Cover Bibliophilie pas vraiment obsessionnelle — 2015

Bibliophilie pas vraiment obsessionnelle — 2015

Triste conséquence de mes autres obsessions, je ne lis pas autant que je voudrais.
Autre conséquence, moins dramatique : les piles de livres se multiplient.

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Le fil de mes obsessions en 2015 :

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Liste de

18 livres

créée il y a plus de 9 ans · modifiée il y a presque 9 ans
Les Raisins de la colère
8.3
1.

Les Raisins de la colère (1939)

(traduction Duhamel et Coindreau)

Grapes of Wrath

Sortie : 1947 (France). Roman, Culture & société

livre de John Steinbeck

Morrinson a mis 10/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

[ English ]

Plus grande découverte et plus grand émerveillement de 2014/2015, clairement. L'alternance entre chapitres courts, généraux et descriptifs et chapitres plus long suivant l'évolution de la famille Joad fonctionne à merveille. La puissance qui se dégage de ces deux phases est immense, et le talent de Steinbeck l'est tout autant quand il s'applique à décrire le mouvement des champs de blé, les couleurs de la terre, dans un souci du détail passionnant, mais aussi à travers l'argot de cette famille, anglais redneck traduit à l'écrit en phonétique qui demande un petit temps d'adaptation avant que l'ensemble devienne vraiment fluide. Le contenu du récit est à la hauteur de la forme, d'un symbolisme écrasant, avec ces personnages allégoriques d'une Amérique en proie à ses démons : le capitalisme grandissant, emportant dans son sillon les familles les plus pauvres et esclaves du travail journalier que les propriétaires terriens de Californie, où ils ont émigré au prix de nombreux sacrifices humains et financiers, veulent bien leur donner. Le levier du chômage pour tirer les salaires à la baisse, l'insécurité permanente, la faim, le froid, la pluie omniprésentes. Des moments d'espoirs sans cesse relancés, ponctués par d'incessantes tragédies, comme si le malheur le plus froid collait à la peau de tous ces personnages. Heureusement, quelques éclairs de bonheur illuminent le récit de temps à autres, dans l'entraide inopinée des familles qui s'organisent, de l'argent que l'on gagne temporairement mais assurant un repas décent...

Jim
7.1
2.

Jim

Sortie : 25 septembre 2014 (France). Roman

livre de Harold Cobert

Morrinson a mis 6/10.

Annotation :

Roman mi-fictionnel mi-biographique, un peu comme Strummerville de Bruno Clément-Petremann (en moins bien fait). Beaucoup de répétitions, un style un peu lourd, un intérêt somme tout assez limité pour ceux qui sont déjà intéressés et donc un peu connaisseurs de la culture des Doors et de Jim Morrison. Restent quelques passages touchants, quelques passages sulfureux, et de temps à autre un état d'esprit prenant et enivrant du chanteur devenu rock star devenu sex-symbol devenu poète errant dans les rue de Paris.

1001 films à voir avant de mourir (5e édition)
7.3
3.

1001 films à voir avant de mourir (5e édition)

1001 Movies You Must See Before You Die

Sortie : 29 septembre 2011 (France). Vie pratique

livre de Steven Jay Schneider

Morrinson a mis 6/10.

Annotation :

[ English ]

Pas terminé évidemment, mais le contenu que j'ai lu (lié aux films que j'ai vus, donc) est sympathique. La sélection dans la première moitié est plutôt éclectique et va chercher dans de nombreuses directions, dénichant ça et là de belles pépites. Par contre, dans le dernier quart, la sélection de films des années 2000/2010 est... vraiment étrange. Et puis il faut le dire, l'ouvrage est quand même assez partiel, car écrit et confectionné par des anglais.
Un agréable livre de chevet.

Ah oui, et quelle blague cette couverture... Gravity en couv' et 12 Years a slave en quatrième de couv', c'est quand même osé.

Les Classiques du Cinéma bis
7.9
4.

Les Classiques du Cinéma bis

Sortie : 15 mai 2009 (France). Essai

livre de Laurent Aknin

Morrinson a mis 6/10.

Annotation :

Assez redondant avec le précédent bouquin de Laurent Aknin. Dommage. L'organisation est assez différente cela dit...

Théorie du drone
8.1
5.

Théorie du drone (2013)

Sortie : 24 avril 2013. Essai

livre de Grégoire Chamayou

Morrinson a mis 9/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

Un ouvrage passionnant. De la philosophie, souvent, mais aussi beaucoup de droit, du travail de journalisme et d'information pour cerner les enjeux actuels. Un discours écrit simplement, très agréable à lire, ultra documenté, équilibré. Un bonheur immense de lire de la philo qui s'empare ainsi de son sujet, qui prend garde à conserver un certain pragmatisme dans sa ligne de mire sans s'interdire pour autant des envolées théoriques.

Les pistes de réflexion ouvertes sont innombrables, et dépassent très souvent le simple cadre du drone : il est question de la chose militaire dans un sens beaucoup plus large, de l'approbation de la population, de la distanciation étudiée, du rapport de réciprocité qui est annihilé par une telle armée "dronisée".

p108. L'avènement d'une guerre perpétuelle, une violence infinie, à l'issue impossible : le paradoxe d'un pouvoir intouchable qui mène des guerres ingagnables.
p148. Il y a une redéfinition qui déplace l'objet du sacrifice du physique au mental, restituant leur part d'héroïsme aux opérateurs de drone. Un héroïsme psychique car ils sont psychiquement victimes de devoir agir en bourreau.
p190. Le drone vu comme un progrès majeur dans la technologie "humanitaire" : renversement de la sémantique.
p198. Comparaison illégitime de la "précision" avec celle des bombardements de Dresde.
p200. Serait-il envisageable d'utiliser des drones pour une situation de prise d'otages sur le sol américain ? Non, pas suffisamment sûr et précis, bien sûr. Il faudrait trouver une façon plus sûre pour ne pas les blesser.
p204. Comment voir les combattants au moyen d'une arme qui annule le combat ? C'est une contradiction profonde. Il y a alors une militantisation et une probabilisation techno-juridique du statut de combattant.
p233. Le drone ne laisse pas la possibilité à l'ennemi de se rendre : il n'y a pas de phase de "law enforcement". Il y a contradiction entre la loi de paix sur le sol américain et la loi de guerre à l'extérieur.
p245. Invocation de Hobbes au sujet de l'état en guerre. Ce sont désormais les protégés qui doivent protéger un protecteur qui ne le protège plus : réversion du rapport de protection.
p259. Le drone introduit un biais moral significatif : il y a déresponsabilisation des agents quant aux effets de leur décision.
p261. Problème de la cumulation des moindres maux.
p290. Ruse sémantique qui jongle avec les sens de "humain". Où comment rendre des machines plus humain que des hommes : moins faillibles et obéissantes.

Les Nouveaux Chiens de garde
7.6
6.

Les Nouveaux Chiens de garde (1997)

Sortie : 1997 (France). Essai

livre de Serge Halimi

Morrinson a mis 7/10.

Annotation :

[ Numérique ]

« Face à ce que Paul Nizan appelait "les concepts dociles que rangent les caissiers soigneux de la pensée bourgeoise", la lucidité est une forme de résistance. »

Le principal reproche, c'est que ce livre s'inscrit dans son époque et dans époque uniquement. Comme l'essai de Nizan cela dit... Encore que : il y a tellement de relations incestueuses dénoncées par Halimi en 1995 qui sont encore d'une brûlante actualité, grâce aux joies de l'héritage au sein des principales multinationales concernées (Lagardère, Bouygues et compagnie).

Je n'ai pas appris grand chose que je ne savais déjà sur l'empire des médias, mais l'accumulation de faits sur ces connivences consanguines, réseau infini d'intérêts entremêlés réduisant la notion d'indépendance à un concept totalement abstrait et vidé de son sens, a de quoi filer un putain de cafard tant la situation est embourbée dans des conflits d'intérêts peut-être pires aujourd'hui...

Qu'est-ce qu'une nation ?
7.2
7.

Qu'est-ce qu'une nation ? (1887)

Sortie : juin 2007 (France). Essai, Politique & économie

livre de Ernest Renan

Morrinson a mis 6/10.

Annotation :

[ Numérique ]

(Intéressantes pré- et postface.)

Un ouvrage qui devrait, si tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes, résonner aujourd'hui comme un truisme des plus manifestes (ce qui n'est pas forcément le cas en 1882) :

"L'homme n'est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d'hommes, saine d'esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s'appelle une nation."

Renan semble affirmer à la fois que nous sommes soumis entièrement au poids de notre passé et totalement libres du visage que nous voulons attribuer à notre présent :

"L'essence d'une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses. Aucun citoyen français ne sait s'il est Burgonde, Alain, Taïfale, Visigoth ; tout citoyen français doit avoir oublié la Saint-Barthélemy, les massacres du Midi au XIIIe siècle."

On peut y voir une contradiction, ou bien une constatation, un état de fait. En tous cas, l'approche de Ernest Renan a cela d'intéressant qu'elle brasse différentes approches pour donner une solide charpente à son argument : l'Histoire (jusqu'où doit-on remonter dans le temps, il est ici question de processus longs, complexes et variables selon le pays), et la philosophie politique (il aborde la question de l'identité nationale, au sens qu'on lui donnait à la fin du 19è siècle, et réfute toute une série de critères qui lui paraissent impropres). De ce constat naît sa définition de la nation, avec d'un côté un héritage historique commun, et de l'autre la volonté de vivre ensemble aujourd'hui.
À balancer à la gueule de tous ceux qui pensent que la langue, les racines, la religion, ou pire, la couleur de peau, font d'un groupe d'individus une nation.

Le Soldat oublié
8.7
8.

Le Soldat oublié

Sortie : 2 avril 1976 (France). Récit

livre de Guy Sajer et Guy Mouminoux (Dimitri)

Morrinson a mis 9/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

Français par son père, Allemand par sa mère : Guy Sajer (Guy Mouminoux de son vrai nom) sera enrôlé dans la Wehrmacht en 1942 sur le front Est, alors qu'il n'a que 17 ans. Il joindra la troupe d'élite de la Panzergrenadier Division Grossdeutschland en 43.

De l'armée allemande forte et en position de force vers la fin de la guerre et son épuisement, tant moral que physique, humain. La lente détérioration des troupes allemandes est un des points forts de ce récit. Le moral mis à l'épreuve par l'immense armée russe, moins bien formée et moins efficace que la Grossdeutschland mais bien plus nombreuse. Le quotidien du soldat sur le front Est est raconté avec précision, la camaraderie, les souffrances, les permissions, les conditions de vie diverses et variées... On sent le froid, la boue, le sang, la sueur avec l'auteur, et la déliquescence progressive de toute l'organisation allemande qui finir par atteindre le protagoniste. Nourriture, armement, moral, etc.

L'évolution de la stratégie soviétique, aussi, avec dans un premier temps l'envoi massif de soldats au massacre, avant que l'aviation et l'artillerie ne prennent le pas.

Les Conséquences économiques de la paix
7.1
9.

Les Conséquences économiques de la paix (1919)

The Economic Consequences of the Peace

Sortie : 1919 (France). Essai

livre de John Maynard Keynes

Morrinson a mis 7/10.

Annotation :

[ English ]

Un regard très intéressant, en 1919, sur le traité de Versailles, comparé par Keynes à une « paix carthaginoise ». Keynes faisait partie de la délégation anglaise pour négocier le traité, et il défendait une position assez conciliante à l'égard de l'Allemagne. Ce livre / pamphlet résulte du fait qu'il n'a pas été écouté lors des négociations. Il semblerait que Keynes ait eu en partie raison et en partie tort.

En tous cas, une analyse très intéressante à l'époque, en dehors des passages purement comptables qui peuvent être vraiment rébarbatifs, quoique nécessaires. L'étude est assez exhaustive et cherche à montrer que les contraintes imposées à l'Allemagne à la fin de la Première Guerre Mondiale sont démesurées, irréalistes, et porteuses d'un message négatif quant à l'avenir de la paix en Europe.

L'intérêt principal de cet essai en économie, aujourd'hui, réside principalement dans les considérations en jeu lors de telles négociations. Que prend-on en compte de part et d'autre, en terme de dégâts, matériel et humain, au sortir d'un conflit mondial ? Où se trouve la limite entre juste réparation et spoliation violente (cf Clémenceau) ?

La Grève des électeurs
7.7
10.

La Grève des électeurs (1888)

Sortie : 1888 (France). Essai

livre de Octave Mirbeau

Morrinson a mis 7/10.

Annotation :

[ Numérique ]

"Les montons vont à l’abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit."

C'est surtout la prose d'Octave Mirbeau qui séduit, son éloquence et la pertinence de son angle d'attaque. Plus un tract qu'un livre, plus un pamphlet qu'un essai, mais la rage que l'on sent derrière cet écrit et la pensée qui se dessine me paraissent salutaires. Il ne faut pas y chercher de véritable argumentation, c'est plus un coup de gueule à la Nizan qu'une réflexion politique en bonne et due forme. Le constat reste tout à fait perspicace. Écrit en 1888, on se rend compte que sur le plan de la démocratie représentative et du "suffrage universel" (sic), les problématiques restent inchangées un siècle après.

Vérité et mensonge au sens extra-moral
8
11.

Vérité et mensonge au sens extra-moral (1896)

Über Wahrheit und Lüge im außermoralischen Sinn

Sortie : 1873 (France). Essai, Philosophie

livre de Friedrich Nietzsche

Morrinson a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

[ Numérique ]

Critique courte et posée (son jeune âge, 29 ans, probablement) de l'anthropomorphisme (la mouche aussi "sent voler en elle le centre du monde") et de l'édification même de l'intellect par l'homme, qui serait selon Nietzsche le produit de notre dépendance à l'égard des autres êtres humains. Il y développe donc la notion de "vérité au sens extra-moral", qui conduit à abandonner le genre de vie théorique ("quelqu'un qui connaît par les concepts") et à lui substituer un genre de vie plus artistique ("quelqu'un qui connaît par les sensations"). Par opposition à la vérité au sens moral :

"Dans ce jeu de dés des concepts, on appelle « vérité » le fait d'utiliser chaque dé selon sa désignation, le fait de compter avec précision ses points, le fait de former des nominations correctes et de ne jamais pécher contre l'ordre des castes et des classes. Comme les Romains et les Etrusques divisaient le ciel par de rigides lignes mathématiques et, dans un espace délimité ainsi qu'en un « templum », conjuraient un dieu, de même chaque peuple a au-dessus de lui un tel ciel de concepts mathématiquement répartis et, sous l'exigence de la vérité, il entend désormais que tout dieu conceptuel ne soit cherché nulle part ailleurs que dans sa sphère."

"Qu'est-ce donc que la vérité ? Une multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d'anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et rhétoriquement faussées, transposées, ornées, et qui, après un long usage, semblent à un peuple fermes, canoniales et contraignantes : les vérités sont les illusions dont on a oublié qu'elles le sont, des métaphores qui ont été usées et qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaie qui ont perdu leur empreinte et qui entrent dès lors en considération, non plus comme pièces de monnaie, mais comme métal."

Il est assez amusant de voir Nietzsche déboulonner des concepts séculaires et admis par tous (la science, le langage, le chercheur, ou plus généralement la représentation de la raison, de la vérité que se fait l'espèce humaine), et ce au moyen d'arguments qui ont dû faire l'effet d'un bâton de dynamite à l'époque (y today). Le tout dans une démarche relativement calme, presque rêveuse, à l'opposé du ton guerrier adopté dans ses essais ultérieurs. Le fond du propos reste tout de même violent, dans le bon sens du terme, la violence des idées qui remettent en question notre propre système de pensée. C'est du Friedrich, c'est une certitude !

Culture de masse ou culture populaire ?
7.1
12.

Culture de masse ou culture populaire ? (1981)

Mass Culture Reconsidered

Sortie : 2003 (France). Essai

livre de Christopher Lasch

Morrinson a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

[ Numérique ]

Il serait intéressant de lire la même étude sémantique / sociologique / politique qui s'inscrirait dans le cadre culturel de 2015. Les thématiques et problématiques abordées ici (en 1981) restent malgré tout éminemment modernes.

- Le questionnement du postulat qu'une culture de haut niveau soit intrinsèquement élitiste, en se basant sur la citation de Herbert Gans (que l'auteur n'aime pas trop) « Néanmoins, les démocraties doivent fonctionner et – du reste – fonctionnent même lorsque les citoyens ne sont pas éduqués. » Critique qui émane de la droite comme de la gauche, et qui tendrait à penser que personne ne devrait être obligé d’apprendre quoi que ce soit de difficile, et que les valeurs de la classe moyenne ne devraient en aucun cas être imposées aux pauvres.

- La critique de la liberté perçue uniquement comme une absence de contrainte (et qui fait sauter d'une forme d'aliénation à une autre) et in fine comme la possibilité de choisir entre des produits ouvertement concurrents. C'est en fait une idéalisation de la société "traditionnelle", qui ignore ses effets stérilisants sur l’esprit, et ne tient pas compte des améliorations intervenues dans les conditions de vie ou le goût populaire. Ce serait la surabondance des choix auxquels les gens sont maintenant confrontés – et non l’exploitation capitaliste ou la cage de fer de la rationalité bureaucratique – qui est la source du malaise de l’homme moderne. « Dans une société qui propose des choix complexes, les individus se trouvent dans l’obligation de diriger leur existence sans les appuis traditionnels qu’offraient la classe, l’ethnie ou la parenté. Cette obligation de choisir est à l’origine de ce sentiment persistant de mécontentement. »
L’ironie de l’histoire, c’est que cette émancipation de la ménagère à l’égard des attitudes « traditionnelles » réside presque exclusivement dans l’exercice de sa liberté de consommation (on ne se libère de la tradition que pour se plier à la tyrannie de la mode). On peut au mieux se construire un "style de vie", mais pas une "vie".

- Les libéraux voient les bienfaits immédiats de la culture de masse, en particulier le développement de l’individualisme et de la liberté de choisir. Les marxistes regardent vers l’avenir, vers le moment où le socialisme éliminera la contradiction entre les forces de production et les relations sociales de production (effets potentiellement libérateurs des communications de masse VS leur contrôle par la bourgeoisie).

↓↓

La Culture du narcissisme
7.5
13.

La Culture du narcissisme (1979)

La vie américaine à un âge de déclin des espérances

The Culture of Narcissism: American Life in an Age of Diminishing Expectations

Sortie : 1981 (France). Essai, Culture & société

livre de Christopher Lasch

Morrinson l'a mis en envie.

Annotation :

↑↑

[Pas lu, mais ça viendra, juste là pour pouvoir écrire un peu plus sur l'œuvre au-desssus.]

Et donc, en dépit du fossé qui sépare libéraux et marxistes, les sociologues de tous bords souscrivent au même mythe du progrès historique, et dénoncent le simple fruit de la « nostalgie ».
Mais la technologie sert en fait elle-même d’instrument efficace du contrôle social (dans le cas des médias de masse, ils court-circuitent le processus électoral normal par des enquêtes qui façonnent l’opinion au lieu de simplement l’enregistrer, par la sélection de dirigeants et par la réduction du choix des dirigeants et des partis à un acte de consommation supplémentaire). Les médias de masse, comme l’a dit sans exagération Régis Debray, entretiennent une situation de « contre-révolution préventive permanente ».

- La critique de l'appétit insatiable pour la "nouveauté" de la part des médias (qui fait désormais de la visibilité le seul critère du mérite intellectuel, et c'est sans hésitation encore plus vrai aujourd'hui qu'il y a 30 ans). La cause étant la dépendance des médias à l’égard de l’immédiateté du succès du produit lancé sur le marché, ainsi qu'un besoin supérieur d’une « révolution idéologique annuelle », (Debray again).
Le premier jugement qui est porté sur un ouvrage ou une idée devient, du coup, le dernier ; un livre s’arrache ou est reçu dans l’indifférence ; et le livre en question, dans tous les cas, est d’une importance tout à fait secondaire au regard des articles et entretiens dont il est le prétexte.
Ici comme ailleurs, le journalisme ne rapporte plus les événements, mais il les crée. Il se réfère de moins en moins à des événements réels, et de plus en plus à un processus d’auto-promotion circulaire qui est à lui-même sa propre justification. Il ne présuppose plus un monde capable d’exister indépendamment des images qu’on en donne. L’intellectuel, comme le militant politique, découvre alors qu’« il doit faire allégeance à un nouveau type de médium qui, non content de transmettre une influence, lui impose encore son propre code. »

Hitler
8
14.

Hitler (1991)

Essai sur le charisme en politique

Hitler. A Profile of Power

Sortie : 1995 (France). Essai, Culture & société

livre de Ian Kershaw

Morrinson a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

Ian Kershaw, très agréable à lire dans la traduction française, donne quelques clés pour comprendre ou mieux comprendre le caractère exceptionnel du pouvoir exercé par Hitler. Une synthèse englobant les 3 regards : totalitarisme, fascisme, ou hitlérisme.

Basée sur la notion (empruntée à Max Weber) de "domination charismatique", cette analyse permet de lier entre elles différentes perspectives qui se complètent les unes les autres : les aspirations sociales de Hitler et de son entourage, la domination politique sous le 3ème Reich caractérisée par la manifestation singulière d'un pouvoir personnel, et la puissance destructrice (et auto-destructice) du nazisme. Il est vraiment agréable de voir quelqu'un relier toutes ces idées entres elles pour essayer de former un tout cohérent.

Le pouvoir exercé par Hitler est décrit comme celui d'un leadership héroïque, avec des disciples, et en ce sens inconciliable avec un mode de gouvernement systématique. L'instabilité vient du fait que la survie d'un tel régime est entièrement tributaire de succès répétés et de la nécessité d'éviter toute forme de routine.

Le livre balaie les années 30 et 40 plusieurs fois, avec plusieurs grilles de lectures, et avec une vision à la fois globale (stratégies nationales, contournement du traité de Versailles, défiance à l'égard de ses voisins européens) et locale (beaucoup de détails concernant la vie de Hitler, sa mentalité, son expérience lors de la première guerre mondiale, son obnubilation contre le judéo-bolchévisme, sa constante remise en jeux des acquis en jouant ses problématiques militaires sur le mode "quitte ou double").

Peut-être un peu osé de dire que tout était joué dès la fin de 1941, et que le reste de la guerre ne fut "que" un certain cheminement vers la solution finale, en sachant que tout le reste serait probablement un échec. Lecture enrichissante, surtout doublée du bouquin de Keynes (les conséquences économiques de la paix) qui s'inquiétait des possibles répercussions d'un traité de Versailles trop contraignant. Il s'est peut-être planté en termes de vitesse de réarmement de l'Allemagne, mais pas en termes de crise économique que le pays traversa et qui conduit (participa), dès 1933, Hitler au pouvoir.
Parallèle également intéressant avec la lecture du bouquin de Guy Sajer, "Le Soldat oublié", qui donne une autre vision de l'influence de Hitler sur les soldats engagés sur le front Est, lui qui pensait que l'URSS plierait sous l'offensive nazie en quelques mois.

Des hommes ordinaires
8.6
15.

Des hommes ordinaires (1992)

Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la « Solution finale » en Pologne,

Sortie : mars 2007 (France). Essai, Histoire

livre de Christopher R. Browning

Morrinson a mis 10/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.

Annotation :

Le 101e bataillon du titre, « bataillon de réserve de la police allemande », est composé de 500 hommes issus d’unités de police régulières, assimilable à un effectif de gendarmerie, et principalement composé d’hommes originaires de Hambourg.
Ce bataillon tuera ou contribuera à la mort de 83 000 Juifs. Le témoignage de ce bataillon est d’une importance cruciale à la compréhension de la mentalité des tueurs du IIIe Reich car à la différences de beaucoup d’autres unités, une fraction importante celui-ci a fait l’objet d’une enquête judiciaire dans les années 1960, en Allemagne Fédérale. Il s’agit d’une étude portant principalement sur des exterminations directes, par opposition aux exterminations réalisées dans les chambres à gaz des camps de concentration.

Reprenant Le Discours de la servitude volontaire d’Étienne de la Boétie, aucun tyran ne peut se passer de collaborateurs, et de collaborateurs nombreux. Staline demandait un accord par écrit alors qu’Hitler se contentait d’approbations plus tacites, à l’oral.

Le regard de l’auteur se focalise sur le 13 juillet 1942, dans le village de Jozefow, un petit hameau polonais comprenant 1800 Juifs. Avant de participer au premier massacre de masse du bataillon, le commandant Trapp, pâle, nerveux, fait une proposition extraordinaire à ses hommes après leur avoir exposé la nature de leur mission (fusiller tous les hommes inaptes au travail, femmes, enfants, et vieillards du village) : s’il en est parmi les plus âgés d’entre eux qui ne se sentent pas la force de prendre part à cette tuerie, ils en seront dispensés. Peu d’entre eux auront véritablement le temps de réfléchir et donc de véritablement avoir le choix.

L’essai s’inscrit au cœur de la mise en place de la Solution finale. Cette « solution » est très bien décrite, dans toute sa progressivité, de l’initiation au massacre à la chasse aux Juifs.

Il y avait différentes façons de refuser de se soumettre à ces ordres et de refuser de participer aux tueries : frontalement, lorsque Trapp en donna l’occasion (difficile), mais aussi plus indirectement, en se déclarant malade, ou une fois dans les bois, près des fosses communes et à l’abri des regards de l’ensemble du bataillon.
Certains se reposeront sur la participation des Hiwis, des volontaires recrutés parmi la population des territoires occupés d'Europe de l'Est qui servirent d'auxiliaires dans la Wehrmacht.

↓↓

A l'intérieur d'un camp de travail nazi
16.

A l'intérieur d'un camp de travail nazi

Remembering Survival : Inside a Nazi Slave-Labor Camp

Sortie : octobre 2010 (France). Essai

livre de Christopher R. Browning

Morrinson l'a mis en envie.

Annotation :

↑↑

[Pas lu, mais ça viendra, juste là pour pouvoir écrire un peu plus sur l'œuvre au-desssus.]

Le capitaine Hoffmann développera un mal au ventre lié aux tueries, mais pris d’une certaine honte, essaiera de dissimuler cette maladie pour ne pas apparaître comme « lâche ».

La problématique du triangle Allemands / Polonais / Juifs est aussi intéressante : si les rapports Allemands / Polonais et Allemands / Juifs sont relativement apologétiques, celui Juif / Polonais est beaucoup plus accablant.

Browning insiste sur le fait que les nazis ne sont pas les seuls barbares de l’Histoire, comme beaucoup auraient tendance à (faire) croire. Il donne l’exemple des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, dans les îles du Pacifique. Les soldats accoutumés à la violence, saturés du sang de leurs semblables, exaspérés par leurs propres pertes, face à la ténacité de l’ennemi insaisissable et apparemment inhumain, parfois explosent et parfois décident froidement de se venger à la première occasion.
La bureaucratie moderne favoriserait une certaine distanciation fonctionnelle et physique, et la Solution finale revêtirait des aspects terriblement bureaucrates et administratifs. Browning rejoint en ce sens Raul Hilberg et Fredrich Hayek dans La Route de la servitude.

Il y avait ici un niveau anormalement élevé d’obéissance potentiellement meurtrière à une autorité non-coercitive. Un conformisme dans l’horreur (film italien de Bertolluci), et le souci de ne pas laisser les camarades faire le sale boulot, ainsi qu’un certain machisme, le travail fait pour des « durs ».

Browning cite Ian Kershaw (cf billet) : « la route d’Auschwitz a été construite par la haine, mais elle était pavée d’indifférence ». Mais il n’y pas de véritable consensus parmi les historiens sur cette notion d’indifférence : Kolka et Rodrigue parlent plutôt de « complicité passive » alors que Goldhagen pense que cela reviendrait à être « absolument neutre, d’un point de vue moral, au massacre collectif ». Pour lui, le silence vaut approbation.
Mais il se trompe (Goldhagen prend cher) et oublie le sens du silence sous une dictature. Et il ne faut pas négliger la géographie de cette indifférence : à l’Ouest, les Allemands loin des lignes de conflits sont plutôt apathiques, alors qu’à l’Est, les Allemands sont considérés comme des tueurs, les fameux « bourreaux volontaires ».

↓↓

Les origines de la solution finale
17.

Les origines de la solution finale

Sortie : 17 septembre 2009 (France). Essai

livre de Christopher R. Browning

Morrinson l'a mis en envie.

Annotation :

↑↑

[Pas lu, mais ça viendra, juste là pour pouvoir écrire un peu plus sur l'œuvre au-desssus.]

Il peut cependant y avoir des problèmes d’interprétation, un deux poids, deux mesures. Où commence la fiabilité statistique, comment hiérarchiser la haine Allemand / non-Allemand et Juif / Polonais ? Il ne faut pas voir l’antisémitisme là où il n’est peut-être pas, la recherche abordée sous l’angle des sciences sociales demande une certaine justesse (notamment dans la citation, souvent tronquée). L’Histoire n’est jamais achevée…

À la différence de travaux comme ceux de Goldhagen, Browning distingue plusieurs niveaux dans le portrait des hommes du 101e bataillon.
Les tireurs empressés, en effectifs s’accroissant au fil du temps.
Ceux qui ne tirent pas, très réduits, mais n’avaient pas d’objections. Ils ne tirèrent pas grâce au choix qui leur fut laissé s’il « n’avaient pas le cœur ».
Ceux qui firent ce qu’on leur demanda de faire, le plus fort contingent. Aucun ne risqua de s’opposer aux ordres, mais ils ne furent pas volontaires et ne célébrèrent pas les tueries. Ils ne pensaient pas que ce qu’ils faisaient était mal ou immoral car l’autorité légitime approuvait la tuerie. Et l’alcool aidait beaucoup. Grande différence entre bourreaux volontaires et agents du génocide.
« Rien n’a autant aidé les nazis à mener une guerre raciale que la guerre elle-même ». Cf le lien avec les expériences de Milgram et de Zimbardo.

Pour Browning, il serait réconfortant que de très rares sociétés réunissent les préalables culturels et cognitifs nécessaires, à long terme, pour commettre un génocide et que les régimes ne peuvent faire des choses pareilles que si la population est très largement en symbiose quant à sa priorité, à sa justice, et à sa nécessité.
Notre monde serait plus sûr, mais Browning ne partage pas cet optimisme.
Les gouvernements modernes qui souhaitent commettre un meurtre collectif échouent rarement dans leurs efforts par incapacité à amener des « hommes ordinaires » à devenir des « bourreaux volontaires ».

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18.

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Around the World in 92 Minutes: Photographs from the International Space Station

Sortie : 14 octobre 2014 (France).

livre de Chris Hadfield

Morrinson a mis 3/10.

Annotation :

Franchement, je trouve ce bouquin pas inspiré. Il y aurait eu moyen de rendre un témoignage depuis l'espace sidérant, original par nature, etc. Mais non, c'est plutôt plat, souvent étalage de poncifs sur le thème "la Terre est belle" ainsi que "on apprend tellement de choses quand on est à 2000 km au-dessus", et cachant la misère de son contenu par des petits gadgets / trucs visuels ici et là. Beaucoup de banalités pour un message envoyé depuis l'espace... Hadfield est bien meilleur quand il fait ça : https://www.youtube.com/watch?v=KaOC9danxNo

Morrinson

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