Bouquins 2024
Annotations pour me souvenir ce que j'ai pensé des oeuvres, sinon j'oublie.
Image : chaise serpent de Saint-Phalle, car c'était la couverture de mon dernier livre de 2023 : Gros-câlin de Gary.
49 livres
créée il y a 10 mois · modifiée il y a environ 3 heuresQu'est-ce que le cinéma ? (1975)
Sortie : janvier 1975. Cinéma & télévision, Articles & chroniques
livre de André Bazin
clairemouais a mis 7/10.
Annotation :
Janvier.
Intéressant, toujours difficile de lire sans connaitre le film / avoir les images sous les yeux.
Against the loveless world (2021)
Sortie : 5 août 2021 (Palestine). Roman, Version originale
livre de Susan Abulhawa
clairemouais a mis 7/10.
Annotation :
Janvier.
Je l'ai dévoré. J'ai beaucoup aimé l'histoire des migrations de cette jeune femme Palestinienne, de son rapport à son histoire et son pays, et de ses évolutions. C'est assez fin dans les changements de ces liens. Moins aimé la partie sur "the cube", je ne sais pas trop en quoi ça servait le propos, mais j'ai trouvé que le passage du temps était assez mal écrit.
Je n'ai pas trop accroché non plus à l'histoire d'amour, mais bon, je comprends bien en quoi c'était important dans la logique du livre, en s'inscrivant dans la pensée de Baldwin.
Toujours du mal avec les livres écrits en anglais à trouver un style particulier. Je pense que c'est dû à mon niveau d'anglais, mais je trouve ça assez plat.
Esthétique du film (2008)
Sortie : septembre 2008. Essai, Cinéma & télévision
livre de Jacques Aumont, Michel Marie, Alain Bergala et Marc Vernet
clairemouais a mis 6/10.
Annotation :
Janvier.
Intéressant, sauf la dernière partie trop psychanalysante à mon goût.
Sublime royaume
Sortie : 19 août 2020 (France). Roman
livre de Yaa Gyasi
clairemouais a mis 6/10.
Annotation :
Janvier.
Au début, ça a un air d'Americanah de Ngozi Adichie : une jeune femme d'origine africaine (ici, Ghana) migre aux USA, y découvre un racisme frontal, mais rencontre un succès scolaire époustouflant, permettant de continuer ses études dans une des meilleures universités, et le récit biographique du personnage, à la première personne, est ponctué de ses écrits scientifiques. Sublime royaume perd à la comparaison sur le style littéraire, c'est un peu fade (peut-être une histoire de traduction), mais gagne sur d'autres sujets. On y trouve toute une réflexion sur la foi en conflit (ou non) avec la science, plutôt intéressante. La critique de la religion chrétienne y est mesurée et subtile : on comprend ce qu'un personnage peut y trouver, et ce qui déracine l'arbre pourtant planté.
Ca se lit vite, le jeu des temporalités est très bien mené, je recommanderais plutôt, pour une lecture "facile" (sur le plan du style, pas des sujets abordés).
La Noce chez les petits-bourgeois
Théâtre
livre de Bertolt Brecht
clairemouais a mis 5/10.
Annotation :
Janvier.
Ça doit être bien mieux à voir qu'à lire. Les noms des personnages trop proches (la femme, la mariée, la sœur...) rendent la compréhension pénible. L'histoire est drôle.
Théâtre complet, volume 8
Sortie : 13 juin 1997 (France). Théâtre
livre de Bertolt Brecht
clairemouais a mis 4/10.
Annotation :
Janvier.
Le mendiant ou le chien mort :
Presque plus proche du conte que du théâtre. C'est poétique et joli.
Il débusque un démon :
Bof, un peu scène de campagne.
Barge (2020)
Sortie : 2020 (France). Journal & carnet, Autobiographie & mémoires
livre
clairemouais a mis 7/10.
Annotation :
Janvier.
C'est dingue (!) d'entendre enfin cette voix (!) qu'on n'entend pas souvent : celle des personnes concernées par le suivi psy, les hospitalisations en HP, les gros médocs qui rendent tout mou. Héloïse raconte, par ses carnets écrits à l'époque, mis en perspectives par ses propres commentaires d'aujourd'hui, et des croisements de regards (lettres d'amis ou parents, rapports des personnels soignants), les trois bouffées délirantes qui marquent sa vie, sur dix années, et son travail, personnel, politique, militant pour trouver sa place dans le monde. C'est un outil incroyable pour essayer de comprendre.
Veiller sur elle
Sortie : 17 août 2023 (France). Roman
livre de Jean-Baptiste Andrea
clairemouais a mis 3/10.
Annotation :
Février.
Ya des mecs qui se plaignent quand des meufs disent qu'elles ne lisent plus que des meufs........ Et puis ya des mecs qui sortent ça en 2023. Pire, ya des mecs qui filent un Goncourt à ça, en 2023. Pitié. C'est chiant à crever, ça sent le moisi, il faut aérer, là... Ouvrez les fenêtres, c'est urgent !
Déjà, je passe sur le fait que c'est écrit comme un roman de gare pas ouf. Ensuite, c'est plus possible en 2023 d'être encore là, à se branler sur l'histoire du 20eme siècle, sans rien ajouter de nouveau, comme si on n'en avait pas déjà tout dit. Et surtout, ce qui horrifie au fur et à mesure de la lecture, c'est cette espèce de façon de vouloir être à l'écoute des demandes de notre époque, en ne l'étant pas du tout. Alors oui, on parle de viol et on essaie de faire un perso féminin qui existe, intelligent, etc, mais non : toujours des madones ou des putains, des histoires et des points de vue de mecs dont on n'a rien à foutre. Toujours des phrases à la "le vent était léger comme les robes des filles", "elle me prenait dans ses bras et je logeais ma tête entre ses seins", des descriptions sexualisées de filles de 13 ans...
Voilà un livre qui pue la poussière. Si vous voulez un panoramique de l'Italie du 20eme, c'est L'art de la joie qu'il faut lire. Si vous attendez une fiction qui a une façon un tant soit peu vivante de parler de l'art, c'est Michon qui faut aller chercher.
Vingt minutes de silence
Sortie : 25 février 1955 (France). Roman
livre de Hélène Bessette
clairemouais a mis 8/10.
Annotation :
Février.
Roman policier poétique.
Le-a narrateur-rice mène la danse et on suit le rythme, on va dans un sens et on revient, on part dans l'autre... Il faut accepter de se laisser conduire, pas à pas, c'est unique.
Charbon (1976)
Coal
Sortie : 20 octobre 2023 (France). Poésie
livre de Audre Lorde
clairemouais a mis 8/10.
Annotation :
Février.
J'ai mis un peu de temps à apprécier l'écriture, parce qu'on s'habitue à la poésie alambiquée, et on est perturbé quand elle s'offre plus simplement. Les livres IV et V ont eu le plus d'effet. Il y a une fausse simplicité dans l'écriture, et un sorte d'amour ou de bienveillance, qui fait du bien. Même juste à côté de la mort, il y a de belles choses.
"You cannot get closer to death than this Martha
the nearest you've come to living yourself"
L'Automne à Pékin (1947)
Sortie : 1947 (France). Roman
livre de Boris Vian
clairemouais a mis 5/10.
Annotation :
Février.
J'adore Vian, sa façon d'écrire est unique. Cependant, ce livre m'a fait osciller entre deux extrêmes : l'écriture et l'imaginaire sont incroyables, parfaits, tout ce qu'on attend de lui, mais l'oeuvre a vraiment mal vieilli.
Alors, toute la première partie sur les différents chemins qui mènent les personnages en Exopotamie, c'est une lecture délicate et exquise, c'est absurde, c'est cruel, c'est tout ce qu'il faut. C'est extrêmement visuel, on voit se dérouler les scènes dans cet univers fantasque.
Le croisement de tous les chemins en Exopotamie, avec tout ce qu'il a de fatalité vaine, est savoureux, mais nous apporte beaaaaucoup de remarques qui n'ont pas résisté à l'épreuve du temps, notamment les insultes homophobes à répétition envers Amadis Dudu, et grand nombre de remarques misogynes et racistes. Je ne dis pas qu'une oeuvre ne se juge qu'à cela, mais d'autres oeuvres de Vian ont résisté à ce travers, et puis je pense sincèrement que cela n'enlève rien à toutes ses autres qualités. Cependant, impossible de lire des pages d'insultes à Dudu sans y ressentir un certain agacement, ou dégout, c'est sûr, la lecture y est abîmée.
Ca m'a quand même donné envie d'en lire beaucoup d'autres.
Récitatif (1983)
Sortie : 18 août 2022 (France). Nouvelle
livre de Toni Morrison
clairemouais a mis 8/10.
Annotation :
Février.
Une nouvelle surprenante. L'art de créer un effet de vrai assez fort, tout en éludant des éléments constitutifs des personnages. La nouvelle est une expérience : on sait qu'un personnage est noir et l'autre blanc, mais jamais on ne nous dit lequel. Morrison joue des caractérisations construites sur les préjugés liés à la race (comme construction sociale) et le lecteur est son rat de laboratoire : voit-on dans la narratrice interne le personnage blanc ou le personnage noir ? (Spoiler : la couleur de peau du lecteur définit pas mal ce qu'il y lit...).
La force de la nouvelle est de n'être pas de la pure littérature de concept, tout ne repose pas sur l'expérimentation : il y a un vrai plaisir de lecture, l'histoire de ces deux filles perdues qui se croisent à intervalles réguliers est vraiment touchante, la narration interne est brillante, et la vie des adolescents en foyers et la fluctuation sélective de la mémoire giflent de réalisme.
L'Ouragan Lolita (2023)
(Journal 1958-1959)
Sortie : 4 octobre 2023. Journal & carnet
livre de Véra Nabokov
clairemouais a mis 6/10.
Annotation :
Février.
Journal tenu par Véra Nabokov durant la période de publication de Lolita.
Ce livre m'apporte deux choses :
1- Je m'interroge sincèrement sur la légitimité d'une telle publication, un journal dont on reproduit même les extraits rayés de la main de l'autrice qui a tant veillé à n'être pas un personnage public, détruisant ses propres lettres à son mari plutôt que de risquer les voir publiées. Aussi, quel intérêt réel pour beaucoup d'entrées du journal : des diners, des interactions personnelles... ? Pourquoi ne pas garder les éléments pertinents (engouement échappant aux Nabokov, critiques, avis de Véra sur l'oeuvre de son mari) pour en faire un essai plus consistant ? En fait, n'est-on pas ici dans un domaine de l'intime qui ne nous appartient pas ? Ce livre n'est-il pas en train de répondre seulement à des pulsions malsaines de curiosité dans un but purement financier ? Sûrement, et je suis le premier âne à tomber dans ce travers.
2- Véra est une femme extrêmement fine et intelligente, sans surprise, et son regard sur Lolita me donne le courage d'envisager de relire l'oeuvre que j'ai tant aimée (et qui reste un marqueur important de mon rapport à la littérature, un choc, un premier vrai transport littéraire) et dont je n'osais pas rouvrir les pages (sauf pour lire des extraits précis) par peur de découvrir que je l'avais "mal lu", mal compris (comme tant de personnes...). J'avais peur que mes propres changements et considérations me rendent impossible une relecture. Mais Véra qui écrit qu'on oublie trop du livre sa "beauté et son pathos", ça me rassure.
La Couleur pourpre (1982)
The Color Purple
Sortie : 1982 (France). Roman
livre de Alice Walker
clairemouais a mis 8/10.
Annotation :
Février.
J'ai toujours une certaine admiration pour les romans épistolaires bien faits : ça a l'air extrêmement difficile à fagoter comme il faut, pour que ce soit cohérent et ne laisse pas une sensation trop forte de factice.
La force de La couleur pourpre c'est le réalisme de ses personnages, de leurs peines et leurs histoires, leurs relations, leurs changements et leurs redemptions. J'ai assez vite été investie dans le récit, il y a tellement de satisfaction à voir la libération graduelle de Célie malgré ses malheurs insensés. Elle est une voix encore si peu entendue. Tout est naturel, fluide, dans son récit. Les choses sont comme elles sont, ces femmes savent où est la vérité, et vivent leur vie pendant que le reste du monde, chaotique, se fourvoie, cherche et peut-être comprend quelques bribes.
J'ai été moins prise par le récit de Nettie en Afrique, il n'en aurait pas fallu plus.
Un peu surprise par les derniers mots du roman, où Alice Walker remercie les personnages d'être venus à elle, "autrice et médium". Toujours du mal avec ça.
Esthétique du montage
Sortie : juillet 2005 (France). Essai
livre de Vincent Amiel
clairemouais a mis 7/10.
Annotation :
Mars.
Hyper intéressant quand on n'y connait rien, plein d'exemples très visuels et compréhensibles, très clair.
Des lumières et des ombres (1984)
Beau livre & artbook, Cinéma & télévision
livre de Henri Alekan
clairemouais a mis 8/10.
Annotation :
Mars.
C'est un très beau livre, c'est un câlin pour le regard tout du long, on y voit les lumières et les ombres dans les films et les peintures. On y retrouve un peu les mêmes infos que dans La lumière au cinéma de Loiseau, mais en moins scientifique et plus émotionnel, plus pratique aussi grâce aux exemples et aux croquis.
Cabane (2022)
Sortie : mars 2022. Roman
livre de Millie Duyé
clairemouais a mis 4/10.
Annotation :
Mars.
J'étais très enthousiaste au début. Je trouvais la façon d'écrire juste pour un récit d'enfant, l'imaginaire foisonnant est bien retranscrit, le drame entre les lignes aussi. Et puis, petit à petit, je réalise qu'elle écrit une espèce de biographie poétique à la première personne jusqu'à l'âge adulte, avec ce même style, avec cette narration un peu naïve, égocentrée, et que c'est même la majorité du récit. Alors, là, j'ai trouvé ça très difficile à supporter, limite journal intime d'ado : j'ai eu l'impression que je n'aurais pas dû lire ça, ça ne me concerne pas. Toute la romance entre le "Tu" et le "Il" m'a cringé, j'ai été mal à l'aise car j'avais l'impression de lire un post de Skyblog dont l'auteur aurait honte dans quelques années. J'aurais dû m'en douter avec l'esthétique des trois singes, dès l'entrée, qui ne sont jamais signe d'une maturité ou d'une réussite métaphorique. Pourtant, il y avait de très beaux morceaux de poésie au début.
Le Firmament (2020)
traduit par Louise Bartlett
The Welkin
Sortie : 2022 (France). Théâtre
livre de Lucy Kirkwood
clairemouais a mis 4/10.
Annotation :
Mars.
Théâtre de la Cité.
Bon, je pense qu'on peut commencer à devenir un peu plus exigeant que ça en littérature de fiction féministe. Ça commence à me gêner les oeuvres qui n'ont pas grand chose d'autre à apporter que de la didactique féministe 1.0 : peut-être que je ne suis pas le public mais... On peut simplement faire une pièce de théâtre qui est une oeuvre d'art en soit, pour elle-même, un truc un peu fort, un peu beau, un peu intelligent, et l'infuser du féminisme, sans en faire des leçons explicites. C'est bien trop bavard à mon goût, ça s'éparpille, et ça n'a pas d'autre intérêt réel que de raconter des histoires de femmes qu'on a bien compris : oui, elles font le ménage et oui, elles ont bien plus de connaissances que les hommes sur leur propre corps mais personne ne les écoute. Bah, ok, merci.
L'Hibiscus pourpre (2003)
Purple Hibiscus
Sortie : 2004 (France). Roman
livre de Chimamanda Ngozi Adichie
clairemouais a mis 9/10.
Annotation :
Mars.
Excellente lecture, j'ai même préféré à Americanah. Là où l'autre se perd parfois, la narration de Purple hibiscus fait un sans faute : la tension de la maison de Kambili est palpable et nous serre la cage thoracique si bien qu'on en ressent les bouffées de liberté et d'étrangeté des séjours chez Ifeoma pleinement. La narration à la première personne pour un personnage adolescent et surtout déchiré par des conflits de loyauté donné une vraie impression de réalité. Le genre de livre qu'on n'arrive pas à poser.
Des fleurs pour Algernon (1966)
Flowers for Algernon
Sortie : 1966 (France). Roman, Science-fiction
livre de Daniel Keyes
clairemouais a mis 3/10.
Annotation :
Mars.
Lu trop tard, sûrement. J'ai trouvé ça chiant (alors que c'est très court). Sûrement bien mieux pour les enfants ou ado où le propos résonne aussi peut être plus.
Les Certitudes du doute (1987)
Le certezze del dubbio
Sortie : 26 mars 2015 (France). Récit, Autobiographie & mémoires
livre de Goliarda Sapienza
clairemouais a mis 8/10.
Annotation :
Avril
Goliarda Sapienza a un chic incroyable pour nous perdre avec elle dans les méandres de son cerveau. On passe d'une chose à une autre sans trop s'en rendre compte, puis on finit par se demander ce qu'on fait là, à quel moment on est passé d'un whisky dans un bar à une douche chez Roberta. Il y a quelque chose dans les circonvolutions de son cerveau et de son discours de totalement hypnotique, mais aussi presque des fois d'angoissant, elle nous embarque avec elle dans les petites rues étroites de Rome, dans des quartiers étranges, irréels, et on n'est pas toujours sûrs d'en sortir : cela fait du bien quand elle s'arrête, quand elle se pause et prend le temps de nous expliquer, avec un recul presque détaché, ce qui est en train de se passer. Quels sentiments lui provoque Roberta, sur quels fronts elle mène ses combats politiques : quelques espaces de clarté laissent mettre un certain ordre dans ce qui nous tombe dessus, et ils sont tout autant passionnants. C'est le récit de Roberta dans une éclipse, quelques temps visible, avant disparaitre de nouveau.
Méliès : La magie du cinéma (2020)
La Magie du cinéma
Méliès
Sortie : 18 novembre 2020. Beau livre
livre de Laurent Mannoni
clairemouais a mis 7/10.
Annotation :
Avril.
Catalogue d'exposition du musée Méliès. Plein de belles images, très didactique, histoire du cinéma 1.0.1, et c'était tout ce que j'attendais.
Deux trucs qui me gênent : des fois le texte principal est copié collé dans la légende d'une image à la même page + ya des éléments qui semblent un peu posés là, sans même essayer de créer un lien (pourquoi montrer en page quasi entière la photo de la tenue de Lobby boy du Grand Budapest hôtel quand à la base du parles d'un sous-marin dessiné par Méliès ? Y avait un lien Vie aquatique mais vous avez eu la flemme ?)
Mémoires (1886)
Sortie : 1886 (France). Autobiographie & mémoires
livre de Louise Michel
clairemouais a mis 6/10.
Annotation :
Avril.
Un peu désarçonnée par ces Mémoires : l'écriture est chaotique, difficile de suivre le fil des pensées de Louise Michel qui passe des pages à décrire ce qui semble être des détails insignifiants de son enfance, à insérer des vers de jeunesse lyriques, mais oublie totalement les évènements pour lesquels on la connait. Si on veut en savoir plus sur la période, il faut passer son chemin, on n'y comprendra rien. Si on veut mieux comprendre le personnage, oui, on y trouve des passages intéressants : l'éducation révolutionnaire qui a été la sienne, le terreau de ses convictions politiques, sa vision de l'éducation. Aussi, dans la tempête qu'est le déroulement de ses pensées (des chapitres se nomment "digression" ou "deuxième parenthèse" et abordent quatre, cinq sujets différents, non chronologiques, et dont les liens sont ténus) on lit un peu ce que font des années d'exil et de prison à quelqu'un (je tire le fil de mes propres lectures : Goliarda Sapienza qui raconte sa sortie de prison a la même tendance à perdre le lecteur dans les circonvolutions de son cerveau), et les réquisitoires tenus contre les prisons sont des passages glorieux du livre. Les annexes (compte rendus de procès et articles publiés) sont peut-être les éléments qui m'ont le plus intéressée : quelle grandeur, quelle dignité de Louise Michel, qui revendique toutes les actions dont on l'accuse au nom de la Révolution.
Ma mère rit
Sortie : 10 octobre 2013 (France). Roman
livre de Chantal Akerman
clairemouais a mis 9/10.
Annotation :
Avril.
Autobiographique, le texte se joue à mêler la voix de Akerman et celle de sa mère dans du discours indirect sauvage et une narration très libre, mélangeant les temps, les lieux, les périodes de vie. C'est une oeuvre lourde de l'esprit d'Akerman, une tristesse massive vous tombe sur le crâne, dans la longueur d'une journée condamnée à un appartement étouffant, dans l'angoisse d'une conversation qu'on attend mais qui ne se fait jamais, dans le cercueil cloué d'une relation.
Au revoir là-haut (2013)
Sortie : 22 août 2013. Roman, Histoire
livre de Pierre Lemaitre
clairemouais a mis 6/10.
Annotation :
Avril.
Bouquin de vacances : ça se dévore parfaitement dans un train, on a envie de savoir la suite (alors même qu'ici on avait vu le film et on savait déjà comment ça finissait). L'histoire est très bien rythmée, l'écriture est fluide et c'est très visuel : ça fonctionne. Mes quelques réticences : pas fan des interventions intempestives du narrateur (genre "tel personnage va mourir, mais ça il ne le sait pas encore, alors que vous, si" : c'est trop), pas fan d'un tic d'écriture qui consiste à couper des phrases complexes en deux ("Mais ça, il ne le sait pas encore. Alors que vous, vous le savez."), beaucoup de mal avec le personnage d'Edouard pour qui j'ai ressenti beaucoup d'agacement, peut-être parce que son point de vue manquait au récit (et, vraiment, je me suis dit plusieurs fois qu'il manquait, j'aurais voulu savoir ce qui se passait dans sa tête, à ce personnage quand même principal, alors qu'on a les pensées de tous les personnages à passer à peine un pied dans l'histoire). Au contraire, beaucoup d'amour pour le personnage d'Albert, j'ai trouvé la description de ses angoisses très réussie.
Voilà, c'est hyper distrayant, ça marche, c'est rigolo, ça nous tient.
La typographie post-binaire
Au-delà de l'écriture inclusive
Sortie : novembre 2023 (France). Culture & société
livre de Camille Circlude
clairemouais a mis 9/10.
Annotation :
Mai.
Composé d'une partie théorique et d'une compilation de pratiques, c'est un livre nécessaire pour un espace plutôt oublié des luttes grand public.
J'avais découvert une de ces typographies post-binaires dans l'excellent magazine Censored (numéro "Réponses à la violence" il me semble) et j'avais été assez étonnée de la facilité avec laquelle j'avais lu "à travers" cette typo qui m'était totalement nouvelle, mais aussi assez charmée par sa fluidité, son geste, ses ligatures. J'étais donc ravie de trouver ce livre : je n'en suis pas déçue. La partie théorique est très accessible et prend le lecteur par la main sur tous les sujets : des bases de l'histoire de la typographie à celles du concept de binarité dans la langue française (de l'ancien français aux directives gouvernementales pétées - pensée pour Blanquer, on n'arrivera vraiment jamais à s'en remettre de ce trou du cul) ou dans la société en général, de l'importance du travail en collectif, du rapport à l'institution, de la diffusion des travaux et des droits... n'importe qui peut comprendre la pratique ici présentée et surtout ce qu'on cherche derrière. Même en me considérant un peu renseignée sur le sujet, je n'avais jamais vraiment questionné la binarité pure impliquée par un point médian ou un pronom "iel".
Aussi, c'est vraiment BEAU. Ces typo, dans toutes leurs diversités, sont des pratiques artistiques et politiques entières : la compilation de typo est incroyable à voir. Ca parait tellement simple !
Le Sceau égyptien (1928)
Sortie : 1968 (France). Nouvelle
livre de Ossip Mandelstam
clairemouais a mis 7/10.
Annotation :
Mai.
Très difficile à aborder, je l'aurais plutôt classé comme poésie surréaliste que comme roman. Bouillonnant dans la révolution russe et l'été 1917, le livre donne à voir des éléments épars. Je ne suis pas sûre d'avoir vraiment compris : c'est comme regarder un objet inconnu, ou un casse-tête, le tourner dans tous les sens pour essayer de l'ouvrir, et tout d'un coup un reflet, un éclat, éblouit, on y perçoit une image, une atmosphère, une émotion.
"Il est terrifiant de penser que notre vie est un récit sans sujet ni héros, faite de vide et de verre, du balbutiement ardent des seules défaites, du délire enrhumé de Petersbourg.
L'aurore aux doigts de rose a cassé ses crayons de couleur. Ils gisent maintenant comme des oisillons aux becs béants et vides."
La Terreur féministe (2021)
Petit éloge du féminisme extrémiste
Sortie : novembre 2020 (France). Politique & économie, Vie pratique, Essai
livre de Irene
clairemouais a mis 6/10.
Annotation :
Mai.
Je suis à fond dans le projet politique qu'elle porte, j'ai juste trouvé le livre pas ouf.
L'ouvrage se compose de trois parties : une sur la violence dans la fiction, une sur la violence comme moyen de survie et une sur la violence comme stratégie politique.
Les deux premières parties sont un peu inutiles à mon goût, galerie de portraits aléatoires et pas forcément pertinents (si tu dois préciser 15 fois que c'est un perso écrit par un regard masculin... Pourquoi ne pas en prendre un autre ? La litté féministe de fiction propose plein de personnages violentes incroyables (Françoise d'Eaubonne !)). On répète inlassablement la violence subie avant d'oser parler de la violence rendue (caricaturé : "Elle rend les coups avec son corps - ce corps violé, maltraité, (outragé, brisé mais libéré)" : très répétitif et assez lourd), certains portraits ne portent même pas de violence féministe (Ana Orantes).
Aussi, j'ai été un peu gênée par le fait qu'on ne sait pas d'où parle l'autrice, (alors qu'elle place sa grand-mère dans ses portraits - ça crée une espèce d'aura légendaire), et j'ai plusieurs fois trouvé ça assez mal écrit (j'aime pas trop les livres qui introduisent du familier de façon aléatoire, comme des "meufs" ou "nana" de temps en temps, c'est mon côté coincée).
En résumé, pour moi, il aurait fallu garder la dernière partie (et la conclusion) et les développer à fond plutôt que d'en effleurer le sujet car on a passé trop de temps sur des fictions. Cette partie évoque (enfin) suffragistes londoniennes, black blocks, Zora la Rousse, Diana la chasseuse de chauffeurs : les ripostes violentes organisées pour l'accès aux droits ou la destruction d'un pouvoir en place. La conclusion évoque rapidement une pensée politique anarchiste de l'autrice, qui mériterait elle aussi d'avoir plus de place.
J'ai 8 ans et je m'appelle Jean Rochefort (2023)
Sortie : août 2023. Roman
livre de Adèle Fugère
clairemouais a mis 5/10.
Annotation :
Mai.
L'idée de base est rigolote (une petite fille se réveille un matin et elle est Jean Rochefort) et se construit dans un absurde très doux qui aurait tout pour me séduire. Finalement, je ne sais pas si j'en garderai grand chose : c'est très court et très peu dense, les quelques moments un peu poétiques sont vites aspirés par des répétitions un poil lassantes même si justifiées par une narration à la première personne d'une enfant de huit ans. C'est mignon, mais je crois que c'est tout.
Germinal (1885)
Sortie : 1885 (France). Roman
livre de Émile Zola
clairemouais a mis 8/10.
Annotation :
Juin.
Il m'aura pris un temps fou, quasiment un mois, à lire. Les 300 premières pages sont passées d'une traite : l'écriture organique et viscérale de Zola trouve dans la mine son sujet le plus parfait, la sueur qui colle la poussière de charbon à la peau, l'air aussi vicié que le sang et que les moeurs du coron, les boyaux percés dans la terre si étouffants qu'on en sent presque l'angoisse nous serrer la poitrine... Zola a un talent certain pour décrire la souffrance de l'ouvrier, la douleur de la faim, la cruauté de la bourgeoisie sourde à la misère. Et la révolte des mineurs, quand elle prend sa place dans l'oeuvre, entraine le lecteur dans la lutte : on y croit, c'est beau l'action populaire (on espère juste que Chaval va vite crever, puis finalement on se le tape bien trop longtemps), c'est noble. Mais la grève dure, et fatalement, la lecture s'empèse elle aussi, on tourne vaguement en rond, le triangle amoureux autour de Catherine s'alourdit, Jeanlin et son mauvais fond tendent au cliché gênant.
Le livre est riche de magnifiques descriptions du travail du fond, de toute la mécanique broyeuse de la mine, de toute la communauté qui se crée dans la souffrance autour d'un trou béant. Pour venir d'un bassin minier, bien des années après la fermeture de la mine, la cicatrice est encore profonde dans les terres et dans les esprits, et Zola a clairement su rendre compréhensible cela dans son texte pour des gens qui ne l'ont pas vécu.
La lenteur à la lecture est liée, je pense, à la pesanteur du livre, mais la fin souffle le bel espoir de la révolte réussie, on sortirait presque du massacre enthousiaste.