Cover Carnet de Curiosités : Lectures 2024
Liste de

140 livres

créée il y a 12 mois · modifiée il y a 2 jours
Le Voyage de Hollande
8.3

Le Voyage de Hollande (1964)

et autres poèmes

Sortie : 1964 (France). Poésie

livre de Louis Aragon

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Pourquoi ai-je toujours du mal à finir les préfaces de recueils de poèmes ? Parce que j'ai du mal a m'enthousiasmer comme les préfaciers qui ne se gênent pas pour marquer leur admiration ? à incruster des vers, ils perdent de leur beauté ainsi divulguachés en cabochons ? En raison du déséquilibre entre ce qu'ils annoncent, promettent, et ce qui sera lu ?

Relire les poèmes à Elsa ? Elsa ça, Elsa ci. Aragon, ce canard.

« Ce ciel intérieur d’oiseaux et de comètes »

« Nous appellerons Hollande
Ce pays de contrebande
Entre la pluie et le vent
Comme un moment de césure
Dans la voix et la mesure
Entre l’après et l’avant »

*

« J’aime ce chant inachevé ce petit cheval des prés
Qui s’arrête à la première barrière blanche
Ce prélude sans poursuite cet
Arpège et plus rien que le ciel
Une panique de nuées
J’aime ce chant qui ne sera ni vers ni musique
Cette ébauche à peine bleuie à peine
Éblouie
J’aime ce chant qui n’est préfiguration que de soi-même
Et s’épouvante d’être avant naître
Ce chant »

« Je t’invente un pays qui ne soit que de nous
À tes pas des oiseaux s’y lèvent dans un parc
Où pareil au dieu Temps sans sa barbe et sa barque
Entre mes bras épais j’enserre tes genoux
  
Je te donne à courir mon âme et ma mémoire
Mes champs de souvenirs mes songes mes forêts
Mes bruyères d’effroi mes brouillards de regrets
Les grandes fleurs d’oubli sur l’étang vert et noir
  
Je te donne à dormir ce pays de traîneaux
Ce pays de jardins et de peintes fenêtres
Ses moulins que le vent semble ne point connaître
Et ses berges glissant la torpeur des canaux
  
Je t’en donne le ciel immense pour domaine
Où l’homme passe un doigt frissonnant de nuée
La terre du soleil d’août écobuée
Où de petits chevaux lentement se promènent »

Les Essaims
6.9

Les Essaims

Sortie : 26 septembre 2024 (France). Roman, Science-fiction

livre de Chloé Chevalier

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Solarpunkesque, bio-space opéra. Les vaisseaux ensemenseurs, classique de la SF s'il en est, avec ici un petit twist bio, grainotheques filant dans la galaxie.

La solution à 3 corps.

J'aime bien qu'ils disent "sous notre étoile" et non sur notre planète, même au pluriel sur nos planètes. Inventer des mots exotiques mais aussi tourner des expressions juste ce qu'il faut pour les renouveler.
J'aurais aimé plus de surprises, d'inventions telles.
Une métaphore entomologique filée un peu plus loin dans l'inattendu.

Étrangement avec ce genre de SF organique je suis frustré de ne pas avoir de support visuel. Cela parle plus à mon œil qu'à ma cervelle. Enfin non c'est justement que mon esprit n'est pas abreuvé de formes toutes faites comme pour les vaisseaux d'acier et de verre. Il est encore à façonner !
(Couleurs claires, ligne claire, assurée, stylisée ; comment Crushiform imaginerait-elle ces vaisseaux-insectes ?)

"Leur récit fait comme l'écume : la multitude des bulles, chacune irisée, donnant volume à la masse claire - deux vies."

Reste que c'est un brin bref, une esquisse. Une rotation de plus, pas un pavé de 658 pages...

🪐

« Plus tard dans la soirée, Tenyka retourne dans le jardin clos. Les figues d'or embaument la nuit noire, si noire : Kaoni ne possède pas de satellite. Une ligne scintille dans le ciel (les barges et leurs crochets), et plus loin luit un long ovale pâle : la Reine, assez grosse pour réfléchir la lumière de l'étoile et être visible depuis le sol.
Tenyka songe à la Rotation qui régit ce système quand un bruit lui fait tourner la tête : la femme âgée apporte une couverture, pour en draper le garçonnet endormi dans sa cabane. Les yeux tournés vers le ciel, elle rejoint ensuite Tenyka.
"C'est ton vaisseau, qu'on voit là-haut ?

— C'est surtout la citerne, qu'on aperçoit d'ici. La partie ou je vis n'est pas si grande."
La femme acquiesce.

"Ça nous fabrique presque une lune. »

Petits travaux pour un palais
8.6

Petits travaux pour un palais (2018)

Aprómunka egy palotaért

Sortie : 4 septembre 2024 (France). Récit

livre de László Krasznahorkai

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

{Ce livre serait à lire après ou avec Manhattan Project, résidence New yorkaise, non traduit chez nous...
Il peut jouer aussi en duo avec G&G}

Melvill.
Vous pensez Melville Bartebly bien sûr. Moi je pense aussi Dewey qui aura effectivement enlevé un e ainsi qu'un l à son nom. Laszlo aussi je n'en doute pas.
Melvill, sans e, n'est-ce pas aussi l'idée d'un livre de Fresán ?

Il y a certes du fabriqué et presque du cliché dorénavant dans ce flux, la seule phrase sans point, les adresses au lecteurs, les leitmotivs, les pieds plats (ce n'est pas une calvitie une carence en vitamine B plutôt je pense), la folie finale si frontale... Pour reprendre le terme d'une chronique, lui aussi "resuce".

Décombres, diagrammes, monolithe.

Ainsi que d'autres Laszlo ou bien chez Pons, Beckett, je me retrouve comme une poule devant un manuel de physique quantique. Il y a en effet chez ces narrateurs un manque d'humanité, pas tant absence d'empathie ou de sentiment qu'une infra-humanité, dans leurs pensées hors-sol, à la fois vaporeuses et boueuse, décoquillée... Je peine à parler de folie. Sans doute car plus insidieux.

« ...en revanche, tu peux observer, au niveau de I'East River, la texture de la gigantesque masse rocheuse sur laquelle Manhattan a été bâti, et cette texture semble composée de strates géologiques, à l'intérieur d'un cristal,qui auraient été tordues, déformées, contorsionnées par des forces monstrueuses, les angles formés par les différentes strates créant une surface extrêmement complexe, et mettons de côté les données scientifiques selon lesquelles des couches de schiste de Manhattan, de marbre d'Inwood et de gneiss de Fordham ont un jour convergé ici, et qu'il existe une faille juste entre Downtown et Midtown, c'est sans intérêt ici, ce qui importe, c'est que tu peux voir cette énorme masse de substrat rocheux... »

Le Jeune Homme
6.2

Le Jeune Homme (2022)

Sortie : 5 mai 2022. Roman

livre de Annie Ernaux

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Addendum parallèle aux armoires vides. Comme un déséquilibre entre ce qui semble avoir été un pan important (long ? Dense ?) de sa vie, voyages à Madrid et à Venise, projets de conception in vitro... Et ce livre mince comme une brochure.
J'ai toujours trouvé Ernaux cruelle. Plutôt, non, cruel à lire ce qui n'est pas tout à fait pareil. (Tandis que chez Louis malgré toutes les récriminations possibles il y a encore de la douceur comme une couche d'huile dans de l'eau).

« De plus en plus, il me semblait que je pourrais entasser des images, des expériences, des années, sans plus rien ressentir d’autre que la répétition elle-même. J’avais l’impression d’être éternelle et morte à la fois, comme l’est ma mère dans ce rêve que je fais souvent et au réveil je suis sûre pendant quelques instants qu’elle vit réellement sous cette double forme. »

Shining
7.8

Shining (1977)

The Shining

Sortie : 1979 (France). Roman, Fantastique

livre de Stephen King / Richard Bachman

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Nouvelle trad. qui m'a semblé vieillotte. Est-ce le goût du texte original avec ses références full U.S.A devenues vintages ?

(Les images de King étonnent et détonnent, dénotent. Au plus fort de l'action, des bruits comme un coup sur du fromage ?)

Oui comme l'écrit De Vigan dur voire impossible d'oublier Nicholson. Et tout le reste. Ça parasite, ça contamine. La moquette est bleu et noir, on la voit orange, c'est un maillet et l'on entend la hache... Wendy est blonde, elle reste Duvall, on attend les jumelles ! Même des plans, mouvements de caméras se substituent au ressac des phrases.
Pourtant le film est loin d'être mon Kubrick préféré. Trop coloré de sa décennie, trop clair et Nicholson faisant du Nicholson jusqu'au burlesque. Le Jack du livre est en effet plus touchant, car plus humain, plus imparfait. "son véritable visage, celui qu’il masquait si bien généralement – le visage de la tristesse empreinte de désespoir, le visage d’un animal prisonnier d’un piège qu’il ne comprend pas et dont il ne peut se dégager." L'aspect pièce de théâtre du découpage vient renforcer sa chute tragique. L'empathie (l'identification) en devient plus aisée que le fou aux trop nombreuses dents.

Mais Kubrick avait raison bien sûr d'éluder topiaires mouvantes et autres simagrées. De finir sur la morsure du givre. "Pire, il ne savait pas comment conclure. Pourtant, fut un temps où la fin lui avait paru évidente."

Poésies
7.6

Poésies

Tancrède. Ludions. Poëmes. Pour la musique.

Sortie : 24 novembre 1967 (France). Poésie

livre de Léon-Paul Fargue

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Dans les villes jaunes...

Si j'aime beaucoup Fargue, sa haute-solitude, ses balades parisiennes, son humour, il y a dans toute cette poésie péri-surréaliste début XXe ce que j'appellerai de la quincaillerie, bris de vaisselle d'Épinal et échos de zinc. Esthétique du bric à brac d'objets, mots de bric et de broc de fer blanc, boutons de portes de faïence, d'objets du quotidien. Daté.
Notamment cette obsession entamée non avec Appo' mais dès Laforgue, voire Rimbaud de la ritournelle populaire, orgue de barbarie des pavés.

Je préfère Fargue en sa prose poétique.

« ... Cette lampe attentive et le soir se concertent... »

Mélancolie de la ville (triste, grise, jaune, de province) à la fin du jour. Il y a du Viallatte là dedans. C’est néanmoins une nostalgie qui n’est pas délétère mais, comme justement cette lueur du crépuscule, rassérénante. il y a du Valloton, autre V, itou dans ces chambrées éclairées par des lampes ;
"Contrairement à ceux de son camarade Vuillard, les intérieurs de Vallotton n'absorbent pas les personnages, ils ne les consolent pas, ne disent rien d'eux, ne font pas corps." écrivait Desbiolles.

« Oh la douceur de voir un souvenir encore ajouter sa main pâle, avec un bruit de lustre, à toute la guirlande.. Douceur de se promener seul, entre son problème et l'heure attentive, dans cette ville de songe et d'après-midi grise... »

Bruegel

Bruegel (1994)

La Ferveur des hivers

Sortie : 10 décembre 1994. Poésie, Peinture & sculpture

livre de Claude-Henri Rocquet

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Relecture malgré moi et malgré les airs familiers (mais j'ai lu d'autres de l'auteur), pas de trace de note ni de liste sur SC or Babelio me donne une lecture fin 2019... j'avais lu (je crois, la note n'est plus là) aussi un livre moins poétique mais plus précis et intéressant chez Actes Sud.

Qu'importe toujours un délice de retomber dans Brubru' et ses microcosmes qui en montrent tant, ouvrent sur tout.

De Rocquet j'ai déjà d'ailleurs lu un sur Bosch, un autre sur Bruegel, l'Atelier des songes, en gardant des souvenirs confus, mi-figue mi-raison, douceâtres. Oui, j'avais oublié à quel point ce côté vieux barbu ronflant et ravi (littéralement) de la crèche pouvait m’agacer, passant le peintre flamand à la soupline, en délavant les couleurs, javélisé à ses marottes.


[Le blanc chez Bruegel :]

« La neige n'est pas dans la peinture de Bruegel la seule blancheur. Pignon de la maison sur la place ou dans les branchages, tabliers des serveurs ou des villageoises, coiffes des femmes attablées, ballot qu'emporte Margot pillant l'Enfer,tunique des anges fidèles, bonnet ou chausses de l'aveugle qui chancelle, chemise du moissonneur, vache ou bœuf dans le troupeau qui rentre, lueur d'une couronne de carton dans le jour sombre de la campagne, brebis et moutons, voiles des navires, mouettes dans l'orage où fuit sous les nuées le bateau de Jonas, écume sur la vague verte, nappes et serviettes, et cette nappe sur la table ronde au coin du Triomphe de la Mort, suaires, et cette noire et blanche pie sur le gibet au pied duquel on danse — rares, très rares les peintures de Bruegel dont toute blancheur soit absente. Souvent, c'est à partir de la chose blanche que l'image s'ordonne. Ou bien cette lumière anime, avive, d'un éclat, d'un accent, toute la scène. »

La Cathédrale
7.5

La Cathédrale (1898)

Sortie : 1898 (France). Roman

livre de Joris-Karl Huysmans

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Durtal reprends ses simagrées et ses pleurnicheries.

Je ne suis pas croyant et ne crois pas en Dieu (ce serait au pire/mieux un "starmaker" à la Stapledon jouant avec nous) mais comme Michon un athée mal convaincu : sensible à la pompe catholique, au martyrisme, l'éternelle souffrance. La faute à la peinture, aux romans, à tous ces auteurs anglo-saxons qui citent sans cesse la Bible.

De bout en bout je suis à rebours de Huysmans. Ayant toujours préféré le roman au gothique, n'ayant pas eu par trois fois l'illumination face à Chartres, ni enfant, ni étudiant, ni adulte.

Le couteau de Huysmans s'émousse contre les symboles qui veulent tout et ne plus rien dire à force de tirages, de mélanges, d'inversions. « C’est la démence du symbolisme ! », raccrochant après coup, ce que Durtal reproche pourtant au Roman et qui me rappelle les exégètes d’Évangelion, plaquant des grilles pré-formées au lieu de chercher celle d’Anno, tous les ronds de jambes pour expliquer (excuser) les incohérences, l'absence, la présence rêvée.

Longtemps j'ai cru être attiré par les symboles. or dès que je vais dans le détail alchimique, ésotérique & cie, que je précise l'image je ne peux m'empêcher de trouver ça concon et cucul la praline... exemple du zodiaque qui avec la précession et le mouvement du soleil se déforme au fil des millénaires. Ça la fout mal. Ces rimes et rythmes purement arbitraires non ne m'aide pas à mieux comprendre le monde, l'Univers, les hommes, moi, juste des châteaux en Espagne, de jolis diagrammes inopérants qui m'attirent en fait par leur poésie, pour leur complexité esthétique mais, in fine, m'apportent autant qu'un qu'un bel arbre de compétences, un joli sphérier…

Je baille face à ces fadaises des vies de Saint. Huysmans voulait écrire contre les "manies bondieusardes" quand, de mon point de vue, il perd son humour, il est pile dedans. Le seum : "D’aucuns prétendent que tous les intérieurs de Cathédrales furent revêtus de couleurs, au MA ; est-ce véridique ?"

Car cette vie spirituelle que certains aiment tant regretter ne me paraît pas si haute, juste tourner à vide sur les rouages creux, qui n'actionnent aucune bielle si ce n'est celles de l'orgueil mal placé, d'un faux piédestal moral. Elle referme le monde, rétrécit l'univers à un petit modèle réduit, riquiqui.

Parfois réémerge des anciens fond le lustre huysmansien, acide, acerbe, rêche, aigrelet qui fait plaisir. Puis retombe le poudroiement de sucres.

L'Effondrement
7.5

L'Effondrement (2024)

Sortie : 1 octobre 2024. Récit, Biographie, Culture & société

livre de Édouard Louis

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

On parle souvent de la formule Vuillard, il y a aussi le gimmick Louis. C’est le petit rituel de l’an... du trimestre. Je disais sous l'un des derniers qu'il allait sans doute également faire le frère. Reste donc la sœur, le cadet.  Ensuite ? Des oncles peu évoqués ? Enquêter sur ses ancêtres d’origines lointaines ? L’éventail des amis  riches parisiens ? Son anthologie, joli coffret, reliure cuir, tranche fil doré, couverture à la Toussaint Louverture pourra s'intituler Le Jeu des 7 familles. Joyeux noël 2025.

Sauf que.
S'il est amusant de tirer des plans sur la côte des prochaines publications je m'efforce de ne pas tirer des conclusions hâtives sur la psychologie. Hypocrisie, cynisme ou sincérité. Peux m’en chaut à vrai dire. Quoique nous ne sommes pas (encore, qui sait ?) dans les mensonges d’autres auteurs, plus joueurs. Est-ce intéressant au demeurant ?

Disons que je trouve les ou certaines critiques négatives injustes, ou plus précisément à côté de la plaque. Faites, me semble-t-il comme par réflexe et comme pour d’autres auteurs (ou autrices) comme une sorte de repoussoir à ce qui serait ou ne serait pas la grand’ littérature, le haut style, le bon, vrai, lecteur.

« La tristesse recollait les morceaux et créait pour lui la possibilité d’un récit. » / « Elle a parlé comme une personne qui essayerait de recoller les éléments disparates d’une même histoire. »

De plus.
Est-ce le changement de grille de lecture ? Plus psychologisante et moins linéairement sociologique mais celui-ci m’a paru plu violent, plus tendu, retendu, spontané (...forcément) et donc nécessaire que les 2 précédents.

« J’ai parfois le sentiment que l’histoire de mon frère est l’histoire d’une Blessure jetée au monde et sans cesse ré-ouverte. »

« et c’est aussi ça l’Injustice, certains jours il me semble que l’Injustice, ce n’est rien d’autre que la différence d’accès à l’erreur, il me semble que l’Injustice, ce n’est rien d’autre que la différence d’accès aux tentatives, qu’elles soient ratées ou réussies, et je suis tellement triste, je suis tellement triste. »

« Voilà ce qu’est la famille : d’abord elle vous chasse et ensuite elle vous reproche de fuir. »

« et je pensais : J’aurais pu écrire cette scène mot pour mot même si je ne l’avais pas vécue. J’aurais pu tout prévoir, ma main dans ses cheveux, sa silhouette dans le noir, mes phrases et les siennes. Les réalités les plus violentes sont souvent les moins surprenantes. »

Anime Architecture
8.9

Anime Architecture (2020)

Mondes imaginaires et mégalopoles infinies

Anime Architecture - Imagined Worlds and Endless Megacities

Sortie : 14 octobre 2021 (France). Cinéma & télévision

livre de Stefan Riekeles

Nushku a mis 8/10.

Annotation :

Je m'attendais à un énième beau livre creux, piège à otaku, qui allait m’agacer avec des chapitres du genre « Modernité » « Tradition » et beaucoup de Miyazaki délavé, au texte sympathique, lymphatique, élogieux tout en ne disant rien entre des images choisies pour leur joliesse. Le genre de texte que l’on subit plus l'on ne le lit.

Et bien en fait non pas du tout ! car l’auteur est un véritable passionné et aussi, car ça ne fait pas tout, spécialiste. Il a en effet accompli un véritable travail de recherche, a rencontré les artistes présentés, les réalisateurs (Anno, Oshi), écumé les studios et fouillé dans les archives (I.G.) avec une volonté patrimoniale via la numérisation.

Il nous dé-voile ces films. Littéralement, il en enlève les voiles, couches après surcouches, dépapillotte le book cel pour nous en montrer le cœur , la quintessence, le socle fin, la plinthe, ce qui demeure sous les cellulo’ de personnages et les effets lumineux — qu’ici on ne voit plus.

On en ressort émerveillé pour qui, comme moi, a grandi avec Akira puis les GitS, Eva. frustré aussi. Sur sa faim malgré tout. Encore ! Et les autres films* ? OAV et animés quand bien même l’auteur estime leurs décors moins intéressants ?

Surtout, dommage alors que le texte ne soit pas plus conséquent, plus technique, plus historique. Où sont les transcription des entretiens à coup sûr truffés de détails et de précisions ? De temps en temps une anecdote, un éclairage du peintre… le pas à pas de la création des films ? le récit des journées à fouiller dans ces archives ? Le côté beau livre l'emporte sur l'Histoire et l’essai.

(*Aux premières pages je râlais de l’absence des Ailes. « Si nous n'avons pas pu inclure les illustrations des Ailes d'Honnéamise » Pourquoi ?) (Je pense par exemple à l’expo BD de Beaubourg : s’il n’y avait pas certains grands mangakas shonen ce n’était pas par dédain car il y avait de tout, mangas, comics, indés, SF, fantasy, petite et grande BD, mais sans doute car les originaux furent jetés ou, pas mieux, laissés à l’abandon ?). (Rassuré de l’absence de Shinkai même si l’argument est l’utilisation du numérique, dans sa simple transposition de ressources photographiques, on est loin si loin des cadors montrés ici...)

--
Sa galerie :
https://www.riekeles.com/. À quand une grande expo sur Paris ? A tout le moins en France (mettons Colmar qui vient d’ouvrir le Musée Européen du Manga et de l'Anime…)

Spider-Man Across the Spider-Verse

Spider-Man Across the Spider-Verse (2023)

The Art of the Movie

Sortie : 3 juillet 2023 (États-Unis). Beau livre & artbook, Cinéma & télévision, Version originale

livre de Ramin Zahed

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Comme pour Arcane ce n'est pas tant le scénario, les persos, le récit qui m'emportent que les visuels, leur DA pas tant osée, très à l'air du temps au contraire, les deux usant du reste des mêmes gimmicks, effets, palettes — rose fluo / bleu électrique — que tenue et maintenue, et alors la curiosité du comment, l'émerveillement d'une technique inconnue, comme quand étant gamin, au-delà de la peur, on se demandait tout de même comment ils faisaient pour animer ces bestioles, dinos, aliens.
Si j'apprécie l'esthétique outrée & fluo des films les concept-art ne me parlent pas tant que ça, trop... comics pour mon goût.

Influence de Rob Cobb et de Syd Mead (of course !) pour le futuriste Nueva York ; et d’Ashley Wood (évidemment…) pour le monde de Spider-punk.


Tout un tas d'images en vrac avec certes le nom de l'illustrateur mais sans légende, c'est-à-dire que même si l'on reconnaît le personnage, l'asset, la scène aucune information sur son entourage, moment de création dans le chemin de fer du film. As usual et comme pour tous les artbooks de films (c'est moins le cas dans les JV ai-je l'impression), seul ce qui a mené au projet fini fignolé final sera montré, comme par une volonté de déterminisme : tout devait mener à ce résultat là.

Autre bémol généralisé : bien qu’évoqués rien sur la technique des dessinateurs puis des animateurs 3 - les FX, les particules, comment ils intègrent tous ces jolis trucs à la brush dans la 3D, l'animent.

--
Mes chouchous : Léa Pinto (
https://www.artstation.com/l-pinto) ; Zac Retz (https://www.artstation.com/artwork/m86aGd) ; Jay Thakur ; & Ami Thompson ; Tiffany Lam ; Dean Gordon ; Neil Ross (https://www.artstation.com/neilross/albums/1437063)...

Galerie :
https://www.iamag.co/spider-man-across-the-spider-verse-the-art-of-the-movie-first-concept-art/
ITW du DA :
https://magazine.artstation.com/2020/02/art-director-okeefe/

Parabole
7.2

Parabole (1954)

A Fable

Sortie : 1958 (France). Roman

livre de William Faulkner

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

« Il lut donc, paisible, résigné, ayant maintenant perdu son ardeur. »
"This novel is, finally, a colossal failure and a colossal bore..." Penn Warren.

Le parent pauvre des faulkner (particulièrement en France) ? A part ici ou là, je le vois rarement évoqué, encore moins analysé.

Il y a Jacob luttant contre l'ange. Il y aura toujours le lecteur en lutte contre certains livres. Qui gagne ? Lecture baignant dans la poix de la description, dans le brouillard des noms, des nano-gestes, menus détails attrapant des reflets étincelants de lumière — je n'ai pour ainsi dire rien bité au (faux) combat aérien, à la plupart des scènes, gestes, mouvements. Perdu dans la hiérarchie. Passé mon temps à intervertir, confondre, scinder, diviser les personnages, cellules sans visages : qui est qui qui fait quoi ?

Faulkner faulknérise, à son pire, et partant le plus simonesque. La guerre, le pétrin, la bouillie visuelle, de mots, de non-noms. Tout baigne dans un grand flou mais le flou involontaire, désagréable, pas l'équivoque qui tient en haleine et qui finit par "cliquer".

Je crois n'avoir vu faire le parallèle mais j'ai songé tout du long, dans son ambiance, dans son rythme, sa focale, son grossissement en quelque sorte à la Semaine Sainte d'Aragon, moins de cinq ans après. La même confiture où tout se mélange, s'amalgame, se fusionne. Flou astigmate, smog & miroirs. La même grande mélasse soldatesque, même infinies énumérations d'uniformes, gallons, médailles, pacotille dorée, lustre de toc de la gloire, comme dans une galerie des glaces. Cette "piste brouillée" qu'est pour le français tout roman.

Harold Bloom disait et je crois y souscrire : "The Appendix [TSATF] is very much Faulkner the yarn spinner of 1946, soon to write such feebler works as Intruder in the Dust, Knight's Gambit, and Requiem for a Nun, before collapsing into the disaster of A Fable."

Étonné par l'absence d'une adaptation filmique lors de l'âge d'or hollywoodien. Aujourd’hui, une par Malick : longs plans sur le ciel gris à travers des arbres brûlés, visages en gros plans, arrêts fixes sur des cruches comme des natures mortes. Les interminables palabres des personnages de Faulkner remplacées par les monologues et les silences de ceux de Malick ; le personnage du Caporal, fuyant, en creux, dans le roman, ici coupé carrément au montage, en dépit d'un acteur célèbre.

Un article sur Faulkner, Foucault et la biopolitique (oui-oui) :
https://academic.oup.com/book/32310/chapter-abstract/268

L'Odyssée des graines

L'Odyssée des graines (2024)

Sortie : 3 octobre 2024. Beau livre & artbook, Sciences, Jeunesse

livre de Cruschiform

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

🌱
« On ne voyait presque plus la graine des étoiles » (Giono dans Que ma joie demeure)

Crusciform allie à la rigueur scientifique la finesse esthétique. Ou la finesse scientifique à la rigueur esthétique ? Fines gazes de de soie colorées, diaphanes dégradés vectoriels, vectoriens comme d’étranges pellicules qui enrobent délicatement le vide, l’air parfumé ; que l’on aimerait tant éplucher. « Il leur insuffla son haleine, les gonflant comme des ballons multicolores, et il dit à la princesse de manger les grappes ainsi refaites. », toujours Giono dans le Noyau d’abricot. Lanceuse non d’alerte mais de graines.

Grainothèque ? Herbier en devenir ? Bestiaire ? Car ce sont là stratégies et tactiques pour ensemencer. Odyssée mais aussi siège, guerre qui croît, des graines espiègles comme des chevaux piégés cachant leurs soldats. Nous sommes bien éloignés des jolies fleurs, symboles d'innocence dit-on.

Comme pour Cosmos j’aurais apprécié que la part scientifique soit plus appuyée, sans pour autant tomber dans l’essai poussif mais avec forcé d’infographies su rle cycle de ces graines, leur pousse, leur terreau, leur distribution géographique, leur intérieur, les chromoplastes, etc. quitte à faire un livre à quatre main, un plume & un pinceau. // Atlas de botanique poétique de Hallé qui donnait lui-aussi des exemples de stratégies étonnantes… on y revient... de micro-mondes.

[Envie d’autres livres similaires, à plein, plantes, arbres, roches, planètes, cellules, étoiles.]

*

« Depuis des centaines de millions d'années les plantes mettent en place de savants stratagèmes pour permettre à leurs progénitures de s'émanciper et de se disperser.Au fil des générations, elles ont perfectionné leur design, optimisé le rapport entre forme et fonction, et donné naissance à une prodigieuse diversité de graines et de fruits. Encapsulées dans une baie charnue, une gousse, une coque, ou dotées d'ingénieuses excroissances, les graines saisissent les opportunités, associant parfois plusieurs tactiques pour prolonger leurs formidables épopées.

Observez toute cette inventivité, les graines sont une source d'émerveillement illimitée ! »

Le Livre des maisons extraordinaires

Le Livre des maisons extraordinaires (2020)

L'Art de Seiji Yoshida

Monogatari no ie

Sortie : 27 octobre 2022 (France). Beau livre & artbook, Architecture

livre de Seiji Yoshida

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Gamin, je sais je commence toujours ainsi pour les livres illustrés, je pouvais passer du temps à scruter les détails des images. Les coupes à la Biesty notamment me fascinaient* : j'imaginais des vies et des histoires dedans. Toujours l’idée d'un monde portable avec soi ; microcosme autarcique. Même plaisir créatif que de se faire une château-fort en LEGO.

Et c’est exactement ce plaisir que Yoshida convoque dans son intro et propose avec ce livre qui a, depuis, trouvé une certaine notoriété. Envie d'écrire des histoires autour de ces personnages anonymes. Il faut se refréner, ce n'est qu'une envie. Or la réaliser en ruinerait le sel, en romprait aussitôt le charme !
Au passage, le titre français trahit quelque peu cette approche : maisons avec des histoires, mais des ordinaires justement, intimes, minimes, ouvertes. Ce ne sont pas des palais grandioses ou des forteresses inexpugnables !

[Florent Chavouet gratte un peu la même démangeaison]

{Manquent : l’île dans les nuages, la tour infinie, la grotte du chasseur, des antiquailles, des laboratoires de scientifiques fous, le loft dans une ville cyberpunk, l’atelier du peintre… la suite !}

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« II existe d'innombrables histoires dans lesquelles apparaissent des bâtiments merveilleux, des livres illustrés pour enfants aux romans. J'ai lu de nombreuses fois des livres tels que Les Aventures de Huckleberry Finn, Heidi ou Momo, en prêtant une attention particulière à chaque phrase, m'arrêtant sur chaque illustration, même la plus petite, et imaginant, comme dans un rêve, chaque détail des mondes décrits : la cabane de Huckleberry Finn, le refuge de Heidi dans les montagnes, la Maison de Nulle part de Maître Hora.

Dans ce livre, j'ai voulu présenter des "maisons" uniques, capables d'éveiller chez le lecteur cette excitation que j'éprouvais enfant en accueillant leur nature extraordinaire. Cet ouvrage embrasse différentes histoires se déroulant à des périodes et dans des lieux divers, de sorte qu'à chaque page, on entre dans une histoire complètement nouvelle. Qui habite cette maison ? Qu'est-ce qu'on y mange ? Où dort-on ?

Chaque habitation ouvre la porte à un récit insolite. Elle peut nous rappeler une maison décrite dans un livre d'il y a longtemps ou être un lieu mystérieux que l'on n'aurait jamais pu imaginer. C'est au lecteur de créer l'histoire qui réside derrière chacune d'entre elles. J'espère que celui qui se plongera dans ces pages passera de nombreuses heures agréables. »

Kid Wolf et Kraken Boy
7.6

Kid Wolf et Kraken Boy (2022)

Kid Wolf and Kraken Boy

Sortie : 23 mai 2024 (France). Fantastique, Nouvelle

livre de Sam J. Miller

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Pensais ne pas aimer ou plutôt je n'en attendais strictement rien : le décorum "Scorsese" (ou Peaky Blinder dira-t-on), voyous à casquettes anciennes, boxers, prohibition, voiture Ford, vestons, n'a jamais été mon délire. Ken Liu en aurait fait une histoire de souvenirs, d’exil, de liens ténus, étroits, forts et intimes entre la mémoire et le passé ; Bennett une trilogie aux relents steamocyberpunk avec des brevets sur les tatouages, des catalogues de motifs et un tatouage maître pour les contrôler tous ; Ted Chiang, lui, aurait imaginé tout un système magique cohérent, rigoureux et génial autour de l'encre. etc. Mais qui ne sont, in fine que prétextes, exergue. SJ.M va ailleurs. Comme souvent un textea gréable à lire mais dont je ne retiendrai sans doute pas grand chose, un souvenir fugace de personnages, cette petite frustration de ne pas en avoir plus sur certains aspects. Une pause entre de "vraies" lectures mais n'est-ce pas toujours la pire façon d'aborder un texte ? Non ?

*

« Nous combattions tous les deux le sommeil, échangeant des murmures, vidés, épuisés mais désireux de prolonger l'instant à jamais. Tout combattant finit néanmoins par se fatiguer, et, alors que la lumière du jour emplissait la chambre, Kid ne tarda pas à fermer les yeux. Les miens suivirent le mouvement.

La vie était gigantesque, tellement longue, cruelle et emplie d'horreur. Elle recelait des moments merveilleux, incroyables, comme ceux qui nous avaient amenés à ce lit, et d'autres d'une innommable laideur.

Toute vie valant d'être vécue comportait les premiers comme les seconds en quantité, je le savais. Je n'aurais en revanche jamais imaginé quelle profusion des deux nous attendaient, lui et moi. »

Cosmos, une histoire du ciel

Cosmos, une histoire du ciel (2009)

Sortie : 8 octobre 2009. Beau livre & artbook, Sciences

livre de Leïla Haddad

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Duprat. Un illustrateur qui touche la corde sensible de mes marottes. Il donne forme, couleurs et légères textures à certaines de mes images mentales qui tournent dans la caboche, à l’arrière des globes oculaires, depuis l'enfance, sans cesse relancées, ravivées ; en manque au vrai. Un artiste que j'aimerais plus prolifique.

Duprat s'intéresse aux mondes, leur pluralité, dans leurs diversités, leurs origines, genèses avec un style à l'ancien, pas pour autant vieillot, d’illustration de Science et vie Jr.

L'autrice des textes est d'ailleurs, quel hasard, une journaliste de ce groupe ! Le texte de Haddad, de son côté, fait donc le job : clair, synthétique, didactique et donc répétitif, parfois trop assurément, et sans surprise elle ne va pas assez loin, techniquement, à mon goût dans le dépouillement des textes et sources, tout en recouvrant d’autres aspects que le livre, mettons, d’Alexis Drahos. La même ambivalence, le même équilibre à trouver que l'Odyssée des graines.

Au surplus, Cosmos s’arrête où il devrait débuter ou au moins pourrait continuer sur sa lancée céleste. Il ne plonge pas dans les tréfonds de la galaxie, dommage : nébuleuses, exoplanètes, géantes gazeuses, superterres, étoiles à neutron, séquence principale des étoiles, bestiaire de galaxies et boucler sur les sphères de Manchu (quoique plus axé SF avec gros vaisseaux et portails plus que space-art).

https://cosmologik.wordpress.com/

✨Herbier des étoiles : Une image et sa légende, ‘l’herbier des étoiles’, appellent à mon sens à une publication à part entière, plus mince, pour recenser et redessiner, isoler, la façon dont les étoiles, dans leur chair, dans leur détails, leur nitescente, branches et radicelles, isolées de leurs alentours, au travers des poteries, textiles, manuscrits, peintures du Monde entier, toutes époques confondues. Comme peut le faire, très superficiellement et avec ses collections seules, la BnF. Une grande base de données.

[Je le verrais bien également illustrer par le menu, dans le détail, à l’envi mythes Égyptiens, Mésopotamiens, Hittites, Levantin... peut-être dans Mondes ?]

{Je n'ai pas pu y jouer mais il a élaboré un générateur de mondes. Et pourquoi pas tout un vrai jeu ? Le cosmos comme cabinet de curiosités rempli de boites à merveilles — je pense aux vieux jeu Flash. (S'il passe par là...}

Gustave Moreau

Gustave Moreau (2023)

Le Moyen Âge retrouvé

Sortie : 2023 (France). Beau livre & artbook, Peinture & sculpture, Histoire

livre de Marie-Cécile Forest, Charlotte Denoël, Maxence Hermant, Emmanuelle Mace et Isabelle Saint-Martin

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

{Plaisir de lire les cat. d'expo longtemps après les avoir visitées pour en raviver le souvenir, retremper le pinceau à la palette : la couleur se rafraîchit.}
{Pis c'est temps à vouloir s'isoler au fond de châteaux forts aux murs tendus d'amples et lourdes tentures.}

Le MA de Moreau est à la fois celui en pleine redécouverte du XIXe, avec ses filtres, ses biais, ses points aveugles et ses clichés déjà et le sien propre, personnel, fleuri, printanier. En tout cas très peu celui de notre imaginaire tout aussi si ce n'est plus passé via filtres, biais et œillères entre la gadoue de GoT, sorcières au bûcher et fantasmes louches de la propagande du Puy du fou. Celui qui s'en rapprocherait le plus serait sûrement... J.-P. Jaworski ! « Il faut dire que, contrairement à l'image tenace d'un mystique enfermé en plein Paris forgée par les écrits de J.-K. Huysmans, Gustave Moreau est un homme de son temps. Il ne pouvait échapper à cette question du Moyen Age qui hante tout le XIXe siècle. »

Dommage, peut-être pour une future expo ? : "Devant la masse des œuvres pressenties et l'exiguïté des lieux d'exposition, nous avons été contraintes d'écarter les Primitifs italiens et flamands. Pourtant, de nombreuses œuvres sont hybrides, entre inspiration médiévale et Renaissance."


« Le catalogue de cette exposition apporte un véritable renouvellement grâce au regard érudit de médiévistes et d'historiens de l'art chevronnés. Leur approche nous fait mieux comprendre quels Moyen Âge ont nourri l'art de Moreau. L'article de Charlotte Denoël replace brillamment l'œuvre dans le contexte de son époque et éclaire plus particulièrement la place grandissante des arts médiévaux dans la vogue de l'ornement qui envahit les arts appliqués. Moreau serait-il donc un pont, pour reprendre le terme de Georges Rouault, entre Moyen Âge et Art Nouveau ! La question se pose.
[...]
À travers cet essai se dessinent les convictions intimes d'un artiste dont la biographie reste à écrire. La question du Moyen Age, point de départ de cette exposition, permet d'approfondir notre connaissance de cet artiste complexe que fut Gustave Moreau, notamment quant à la place qu'il occupa au centre du mouvement historiciste du XIXe siècle. »

Un tour sur le bolid'
5.9

Un tour sur le bolid' (2000)

Riding the Bullet

Sortie : 1 septembre 2000 (France). Nouvelle

livre de Stephen King / Richard Bachman

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

« Les pires histoires sont celles que l’on a entendues toute sa vie. Celles-là sont de vrais cauchemars. »

Je pensais l'avoie déjà lue mais je confondais avec le Raccourci de madame Todd dans Brume ou bien avec l'auto-virus met cap au nord découverte dans 999. Surpris par la fin pas surprenante et donc... surprenante. Le genre de nouvelle qui en dit plus qu'il n'y parait sous ses histoires de bandage herniaire… (et cet enrobage minutieux full U.S.A, à fond daté de son époque, typique de King) mais reste l'idée d'une occasion manquée à un texte plus étoffé, touchant (bien que je ne saurais pas été d'apprendre qu'il est personnel pour son auteur).

« Les ombres se multiplient aussi avec la tombée du jour _ vous n'avez pas remarqué ? Même avec la lumière allumée, il y a beaucoup d'ombres, et on se dit que les plus longues pourraient être celle de n'importe quoi. D'absolument n'importe quoi. »


« Sauf qu’il n’y avait pas que ça. Pour des gens comme nous, des trotte-menu qui cavalent dans le monde comme des souris dans un dessin animé, rire de ces salopards était parfois la seule vengeance que l’on pouvait s’offrir. Quand je pense à tous ces boulots qu’elle avait pris, aux heures sup qu’elle s’était tapées, à ses chevilles bandées quand elles gonflaient, à ses pourboires qu’elle mettait dans un pot avec l’étiquette Pour les études d’Alan – oui, toujours et encore comme dans ces histoires débiles de pauvres-devenant-riches – elle me disant et me répétant que je devais travailler dur, que les autres gosses pouvaient peut-être s’offrir le luxe de glander à l’école mais que moi pas question, car elle pouvait bien mettre de côté tous ses pourboires jusqu’au jour du Jugement dernier, ça ne suffirait jamais… et finalement il allait falloir demander des bourses et des prêts pour que je puisse aller à la fac, et il fallait que j’aille à la fac, il le fallait absolument, car c’était ma seule porte de sortie… et la sienne. »

Les Dernières Rêveries d'Akkad

Les Dernières Rêveries d'Akkad (2024)

Sortie : 7 mars 2024. Récit, Histoire

livre de Édouard Bureau

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

J'aime faire des nœuds dans mes lectures, les relier par de fragiles ponts par hasard ou volonté : la narration en Tu reliait Carta' à Luca' ; ici c'est l'antiquité orientale.

Fût une époque j'ai eu le dessein d'écrire un livre sur Gilgamesh, déprimé avant Enkidu, trônant comme Conan, une vie majuscule, longue litanie archéologique, où l'on aurait parcouru son palais décoré de tout ce que l'on trouve au Louvre/BM, dans un style on s'en doute faulkérino-michonesque, sorte de Mort de Virgile. Un truc illisible. Bref, il n'y aura eu qu'un demi-paragraphe.

C'est un peu malgré son auteur ce que j'attendais : un bruit, une fureur, une phrase d'airain en fusion. J'affectionne le carton-pâte avec ses verroteries lexicales et brimborions antiquisant. Là où des Lucazeau ou Jaworski vont à coup sûr plonger dans les sources, il y a là un aspect pot-pourri récupéré sur Wikipédia. [Il évoque Pasagardes & Persépolis, fondées des siècles plus tard.]

Je ne sais si Bureau a voulu émuler le ton d'un sage à la mine socratienne ou imiter le style codifié des tablettes mésopotamiennes, l'Enuma Elish, textes sapientiaux. On en retrouve un air, notamment dans son empilement d’images qui finissent par se tirer la bourre et se contredire. Reste que cela donne une écriture d’une lourdeur… Je suis pourtant admirateur de SJP, d’un Audiberti, du Flaubert quincaillier, voyez. Phrase empesée, sans naturel, sans fluidité et qui, tout du long, sonne comme un exercice.

La sagesse est cependant courte, stoïcienne dans ses grandes largeurs, des lettres a Luc... Shu-Darul. Peut-être que mes maigres infos sur l'auteur — frère de ... fils de ... — viennentcolorer ma réception d’un texte qui n’en demandait pas tant. Nostalgique où l'on parle de barbares, de décadence, d'invasions. Alternant avec des passages très libéraux sur la liberté de penser et de vivre. Facile à dire pour un prince. Leçon qui vire au "ne chouinez pas les pauvres". ("quelques piécettes dans sa bourse, une joue tapotée et vint son sourire éclatant…" / "As-tu pleurniché parce que les puissants ne t’ont point assez considéré ? Alors tu as été le dernier des hommes ?"). Un passage nous explique ainsi grosso-merdo que la dépression on s'y complaît par choix… quand on est sait que c'est en grande partie histoires de balance chimique...

(Véritable question, à l’inverse de Bouillier qui écrit comme un rédacteur Topito en approchant les 70 ans, peut-on donner des leçons sur la vie à 20 ans et des miettes ?)

La Cité du gouffre
7.7

La Cité du gouffre (2001)

Le Cycle des Inhibiteurs, tome 2

Chasm City

Sortie : 2003 (France). Roman, Science-fiction

livre de Alastair Reynolds

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Très longtemps hésité à ne pas le lire, sauter pour poursuivre le cycle. Autant se débarrasser des échardes.
Gary Stu Mirabel ! L'auteur semble être en admiration devant son perso. Baxter n'a jamais réussi à se défaire de son Poole endivesque dérivé sur plusieurs générations.

Histoires de pistolets, de fusils, de bombes… Au vrai, sous les oripeaux de space-opera, lasers, les nano-trucs & cie ce n'est qu'un actionner de Schwarzy. Il y perdait souvent la mémoire d’ailleurs.
Reynolds ADORE les gadgets technologiques, décrire les armes par le menu, bandoulières, visées. J’y retrouve un peu ce qui me gêne aussi chez d’autres auteurs : ce clinquant technologique qui part tout azimut.
Drôle de contraste entre ce roman boursoufflé de 2 romans agglomérés et l'élagage où rien ne dépasse d’Eversion. Si ce dernier sera jardin à la française aux chapitres comme des topiaires taillées, la Cité était un jard… même pas ! Jachère abandonnée comme sa ville. Même gouffre entre les personnages et leurs dialogues. Ici ils alternent entre enfantillages, mauvais one-liners de vrais mâles bourrins et exposition balourde.
Si La Maison des Soleils offrait un récit à mon sens pas à la hauteur de l'univers proposé, comme des vêtements trop grands sur un corps chétif, quelques meubles dans un hangar trop vaste., avec les Inibhiteurs c’est à l'inverse un récit trop ample pour un ‘univers’ qui sonne comme un mini-open world de Outer Wilds, un microcosme (// Zelda et le Jardin). Leur world-building me paraissent en effet opposés. L'un suggère et laisse imaginer mille récits quand l'autre ressasse les mêmes éléments. Je ne sais pas quoi mais quelque chose me gêne et me gênait déjà dans l’EdlR : trop petit malgré le voyager subluminique ? Car j'ai l'impression que l’auteur revient à Yellowstone ? À voir dans les suites (je sais que YS y est encore...)

Exactement comme dans La Maison ça finit par s'embourber dans des révélations déjà trop suggérées 200 pages avant et des dialogues durant lequel l'auteur nous refait tout le roman pour nous le réexpliquer comme à des abrutis. Quelques autres redondances : les souvenir (de crimes) cachés, la course-poursuite… (Eversion aussi faisait sa révélation tonitruante à contre-rythme)

[suite en en commentaire]

Giono

Giono (1999)

Le Petit Pan de mur bleu

Sortie : 14 avril 1999. Essai, Littérature & linguistique

livre de Philippe Bonnefis

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Pas une étude suivie, universitaire sur le bleu chez Giogio. Il y aurait de quoi néanmoins, par Labouret ou Castiglione ou Bonhomme. Comme chez cette autrice et sa Mort grotesque chez Jean Giono on retrouve avec Bonnefis les corps dans toute leurs chairs, leurs viscères, leur jus. Vire au bleu-vert glauque qui n’est pas aussi frontal chez Giono.

Simple dérive brumeuse pour le moins verbeuse, trop imitatrice de la verve gionesque quelle est (comment ne pas vouloir s'y mettre à son tour ? Elle roule sous la langue — Bonnefis attrape au rebond les jeux de mots, très Bouillier). Fil bleu suivi lâchement même si l'écrivain mange à tous les livres de l’auteur de Manosque, pas limité au Hussard, à un Roi. Ok mais je reste sur ma faim. Aurait été une pastourade avec toutes les couleurs, puis les textures...

*

« Que les histoires n'aient pas de fin, qu’elles aillent un peu à l'aventure, on ne demande pas mieux. Mais du moins leur faut-il un début. Du moins faut-il non seulement qu’elles commencent mais que quelque chose nous l’indique. Cette chose, chez Giono, est en général une couleur, et c’est la couleur que l’on a dite. »

« De ces méta-récits, Giono se fera bientôt une sorte de spécialité. Tant l’histoire d’un livre lui paraît fabuleuse, et même autrement fabuleuse que le livre dont elle est le produit. Tout Noé est là pour l’attester, genèse hypertrophiée d’Un roi sans divertissement, plus imposante par sa masse, plus riche en prodiges que ne l’est l’assez court roman (et court en bien des sens) que constitue Un roi. C’est systématiquement en amont que se poursuit l’activité romanesque de Giono, et rarement, tout compte fait, en aval. »

« Que dirait-on d’un astre qui n'aurait pas dépassé le stade de sa naissance et qui s’y serait au contraire maintenu, d’un soleil immobilisé dans l’éclat de son orient ? Tel est l’astre cependant auquel Giono s’est confié, telle est sa bonne ou sa mauvaise étoile. Celle qu'il a voulu lui-même accrocher, pour que s’en illumine le matin de sa vie, au fronton du récit de ses années d’enfance, et que depuis on voit briller, si énigmatiquement, dans le titre de Jean le Bleu… »

Peindre aujourd'hui

Peindre aujourd'hui (2012)

Philippe Cognée

Sortie : 23 février 2012. Essai, Peinture & sculpture

livre de Pierre Bergounioux

Nushku a mis 4/10.

Annotation :

La vitesse des choses. Brive encore. Pas le même que Michelet. Autre lumière jetée. Sur 82 pages il faudra attendre la 77ème pour que Cognée* ne fasse son apparition. 5 pages et puis s’en-va, pliez bagage. Avant ça Bergou’ nous refait le coup de raconter les changements de la moitié du siècle. Je dois avouer que je trouve toujours cela gênant tant c’est scolaire, estudiantin englué de théorie pour une réécriture des chapeaux introductifs des pages Wikipédia. Quelques phrases à peine sur la peinture moderne mais pas la contemporaine et baste. Bergounioux n’écrit plus, il se disperse dans ces miettes d'opuscules publiés non plus chez Verdier mais chez Galilée, spéculations semi-théoriques ressassant mêmes souvenirs. Il n’y aura pas eu grand œuvre. Il faudrait presque attendre une anthologie de ces écrits, qu’on titrerait « Jusqu’à Bergounioux » (ou la Bête faramineuse).

{Lire son Cahier qui traîne chez moi, dédicacé. Et revenir à ses romans…}

* J'ai découvert Cognée il y a de ça presque 20 ans je crois sans avoir retenu son nom mais sa technique de cire fondue (pas perdue) pour des scènes de la vie moderne (trop pour mon âme romantique d'aloirs), m'est restée et ce n'est que plus tard que je l'ai redécouvert "ah c'était lui".

*

« Le capital investit la distribution qu'il avait abandonnée à la petite bourgeoisie. Victime de la prolétarisation, le boutiquier disparaît du monde social, malgré la réaction poujadiste. Il avait trouvé un écho ambigu dans la littérature, avec l'illustre Gaudissart de Balzac, l'affreux Homais, dans Madame Bovary, chez Anatole France, Céline. D'autres figures, désocialisées, désemparées, l'étranger de Camus, l'outsider nauséeux de Sartre prennent la relève, quand ce ne sont pas des personnages épurés, quasi théoriques, errant dans les structures, elles-mêmes mises à nu, du nouveau roman.

Le supermarché tient du nouveau roman. Il exhibe, comme lui, sa vérité - fictive, artéfactuelle dans un cas, marchande, et purement rationnelle, dans l'autre. On ne s'embarrasse plus de décorum, avec marbre noir et bois massif, raison sociale en capitales romaines ou graphisme modern style doré, vitrines amoureusement préparées, profusion de signes parasites, dénégation de la vente et de l'achat. Il se donne d'emblée pour l'illustration rétrospective de l'incipit du Capital : "La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste s'annonce comme une immense accumulation de marchandises". »

Le Syndrome de l'Orangerie
7.3

Le Syndrome de l'Orangerie (2024)

Sortie : 21 août 2024. Roman

livre de Grégoire Bouillier

Nushku a mis 5/10.

Annotation :

Hésité avec 1, 4, 7. Je plains les mamies venues pour un joli livre sur Monet. Car je pense que Monet est devenu peintre de préretraitée et que l’Impre a perdu toute sa force de happement. Devenu peinture institutionnelle par excellence, jolie, décorative, inoffensive, désamorcée. Notre œil s’est amolli. Je m'attendais donc à un truc de vieux machin Gallimard qui pontifie sur les mêmes "génies" encore et encor', façon expos d’Orsay qui attirent à coup sûr sans tarir le même flot de mamies. Or Bouillier tente de lui redonner un brin de mèche.

Dès le but j'ai eu peur. Le prologue ressemble à un billet de l'Odieux Connard sur les films, qui ne m'ont jamais fait rire. Car c'est en vérité un petit bonhomme qui joue au plus malin, se croit très très. Bouillier résume en parlant d’un autre mais sans doute aussi de lui de son propre travail : «Un blabla sans doute nécessaire et bien commode, super intelligent, hyper cultivé, mais un blabla quand même. »

Surtout que sa panoplie est des plus limitée, sa gamme restreinte aux mêmes effets : (sic) mal utilisé ; parenthèses méta en cascade pour pointer/excuser ses faiblesses (Marvel !) ; "j'allais écrire...", ironie de la référence littéraire et sérieux dans le pop ; auto-référence et dénigrement de soi. (des blagues au mieux douteuses sur le consentement où l’on devine le filigrane)
Avec un gros travail d'édition pour tenir 150 pages, pourquoi pas ? On parlerait de la recette Boullier comme de Vuillard, mais 440 sur ce ton pénible, à tourner en rond et à vide, à tirer les cheveux et pousser le bouchon, à tout étirer : fatiguant !

Ce rire constant désamorce ce qui est intéressant et pas si tiré par les cheveux (ou si ?) Creux ou creusé ? Avec cet exercice de style, en réalité plutôt bien foutu mais si artificiel, Boullier laisse penser qu'au fond il s’en fiche pas mal de Monet (et moi aussi à vrai dire) et qu’il pourrait ainsi broder mille pages sur tous les autres.

C'est un humour que je ne peux alors définir que comme très... Deadpool ? Avec sa clownerie constante et son méta fastoche. On dirait du Fabcaro en fait. Bref, c'est écrit comme une critique SC.

Le pire, avec ses expressions et ses réfs, je lui donnais 40 à tout casser, une fin-de-trentaine sûre d'elle, revenue des entourloupes de la 20aine lorsque l'on prend la littérature trop sérieusement à ne lire que de grands livres... Bouillier a les 60 passés. Et c'est un peu triste, je trouve.

La Semaison
8.4

La Semaison (1984)

Carnets 1954-1979

Sortie : 12 avril 1984. Journal & carnet

livre de Philippe Jaccottet

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

"Mort de Jean Paulhan. L'un des esprits qui nous étaient aujourd'hui le plus nécessaires, pour sa justesse, sa justice. Par l'effet de sa grande pudeur, et par une ruse nécessaire, alors qu'il semblait traiter de sujets mineurs, de problèmes très spécialisés ou de cas bizarres, il parlait de ce qu'il y a de plus central et de plus haut."

"J'avais oublié la mesure des mondes."

• Sentir non une opposition mais une distance entre lui & moi, entre ses exigences et les miennes. Brumeux, chassieux mais non volontiers car à la recherche, comme chez Ponge, du mot juste. Ne me suis jamais reconnu dans ce refus ou cette haine des mots qui peut tourner aigre, virer au maniérisme, aux préciosités de vieux monsieur rejetant le monde. Ce qu'il dit à propos de Rilke paraît lui convenir autant : "quelquefois agacé par un excès de raffinement de la sensation." L'ivoire encore. Sévère, exigeant, acrimonieux ? Je l'imagine alors sans humour, sans patience envers ses proches. Sans doute à tort.

« Vie à mesure changée en images, réduite en images / qui se filtrent en nous. »

• N'empêche — impressionné n'est pas le mot — épaté (inquiété?) face à ces auteurs qui peuvent, veulent écrire tous les jours (et uniquement) sur leur jardin, le ciel, les saisons, si loin des contingences journalières, des vicissitudes quotidiennes. J'allais écrire normale. Comme si ces poètes n'avaient pas une vie identique à la nôtre.

« pavillon d’images » / « On y habite un lieu ouvert, poreux, proche de la nature végétale et traversé par l'air. Les jardins chinois où les poètes composaient leurs éloges subtils du monde. » (Belvédère de M.)

• Approche visuelle de ces paysages. Ce terme, déjà, qui m’est venu, chargé : évocation picturale, « surface plane [..] en un certain ordre assemblées ». Comme vus derrière une vitre. C’est un motif qui revient souvent chez lui. Jaccottet arpente-t-il s/ces paysages ?

• Curieux de lire l'anti-Semaison, le Désherbage, car l'on sait qu'il a taillé dans le gras pour ce qui n'est pas un journal intime.

◦ {Lire la Seconde}

« Traînant parmi les ruines des grands poèmes, errant de l'un à l'autre, cherchant appui un instant, puis, découragé, refermant ces portes dégondées »

« Le peu de souvenirs qui me reste de chaque époque de ma vie, et leur vague, me remplit d'étonnement. »

Des grives aux loups
7.6

Des grives aux loups

Sortie : 1979 (France). Roman

livre de Claude Michelet

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

Best-seller de la toute fin des années 70. On parle tout de même de plus 3 millions d’exemplaires écoulés. Qui lit encore Michelet de nos jours à part peut-être quelques nostalgiques d’une France fantasmanostalogique pour qui l’֤École de Brive vaudrait plus que le Nouveau Roman ? Michelet, disparu il y a 2 ans, jouait alors — cela n’apparaît pas le moins du monde dans le roman — de l’opposition entre sa littérature régionale forcément populaire, donc sincère et dure au travail et les ronds de jambes de ces flagorneurs du gratin parisiens. Mouais…

Se forcer à ne pas juste regretter que ce ne soit pas du Giono et sa verve enchantée ni du Bergounioux et son regard acéré ou du Rouaud et son épopée triste. Manque de paysages, de descriptions, de caractères. Manque de liberté, tout file droit, nécessaire.

Comme Bazaar : patelin perdu, bourgade écrasée sous le poids de la vindicte populaire, écartelée entre tradition et modernité (c'est le titre d'un chapitre de manuel d'histoire-géo), corsetée par la religion. C’est alors histoires de mariages, de dots, de voies toutes tracées (où l’on filerait la métaphore du sillon labouré). Quoique Michelet n'en fasse pas des tonnes dans le misérabilisme ni d’ailleurs dans le régionalisme : pas de factice décorum de patois à part le répété miladiou. Il s’était par contre plongé dans les archives locales pour que tout soit, non pas véridique, mais crédible, véritable : prix, marques, noms, thèmes, chiffres.

Étonné par la tournure des évènements, c'est-à-dire la fêlure, fissure puis fracture ouverte, terrible, violente et sans rémission possible entre père et fils et filles. Nous sommes loin du noyau familial soudé contre le monde et ses avanies auquel je m'attendais.

Ce fût agréable à lire, je ne dis pas. Curieux de la suite : le fils aura à faire, sûrement, avec la Gestapo, la Résistance.

Comme Bazaar, étonné par l’absence de nouvelle adaptation que ce soit en mini-série France 2 ou en film à costumes avec Auteuil, Ménochet, Gadebois, Duvauchelle en paysans ronchons, froissés.

« La vie reprit […] Avec la guerre, ce n’étaient pas seulement 1 300 000 hommes qui étaient morts, c’était toute une époque, un siècle même. »

{Lire les Thibault}

Füssli

Füssli (2022)

Entre rêve et fantastique

Sortie : 14 septembre 2022. Beau livre & artbook, Peinture & sculpture

livre de Andreas Beyer, David Blainey Brown et Martin Myrone

Nushku a mis 7/10.

Annotation :

{Le plaisir de lire les cat. d'expo longtemps après les avoir visitées pour en raviver le souvenir, retremper le pinceau à la palette : la couleur se rafraîchit.} {Pis c'est temps à lire du Hoffman.}

On peut reprocher mille choses aux Surréalistes, à raison souvent mais pas de ne pas avoir joué les Indiana Jones et Lara Croft des arts passés. Füssli redécouvert par eux, archétype de l'artiste populaire (pas tant) qui sombre par la suite dans l'oubli et se voit ramené à la lumière des cimaises au début du XXe siècle. Au point qu'on finit par oublier ces abandons et qu'ils apparaissent comme des génies éternels, étoiles d'un ciel immuable, ciel des des fixes. On a je crois du mal à se figurer à quel point notre musée imaginaire n'est pas aussi figé, comprendre nécessaire, évident (juste) qu'on le croit.

Pas trop de gloses à étaler ici. Voir extraits dans Glanures, éloquentes.

Füssli peut certes facilement se caricaturer, réduit à quelques figures shakespeariennes aux yeux écarquillés, ramené sans fin à son Cauchemar et sa postérité [Cauchemar qui n'était PAS dans l'Expo, des copies de sa main, oui, mais l'impression que les visiteurs ne s'en rendaient pas compte] mais ce n'est pas trahison ni dénaturation. Il faut garder en tête cependant l'influence antique et michelangénienne en tête. Fussfusse était homme de contradictions fondues, amalgamées en un alliage harmonieux. Caricature et essence peuvent parfois faire bon ménage.

Soit dit en passant, je redécouvre à mon tour que je connais très mal la peinture anglaise. Non, je ne parle pas de Turner ni de Constable, Hogarth... Les autres, actually.

*

« L'influence directe du savant zurichois sur la formation culturelle et artistique de Füssli va sans doute plus loin, puisque Bodmer était également le traducteur du poète John Milton et qu'il s'était intéressé avec non moins d'enthousiasme au Moyen Âge et à la littérature en haut moyen allemand. Le philologue s'était pris de passion pour la Chanson des Nibelungen, dont on avait redécouvert le manuscrit en 1755. Cette épopée fut rapidement considérée comme une « Illiade allemande » et, en 1769, Bodmer entreprit d'en publier des extraits. Homère, l’Illiade et l'Odyssée, John Milton ou William Shakespeare, mais aussi la Chanson des Nibelungen seront les sources d'inspiration auxquelles Füssli puisera toute sa vie ses images : l'éclectisme comme programme, le syncrétisme comme profession de foi artistique. »

Noireclaire
6.6

Noireclaire (2015)

Sortie : 8 octobre 2015 (France). Poésie

livre de Christian Bobin

Nushku a mis 4/10.

Annotation :

Par ce titre qui évoque à la tant et si peu, fébrile. Si je n'aime guère l'expression d'impressionniste pour décrire des écritures fortes en couleurs et riches de sensations, elle s'y prête pourtant bien à celle de Bobin. Par son aspect de touches isolées qui par leur voisinage crée teintes, couleurs, nuances et (peu) contrastes. De cet Impressionnisme qui laissait voir la jute de la toile, le pinceau à peine trempé laissant trace de poils.
Parfois des échos élimés de Supervielle.

Sincère, souffrance à nu. Âme dévoilée. Cela suffit-il ?
Les oiseaux, les poètes chinois, les rires des enfants. Cela suffit-il ?

« Quand tu étais de ce monde j’adorais traverser avec toi la campagne au vert surnaturel, ses chorales de sous-bois et ses poèmes de barrières. »

« Lire prend mes mains, mon visage, mon temps, ma réserve d’espérance et change tout ça en silence, en bonne farine lumineuse de silence. »

« Je cherche ton visage comme on cherche l’interrupteur dans le noir.
Le poète perce quelques trous dans l’os du langage pour en faire une flûte. Ce n’est rien mais ce rien parle de l’éternel.

Personne n’est aussi seul que le son d’une flûte. »

« Le chat sauvage passe devant la fenêtre. Il est noir, musclé. Ses griffes sont d’acier. Dans ses yeux verts roulent des planètes, s’entassent des nuits et des guerres. »

Giono-Paulhan

Giono-Paulhan (2000)

Correspondance (1928-1963)

Sortie : 23 mars 2000. Correspondance

livre de Jean Giono et Jean Paulhan

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Je dois avoir lu déjà quelque unes de ces lettres dans la correspondance de Giono avec les Éditions NRF, même si c’est surtout Gallimard & fils qui y étaient à l’honneur.
Paulhan, vous connaissez : éditeur, auteur, ombre tutélaire de la moitié du XXe siècle dans la République des lettres, toujours là, en fond, en sourdine sans jamais l’être. Il est la ligne de basse de la littérature du siècle dernier.

« Petit à petit, marcher s'il est possible vers plus de simplicité, de vérité, et voir de plus en plus vaste. »

Néanmoins les lettres de Paulhan n’étant pas ou si peu conservées, même carrément égarées, c’est surtout à long monologue de Giono étalé sur presque 35 ans que l’on a le droit. 35 ans d’amitié lointaine mais réelle, profonde, qui semble lourde de promesses. Et que peut-être plus de rencontres IRL, d’intimité aurait effrité ? Rien de bouleversant in fine. Cette correspondance vient compléter quelques micro-trous dont je connaissais déjà la teneur et la couleur par le jeu des contrastes et des complémentaires. On y retrouve notamment le micmac du double contrat avec Grasset, sa défense après la guerre, l’ombre de ses infidélités, ses grands projets de chroniques abandonnés. Celle avec Lucien Jacques sont grand ami, en deux volumes, m’intéresse moins.

« Très bouleversé du Hussard. Ces grands vents, dans votre œuvre, ce sommeil rouge, cette peste qui court, jamais encore je ne m’étais senti à ce point transporte, ravi par vous. Merci. J’ai eu un grand bonheur à lire hier ces pages, que je vous renvoie (Mais où vont-elles paraitre ? en France ? et en ce cas pas avant Les Cahiers de la Pléiade, n’est-ce-pas ? C’est-à-dire vers le 1" mars. Je vous en prie.)
Seulement je voudrais mieux connaître Angelo. »

« J'avais aussi des extraits de Fragments d’un paradis, mais c’était vous placer tout de suite dans un Giono tout à fait inconnu et que pour instant je garde timidement secret. Enfin, depuis sept ans j’accumule ici romans, poèmes et écrits inclassables, au gré de ma fantaisie. Il y en a pas loin de 8 à 10000 pages. Je crois, moi, que dieu finira pas reconnaitre les siens. Vous ne croyez pas ? »

Bazaar
7.3

Bazaar (1991)

Needful Things

Sortie : 8 octobre 1992 (France). Roman

livre de Stephen King / Richard Bachman

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

Je l’ai très peu lu et pourtant le connais bien. Adaptations en films, téléfilms, séries, parodies, forums j'entrevois bien son œuvre, en connaissant les fins et les retournements. Lire les 2000 pages du Fléau en ayant vu mini-série et télé-suite ? les 1500 pages de Dome en connaissant le pourquoi (et le par qui) ?
Avec Bazaar à part la ligne de ba(s)se d'un magasin au gérant démoniaque qui fout le boxon, pas grand-chose. Quoique… Influencé par sa parodie dans R&M, aussi à la thématique du roman censée être l'addiction, je m'attendais à ce que les objets soient plus présents, moteurs de l'action et non juste appâts puis hameçons (et un brin ridicules). C'est en fait Gaunt qui met tout en place, force l'échiquier, a la main lourde à la pâte.

Je crois pouvoir l'apprécier dans l'unité de lieu, huis-clos (aéroport, salle de classe, magasin, la bulle mouvante d'une marche) et de temps. Ici l'unité quoique élargie reste confinée dans une bourgade, un petit mois.

Castle Rock-in-Maine ! Light en fantastique, dénué d’horreur, King donne dans la satire. Anatomie d'une petite ville comme Balzac, autopsie des âmes humaines, dissection de rages rentrées — le terme comédie humaine apparaît en français dans le texte — et surtout comme Anderson, leur maître à tous pour paraphraser Faulkner, et son Winesburg-en-Ohio. Bazaar pourrait presque être un fix-up de nouvelles rassemblées en un mille-feuilles de frustrations.

Cela m'étonne que ce roman n'ait jamais été adaptée en série, il y a pourtant matière à, surtout avec les tics modernes : explorer rancœurs et rancunes en multipliant les micro-scènes, tirer sur la corde sur l'étrangeté de Leland, empiler les flashbacks explicatifs et expiatoires. Ajoutez un brin de grotesque et vous avez White Lotus ou l'une de ses variations.

NB : gamin je n'aimais pas King car je le trouvais vulgaire, tout habitué à Verne, Clarke, Doyle que j'étais. Et si c’était la faute à W.O.D qui a l’air d’avoir clairement le melon ? Après comparaison, il en rajoute clairement dans l’insulte, l’argot… (étrange passage où il a rajouté un (ah ! ah !) absent de la vo à son adaptation d’un jeu de mot ?) C’est fluide mais parfois du côté des Séries Noires. Itou pas convaincu par "Bazar des rêves" qui tout de suite charge une connotation magique. WOD disait que personne ne regarde le nom du traducteur. Si, dorénavant j’irai à reculons en voyant le sien. Et il paraît que ses successeurs sont pires...

L'Agrafe
5.8

L'Agrafe (2024)

Sortie : 29 août 2024. Roman

livre de Maryline Desbiolles

Nushku a mis 6/10.

Annotation :

« Il faut tenir aux bribes, manques, mots écorchés. » Il y a chez Desbiolles un plaisir du texte similaire à celui que je trouve chez d’autres auteurices, notamment verdiéristes comme Pradeau, Bergounioux, ou certains Giono, Germain voire Ernaux. Quoique celui-là aille parfois aussi du côté d'une Kérangal :: géométrie, étymologie et paysages. Le commun de cette liste arbitraire ? La concentration je crois, la densité par page, en mots, en idées, en sonorités rêches. Bribes. Si j'ai toujours trouvé Bergounioux rugueux, sec, Desbiolles me fait mentir : elle est pire, plus sèche encore, saillante, acérée. L'agrafe c'est aussi la plume de Desbiolles qui nous agrippe, nous enserre entre ses lignes piquantes, ses pages hérissées, comme des "lames étincelantes qui font crisser les dents, un peu."

(Un opuscule qui reste toutefois court sur pattes.)

« Elle gagnait à son corps défendant, mais de tout son cœur. »

*

« On ne voit qu'elle. Même très petite, de loin, à l’assaut dérisoire de la pente. Minuscule battement dans l’après-midi étincelant du mois de janvier. Ce début d’après-midi, épinglé de lumière, qui pourrait ne jamais finir. Argenture des collines dont la marne grise s’effrite sous les chaussures, herbes sèches mordues par le gel qui crépitent dans le pré, ruisseau brillant comme une aiguille au fond du ravin : par exception, il a plu un peu la veille. On ne voit qu’elle. »
/
« Vu d’ici, d’un peu haut, tout le paysage converge vers elle, petit point claudicant, vif-argent, comme si la brillance de ce début d’après-midi y était condensée et portée à incandescence. Le petit point claudicant pourrait fusionner avec le paysage s’il ne le détraquait pas plus encore. S’il ne le blessait pas, serait-on tentés de dire, comme on sait de quel malheur procède cette boiterie. »

*

« Il doit lui délivrer des bribes. Pas un récit où tout s’emboîte un peu trop bien. Des bribes. Elle ne l’a pas accompagné chez lui pour qu’il lui apprenne ce qu’elle sait déjà, ou du moins dans les grandes lignes, elle n’est pas venue pour qu’il lui fasse des révélations, mais pour connaître ses mots à lui, ses mots impropres, écorchés, mal foutus, des mots qui ont du mal à se frayer un passage entre les lèvres. »

Nushku

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