Bibliophilie pas vraiment obsessionnelle — 2022
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Le Culte de la charogne. Anarchisme, un état de révolution permanente (1897-1908) — Le cinéma, un art subversif — De sang-froid — Ni Dieu ni maître, une histoire de l'anarchisme — La langue de bois (Françoise Thom) — Clair-obscur (Natsume Sōseki) — Johnny s'en va-t-en guerre ...
16 livres
créée il y a presque 3 ans · modifiée il y a 11 moisOctaèdre (1974)
Sortie : 1976 (France). Recueil de nouvelles
livre de Julio Cortázar
Morrinson a mis 5/10.
Annotation :
Le constat s'enracine après la lecture de l'autre recueil "La Porte condamnée" : celui-ci m'a paru légèrement au-dessus mais le plaisir de lecture reste globalement au même niveau, pas de franche adhésion, pas de rejet massif, une neutralité simple, détachée, vaguement indifférente. On doit pouvoir en conclure que le style de Julio Cortázar n'est pas fait pour moi, ce fameux glissement discret vers le fantastique censé éveiller une certaine curiosité ne débouche pas sur grand-chose de concret.
Les huit nouvelles qui composent cet "Octaèdre" tournent globalement autour d'un même thème, les petits secrets et les petites parts de sentiments tragiques qui se dissimulent derrière l'apparente normalité de la vie des différents personnages, motif à des divagations autour de concepts un peu vagues comme l'amour, la mort, la peur. Tous les récits sont clairement ancrés dans une forme de quotidien, avec une somme (à mon goût lassante) de détails pragmatiques alimentant un certain réalisme — qui peine à me convaincre et m'embarquer généralement. Pour le dire un peu crûment, seule l'histoire "Été" avec son apparition mystérieuse d'une cheval blanc menaçant, rôdant autour d'une maison isolée, m'a un petit peu captivé. Il m'est souvent arrivé d'avoir la sensation qu'on voulait me faire pénétrer une intimité mais sans y parvenir. Les non-dits sont censés fournir le carburant à une imagination fertile mais rien de tout ça chez moi malheureusement. Il me reste à tester une œuvre plus conséquente qui ne soit pas sous la forme de nouvelles pour confirmer ces impressions.
Ce que vaut une vie (2021)
Théorie de la violence libérale
Sortie : 2021 (France). Essai
livre de Mathias Delori
Morrinson a mis 9/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Extraordinaire travail de déconstruction et de théorisation de la violence libérale, comparable à l'effort de Chomsky et Herman dans les années 80 sur "La Fabrication du consentement" et leur analyse de la propagande médiatique étatsunienne, à destination ici des professionnels de la guerre de l'espace euro-atlantique — un terme que Mathias Delori préfère à celui de "espace occidental", pour ce qu'il renvoie déjà en matière d'opposition avec l'Orient. L'auteur met en œuvre une réflexion franchement passionnante sur la construction d'une violence qui serait considérée comme légitime, par opposition avec d'autres formes de violence qualifiée d'illégitimes.
La violence "légitime", c'est celle que l'on connaît bien pour l'entendre à longueur de journaux, les fameuses "frappes chirurgicales" qui laissent supposer que les dégâts collatéraux (potentiellement humains) sont inexistants, la "mise hors d'état de nuire" de divers personnages pour ne pas parler d'assassinat perpétré dans le cadre d'une légalité définie à cet effet, et tout l'arsenal du contre-terrorisme reposant sur la torture que l'on connaît trop bien, à l'instar du waterboarding. Delori démontre avec une pertinence et une finesse remarquables à quel point la construction de cette violence repose sur une démarche de justification passant par la réification totale de populations entières, reléguées dans la case des conséquences secondaires négligeables. Les passages du livre reposant sur des entretiens avec des pilotes de chasse sont assez édifiants et montre à quel point leur travail leur paraît rationnalisé, inéluctable, essentiel, et fondamentalement juste. Tout repose sur la valeur d'échange associée aux vies humaines, et bien entendu sa gigantesque variabilité selon qu'il s'agit de vies proches et familières ou bien de vies reléguées dans un ailleurs lointain et flou. Il y a les innocents d'ici et les innocents de là-bas, et tous ne sont pas égaux face aux bombardements aériens ou à la torture.
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Théorie du drone (2013)
Sortie : 24 avril 2013. Essai
livre de Grégoire Chamayou
Morrinson a mis 9/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
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Delori va bien au-delà du simple constat que le contre-terrorisme guerrier s'avère plus meurtrier que le mal qu'il souhaitait combattre, au-delà de la violence terroriste qu'il nourrit en retour, et s'intéresse aux mécanismes politiques, institutionnalisés, qui permettent d'expliquer l'insensibilité écrasante de nos sociétés face à cela. Il souligne ici un point aveugle des études actuelles. La hiérarchisation de la valeur de la vie humaine, plus que leur négation, est vraiment la clé de voûte des discours militaires contemporains, en écho avec les travaux de Grégoire Chamayou. " Ce que vaut une vie" décortique avec minutie les trois grands piliers de cette violence guerrière qui bénéficie de l'appui de la loi (reposant sur les principes de 1) la non-intentionnalité de donner la mort à des civils, 2) la maîtrise de la force employée, et 3) la légalité du cadre d’intervention) et met en lumière des mécanismes de croyance, notamment en matière de jus in bello (une sorte de garantie morale) et de réflexion utilitariste en termes de moindre mal. Un grand pas de côté pour mieux comprendre les rapports ambivalents qu'entretiennent les sociétés libérales à la violence.
Amis américains (1993)
Entretiens avec les grands auteurs d'Hollywood
Sortie : novembre 2008 (France). Beau livre & artbook
livre de Bertrand Tavernier
Morrinson a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
En cours, et pour un bon moment...
La Panthère des neiges (2019)
Sortie : 10 octobre 2019. Roman
livre de Sylvain Tesson
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
C'est sans doute un livre de Vincent Munier que j'aimerais lire, au final, à travers la description qu'en fait Sylvain Tesson dans "La Panthère des neiges", récit d'une expédition sur les hauts plateaux du Tibet à l'affût de l'animal extrêmement rare et discret. Sentiment largement conforté, en bien pour le premier et en mal pour le second, par l'écoute de plusieurs entretiens donnés à la suite de la parution du livre en 2019. Encore qu'écouter Tesson parler de cette expérience, avec des précautions oratoires, est moins désagréable que de lire sa prose ampoulée et artificielle.
Tesson rentre admirablement bien dans la case de l'auteur caricatural qui décoche ses citations favorites de sa besace de références prévues à cet effet et c'est particulièrement désagréable, surtout lorsque l'auteur en question est en expédition à plus de 4000 mètres d'altitude en Asie par -30°C de moyenne et qu'il fait sa petite leçon misanthrope sur la société. C'est dommage car le travail de Munier, à travers le texte de Tesson, paraît vraiment intéressant et il y a clairement là une matière à un très grand récit. Mais Tesson est plus enclin à survoler la chose et s'en servir avant tout comme prétexte pour un portrait à charge de l'humanité — non pas que tout soit à jeter ou infondé ou même inintéressant, mais franchement, ce n'était pas le lieu et pas le sujet. Sa façon de glorifier le moindre yack, le moindre loup, le moindre oiseau qui vit dans cet écosystème montagneux relève de la pure sidération de poète citadin (et je dis cela alors que Tesson a déjà bourlingué aux quatre coins du monde, ce n'est pas son premier contact avec l'adversité sauvage).
Trop de bons mots savamment placés, trop concentré sur l'emphase de la forme et le panégyrique sauvage sans profondeur : le résultat est avant tout prétentieux, et passe surtout dramatiquement à côté de cette fameuse quête, une expédition à la recherche d'une ombre. Grand ratage.
L'Animal et la mort (2021)
Chasses, modernité et crise du sauvage
Sortie : 2021 (France). Essai
livre de Charles Stépanoff
Morrinson a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
À l'origine de "L'Animal et la mort", il y a chez l'ethnologue Charles Stépanoff par ailleurs spécialiste de la Sibérie (et de ses chamans) la volonté de comprendre l'origine d'un hiatus omniprésent dans les sociétés modernes, et de multiples paradoxes afférents. La confrontation ne se limite pas aux considérations banales de pro- et d'anti-chasse que l'on entend partout et tout le temps, et l'analyse creuse avec une profondeur assez renversante le rapport contrasté (hypocrite, aveugle, antipodique, etc.) que l'on entretient avec les animaux. Il introduit le principe d'exploitection, c'est-à-dire la co-existence de deux concepts fondamentalement antinomiques que sont l'extrême sensibilité (protection des animaux) et l'extrême insensibilité (exploitation des animaux) dans un cadre cosmologique.
On peut comprendre que Stépanoff, dans son argumentaire comme dans son enquête de terrain, accorde une place infiniment plus importante à la sociologie de la chasse pour mieux en comprendre les fondements et les rapports, plutôt qu'à la vision opposée largement exposée médiatiquement — pas toujours sous un angle constructif. Cela en fait un bouquin vraiment passionnant pour décortiquer ce rapport schizophrénique que l'on entretient généralement à l'animal : il y a les animaux-enfants, nos animaux de compagnie que l'on chérit plus que tout, et les animaux-matière, ceux qui finissent en barquette plastique dans des rayons de supermarché, et dont la mise à mort est dissimulée, institutionnellement occultée.
Cette immersion anthropologique dans le monde de la chasse est très intéressante également du point de vue des témoignages, des reportages dans différentes communautés de chasseurs (de différents types, battues, chasses à courre, etc.). Certains parallèles établis avec le chamanisme sibérien ne paraissent pas toujours justifiés — pas tangibles du moins — et clairement l'opposition entre chasseurs et militants n'est pas à la hauteur du reste de l'ouvrage. J'y ai ressenti beaucoup d'angles morts et une forte asymétrie dans la profondeur de la caractérisation. Disons que malgré une certaine neutralité et une distance au sujet évidente, le fait que le contenu puisse être exploité pour légitimer certaines pratiques me met assez mal à l'aise, comme s'il manquait une perspective complémentaire essentielle. Ce sont en tous cas les chapitres qui m'ont le plus rebuté dans leur longueur un peu excessive.
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Le chamanisme de Sibérie et d'Asie centrale
Sortie : 4 novembre 2011 (France).
livre de Thierry Zarcone et Charles Stepanoff
Annotation :
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Mais très clairement Stépanoff pointe avec élégance et profondeur une contradiction historique entre sensibilité protectrice et économie productiviste, qu'il date principalement depuis la Renaissance. Sa considération pour la chasse comme une altérité résistant à monde domestiqué et artificialisé ne manque pas de titiller certaines convictions, même si l'espace est exigu dans la région définie par les chasseurs ruraux authentiques et la préservation de la ressource sauvage. À mes yeux la chasse comme pratique consciente de protection de la nature n'est pas établie dans le bouquin, pas plus que la compassion pour leurs proies n'est démontrée (objectivement j'entends, car les témoignages personnels affirmant cela abondent, ce qui est très intéressant). Comme si Stépanoff n’avait pas décodé une partie codée du message. En revanche il met le doigt sur quelque chose de fondamental, l'éthique de ceux qui tuent pour se nourrir et la relégation dans l'invisible de l'exploitation (animale, agricole, etc.) véhiculée par la consommation de matière carnée industrielle.
L'Appel de la forêt (1903)
(traduction Pierre Coustillas)
The Call of the Wild
Sortie : 2000 (France). Roman, Aventures
livre de Jack London
Morrinson a mis 6/10.
Annotation :
Un peu (euphémisme) déçu par la lecture de ce court roman jouissant d'une très solide réputation, qui me paraît toutefois noble dans ses intentions de retranscrire la vie d'un chien dans le Grand Nord américain tout en évoquant l'esprit sauvage en sommeil ne demandant qu'à être réveillé. L'histoire est très connue et en un sens, d'après mes souvenirs vaporeux de "Croc Blanc", en est une sorte de seconde face de la même pièce — "White Fang" sort en 1906, "The Call of the Wild" en 1903. C'est la version plus sombre, traduisant le cheminement inverse de retour à la vie sauvage après une vie de domestication de cette nature, et dans un style beaucoup plus direct, plus simple, plus court, et clairement moins romanesque. En ce sens ça aurait pu mieux correspondre à mes envies littéraires du moment.
J'avais adoré "Le Vagabond des étoiles" il y a quelques années, mais ici ni le style ni le contenu ne m'ont véritablement emballé. Le roman retrace la vie de ce chien domestique, vendu comme chien de traineau à la suite d'un concours de circonstances à l'époque de la ruée vers l'or, qui passera de maître en maître avant de tomber sur un propriétaire plus respectueux. Tout au long de son parcours, les instincts naturels latents prennent de l'ampleur, et se retrouvent totalement réactivés à la rencontre de la rudesse du territoire canadien du Yukon (et à la mort de John Thornton aussi). Un monde sauvage dominé par la peur, "The salient thing of this other world seemed fear", et on sent bien que le style se veut sec et violent. Mais je ne sais pas pourquoi, on sent bien qu'on veut nous montrer la résurgence d'instincts primaires anciens et enfouis, les ancêtres qui sommeillent, mais j'en suis resté à une lecture distancée et polie.
Je reconnais aussi l'originalité du point de vue pour l'époque, en montrant le point de vue d'un chien particulièrement sensé, capable de raisonnement et d'adaptation. Mais globalement il y a un petit truc qui coince, un léger désintérêt, un sentiment d'inachevé comme si sur la même matrice on aurait pu faire fructifier un récit beaucoup plus dense.
Le Vieil Homme et la Mer (1952)
The Old Man and the Sea
Sortie : 1952 (France). Roman
livre de Ernest Hemingway
Morrinson a mis 3/10.
Annotation :
Boudu que le style d'Ernest Hemingway m'assomme, je trouve ça extrêmement plat, répétitif, sans panache, et finalement sans intérêt. Je tombe un peu des nues car l'écrivain américain figure très souvent dans divers panégyriques littéraires, alors que ce court roman est d'une pauvreté et d'une monotonie incroyables, à mes yeux. Cette façon d'aborder la description d'une virée en mer m'a largement agacé dans les grandes largeurs : le vieil homme qui se parle à lui-même, les différents requins qu'il harponne et frappe successivement, bon sang que c'était long, laborieux, et pénible. Je comprends bien la teneur métaphorique de ces centaines de pages et quelques (qui en paraissent le triple tant elles sont lassantes), la solitude, la vieillesse, l'espoir, la persévérance. Ok, d'accord. Mais alors les couches supplémentaires de lutte vaine contre la nature souveraine et de dialogues avec un dieu quelconque, ce sont vraiment les torrents qui font déborder le vase. J'avoue volontiers mon inculture crasse, ou alors mes goûts très clairs et peu consensuels, mais j'ai beaucoup de mal à comprendre d'où provient la réputation d'Hemingway, en toute sincérité. Et les tartines de courage, de dignité ou de respect étalées en couches épaisses de morale, ouch, sur la durée c'est sans doute le plus difficile à encaisser. À côté de ça, la description de l'artisanat de la pêche ne pèse vraiment pas lourd, totalement oblitérée par l'épaisseur du trait général sur la beauté de l'héritage, la grandeur de la nature, et la sagesse des pauvres.
Farouches (2021)
Sortie : 2021 (France). Roman
livre de Fanny Taillandier
Morrinson a mis 5/10.
Annotation :
Toujours aussi peu intéressé, sauf exceptions ou sauf description en un sens documentaire d'un milieu, par la fiction littéraire. Le cadre du roman de Fanny Taillandier découpe un microcosme bourgeois situé dans la région italienne de Ligurie, proche de la France. Baya est conseillère juridique spécialisée dans les litiges immobiliers, Jean travaille dans la climatisation. Un couple qui profite de sa villa avec piscine, un quotidien banal dans lequel affleure de temps en temps une menace sourde, ici des sangliers qui viennent défoncer un bout de parcelle, là des règlements de compte de cités. Et au milieu une mystérieuse voisine.
Globalement je trouve la chose assez insignifiante, que ce soit dans sa part de fiction, dans sa critique sociétale sous-jacente, dans ses oppositions un peu conventionnelles homme vs femme, humains vs animaux, nature vs civilisation. La tournure finale, qui voit arriver la sauvagerie au sein d'un domicile bourgeois, n'apporte pas grand-chose. Pourtant le tout début sous forme de pastiche d'article Wikipédia laissait augurer quelque chose de plutôt sympathique, mais cette légère dystopie ne prendra jamais vraiment forme ni l'ampleur espérée. L'incarnation de la classe supérieure est assez vaine je trouve, les tressaillements de chacun des deux personnages principaux forcés, et au final l'ironie omniprésente devient un peu lassante. Comme si on essayait, en vain, d'alimenter un climat de tension et une atmosphère étrange. Il y a aussi la volonté de distiller une certaine angoisse, mais sans plus de succès. Anodin à mon goût.
Auprès de mon arbre (2022)
Sortie : 2022.
livre de Serge Ernst et Arbre et Paysage 32
Morrinson a mis 6/10.
Annotation :
Un ouvrage hybride, entre le livre et la bande-dessinée, édité par l'association gersoise Arbre et Paysage 32 sur la base de dessins de Serge Ernst. Légèrement inclassable, l'occasion de parcourir avec le personnage de Jo la Genette des questions essentielles dans le paysage rural (et aussi, mais beaucoup moins, urbain) autour de l'arbre. Textes et dessins s'accompagnent assez bien, l'un sans l'autre serait sans doute un peu bancal ou du moins assez limité : l'idée est en tous cas d'aborder sous toutes ses coutures l'importance du végétal, en passant en revue toutes sortes de fonctions. Beaucoup d'évidences quand on baigne dans le milieu, mais c'est en tous cas un libre qui aide énormément à la compréhension de l'arbre champêtre, c'est-à-dire pas uniquement l'arbre de forêt ou l'arbre de trottoir. On y parle autant de couverts végétaux que d'agroforesterie, de sols vivants, et des grands enjeux agroalimentaires autour de la biodiversité, du climat, de la chaîne alimentaire, etc. Le ton est presque enfantin par moments, à travers l'humour des dessins, tout en mêlant des concepts pas évidents. La candeur est un peu trop forte par moments à mon goût, j'aurais bien aimé avoir à disposition quelques sources au sujet de quelques affirmations avancées par-ci par-là, mais on passe en revue énormément de thématiques intéressantes, les habitats, le rôle des haies ou des ronces, le principe de la trogne, le principe du stockage de CO2, les problèmes d'érosion, les réseaux mycorhiziens, la fonction du lierre ou des champignons, tout l'écosystème souvent ignoré autour de l'arbre. Un livre qui n'a pas une vertu scientifique ou encyclopédique mais qui se fait un bon vecteur pédagogique.
Venezuela - The Wells Run Dry (2022)
Sortie : 27 octobre 2022.
livre de Fabiola Ferrero
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
En matière de photojournalisme, le travail de Fabiola Ferrero ne m'a pas passionné. Je mets de côté les textes apposés par l'éditeur (je suppose) qui introduisent et contextualisent les photographies, qui ne m'ont pas paru pertinents ou relever du minimum de neutralité et de compréhension globale requis pour ce genre de travail. Nicolás Maduro et Hugo Chávez sont des dictateurs absolus, qui agissent en toute indépendance de l'influence états-unienne sur la région... Difficile d’attribuer le moindre crédit à l'analyse géopolitique. En revanche, la description du chaos social dans lequel se noie le Venezuela est plus intéressant, avec la disparition de la classe moyenne amorcée au début des années 80 et la crise pétrolière. La partie liée aux clichés extraits d'album de famille est globalement très peu intéressante, étayant mollement l'insouciance de la vie à cette époque. La tragédie qui se joue est en revanche plus prenante, à travers la ruine de l'industrie du pétrole ou la chute du système universitaire. Je n'ai pas ressenti l'intention principale, à savoir documenter des années de richesses qui n'existent que dans les mémoires, ni les vestiges d'une réussite économique révolue. Même chose pour l'exil massif des Vénézuéliens. À côté de ça, au-delà du sujet poignant, je n'ai pas particulièrement accroché au style des photos.
« Ma famille, mes amis et, plus tard moi-même, nous avons quitté le Venezuela, ne laissant que les traces d’une promesse disparue depuis longtemps. Je suis retournée creuser dans le passé pour photographier les vestiges d’une gloire perdue construite sur le pétrole. Ce reportage est la recherche d’un pays qui a existé avant l’effondrement »
Tibet : Minéral animal (2018)
Sortie : 14 novembre 2018. Beau livre & artbook
livre de Vincent Munier et Sylvain Tesson
Morrinson a mis 8/10.
Annotation :
L'œuvre-compagnonne de "La Panthère des neiges" : en quelque sorte, les images de Vincent Munier viennent compléter les élucubrations de Sylvain Tesson (qui m'avait à cette occasion passablement gonflé, mais c'est une autre histoire) au sein desquelles on pouvait seulement observer une photo en noir et blanc dépourvu de contraste. "Tibet : Minéral animal" bénéficie encore des commentaires, aphorismes et autres pensées peu intéressantes de Tesson, de temps à autres, mais en mode mineur : le regard est avant tout tourné vers le magnifique récit graphique de Munier, compilation de plusieurs années et autant de voyages tibétains à travers une sélection assez intense de photographies classées par thématiques implicites — des teintes, des types de sujet, des espèces animales.
On navigue dans les airs, un peu, et dans la neige et la roche, beaucoup. Les hauts plateaux tibétains sont le théâtre d'un spectacle animal discret, parcellaire, souvent invisible. En soi, les paysages pourraient se suffire à eux-mêmes : on alterne entre des vues d'ensemble sidérantes de beauté et des longues focales aux accents impressionnistes, comme si des textures artificielles s'échappaient des montagnes, des falaises ou des champs enneigés. Un premier chapitre est consacré à des photos très fortement contrastées, presque en noir et blanc, avec des jeux d'ombres puissants, davantage tourné vers les silhouettes. La suite s'oriente vers une partie centrale sur des contrastes de couleur, entre l'ocre de la végétation et des pelages et le blanc bleuté de l'environnement glacé, pour se terminer sur des clichés aux expositions largement supérieures, avec des dominantes de blanc presque surexposées par moments.
Il est beaucoup question de la panthère des neiges, bien sûr, mais on voit aussi beaucoup de pikas à lèvres noirs, de renards, de yacks, de chats de Pallas (manul), d'ânes sauvages kiang, des loups, des lièvres, ainsi que le gypaète barbu, le cerf à museau blanc. Il y a des photos très attendues, qu'on pourrait croire sortie d'un reportage animalier lambda, et puis il y en a d'autres beaucoup plus évocatrices, presque abstraites, magnifiques. La mise en page est parfois surprenante, avec des clichés qui occupent une très faible partie de la page, et c'est parfois un peu décevant (en regard du prix, paramètre non-négligeable), mais il y a des pépites incroyables qui prennent le dessus.
Zurbarán (1999)
Sortie : 26 octobre 1999 (Espagne). Beau livre, Peinture & sculpture
livre de Arsenio Moreno
Morrinson a mis 7/10.
Annotation :
Un livre de peinture en deux temps : d'abord, une biographie assez extensive sur la vie de Francisco de Zurbarán (1598–1664), peintre du Siècle d'or espagnol, écrite par Arsenio Moreno ; puis la partie recueil, avec un schéma presque systématique, l'œuvre dans son format original suivie de détails reproduits en taille réelle. Beaucoup de commentaires accompagnent toutes les toiles, en provenance de sources et d'époques très variées, du XIXe siècle à nos jours. Tout concourt à faire de ce livre un élément intéressant du point de vue de l'histoire de l'art, en suivant les différents courants ayant inspiré le peintre — très marqué par Le Caravage par exemple dans ses premières œuvres d'envergure. Zurbarán a produit beaucoup de peintures religieuses, avec un grand nombre de moines, de saints et de saintes (même si on croise par exemple une nature morte), empreintes d'un mysticisme assez flagrant. Sa carrière évolue grossièrement de lumières sombres et ténébreuses ver le clair-obscur, avec des nuances plus prononcées. Les détails proposés par cette édition permettent de se plonger totalement dans de nombreux tableaux et de guider le regard pour ceux qui ne connaissent pas très bien l'œuvre de Zurbarán.
Zao Wou-Ki (1935-2010) (2017)
Nouvelle édition augmentée
Sortie : 1 novembre 2017 (France). Beau livre & artbook, Peinture & sculpture
livre de Dominique De Villepin
Morrinson a mis 7/10.
Annotation :
Dominique De Villepin est sans doute moins pénible en tant que critique d'art qu'homme politique, il a vraisemblablement été très proche de Zao Wou-Ki (surtout à la fin de sa vie), mais son long laïus servi en entrée de ce très beau livre ne m'auras pas énormément plu ou servi. Par exemple : "peintre des forces élémentaires et du surgissement de l'être, une vie d'homme passée à sonder et à scruter les formes et le sens en jetant à la rencontre l'un de l'autre l'Orient et l'Occident, chercheur d'absolu qui enferme dans la couleur les paysages de l'esprit, chaman des initiations et des métamorphoses". En tant qu'amateur peu connaisseur de peinture, avec des connaissances assez limitées au sujet de Zao Wou-Ki, je dois dire que la monographie et ses quelques commentaires ("notices détaillées") sur des œuvres-clés m’auront davantage permis d'appréhender le geste de l'artiste, l'évolution vers l'abstraction, du début des années 30 jusqu'au début du XXIe siècle. La biographie en fin d'ouvrage (qui suit lui aussi une logique chronologique) permet d'y voir plus clair, pour peu qu'on veuille creuser un peu plus. J'aime beaucoup les variations proposées par cette ensemble d'huiles et de dessins à l'encre de Chine, avec des reproductions de très bonne qualité (à défaut de dimensions satisfaisantes, comme souvent, mais le livre est déjà assez lourd comme ça). La peinture abstraite occupe une bonne part du recueil, c'est donc un voyage qui peut être éprouvant sur la durée mais qui donne une idée de l'étendue de son travail.
Planter un clou et autres petits travaux de bricolage (2022)
Sortie : 27 avril 2022.
livre de Laetitia Lazerges
Morrinson a mis 6/10.
Annotation :
Guide ludique et pratique sur le bricolage à vocation artistique minimale, qui ne cherche pas énormément à aller dans les détails (théoriques ou pratiques) : le but est de décomplexer les personnes qui seraient réticentes mais qui auraient l'âme bricoleuse quelque part au fond d'elles. Je suppose qu'il y en a beaucoup dans ce cas de figure, des gens qui auraient envie de tenter des choses mais qui n'osent pas : ce n'est pas vraiment mon cas, donc en un sens ce livre ne m'est pas parfaitement destiné. En revanche il est utile dans le sens où il permet de préciser pas mal de choses que je n'avais pas pris le temps de creuser (en matière de ponçage surtout, ainsi que beaucoup de choses liées au petit bricolage). Pas sûr que le réflexe soit d'aller farfouiller dans ce livre (comme il le suggère) plutôt que sur des chaînes Youtube pour des tutos de qualité, mais en revanche Laetitia Lazerges donne énormément de conseils pratiques pour se débrouiller, commencer à créer des choses tout seul, développer de bons réflexes et de bonnes intuitions. Elle prend le temps de poser les bases, de parler matériel, d'aborder la sémantique et de détailler des opérations basiques nécessaires pour la suite. Une grande part est dédiée au travail du bois, ce qui me va très bien : décaper, poncer, peindre, traiter, percer, avec des rudiments d'électricité, de cimenterie, de tapisserie et de cannage (moins intéressé par ça). Quelques projets sont proposés, d'un simple porte-manteau à des meubles entiers. La partie la plus intéressante en ce qui me concerne porte sur tous les aspects rénovation.