins. La vie ! Décuplée, excitante, imprévisible ! Et puis Istrati qui fait tout à 3000% découvre l’amitié et il donnerait volontiers sa vie pour ceux qu‘il aime. Les voyages et de même, il part sans le sou, en Égypte, j‘arrive, survivre on verra plus tard, la survie c’est pour les lâches et les pleutres, lui, il part les cheveux au vent, le reste, c’est la page qui reste à écrire. Passion et littérature, comment ne pas aimer cet homme ?
La Marche de Radetzky (1932)
Radetzkymarsch
Sortie : 1934 (France). Roman
livre de Joseph Roth
bilouaustria a mis 8/10.
La Fontaine des lunatiques (1932)
Sortie : 1932 (France). Roman
livre de André de Richaud
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Les 50 premières pages de ce roman sont complètement envoûtantes. André de Richaud par ses phrases poétiques, énigmatiques et l’atmosphère unique qu’il met en place nous met face à cette famille étrange et isolée du monde, dans une maison vivante, pleine à craquer de musique et de fantômes. Trois hommes de trois générations et une bonne à tout faire vivent les uns près des autres sans toutefois vivre ensemble. Autour d’eux, la forêt, la nature, le silence, la nuit. C’est eux contre le reste du monde. Et puis doucement on ouvre les portes, le monde rentre, les mots jaillissent de partout. Il faut accepter, de Richaud écrit un roman limite qui est inracontable et pourrait s’effondrer à plusieurs occasions mais la force de séduction des phrases le fait tenir coûte que coûte sur ses jambes. Il y a une forme d’énergie mystique dans ce livre qu’on peut moquer mais qui le distingue aussi du tout venant. Que de Richaud écrive ça aussi jeune est stupéfiant. Dans la deuxième moitié, je ne décrochais pas mais la magie n’opérait plus tout à fait. Non pas que l’on s’habitue jamais tout à fait mais on ne peut pas écrire 250 pages sur la limite en stupéfiant son monde. De Richaud ne décélère jamais, c’est peut-être son seul défaut. Ne pas savoir en quelque sorte « gérer » ses temps forts et moments pour que le lecteur reprenne son souffle. Génial ou trop intense ? On a les défauts de ses qualités…
Un meurtre que tout le monde commet (1938)
Ein Mord den jeder begeht
Sortie : 1986 (France). Roman
livre de Heimito von Doderer
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Un premier roman lumineux qui explore les pénombres de la conscience. La première partie, en particulier, sur l'enfance de Conrad, est un monument. Des étés ordinaires, que l'imagination de cet âge déforme, grandit, intensifie. La force d'évocation est saisissante. Le roman tourne ensuite autour d'une intrigue, on peut parler de roman policier, et l'enquête vaut plus pour elle-même que pour un quelconque dénouement que l'on voit très tôt venir : peu importe, le ver est dans le fruit, après cette entrée en matière grandiose, on ne se lasse pas de voir évoluer Kokosch, aujourd'hui ambitieux et maladroit. La peinture mentale évoque Musil. Difficile de parler de Bildungsroman dans le sens classique, même si ici on apprend à se trouver. On est dans autre chose, de plus moderne et de profondément influencé par la psychanalyse.
Le Grand Cercle (1933)
Great circle
Sortie : 2017 (France). Roman
livre de Conrad Aiken
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Je ne crois pas que c'est exagérer de faire d'Aiken le Joyce américain. Son livre explose les catégories littéraires, il creuse avec la langue dans l'inconscient, et, après avoir parfois malmené son lecteur le plus patient, laisse un souvenir durable. Il y a du stream of consciousness dans les premières pages, éblouissant flot de mots dans un train en mouvement, des impressions, pensée, vue, tout dialogue, sans rien "raconter" mais en imprimant des images fortes. C'est un paradoxe qui ne s'explique pas mais se ressent : ceux qui racontent une histoire sans que les images ne restent ; Aiken qui ne raconte rien mais imprime tout au fer rouge (ce n'est pas par hasard si Malcolm Lowry ne jurait que par Conrad Aiken, il y a une comme une filiation littéraire). Le livre se découpe en quatre épisodes de la vie d'un anti-héros que l'on imagine volontiers ressemblant à l'auteur. La seconde partie est un retour en enfance, un souvenir sur 60 pages de quelques jours en été - on dirait le Nabokov d'Ada - c'est merveilleux. Il y a aussi une longue et confuse conversation avec un psy qui part dans toutes les directions, Aiken est toujours au bord de la sortie de route, on ne comprend pas tous les apartés, les sauts de l'esprit, on continue à lire, perdus, parce qu'on sent qu'autre chose est entrain de se jouer. On y parle latin, de Moby Dick, des cercles de l'enfer... Aiken est de ces très rares écrivains qui produisent de la matière littéraire, qui ont une forme inimitable, qui peuvent se lancer des pages et des pages sans sujet, dans un délire irrésistible, proche de la folie, drôle, pathétique. Un grand bravo à Joëlle Naïm pour sa traduction et sa postface. Quel travail !
Bandini (1938)
Wait Until Spring, Bandini
Sortie : 1985 (France). Roman
livre de John Fante
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
L'humour, le délire constant de Fante, bien sûr, mais "Bandini" est je trouve son texte où l'on sent le plus la faille, où l'émotion est la plus palpable. Serait-ce davantage autobiographique ? Les pages d'écrivains sur l'adolescence ne sont pas toujours ma tasse de thé et pourtant ici, j'aurais en lire 200 pages de plus, c'est un vrai bonheur. La lose absolue, les problèmes à la maison, le grotesque mais avec beaucoup d'affection pour ses personnages à la ramasse : il y a de la tendresse chez Fante.
Le Livre de l'intranquillité
O Livro do desassossego por Bernardo Soares
Sortie : 1982 (France). Journal & carnet, Aphorismes & pensées
livre de Fernando Pessoa
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Travail colossal et somme faramineuse de fragments qui oscillent entre poésie, philosophie et journal intime. Il y a beaucoup d'éclairs dans le brouillard de ce livre, des inspirations qui donnent une lumière magnifique et honnête à une examination systématique de Soares par Pessoa ou l'inverse. De ces inspirations nombreuses qui font de ce livre sûrement un livre de chevet vers lequel on revient régulièrement à différents stades de sa vie, les plus belles sont celles où Pessoa réussit l'extraordinaire contorsion de s'observer depuis l'extérieur de son propre corps, trouvant une distance presque mystique pour parler de ses troubles et questionnements. On a parlé à son titre de sensationnisme. Il faut également noter la beauté de certaines formules. Il écrit lui-même : "je voudrais que la lecture de ce livre vous donne l'impression de traverser un cauchemar voluptueux" ce qui est précisément ce que le texte évoque. Pourtant une lassitude s'installe doucement le long de ces presque 600 pages de nihilisme et de dézingage en douceur. L'amour c'est nul, l'amitié ne sert à rien, les voyages sont pour les idiots, l'écriture est vaine, même l'action (peu importe laquelle) ne vaut rien comparée au rêve. Le sentiment que Pessoa, aussi génial qu'autiste, a développé son immense sensibilité à un prix qui lui coûtera la vie (il finit par noyer sa lucidité ou peut-être sa rancune dans l'alcool). Une plongée aussi vertigineuse dans son monde n'est pas sans quelque vertige voire nausée.
Composé pour l’essentiel dans les années 1930.
Les Raisins de la colère (1939)
(traduction Duhamel et Coindreau)
Grapes of Wrath
Sortie : 1947 (France). Roman, Culture & société
livre de John Steinbeck
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Souvent considéré comme le plus grand roman de Steinbeck (et son roman préféré dit-on), "Les raisins de la colère" fait suite à une série d'articles écrits pour le San Francisco News sur le Dust Bowl, et publiés par Steinbeck, journaliste. Le roman lui vaut dans la foulée le prix Pulitzer en 1940. Et il y a des faits avérés et une forme parfois journalistique dans ce livre, avec des chapitres alternés, une fois plus distant et factuel, suivi d'un chapitre sur les hommes, où l'on reprend la narration où on l'avait laissée, au plus près de la famille Joad. Steinbeck romancier est immense, avec des descriptions de la nature et des paysages splendides, cette humanité toujours à fleur de peau, et des personnages plus vrais que nature. Le côté plus partisan et politique du texte est en revanche souvent moins solide quand il n'est pas un peu caricatural. L'engagement brouille la vue, certains épisodes sont un peu évidents, un peu grossiers, on peut comprendre que le contexte d'injustice sociale révolte, mais le monstre capitaliste a été copieusement décrit depuis et on trouvera ici une propension facile à faire des sentiments ou à diaboliser, propension qui n'existe plus dans ses textes plus tardifs. C'est pourquoi "À l'est d'Eden" me semble encore bien supérieur. La fin ici ne rappelle en rien le film de Ford. Pas de grand discours ou de poing serré mais un déluge biblique symbole de toutes les colères et une dernière page amère et pleine de magie. Un grand écrivain. Mais un grand écrivain à message.
Viande à brûler (1935)
journal d'un chômeur
Sortie : 1 mars 2014 (France). Roman
livre de César Fauxbras
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Comment trouver un lit et un repas chaud pour les chômeurs de l’entre deux guerres ? Ce petit roman est avant tout un document extraordinaire sur les magouilles et le système D des plus démunis. On y croise de pauvres bougres tous plus attachants les uns que les autres, et qui déblatèrent dans une langue très parlée, décomplexée, pas si loin d‘un jargon célinien. César Fauxbras est méconnu mais son petit livre est du niveau des plus grands textes de son époque. Sans compromis, comme le caractère écorché vif de son auteur, “Viande à brûler“ dégage une puissance tragique en utilisant la forme banale et quotidienne d‘un journal - de notes. Beaucoup de scènes semblent tellement vraies et détaillées qu‘on se demande si l‘auteur n’écrit pas sa propre expérience sous couvert de fiction. Une magnifique découverte.
Conscience contre violence (1936)
Castellio gegen Calvin, oder Ein Gewissen gegen die Gewalt
Sortie : octobre 2008 (France). Essai, Histoire
livre de Stefan Zweig
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Pourquoi Zweig fait renaître dans ce texte à caractère biographique la querelle religieuse et philosophique entre Calvin et Castellion quelques 400 ans plus tard ? Parce que tous les dictateurs se ressemblent et derrière l’attitude rigide et imperturbable de Calvin le suisse, toujours sûr de son bon droit, même quand il bafoue la liberté et la justice élémentaire, derrière cette attitude on reconnaît bien sûr celle des dictateurs qui concernent et inquiètent Zweig lui-même. Si les nazis ne sont jamais à proprement cités dans son livre, ils sont de chaque page, entre les lignes, entre les mots. Pour qu‘un homme sans pouvoir, un simple intellectuel comme Castellion ose s‘opposer à Calvin et lui adresser publiquement ses critiques, il faut un grand courage. Castellion a tout à y perdre (et il y perdra tout bien sûr). Mais il est une figure humaine exemplaire, de compréhension, de tolérance, d’intelligence, de modestie. Un homme de savoir mais un homme de la résistance. Calvin se moque bien de ces qualités et l’écrasera avec perfidie mais cet affrontement et les textes qui nous sont restés participent d‘une légende que Zweig transmet avec élégance. Conscience contre violence, tout est dit.
La Crypte des capucins (1938)
Die Kapuzinergruft
Sortie : 1940 (France). Roman
livre de Joseph Roth
bilouaustria a mis 8/10.
Le 42e Parallèle (1930)
U.S.A. I
The 42nd Parallel
Sortie : 1933 (France). Roman
livre de John Dos Passos
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
L'ancêtre de William Gaddis s'appelle Dos Passos, en témoignent les procédés de coupes de ce "42ème parallèle". Actualités, caméra oeil inspirée de Griffith et Einsenstein, récits enchâssés, voilà un roman qui charrie un bruit monstre, presque toutes les voix de l'Amérique. Roman chorale sur le capitalisme naissant : voilà, des hommes, des femmes qui vivent et travaillent, dans différentes classes, avec différentes ambitions et différentes idées. Heureusement, Dos Passos dessine progressivement des vies derrière ces idées et évite l'écueil du didactisme. Le roman est parfois militant, parfois parti-pris, il ne s'en cache pas, mais pose aussi de vraies questions. Et le canevas, de loin, est riche et complexe. La faculté de Dos Passos à multiplier les récits et nous happer aussitôt est confondante.
Gilles (1939)
Sortie : décembre 1939 (France). Roman
livre de Pierre Drieu la Rochelle
bilouaustria a mis 8/10.
Le Maître et Marguerite (1940)
(traduction de Claude Ligny)
Мастер и Маргарита
Sortie : 1968 (France). Roman
livre de Mikhaïl Boulgakov
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Années 1930
Demande à la poussière (1939)
Ask the Dust
Sortie : 1986 (France). Roman
livre de John Fante
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Comme Bukowski, j‘ai découvert Fante en lisant "Demande à la poussière". Avant ce roman, il y a la magnifique préface de notre ivrogne préféré : "Un jour j‘ai sorti un livre, je l‘ai ouvert et c’était ça. Je restais planté un moment, lisant et comme un homme qui a trouvé de l’or à la décharge publique. J’ai posé le livre sur la table, les phrases filaient facilement à travers les pages comme un courant. Chaque ligne avait sa propre énergie et était suivie d’une semblable et la vraie substance de chaque ligne donnait sa forme à la page, une sensation de quelque chose sculpté dans le texte. Voilà enfin un homme qui n’avait pas peur de l’émotion. L’humour et la douleur mélangés avec une superbe simplicité. Le début du livre était un gigantesque miracle pour moi… "
Marie Stuart
Sortie : 1935 (France). Biographie
livre de Stefan Zweig
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Des biographies psychologiques de Zweig, c'est la plus folle, celle qui est le plus portée par une action et un drame incessants. La vie de Marie Stuart est à peine croyable ! Du Shakespeare à tous les étages ! Il fallait un auteur du talent de Zweig pour en tirer la substantifique moelle. À quand une série facon "Game of thrones" ?
Le Feu follet (1931)
suivi de Adieu à Gonzague
Sortie : 1931 (France). Roman
livre de Pierre Drieu la Rochelle
bilouaustria a mis 8/10.
La Pitié dangereuse (1939)
Ungeduld des Herzens
Sortie : 1939 (France). Roman
livre de Stefan Zweig
bilouaustria a mis 8/10.
Job (1930)
Roman d'un homme simple
Hiob, Roman eines einfachen Mannes
Sortie : 1930 (France). Roman
livre de Joseph Roth
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Traduit aussi sous le titre "Le poids de la grâce". Un roman qui peut paraître simple mais n'en est pas moins extrêmement émouvant autour d'une famille de juifs migrants et d'un fils surdoué pour la musique. Beaucoup de souffrances et un épilogue lumineux. La télé autrichienne en a fait une mini série.
Vers l'abîme (1931)
Sortie : 14 janvier 2016 (France). Roman
livre de Erich Kästner
bilouaustria a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
C'est un livre de dandy, rempli à craquer d'aphorismes chics. Kästner jusque là connu pour ses livres pour enfants signe un roman digne de Paul Morand. Mais un Paul Morand allemand, quelle curiosité me direz-vous (c'est un peu le choc des cultures) ! Dans ce monde crapuleux et foncièrement décadent, c'est l'humour de l'auteur qui sauve le livre d'une noyade dans une mare boueuse et glauque. Tout se prête à la déprime sauf notre personnage principal qui par ses réparties et son énergie, sa jeunesse, sa capacité à séduire et rebondir, échappe au marasme ambiant. Cette légèreté de surface ne fait pas toujours paravent et on comprend bien qu'au-delà de notre héros, on est au bord du désastre dans cette Allemagne à la gueule de bois, où tout le monde est au chômage et où les valeurs semblent en prendre un coup (les valeurs, je sais, c'est bien une affaire de point de vue...). Bref, on a quand même un parti pas très folichon qui a le vent en poupe et il ne fait pas bon être communiste dans cette atmosphère irrespirable. Dans sa dernière partie, Kästner baisse finalement les bras et son enthousiasme retombe d'un coup dans un sérieux plus pesant. C'est bien sûr voulu mais le roman ne s'en remet pas tout à fait. Tout tenait à merveille dans ce contraste. Si tout tire le lecteur vers le gouffre, il sent qu'on l'oblige de trop près à regarder une réalité peu reluisante, qu'on lui ferait la morale pour un peu. Cela n'enlève rien au rythme épatant et à l'écriture virevoltante de ce livre à contre-courant des années 1930, refusant le plus longtemps possible l'accablement de rigueur.
Journal d'un curé de campagne (1936)
Sortie : 1936 (France). Roman
livre de Georges Bernanos
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Je suis venu à Bernanos par Bresson, par ricochet. Mais on sent déjà dans le film la beauté du verbe. Comme Graham Greene (ou Mauriac, dans une moindre mesure mais je connais mal), Bernanos c'est bien sûr la splendeur du roman catholique, ici la foi et ses moments de doutes dans une petite paroisse, au plus près d'un quotidien plutôt terne voire sordide. La langue, encore elle, élève tout.