Anthony Mann - Commentaires
Je ne connais pas la première période du cinéaste ; principalement ces quelques westerns, sans doute les plus fameux, qui sont de pures merveilles d’équilibre, d’homogénéité et de rigueur. L’art de Mann est porté par le respect de formes régulières, par la limpidité d’une mise en scène sereine qui ...
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créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a plus de 9 ansWinchester 73 (1950)
Winchester '73
1 h 32 min. Sortie : 31 août 1951 (France). Western
Film de Anthony Mann
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Inauguration de l’une des collaborations les plus fructueuses de l’histoire du western : celle du réalisateur et de James Stewart, dans ce rôle d’individualiste secret, tourmenté par de sombres motivations, qu’il approfondira dans les films suivants. Construite sur un récit rigoureusement agencé, qui fait de la Winchester du titre l’objet autour duquel se rencontrent et s’affrontent les personnages, l’œuvre témoigne d’une clarté d’exécution exemplaire, et développe sa thématique de la rivalité fraternelle, de l’obsession vengeresse et de l’impossibilité du pardon en termes limpides. Entre la nervosité du tournoi de tir enclencheur et l’incroyable fusillade finale dans la rocaille, Mann impose une mise en scène souveraine, ponctué d’étonnants éclats de violence, qui met remarquablement en valeur les personnages et leur environnement.
Top 10 Année 1950 : http://lc.cx/ZU7r
La Porte du diable (1950)
Devil's Doorway
1 h 24 min. Sortie : 23 mai 1952 (France). Western
Film de Anthony Mann
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Concomitant à la sortie de "La Flèche Brisée", le film fait contre-point à l’idéologie pacifique, légèrement sentimentaliste, défendue par Delmer Daves. Ici peu de place pour le compromis, l’échange des valeurs et le dialogue entre les cultures : la rupture est consommée, l’opposition inéluctable, et la victoire des uns fatalement liée à la disparition des autres. Le partage des terres et son ouverture aux migrants bute sur l’intraitable fermeté de l’Indien trahi une fois de trop : cette impasse, le cinéaste l’illustre jusqu’à une ultime confrontation en forme de tombeau, où même les promesses de réconciliation de l’avocate sont condamnées par l’inextinguible soif de domination des têtes pensantes. Le constat est amer, d’une noirceur inédite pour l’époque, et sa déploration nourrie d’une impuissance navrée.
Top 10 Année 1950 : http://lc.cx/ZU7r
Les Affameurs (1952)
Bend of the River
1 h 31 min. Sortie : 27 mai 1952 (France). Western, Aventure, Romance
Film de Anthony Mann
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Une caravane pleine de vivres, deux groupes qui s’affrontent pour sa possession, un homme au passé trouble servant de guide au convoi : situations d’une pureté exemplaire, qu’Anthony Mann s’attache une fois de plus à modeler, à révéler dans leurs dilemmes et leurs tiraillements les plus élémentaires, à configurer dans un mouvement qui soit à la fois celui de l’horizontalité (gommer le superflu) et de la verticalité (mettre en relief les sous-couches de l’histoire). Le récit commence dans l’immensité des prairies, se pose dans une ville en construction, s’élève au sommet enneigé d’une montagne ou plonge dans les flots tumultueux d’un fleuve sauvage : la ligne est claire et captivante, c’est celle d’un film d’aventures mettant aux prises les questions de l’engagement, de la survie et de la morale.
Top 10 Année 1952 : http://lc.cx/ZUDv
L'Appât (1953)
The Naked Spur
1 h 31 min. Sortie : 2 octobre 1953 (France). Thriller, Western
Film de Anthony Mann
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
On retrouve toutes ces qualités dans cette passionnante et implacable chasse à l’homme, conférant de nouvelles perspectives au rapport des individus avec une nature à la fois hostile et complice, et exprimant une attention inédite à ses grandioses décors naturels, reflets littéraux des déchirements intérieurs des protagonistes. Attaché aux besoins fondamentaux (boire, manger, dormir), réduisant sa rhétorique et ses enjeux jusqu’à atteindre la beauté de l’épure, "L’Appât" offre la quintessence du western tout en soulignant l’ambivalence psychologique de personnages pris dans les rets de la cupidité et de la brutalité. A cet égard, le rôle donné à la femme, qui tient sa partie dans le duel à mort et fait tout à la fois office d’instance morale et de promesse de rachat par l’amour, est superbe. Un autre modèle du genre.
Top 10 Année 1953 : http://lc.cx/ZUzc
Je suis un aventurier (1954)
The Far Country
1 h 33 min. Sortie : 25 mars 1955 (France). Western, Romance
Film de Anthony Mann
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Il est passionnant de constater l’évolution du personnage stewartien, film après film, chez Anthony Mann. Chercheur d’or sans attache, intéressé par sa seule réussite et revendiquant un égoïsme obstiné, notre homme est un antihéros singulier, pris entre les exactions d’un notable véreux, crapule à l’insigne souillée faisant régner un ordre qui préfigure le fascisme, et une communauté de villageois cherchant à bâtir une ville, sous l’égide de la loi. C’est ce basculement précis dans l’histoire de l’Ouest, exploré ailleurs par Ford ou Cimino, que le cinéaste ausculte au travers d’un récit foisonnant, riche en péripéties et en caractères complexes, dans le cadre original de l’Alaska. Pas un bout de gras, un regard net et précis, une expression pleinement tendue dans l’aventure comme dans la réflexion : un bonheur.
Top 10 Année 1954 : http://lc.cx/Zwkz
L'Homme de la plaine (1955)
The Man from Laramie
1 h 43 min. Sortie : 30 novembre 1955 (France). Drame, Western
Film de Anthony Mann
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Mann porte les composantes de son cinéma à un degré d’épanouissement admirable. Beau et rigoureux comme une tragédie classique, le film oppose deux hommes autour d’une rivalité tourmentée, d’une sombre histoire de filiation déçue, et affûte l’exigence d’un regard véritablement topographique sur les lieux traversés, paysages ouverts magnifiés par la maîtrise du Cinémascope, qui font s’épanouir des caractères nobles mais humains, soumis à de terribles épreuves. L’art du cinéaste, ample et net, affirmant des valeurs picturales dénuées de pittoresque, s’y fait plus contemplatif que jamais, témoigne d’une aisance sobre et mesurée pour dépeindre une idylle, faire ressentir l’éclat de la violence (le coup de feu dans la main), exprimer l’ambivalence des comportements et des relations. Le dernier film du réalisateur avec Stewart est peut-être aussi le plus beau.
Top 10 Année 1955 : http://lc.cx/Zwk9
L'Homme de l'Ouest (1958)
Man of the West
1 h 40 min. Sortie : 26 décembre 1958 (France). Western, Drame, Romance
Film de Anthony Mann
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Quelques lieux décharnés où se joue une intrigue minimaliste, une demi-douzaine de personnages qui connaissent tantôt le trouble honteux, tantôt le désarroi face à la violence qui resurgit, tantôt la fidélité affective, fût-elle pour un être fou et vil. Composantes immuables du cinéma mannien, qui accomplit cependant un pas vers une certaine forme de monolithisme, voire de dessèchement comme en témoigne le travail sur les extérieurs, qui glissent de l’herbe grasse aux jaunes pâturages puis au désert. Car s’il observe avec la même exactitude gestes, objets et stratégies, s’il est capable de traduire la grandeur de toute mort, la façon dont il oppose Cooper à un vieux bandit condamnant toute sa bande à se perdre dans une ville fantôme perdue dans la rocaille souffre d’un certain figement hiératique
Le Cid (1961)
El Cid
3 h 02 min. Sortie : 21 février 1962 (France). Aventure, Biopic, Drame
Film de Anthony Mann
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
En amplifiant son cinéma aux grandeurs de la superproduction, Mann ne perd rien de son sens des mouvements d’appareil et de la plénitude matérielle de ses images. La tragédie de Corneille lui sert d’armature à une captivante évocation de la reconquête de l’Espagne par les rois de Castille. Où s’arrête l’Histoire, où commence la légende ? Vieille antienne qu’il contourne en tenant d’une main de fer un récit d’où émerge un humanisme éloquent. Au-delà du brillant des écussons, du fracas des tournois et des batailles, de la figuration organisée avec art (masses noires, blanches et rouges sur le fond bleuté de la nuit), il plaide la capacité des hommes à se trouver et se racheter. La noblesse de l’épopée emporte, servie par le port altier de Charlton Heston et par une Sophia Loren belle à se damner.
La Chute de l'empire romain (1964)
The Fall of the Roman Empire
3 h 08 min. Sortie : 30 avril 1964 (France). Péplum
Film de Anthony Mann
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Les ultimes feux des Hollywood epics, dont l’âge d’or était révolu, brûlent sur cette ample reconstitution de la Rome antique. Mann caresse l’ambition d’analyser les racines politiques et idéologiques d’une décadence civilisationnelle, et articule sa réflexion autour de grands blocs plus ou moins hétérogènes et heureux : tantôt philosophique (Marc Aurèle qui soliloque de façon shakespearienne avec la Mort), tantôt humaniste (Timonidès et ses harangues sur l’intégration ethnique), le scénario accumule des pensées, des faits, des comportements contradictoires finissant par relater précisément la genèse de la chute. Et il faut attendre la dernière heure, qui dépasse la rigidité narrative des deux précédentes, pour que s’affirme une amertume (propre à l’auteur), un lyrisme de l’effondrement assez saisissants.