Cover Carnet de Curiosités : Lectures 2021
Liste de

140 livres

créée il y a presque 4 ans · modifiée il y a 11 mois
Amazonia
6.6

Amazonia (2019)

Sortie : 14 août 2019. Roman, Aventures, Histoire

livre de Patrick Deville

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Si j'aime les auteurs-érudits, les lecteurs devenus écrivains et si je ne crois pas aux références littéraires ou historiques comme simple étalage de culture mais comme manière de voir et de recevoir le monde et partant de le partager, de circonscrire un propos voire un récit, celles, mousseuses, saturantes, de Deville me sont restées inertes. Lu comme sourd, aveugle. Eaux d'Amazonie et haut pays Inca plats.

« Un peu en retrait, j’observais son profil grave et ruisselant des eaux salée de la baignade et douce de la pluie, les cheveux bouclés de sa mère et les yeux noirs, un visage un peu grec. Après tous ces jours d’une promiscuité contre laquelle on n’avait pas manqué de nous mettre en garde, nous serions, me semble-t-il, partis volontiers pour l’archipel Juan Fernández au large du Chili, puis l’île de Pâques, puis Tahiti sur les traces de Darwin et de Melville et de tous les autres. Silencieux, comme soulevé de terre par une émotion que je n’avais pas éprouvée depuis un après-midi trois ans plus tôt sur l’île Amantaní au milieu du lac, en lévitation survolant les siècles et les continents, retrouvant tout au bout du chemin les lectures échangées au long du parcours, les histoires racontées et discutées dans les cabines de navire et les chambres d’hôtel, le tourbillon de toutes ces vies et des deux nôtres aussi au milieu du maelström, convaincu que, pour cette minute au moins, je faisais bien d’être vivant, comme si depuis vingt-neuf ans j’attendais cette si fragile épiphanie. »

Les Secrets de Castelcerf
7.7

Les Secrets de Castelcerf (2002)

L'Assassin royal, tome 9

The Golden Fool

Sortie : 3 novembre 2003 (France). Roman, Fantasy

livre de Robin Hobb (Megan Lindholm)

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Toujours cette honnêteté simple, proximité des personnages imparfaits mais présents. Hobb a parfaitement conscience de ses défauts ou plutôt des reproches faits à son écriture mais tient ferme. : « Mes traités sur les simples illustrés de dessins méticuleux alimentèrent le feu : toutes ces connaissances, je les gardais en mémoire et, si besoin était, je pouvais les coucher à nouveau sur le vélin ; je ne conservai donc que peu de ces textes. Négligeant les recommandations du bon sens, je fourrai dans mon sac improvisé les manuscrits qui parlaient de mon séjour dans les Montagnes et ceux où j’exposais mes réflexions sur ma vie ; une lecture rapide de certains fit monter le rouge à mes joues : quelle puérilité, quelle sensiblerie outrée ! Ce n’étaient que plaintes sur mon sort, affirmations échevelées de ma propre importance et grandes résolutions ; mais qui donc étais-je quand j’avais écrit ces lignes ? »

Désir pour désir
6

Désir pour désir (2018)

Sortie : 19 septembre 2018. Essai, Peinture & sculpture

livre de Mathias Enard

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Cliché pour cliché. Venise ? Les masques, Vivaldi, Tiepolo, la musique et la peinture. J'ai un Concert baroque qui m'attend. Énard, énarque-conservateur du grand musée de l'Europe où le vernis craquelé a emprisonné, dans son mille-feuilles de couches, les vieilles poussières.


« Venise est une magnifique sorcière, un doux poison, une flûte mortelle, la patrie des mensonges et du commerce, des raisins de Corfou, des soieries, du marché du Rialto, des bateaux qu'on voit décharger sur la Riva, des palais et des richesses, des épices, des soldats, des territoires lointains, des intrigues, des pleurs ; Venise du théâtre, de la peinture, de la musique et du danger, des masques et des capes ; Venise des condottieri et de la douane. Venise érotique et religieuse, ouverte et fermée, secrète et puissante, maîtresse des mers, des galères et des caravelles ; Venise de Raguse à Constantinople ; Venise des fondachi et du ghetto, Venise de la bauta, du Bucentaure et de la grâce. »

Deux ou trois choses dont je suis sûre
8.3

Deux ou trois choses dont je suis sûre (1995)

Two or Three Things I Know for Sure

Sortie : 2021 (France). Récit, Biographie

livre de Dorothy Allison

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Let Us Now Praise Famous Women. Le Bruit et la Fureur.

« C'est ça, la sale histoire. C'est ça, le mensonge que je me suis raconté pendant des années, et ce n'est que quand j'ai commencé à fabriquer des histoires sur le papier que j'ai réussi à démêler tout ça, à voir où s'arrêtait le mensonge et où subsistait une vie brisée. Mais ce n'est pas comme ça que je suis censée en parler. Je suis seulement censée raconter une histoire à la fois, une seule histoire. Tous les cours d'écriture dont j'ai entendu parler disent la même chose. Prenez une histoire, suivez-la jusqu'au bout, début, milieu, fin. Je ne fais pas ça. Jamais.
Derrière l'histoire que je raconte se trouve celle que je tais.
Derrière l'histoire que vous écoutez se trouve celle que j'aimerais pouvoir vous faire entendre.
Derrière mon col soigneusement boutonné se trouve ma nudité, la lutte pour trouver des vêtements propres, de la nourriture, du sens et de l'argent. Derrière le sexe se trouve la rage, derrière la colère se troue l'amour, derrière cet instant se trouve le silence, des années de silence. »

La Secte maudite
7.7

La Secte maudite (2001)

L'Assassin royal, tome 8

Fool's Errand

Sortie : 9 mars 2003 (France). Roman, Fantasy

livre de Robin Hobb (Megan Lindholm)

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Suivant en parallèle les séries La Roue du Temps et The Witcher, je lui en sais gré de ne pas fonder son world-building sur l'invention de mots sortis du chapeau ou de concepts convulés. Toujours aussi lent, Fitz toujours dans les circonvolutions : c'est le sel, la menthe poivrée.


« Plus j'étudiais les récits d'autres auteurs, écrits comme oraux, plus il me semblait que ce genre d'entreprise ne vise pas à préserver le savoir, mais à figer le passé dans un état intangible. Comme lorsqu’on aplatit une fleur dans un herbier et qu'on la laisse sécher, nous tentons d'immobiliser ce que nous avons vécu pour pouvoir dire : " voici exactement comment était la situation quand j'en ai été témoin." Mais, à l'instar de la fleur, le passé ainsi fixé n'est plus le passé; il perd son parfum et sa vitalité, sa délicatesse devient friabilité et ses couleurs s'estompent. Et, quand on rouvre l'herbier, on s'aperçoit que la fleur n'est plus du tout celle qu'on voulait capturer, que l'instant qu'on cherchait à retenir s'est enfui à jamais. »

Le Livre du rire et de l'oubli
7.4

Le Livre du rire et de l'oubli (1978)

Kniha smíchu a zapomnění

Sortie : 1979 (France). Roman

livre de Milan Kundera

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

« Tout ce livre est un roman en forme de variations. Les différentes parties se suivent comme les différentes étapes d’un voyage qui conduit à l’intérieur d’un thème, à l’intérieur d’une pensée, à l’intérieur d’une seule et unique situation dont la compréhension se perd pour moi dans l’immensité. »

Il y a des auteurs comme ça qui ne vous attirent pas le moins du monde. Leur nom, les titres de leurs romans, leur tête même : non, ça ne vous dit vraiment rien, c'est pas pour vous vous dites vous avec une politesse feinte et le dédain fort mal placé de croire connaître l'œuvre. Kundera ? Des histoires d'amour sur fond de Communisme, une guinguette sirupeuse et un brin méchante !
Pis un jour comme ça, ça vous prend comme une envie de pisser, presque uniquement pour confirmer cette vision caricaturée par les lecteurs, les critiques, de cet auteur.
Parfois, coup de bol, on s'ouvre à une œuvre. (J'ai ainsi Modiano et son Paris impressionniste de souvenirs qui attendent, fébriles).

L'ironie mais sans grands coups ni trompettes, en sourdine, pincée.
Pincée aussi l'écriture, sèche, froide, distante, encore une fois, le refus du lyrisme au cœur de tout ce qui y invite pourtant, malgré la lubricité vite redondante, et qui n'empêche pas, tout au contraire, une certaine sensibilité, une certaine forme finesse. En fait, j'avais hâte que les parties romanesques se finissent pour revenir aux fragments d'essais.
Le Livre du rire et de l'oubli aura parlé à ma tête, guère à mon cœur, encore moins à mes tripes ou à mes couilles.

Je reste donc méfiant vis-à-vis de ses autres romans.


« À une époque où l’Histoire cheminait encore lentement, ses événements peu nombreux s’inscrivaient aisément dans la mémoire et tissaient une toile de fond connue de tous devant laquelle la vie privée déroulait le spectacle captivant de ses aventures. Aujourd’hui, le temps avance à grands pas. L’événement historique, oublié en une nuit, scintille dès le lendemain de la rosée du nouveau et n’est donc plus une toile de fond dans le récit du narrateur, mais une surprenante Aventure qui se joue sur l’arrière-plan de la trop familière banalité de la vie privée. »

Rester vivant
7.1

Rester vivant (1991)

et autres textes

Sortie : 1991 (France). Essai

livre de Michel Houellebecq

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Énième J'aimerais beaucoup aimer tel auteur. Ou de ces auteurs qui me résistent, avant de finir par les apprivoiser si ce n'est les apprécier. On le sait, Houellebecq sonde toute la panoplie, éclatante ou insidieuse, du mal-être contemporain, trace en machonnant les modalités de la misère sociale qui se fractalise (se sacralise) sans cesse dans les moindres replis du quotidien. On oublie souvent que Houellebecq est avant tout un déçu, un déçu du romantisme mais qu'il ne cesse de tenter de ressortir du tombeau ; puant, Philoctète du lyrisme, à l'image de sa poésie faisandée, ridicule ; de s'élancer dans le ciel (cette image des angelots à la Raphaël qui sont sur son épaule alors qu'il se tripote devant son PC, renvoyés à une masse grise, informe, proche sans le dire du foutre qu'il éjacule). Mais ce dolorisme, ces aphorismes qui tournent au vinaigre et court, finissent par m'ennuyer en tant que lecteur. Toujours est-il que je me demande à quoi pourra bien ressembler le successeur, Houellebecq 2.0, non plus le Minitel mais TikTok.

Pazuzu

Pazuzu (2013)

Sortie : 23 janvier 2013. Policier

livre de Marc Villard

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Pasgégé

L'Apprenti
7.6

L'Apprenti (1946)

Sortie : 1946 (France). Roman

livre de Raymond Guérin

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

À son époque, on a beaucoup comparé ce livre à Céline. J'irai plutôt du coté de Calet, son grand ami. Peut-être qu'à parler de guerre, d'Amérique, de colonialisme et non, sur des centaines de pages d'histoires de branlettes d'un voyeur raté, Céline a plus de portée. Pourtant ce simili-Céline tourne vite au bruit blanc, monotone, dressant par le menu et à l'envi cette vie molle, bercée par la faillite et la soumission normale, admise. Un livre du creux de la vague qui ne vise jamais les hauts (Guérin ne tente pas non plus les pointes stylistiques d'un Gadenne). Cruel et donc sans fard, longuet et redondant, les pages se tournent sans fin comme une rouelle qui fait grincer les dents tandis que Guérin désaxe les corps, défalque les rêves. L'Étranger, à la ville, loin de sa Portville, étranger à sa vie, aux autres. Le seul (plus que le solitaire) Rêveries du masturbateur solitaire ; acrimonieux.
Je me demande surtout si Houellebecq a lu cet Apprenti.


Je m'y suis ennuyé, j'ai pourtant mille extraits annotés... paradoxe.

« Une vie plus légère, plus nerveuse, s’insinuait. Chacun allait d’un cœur neuf vers ses intrigues, vers ses solitudes ou vers un être. Les lèvres préparaient déjà les mots qu’elles allaient dire ou retenir, les baisers qu’elles allaient rendre ou donner. Comme Monsieur Hermès enviait tout cela »

La Dame de Syros

La Dame de Syros (2013)

Sortie : 23 janvier 2013. Poésie

livre de Vénus Khoury-Ghata

Nushku a mis 4/10.

Annotation :

Suffit-il de supprimer toute ponctuation et d'abuser du sacro-saint retour à la ligne pour faire d'un texte plat et fade de la poésie ? Pourtant ces idoles blanches, telles qu'on les appelle (les Grecs peindront leurs statues de couleurs vives — assez vives pour que l'on le leur refuse d'ailleurs encore des millénaires après — un peu plus tard), même si l'on ne sait guère à quoi elles servaient (la notice évoque fatalement le fameux culte de la déesse-mère que Testart réfutait : j'affectionne l'idée qu'il puisse s'agir tout bêtement de beaux objets inutiles) demandent finesse, délicatesse travail sur la forme pour qu'aucun mot ne semble inutile. Avec un glissement diffus vers le sculpteur violeur, voleur de liberté, l'archéologue impudique. Bof. Je reste donc avec Loránd Gáspár.

Sur la route d'Aldébaran
6.6

Sur la route d'Aldébaran (2019)

Walking to Aldebaran

Sortie : 2021 (France). Nouvelle, Science-fiction

livre de Adrian Tchaikovsky

Nushku a mis 4/10.

Annotation :

Alien étant l'un de mes films préférés et Rama l'un de mes premiers souvenirs de lecture de SF, foutez-moi des bestioles bizarres dans des couloirs sombres d'un caveau qui flotte dans l'espace et je suis accroché. Classique en diable mais c'est dans les vieux BDO que l'on fait les meilleures xénosoupes, non ?

Je pensais dévorer, j'ai ramé.

Je suis en effet très peu client de ce genre de narrateur badin qui fait sans cesse le malin, donne des coups de coude au lecteur 'Hey toi aussi t'es malin hein', multiplie les références mais toujours les mêmes. J'entends bien qu'il faille parler à son public le plus large mais j'aimerais parfois avoir des surprises autres que le Kansas de Dorothy, trope à lui-tout seul, DW ou ST ou Prometheus, ah ces cons ! Je sais que certains en raffolennt ! Guère moi...

J'entends bien aussi qu'il s'agit pour le protagoniste d'une mise à distance afin de conserver sa santé mentale mais ça reste, in fine, un choix de l'auteur qui cherche la punchline et la ref' meta, trop souvent une façon d'excuser le cliché. C'est comme pour tout une histoire d'équilibre, soi trop avec des ratés qui désamorcent toute tension, soit pas assez et la chose dénote par petits grumeaux. En l'occurrence, pour mon compte, c'est trop et j'ai trouvé ça vite lourd, bourrin, pataud, sans finesse, et comme souvent pas aussi malin que voulu (oui oui j'ai les références convoquées, là n'est pas le souci), et ça m'a éjecté du récit. Toto, tg stp.
J'aime l'humour noir mais cela ne me semble guère en être. Ce type d'humour, pas si éloigné des Marvel récents, me semble surtout être une doublé mise en scène de l'auteur et de son lecteur, une confirmation satisfaisante de leur maîtrise mutuelle des codes d'un genre, de connivence un peu délétère, a mon sens stérile.

Surtout, pour ma part, j'ai attendu mais pas trouvé, malgré la fin, l'inflation, la déchirure qui béé sur le Sense of Wonder. J'ai au contraire trouvé que le texte se ratatinait, traînassant vers son trou de souris.

Je dois donc admettre que ça remet en question mon envie de lire Dans la toile du temps.

PS : J'aurais, par ailleurs, bien aimé une couverture de Manchu avec le Dieu-Grenouille en orbite d'une exoplanète ratissée de lumières plutôt que ce quelconque tunnel céleste à la G. Doré sous brush fractale.


Le Désir comme aventure

Le Désir comme aventure (2021)

Sortie : 25 août 2021. Essai, Peinture & sculpture

livre de Yannick Haenel

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Emberlificoté. Emberlifacôté.

« J’aime passionnément la peinture. Elle m’attire, m’électrise, me comble. Il faudrait tout un roman pour raconter ce qui se produit entre elle et moi ; et même plusieurs romans, car il s’est passé des choses singulières devant chaque tableau que j’ai aimés, des choses aussi belles que terribles, des choses étincelantes qui n’en finissent pas d’avoir lieu.
L’étincelle qui s’allume entre une œuvre et vous répond à un désir que vous ne connaissiez pas encore. Elle invente ce désir ; elle vous le prodigue. Ce désir en plus, ce plus beau désir qu’une œuvre d’art fait naître en vous, c’est le feu de l’existence. Lorsque vous l’avez rencontré, il ne s’éteint plus : le feu contenu dans la peinture ne cesse de se transmettre à vous comme une vérité secrète.
La peinture vous initie : c’est une aventure complète qui, à chaque fois que vous approchez d’un tableau, dénude votre âme, assouvit votre corps et renouvelle votre esprit.
Je pourrais raconter ma vie à partir des tableaux qui m’ont foudroyé. Ça a commencé un soir d’été avec un Van Gogh, dont je vois l’éclair bleu dans ma tête pour toujours. Ça a continué avec le retable d’Issenheim et le corps du Christ qui se tord dans la nuit du monde. Puis des jeunes filles de Corot, dont le visage doux s’estompe parmi les arbres. Judith tranchant la tête d’Holopherne sur un fond noir du Caravage. Un Bacon qui voulait m’avaler. Une annonciation érotique de Bruno Perramant. Bien d’autres encore, qui composent ma galerie personnelle. »

Air de la solitude
7.7

Air de la solitude (1945)

et autres écrits

Sortie : 1945 (France). Poésie

livre de Gustave Roud

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

« Tu le sais : au centre de ma vie, il y a cette faille, cette transparence, ce suspens indicible sur quoi se fixent, fascinés, mon regard et ma pensée. Un jour, je fus admis vivant à l'éternel. »

[À croire que j'ai une période Suisse. Le ricochet en sous-terrain de l'exposition Modernités Suisses ?]

Ce recueil est plus complet que le choix de textes lu il y a quelques mois. C'est une prose ancrée dans la région du poète, dans ses paysages, différents de ceux d'un Ramuz. Chez Roud, il s'agit surtout des plaines du Moyen Pays, à l'herbe jaune piquetées de faucheurs, figures tutélaires érigées non pas tant en héros musculeux des temps modernes à la Dalou qu'en poètes innés de la vie à la Biéler. Élégie sur les laboureurs parfois un peu laborieuse. Il y a de la pesanteur, certes liquide, que l'on n'attendait pas forcément. Prose froide toujours tiraillée vers le Romantisme Allemand novalien et le tiraillement du silence. En effet, parfois Roud doute, redoute cette voie du silence et le dit sans gêne, s'égare volontairement à partir de citations de Rimbaud, Mallarmé (clarté, cristal encore), le dit et là on pense aux renâclements dont Jaccottet fera sa fleur de givre et de sel.

Quelques fois en lisant je me dis, sur des bouts de phrases qu'ils feraient de jolis titres, qui claquent, mystérieux, interrogent, pour aller remplir ma liste des titres citations d'autres livres : « délices dans le chatoiement à l'infini des nuances de nuances ».


« Ainsi ces longues marches dans le brouillard d'extrême-automne, non le brouillard brutal qui fait de l'univers un ramas d’épaves dans la même seconde apparues et disparues, mais le brouillard à demi brume où les choses, du néant doucement disjointes, revivent un fantôme de vie puis glissent insensiblement vers cette frange de non-être où elles hésitent, où elles sont encore et déjà ne sont plus, ces longues marches où le regard et l'esprit captifs d’un paradis de la douceur s'enivrent de leur propre délicatesse, surmenés de délices dans le chatoiement à l'infini des nuances de nuances — ces marches chaque jour me ramenaient aux lèvres une phrase de Mallarmé, et ce n’était ni l’invocation aux brumes de l’Azur, ni les «chers brouillards» de la Pipe, mais, inexplicablement, la phrase du Coup de Dé stricte, scintillante, aiguë, qui annonce la naissance d’une constellation : »

Le Prophète blanc
7.6

Le Prophète blanc (2001)

L'Assassin royal, tome 7

Fool's Errand

Sortie : 10 mars 2003 (France). Roman, Fantasy

livre de Robin Hobb (Megan Lindholm)

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Dès les premières pages et durant de nombreuses, je retrouve ce qui m'avait plut dans le premier cycle et qui semble gêner tant de lecteurs, et qui était, à mes papilles, absent du cycle des Aventuriers de la mer. Je parle de ce lent focus d'un JE sans éparpillement, presque agraire, rural, champêtre, sur Fitz, ses gestes infimes du quotidien. Oui, en somme des descriptions chiantes, de la répétition, peu d'action. Je regrette même de ne pas avoir plusieurs pages sur la conception de simples, d'encres. L'alternance des points de vue du cycle précédent sacrifiait au suspense l'atmosphère qui s'infuse, la traînée d'un escargot mais traînée d'argent, et les détails qui se distillent, donnant, cette alternance, un faux rythme claudiquant et des révélations (encore plus - ce n'est pas le fort de Hobb) en queue de poison.
Autre pomme de discorde. Les ratiocinations, plus que les atermoiements. Avec les citrons pourris que reçoit Fitz je trouve qu'il en fait une limonade plutôt potable. Sûr, c'est plus facile lorsqu'il s'agit juste de sabrer à tout va. En fin de compte et quitte à blasphémer pour certains le plaisir (et ses limites) est très similaire à celui d'un Jaworski. Dans les deux, d'ailleurs, je regrette parfois l'absence d'architectures, d'urbanité.

Moins convaincu par la façon dont le Fou est métamorphosé et raccommodé pour être essentiel, voire un love interest.

J'apprécie justement que la magie, loin d'éclats ardents, n'y soit qu'infusée, invisible presque, distillée dans les personnes et surtout dans les liens entre eux (quelque chose, somme toute de similaire à du Jaworski, du Damasio, descendances de LeGuin). Devenant drogue dure ou prompte à la vindicte populaire.


« Il se coula dans ma vie avec aisance et y remplit une place dont je ne m’étais pas aperçu qu’elle était vacante ; tant qu’il séjourna chez moi, j’oubliai presque l’absence de Heur, ce qui ne m’empêchait pas de mourir d’envie de lui présenter le brave garçon que mon pupille était devenu et de lui en parler fréquemment. Parfois, le fou me prêtait main-forte pour les travaux d’extérieur, par exemple lorsque je réparai l’enclos de pierres et de rondins ; quand un seul homme suffisait à la tâche, par exemple pour creuser de nouveaux trous afin d’y planter des poteaux, il s’asseyait non loin et me regardait œuvrer. En ces occasions, nos échanges se limitaient à quelques commentaires sur le labeur que j’effectuais ou aux plaisanteries sans méchanceté de deux hommes qui se sont connus dans

Curiosity
6.9

Curiosity (2021)

Sortie : 4 mars 2021. Nouvelle

livre de Sophie Divry

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

• Se glisser dans la peau, gommez... sous la carlingue, en-dessous la carène de Curiosity : Curiosit-e et ses petits circuits intégrés. L'idée n'est pas neuve mais rigolote, surtout quand on suit de loin en loin l'actualité aérospatiale. Mais bonne idée ne fait pas nécessairement bon texte ? Celui-ci est rigoureux et néanmoins drôle, sans donner de grands coups de coudes dans les côtes. Ni trop long ni trop court.

• L'Agrandirox, écrite lors du (d'un) confinement imagine qu'un produit à diluer dans un seau d'eau permet d'agrandir votre bouiboui urbain. Bien entendu, ça dérape. Très Marcel Aymé comme l'explicite l'épigraphe. Très Simak des débuts aussi. Sophie Divry ne pousse pas le bouchon trop loin mais peut-être pas assez non plus, même si un peu plus et c'était trop (nous ne sommes pas dans les écosystèmes autarciques limbesques de Brussolo). Juste ce qu'il faut d'étrange. J'imagine facilement d'autres auteurs tomber dans le tentanculisme lovecraftien un peu facile, un peu trop déjà vu.

En bref, deux textes drôlatiques mais surtout équilibrés, ce n'est pas le plus évident de la forme courte.


« L’amour n’est-il pas affaire de chimie ? Moi, toute la journée, je suis entouré de molécules. Je les manipule souvent avec ma pyrolyse. Dans ma détresse, je leur ai fait un petit coucou. J’ai lancé des likes électromagnétiques vers les perchlorates, l’éthylène, le benzène, le toluène, le thiophène. Mais aucune molécule n’a été excitée d’une quelconque manière. J’avais encore déraillé… Cela dit, on traite les molécules avec beaucoup de condescendance, je trouve. Qu’elles soient incapables de tisser des liens avec un rover ne nous permet pas de conclure qu’elles n’ont pas un langage à elles ni la capacité de penser. Un jour, on apprendra que l’azote est rêveur, la silice capricieuse, qu’elles ont des sentiments et sont capables d’apprentissage. Un jour… Mais je ne serai plus là. »

Le Prince bâtard
7.7

Le Prince bâtard (2013)

Prélude à La Citadelle des ombres

The Willful Princess and the Piebald Prince

Sortie : 6 novembre 2013 (France). Roman

livre de Robin Hobb (Megan Lindholm)

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Court roman très hobbesque et qui se sertit parfaitement dans le style de l'Assassin Royal – que l'on apprécie ou que l'on déteste –, avec ses Loinvoyant vus par l'en-dessous, aux noms si [peu] signifiants, qui traînent leurs robes dans les couloirs de Castelcerf ; ce souci du détail du quotidien. La rumeur qui fait amadou à l'étincelle du Vif est toutefois traitée un peu trop rapidement, comme par inadvertance sur la fin, par rapport aux atermoiements de la servante-amante de la reine.

Quelques parallèles avec l'Ickabog pourraient être justement faits.


« Cuivre Chantciselle vint alors se placer devant les ducs assemblés et le futur roi. Les années avaient discrètement passé entre nous, et il n’avait jamais jugé bon de reconnaître son fils, bien que la ressemblance entre eux fût telle qu’elle ne pouvait échapper à personne. Lui et moi n’avions jamais représenté l’un pour l’autre que quelques ébats dans la nuit, mais il avait pris Cardinal comme apprenti, et, je ne sais pourquoi, j’attendais mieux de lui ; c’est pourquoi je m’étonnai de la peine profonde que j’éprouvai quand il prit son instrument pour jouer une belle mélodie émouvante, puis, de sa voix ravissante et sonore, accompagné de ses doigts habiles sur sa harpe ornée de turquoise et d’opale, égrener le plus noir chapelet de mensonges aux rimes parfaites qu’on eût jamais chanté. Le refrain était exaltant et se gravait dans la mémoire, quatrain sur la pureté de son sang Loinvoyant qui battait dans ses veines lorsque Habile, accomplissant son devoir, avait tué le sorcier des bêtes qui s’était emparé du trône des Six-Duchés. »

L'Ickabog
6.6

L'Ickabog (2020)

The Ickabog

Sortie : 12 novembre 2020 (France). Conte, Roman, Jeunesse

livre de J. K. Rowling

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Alors c'est l'histoire du président Bush, de ses conseillers, de Powell et de fausses preuves pour aller faire la guer... La rumeur comme traînée de poudre, les dégâts insidieux et possiblement exponentiels des fakes news... que d'à propos dites-donc ! Ça débute tel un conte lambda avec son phrasé typique, sans fluidité, qui veut renouer avec les premiers chapitres de sa saga phare ; peu à peu dévoyé par ce complot ourdi à quatre mains et la réalité qui s'impose. Même si tout cela n'est guère poussé jusqu'au bout ni avec beaucoup de finesse. Puisque Rowling oblige, les coïncidences dans un pays petit comme un mouchoir de poches se multiplient et deux personnages exilés ne peuvent que se croiser au moment le plus opportun tandis que le gros ne pense qu'à se goinfrer. In fine, la bonté et l'optimisme virent à la mièvrerie pour un revirement superfétatoire.

Je verrais bien une adaptation animée par Sergio Pablos et son studio, réalisateur de Klaus, avec sa fausse 3D très vive pour cet univers d'abondance coloré, rappelant un peu Le Roi et l'Oiseau ou les travaux de Jean-François Laguionie, notamment son dernier, le Tableau. Plus probable et aussi intéressant, reprendre le style marionnettes du segment du conte des trois reliques de la mort des films Harry Potter.
J'imagine aussi une version en bande dessinée, notamment par le très chouette dessinateur et illustrateur Frédéric Pillot, habitué des contes, des châteaux de pierres, des forêts épaisses et des chemins à parcourir. C'est un peu comme ça que j'ai imaginé la ville, sa citadelle, son château, ses habitants.



« Peut-être pensez-vous ne pas aimer les champignons, mais je vous promets que si vous goûtiez les crémeuses soupes aux champignons d’Ickaby, vous les adoreriez pour toute la vie. Kurdsburg et Baronstown développèrent de nouvelles recettes à base de ces champignons. »

« Avec une mine de vieux renard rusé guettant un terrier de lapin à l’heure du dîner, Chevronnet, qui avait toujours déploré l’influence de Crachinay et de Flapoon sur le roi, laissa le lord finir sa farandole de fariboles.

– Quelle fascinante histoire, commenta-t-il quand le lord eut terminé. Mais je vous déclare à présent déchargé de toute responsabilité en la matière, Lord Crachinay. Les conseillers prendront la relève. Il existe des lois et des protocoles en Cornucopia pour faire face à de telles urgences. »

La Puissance et la Guerre
7.7

La Puissance et la Guerre (1997)

1661-1715 : Nouvelle histoire de la France moderne, tome 4

Sortie : 14 octobre 1997. Essai, Histoire

livre de François Lebrun

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Cette collection a les défauts de ses qualités. Dense : en à peine 250 pages elle ne peut que survoler - Les guerres y durent une page et demi ! refusant l'Histoire glamour à la France 2 tournée vers la biographie et les petits secrets des Grands Hommes — le folklore de la cour est évoqué en trois lignes, Fouquet y dure une demi-page ! elle manque parfois de chair, voire de romanesque ; Histoire universitaire, le texte est parfois fastidieux lors des exposés agraires, démographiques, économiques ; si elle propose des cartes — chose mine de rien pas si fréquente —, elle manque d'arbres et d'iconographie alors qu'il me semble pertinent de pouvoir associer des peintures d'Histoire, portraits, tapisseries, et mobilier sur ces événements, cette effervescence. Thématique, l’événementiel pur se trouble. Ainsi Colbert meurt puis donne des ordres, la chronologie se gausse. Comme les trois opus précédents, je ne crois donc pas en retenir grand chose, juste réviser ?


« À cet égard, la visite solennelle que Louis XIV fait à l’Observatoire, le 1er mai 1682, a valeur de symbole. Le roi, accompagné de toute la cour, se fait longuement présenter par Cassini et Picard les lunettes astronomiques, les pendules, les dessins de la lune, le puits pour l’observation des étoiles verticales, la grande salle, la terrasse. Tableaux et gravures répercutent l’événement, saluant dans le roi le protecteur des sciences. »

Les Eaux troubles du mojito
6.2

Les Eaux troubles du mojito (2015)

Et autres belles raisons d'habiter sur terre

Sortie : 20 août 2015. Récit

livre de Philippe Delerm

Nushku a mis 2/10.

Annotation :

Tous ces petits plaisirs infimes mais infiniment plaisants que l'on ne saurait plus voir, hein ? Les marronniers. La vie est belle chez Derlem. Oisive dans les parcs Rive gauche, indolente dans les maisons de campagne avec cheminée sur bocage, rêveuse après les chaleureux diners et les belles soirées avinées. Encore faut-il être occidental, aisé, citadin mais pouvant rentrer en Normandie pour les confinements.

Poils

Poils (2014)

Sortie : 23 octobre 2014. Essai, Culture & société, Peinture & sculpture

livre de Marie-France Auzepy

Nushku a mis 3/10.

Annotation :

Le genre de petit livre inconnu au bataillon, chez un éditeur inconnu (presque amateur) qui nous passent entre les mains par hasard des fonds qui nous sont accessibles : oh, le sujet nous intéresse, nous est même déjà un peu familier par des chemins de traverse (tout se croise, se recoupe) et c'est court : nous ne nous risquons à pas grand chose. Quitte à ne rien gagner.

Texte ratatiné de son Histoire du poil avec Joël Cornette, j'imagine ? Texte qui brasse large en 25 pages et ne traite donc de rien, devant assimiler poils et cheveux, de toutes couleurs, avec en style soit le quelconque de l'essai vulgarisateur bas de gamme soit un familier déplacé et un peu ridicule. Car évidemment, il ne faut pas se placer qu'en historienne (byzantiniste), mais aussi en tout un tas d'autres trucs qui n'apportent rien tant la sélection proposée est classique et leurs commentaires dans les clous, au ras.

Penser la Révolution Française
6.8

Penser la Révolution Française (1978)

Sortie : 1978 (France). Culture & société

livre de François Furet

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Je n'ai pas toutes les billes ni les outils pour offrir un semblant de regard critique. Mon Tocqueville se fait lointain. Mais c'est terriblement accrocheur ces cartes rebattues, ces cibles changées, ce tracé hors de sillons déjà trop labourés comme par réflexe. Furet, passé l'acide, propose quelques pas en arrière. Ceci tout en restant sérieux, entendons scolaire et argumenté et non juste hors pour être hors.

Des lignes sur le complot qui rappellent une certaine actualité.


« Comme Marx l’a bien vu, dans ses œuvres de jeunesse, la Révolution incarne l’illusion de la politique : elle transforme du subi en conscient. Elle inaugure un monde où tout changement social est imputable à des forces connues, répertoriées, vivantes ; comme la pensée mythique, elle investit l’univers objectif de volontés subjectives, c’est-à-dire, comme on voudra, de responsables ou de boucs émissaires. »

« Au fond, il y a deux manières de ne rien comprendre au personnage historique de Robespierre, c’est de détester l’individu, ou au contraire de vouloir trop en faire. Bien sûr, il est absurde de faire de l’avocat d’Arras un monstre d’usurpation, de cet homme de cabinet un démagogue, de ce modéré un sanguinaire, de ce démocrate un dictateur. Mais qu’explique-t-on de son destin quand on a prouvé qu’il était bien l’incorruptible ? Le contresens commun aux deux écoles vient de ce qu’on attribue aux traits psychologiques de l’homme le rôle historique où les événements l’ont porté et le langage qu’ils lui ont prêté. Ce qui fait de Robespierre une figure immortelle, ce n’est pas qu’il a régné quelques mois sur la Révolution ; c’est que la Révolution parle à travers lui son discours le plus tragique et le plus pur. »

Épigénétique et mémoire cellulaire

Épigénétique et mémoire cellulaire (2012)

Sortie : 13 décembre 2012. Essai, Sciences

livre de Edith Heard

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Je n'ai pas les bases. Je ne crois toujours pas avoir bien saisi ce qu'était précisément l'épigénétique et ce que ça recouvrait précisément. C'est un mot que l'on voit pourtant fleurir et pulluler un peu partout et encore plus depuis 2012, date de cette leçon inaugurale, autant sur les grands sites de vulgarisation scientifique que sur les couvertures de magazines plus généralistes pour ne pas dire racoleurs. « Comment l'épigénétique va changer votre vie » titre un livre de 2018...


« La "popularité" de l’épigénétique, liée à l’intérêt croissant que lui portent les médias, n’est pas sans danger. Elle mélange les données scientifiques avérées aux informations les plus fantaisistes. Cette confusion est très préjudiciable aux progrès des connaissances. Fort heureusement, les recherches dans ce domaine progressent à un rythme saisissant. Elles devraient permettre de clarifier ces notions dans les années à venir.

Cette chaire me confère la responsabilité de communiquer de façon claire et précise sur les recherches et les concepts qui fondent ce champ scientifique émergent. Cela, tout en montrant les espoirs et les craintes que peuvent susciter ces études. Le défi est d’autant plus grand que, comme nous l’avons vu, le sens du terme épigénétique ne cesse d’évoluer.  »

La Magie du livre

La Magie du livre (2016)

Pourquoi fabriquons-nous des livres ?

Sortie : 7 septembre 2016. Essai, Littérature & linguistique

livre de Jacques-Christian Bailly

Nushku a mis 3/10.

Annotation :

Mauvaise pioche ! C'est en fait une conférence pour petiots façon rencontre dans une médiathèque de province trop chauffée. Cela excuse-t-il le ton neuneu dont on imagine le phrase ralenti et les images bateaux ? « Nous embarquons dans un livre comme sur un bateau », pis le livre comme réalité plus augmentée que ces nouvelles technologies (ma bonne dame). Étonnant de voir tous ces écrivains et penseur se coller à l'exercice : https://www.bayard-editions.com/religions-et-sciences-humaines/collection/les-petites-conferences

L'Amour des trois soeurs Piale
7.8

L'Amour des trois soeurs Piale (1997)

Sortie : 15 août 1997. Roman

livre de Richard Millet

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

« Et il pouvait les imaginer, ces premiers malheurs comme ces premières joies, tandis qu’elle remontait par la parole, avec une précision de grande solitaire, de vraie remâcheuse de mots, de maîtresse pinailleuse, les pierres ébouillées de ce qui n’existait plus »

Les Âmes fortes. Siom, Siom ! Je vous épargne l'inévitable refrain sur le plateau comme centre géométrique de trois auteurs, frères siamois pourtant si dissemblables. Envouté, plus que charmé, donc par son écriture bien que répétitive, bien que moins grandiosement tragique que les Pythre. Ce livre, c'est la mare de Vallotton, à l'ombre d'un bosquet trop obscur. Je fais un petit saut de caprin, Millet a le don pour résumer en quelque ligne le ratage d'une vie à la façon d'un Maupassant ou d'un Renard. D'autres, on le sait, ont donné des auréoles et des palmes de martyre à leurs personnages. Millet préfère parler de leurs aréoles. Planté les deux pieds dans la chair (comme le Barbe bleu de Huysmans s'asseyant dans le ventre de ses victimes en quelque sorte).

Je repense à ce tableau de Vallotton, la mare aux lentilles d'un vert glacé qui semble aspirer le bleu du ciel précipitant la nuit dans ce trou noir si bien, trop parfaitement, délimité par les lentilles d'eau. Millet, l'écrivain et non le peintre normand, y rajouterait sans peine son motif de l'incendie aqueux, de la flamme sur l'eau, comme sortie de l'onde même pour tendre de grandes ombres rectiligne.


« Et il pouvait les imaginer, ces premiers malheurs comme ces premières joies, tandis qu’elle remontait par la parole, avec une précision de grande solitaire, de vraie remâcheuse de mots, de maîtresse pinailleuse, les pierres ébouillées de ce qui n’existait plus : [...] »

Danse macabre
7.4

Danse macabre (1978)

Night Shift

Sortie : 1980 (France). Recueil de nouvelles, Fantastique

livre de Stephen King / Richard Bachman

Nushku a mis 4/10.

Annotation :

J'envie les fans de SK.

Réellement.

C'est tout un univers à explorer, où rester bâtir son petit lopin d'imaginaire. Le long de la colonne vertébrale qu'est devenue la Tour sombre viennent se tendre les muscles des grands romans et se développer les nerfs des nouvelles, tirer les tendons des essais, couler le gras, j'imagine pour certains, des romans plus récents ou des innombrables adaptations (dont je suis étrangement très friand). Ce premier recueil condense le King des années 70 finissantes, avant certains de ses plus gros succès : anatomie populaire des États-Unis !

Généralement, je lis les recueils de nouvelles plutôt vite, allez une dernière pour la route ! À rebours, j'aurai lu les nouvelles pourtant courtes de cette Danse en plusieurs fois... il y a quelque chose de haché dans ce premier King et, sous le divers, de répétitif. Je ne partage pas sa passion pour les tracteurs, les noms des rues ou le prix des bricoles. Surtout, une bonne nouvelle doit me laisser un peu essoufflé et la chute de faire son petit bonhomme de chemin dans ma caboche, y laisser son empreinte, parfois pour des décennies.

Dans le cas présent, aussitôt lu, aussitôt dissous.

Les Fastes

Les Fastes (2009)

Sortie : 18 juin 2009. Essai, Beau livre & artbook, Peinture & sculpture

livre de Jean-Paul Marcheschi et Jacques Roubaud

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

« La bouillaque des suies fascine de désir »

Artiste (pas si) méconnu dont les Toulousains ont pu arpenter le contre-ciel brûlé dans le métro. Peinture tout feu, tout flamme, faite au dripping incandescent, à la cire fondue, à la suie, au noir de fumée comme l'on disait avant. Nous sont présentées les cendres, les braises de cette violence originelle, portée par tous comme les éclaireurs de la nouvelle de Stevenson. Les Fastes, ce sont ceux d'Ovide : qui convoquerait a priori d'avantage le vert, le vent, l'eau, le cristal de roche. Le travail de Jean-Paul Marscheschi est au point de rencontre entre ceux de Kiefer, Aubertin, Boltanski, Soulages.

As usual, le texte explicatif me paraît très amphigourique (comme moi, certes).

Roubaud (dont je n'ai pas encore lu son Quelque chose noir) profite de cette exposition à Nemours pour poétiser en collant un peu trop aux œuvres présentées et dans l'évidence des mots et des moyens. C'est cette poésie du début de la seconde moitié du XXe siècle qui me laisse souvent de marbre : minimaliste, répétitive, formaliste, décharnée dans le blanc, enfin ici prise dans des contraintes un peu gratuites. Lac, lac, lac.


« Toiles dévorées
Par la nuit
Que ronfle une étoile »

« Soir, ou bien c’est la lampe
Qui conclut dans toutes directions du feu.
À se retrouver grise de vitres, peine à la flamme
Sa mémoire, d’où ses impuretés, ses poussières que la lumière
Révèle, sa lassitude que le noir
Borne. Les clartés sont les objets du temps, les obscurités ses flèches tremble-bougies. »

« La bouillaque des suies fascine de désir
Déplorable le pur évadé de la terre

Tout l’infiniment grand pulvérule en poussières
D’Infiniment petits animalcules ruines,
Ratures, repentirs, taches, fétiches : signes »

Les Épées
7

Les Épées (1948)

Sortie : 30 août 1948. Roman

livre de Roger Nimier

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Je m'entête.

Dans un tout autre style, Larbaud me fait le même effet mi-figue mi-raisin. Alors, je souhaiterais y prendre un plaisir infini à ce prime-saut promis, la rapidité nonchalante. Ouais bien bien y a des phrases qui claquent faut dire mais à quel propos ? Je n'y trouve surtout que de la hargne renfermée, de la violence poseuse, fière à bras, des amourettes un peu tièdes, souvent glauques. En somme des personnages qui me sont, au nom du flou et du malaise, de l'impartagé, tout de go antipathiques et ne m'ont pas l'attraction des anti-héros, juste des petits cons. Un article décrit bien le malaise à la lecture : « Réactionnaire capable de froisser les lecteurs de gauche et de droite, élitiste méprisant les collectivités sous toutes leurs formes, Nimier rend malaisée une lecture politique des Épées. À quelle distance Sanders se situe-t-il de Nimier ? Comment interpréter les constats ou opinions, souvent contredits ailleurs dans le texte, et articulés dans ce ton si particulier à Nimier, péremptoire et persifleur, alternant entre dédain et autodérision ? » Nimier et son alterego Sanders ont raté de peu d'être à la queuleuleu de Rimbaud, Laforgue, Crevel.


« Cette circonstance enivrera tous les amateurs de nouveauté. Et j’ai adoré la nouveauté jusqu’au jour où je me suis aperçu qu’on ne peut l’aimer sans un corps d’esclave. Or, je déteste l’esclavage et la volupté que j’arrive à prendre dans les trahisons ne doit pas être confondue avec la faiblesse. Simplement, j’adore la fin du monde. Les trahisons, le scandale, la lâcheté parfois, nous aident à penser que la fin du monde viendra. Tout cela va très bien ensemble. Les amoureux de la vie sont à genoux. Ils ont inventé le temps, le plaisir, les héritages et les traités de paix. Des personnages différents ont refusé cette méthode, ils voudraient bien ouvrir le temps comme on opère un blessé, se guérir du plaisir par le malheur ; ou le bonheur ; ou l’indifférence. Leur indolence est leur passion. »

La Vie meurtrière
6.7

La Vie meurtrière

Sortie : 1927 (France). Roman

livre de Félix Vallotton

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Certains peintres écrivent. On lit encore leurs journaux, manifestes, lettres aux frères, cours donnés à Weimar. Écrivent-ils de la fiction ? Il y a Fromentin, Redon et, je crois, pas beaucoup d'autres... Dès lors, doit-on s'attendre un peu bêtement à ce que la plume soit un reflet homothétique, sous l'effet d'un pantographe — à la limite une anamorphose — du pinceau ? L'écriture de Vallotton dont on sous-estime la puissance serait alors ce feu froid rentré à gros blocs monolithiques.
Partant, je n'ai pas pu m'empêcher de rechercher sa peinture, ses squares et leurs joueurs, ses chambres à la Munch et leurs chaises vides, ses salons et leurs redingotes noires et leurs robes écarlates, ses bosquets, dans cette lecture, à petits coups de notations sur la lumière et de didascalies sur les ombres. "Lambeaux dorés...". Probablement pas la meilleure des choses à faire même si j'ai trouvé.

« La lampe, sur ces choses éparses, versait une lueur pacifique et d'apaisement ; la soie luisait, et de grands pans d'ombre en soulignaient les modelés. Un frisson me prit à voir certains reliefs tendus comme des seins, puis, brusquement, j'eus la vision très nette qu'ainsi, aux lendemains de crimes, s'offrent les chambres d'assassinés. »

Vallotton écrit plutôt bien. À la Maupassant, dans un style charpenté mais vif, trempé d'acide aux senteurs d'armagnac et de fumée. Il faudrait, soit dit au passage, souffler à Folio l'idée utiliser les peintures de l'un pour illustrer les couvertures de l'autre, plutôt que les flasques Impressionnistes ou depuis quelques temps Bonnard & cie.

Hélas ! Comme toujours avec la littérature XIXe — Vallotton l'écrivain y est encore de plein pied —, dès que la nana débarque et que le protagoniste devient un goujat obsédé dans tous les sens du terme, je m'ennuie. Quand bien même on n'y meurt pas d'amour mais de la chtouille ! J'ai amplement préféré le prologue, pittoresque comme du Daudet ou la tout aussi folklorique et familière description du Paris truffé ras la coupe d'artistes.

« Après beaucoup d’indécisions, je choisis celui de la Sensualité exprimée par le trait. J’avais observé, au cours de maintes discussions, que les peintres et même les sculpteurs semblaient dénier à la ligne toute valeur autre qu’évocatrice de silhouettes, architecturale par conséquent. Selon eux, la couleur, en donnant aux objets ou êtres représentés leur qualité de substance et leur pulpe, avait seule pouvoir d’éveiller le désir des sens. Comme si le fléchissement d’u

The Art and Science of Ernst Haeckel
8.2

The Art and Science of Ernst Haeckel (2017)

Sortie : 25 octobre 2017 (Allemagne). Beau livre, Essai, Sciences

livre de Julia Voss et Rainer Willmann

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

{Lu dans sa version française, petit format}

Comme d'habitude je ne note pas l'artiste même mais surtout le livre, sa réalisation, sa mise en page, son texte. Haeckel ? ce serait bien entendu un 9.9 ou presque. Planches mais c'est de la peinture au scalpel.

Le texte et l'édition ? 6 voire moins. Beaucoup de glose sur la vie du scientifique qui bien que le mentionnant tente de glisser sous le tapis, pour ne pas dire minimiser, son racisme et ses fraudes.
Zéro pointé itou pour la vulgarisation, d'une part sur la science proprement dite de ce bestiaire hétéroclite où d'une planche à l'autre on passe de micro-organismes microcosmiques à des colonies de méduses longues de plusieurs mètres. Dès que l'on parle taxon et phylogénétique, le lecteur est totalement perdu. Et d'autre part, par-dessus ça, le méli-mélo de l'évolution des idées en la matière, des erreurs et des imprécisions de Haeckel. Je n'en ressors pas plus éclairé. Méduses, siphonophores en colonies, radiolaires, diatomées, etc. rien pigé, peu bité.

Feu
6.9

Feu (2021)

Sortie : 18 août 2021. Roman

livre de Maria Pourchet

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Le fond de FEU était peu apte à m'emporter même si cette histoire rabattue de passion (non d'amour) impossible, toxique, dévorante évoquera à chacun des échos plus ou moins à vif.

Il y a cette écriture abrasive et brusque bien que prise, encore une fois, du moins, dans le premier tiers du livre, dans cette gangue qui détaille par le menu... tout ! le menu des restaurants, prix, matériaux des couloirs, sol, meubles et marques qui constellent l'entourage à portée de main de ces protagonistes et leur font comme une auréole, une aura trop bien dessinée, fractale, comme si la littérature actuelle ne pouvait que se faire dans le sillon premier degré des Choses de Perec et d'Ellis.

Il faut attendre un peu que cette mandorle s'évapore pour entrer dans le vif du sujet, toucher le nerf de la dent. Récit cru pour précision cruelle et sèche sous le bleu des néons. Des paillettes de mica dans l'argile. C'est joli mais ça coupe.


« Fragile, collante, tu fends sans t’arrêter deux cents mètres de val d’Orcia. La lumière de Toscane qui blanchit les oliviers, qui sépare l’air de l’or et du vert, qui se confond avec l’histoire de la peinture, désormais t’indiffère. Tu n’es rien d’autre que l’espace creusé par sa main, tu marches avec, tu penses autour et à rien. À acheter de l’Aperol, de l’eau gazeuse, et des tomates. Tu diras que l’épicerie était fermée, tu auras dû marcher jusqu’à Pienza et retour. Tu dis chaque jour moins de vérités, bientôt tu n’en diras plus aucune. Tu vivras de mensonges et d’illusions comme les grands hommes.

Quand tu aperçois la maison, tu n’as pas encore retrouvé tout à fait ton âge, tout à fait ta forme. »

Nushku

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