Carnet de glanures : « Fragments »
Des citations, bouts, bribes, extraits trop longs pour tenir dans le cadre restreint de la longueur de caractères des annotations des listes de lecture.
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534 livres
créée il y a plus de 4 ans · modifiée il y a 3 joursLa Semaison (1984)
Carnets 1954-1979
Sortie : 12 avril 1984. Journal & carnet
livre de Philippe Jaccottet
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
1000 extraits pour lui… où les conserver ? Il y a des livres qui chez moi finissent impeccables comme des chaussures cirées et d’autres hirsutes de post-it ou origamifiés de pages cornées (je n’ai plus depuis longtemps le culte du livre, à tout le moins du poche, au contraire qu’il vive !) (En commentaires)
« En me refermant sur moi, tous livres fermés hors le livre des choses, le livre du vécu, le livre concret, matériel, douloureux, dérobé :
noter d'abord des traces, des directions qui sont déposées en moi, qui creusent en moi leurs sillons. Des images qui s'enfoncent dans le passé ou qui flottent près de moi, tournent autour de moi. Inscrites sur sol mouvant comme celui du port de Rotterdam par gros temps. Notées en vrac et presque paresseusement, sans trop y regarder, m'y arrêter. »
« La terre en brisures, en écailles, comme une ruine. Décombres fertiles, fleuris. Tout monte d'un point central et s'évase, se multiplie ou se disperse. Arbres généalogiques. Graines condamnées, téméraires. Se sentir graine d'une très vieille plante dont on ne voit plus la racine. »
« C'est ainsi : je suis entouré d'images, fuyantes, brisées, sans lien entre elles, qui passent et s'effacent comme des oiseaux, et je voudrais les rassembler encore, faute de quoi c'est moi qui m'éparpillerai avant le temps. »
« Contemplateur du zodiaque terrestre, d'une galaxie arrêtée dans un jardin. Bientôt ce sera l'acacia, je ne l'ai pas oublié, et je ne l'aurais pas cru aussi prodigue. Parfums, blancheur, nuit de mai ou de juin, les plus courtes de l'année. »
« Le plaisir, l'émotion confuse associés au mot ‘pavillon’, pour moi, ne sont pas sans rapport avec cela. On y habite un lieu ouvert, poreux, proche de la nature végétale et traversé par l'air. Les jardins chinois où les poètes composaient leurs éloges subtils du monde. »
« En particulier par défi à l'aplatissement des âmes. Non point les défroques des princes, des chevaliers, mais leur fierté, leur réserve. Il n'est pas de poésie sans hauteur. De cela au moins je suis sûr, et fort de cette assurance à défaut d'une autre force. Mais pas de châteaux : les rues, les chambres, les chemins, notre vie. »
Des grives aux loups
Sortie : 1979 (France). Roman
livre de Claude Michelet
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« Il se reprit et se reprocha sa première réaction. Dans le fond, sa bouffée de colère était aussi stupide et injuste que, jadis, la réaction des parents. Aujourd’hui, comme cinq ans plus tôt, Louise agissait en opposition à ce qu’on voulait pour elle, à ce qu’on prévoyait, sans même lui demander son avis, sans tenir compte du fait qu’elle était libre d’avoir d’autres projets. Ainsi, lui, il l’avait définitivement rangée parmi les veuves qui, leur vie durant, portent le deuil et la tristesse, qui acceptent passivement et discrètement leur sort. »
*
« Aux attaques de front ou par la bande répondaient les perfides allusions, les sombres prévisions, la calomnie. On déballa tout, on se jeta à la figure la mauvaise gestion de l’équipe sortante et les prétendus pots-de-vin qu’elle avait touchés. Mais on parla aussi de celui que la ligne avait si bien et si rapidement enrichi… Enfin, on attaqua également la noce fastueuse de la fille du châtelain ; scandaleuse débauche d’argent à une époque où la classe ouvrière et paysanne avait tant de mal à vivre ! Plus de trois cent mille francs de dot pour cette péronnelle alors qu’un travailleur gagnait à peine ses huit francs par jour ! Et cette noce qui avait coûté des cents et des mille !
Parfois, surtout en fin de soirée, après les généreuses libations offertes par les candidats, on en venait aux menaces, puis aux empoignades ; on en arriva même aux coups… »
*
« 1916, 1917, années terribles, mois de cauchemars sans cesse renouvelés, jours et nuits d’horreur. Atroces tueries sur fond de gaz s’insinuant dans les boyaux glacés, figés par un hiver sans fin. Gaz aux sinistres volutes s’appesantissant dans les tranchées boueuses, puantes, nées d’un printemps sans espoir ; faux orages étalant leurs nappes verdâtres sur la poussière lourde de mouches d’un champ de bataille écrasé par une canicule qui ne mûrissait nulle moisson ; crachin sournois, presque invisible, se mêlant aux brumes de l’automne, aux brouillards de novembre. Gaz ignoble qui corrodait tout, posait partout sa pourriture mortelle.
Pierre-Édouard subit tout cela, connut le désespoir, l’abattement et cette immense lassitude qui paralysait la volonté, l’engourdissait dans la gangue épaisse du fatalisme et ne laissait au fond de l’homme que les sentiments les plus élémentaires : manger, dormir, survivre ; en oubliant la minute passée, en annihilant jusqu’à l’idée de celle à venir, en subissant simplement l’instant présent. »
Füssli (2022)
Entre rêve et fantastique
Sortie : 14 septembre 2022. Beau livre & artbook, Peinture & sculpture
livre de Andreas Beyer, David Blainey Brown et Martin Myrone
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
[Juste milieu, opposés :]
« La pratique artistique extrêmement souple et vigoureuse de Füssli ne caractérise pas seulement son rapport à l'Antiquité, elle trouve aussi un écho dans une philosophie de vie très indépendante. On a pu dire de lui que c'était un romantique, un maniériste, aussi bien représentant du Sturm und Drang ou du Gothic Revival. Son identité plurielle en matière de questions artistiques est peut-être due à son origine protestante, une religion pour laquelle l'image, on le sait, a toujours été suspecte, ce qui explique sans doute que Füssli l'ait d'abord abordée dans le champ de l'expérimentation et d'incessantes transgressions. Mais on n’aime guère se figurer cet esprit libre en homme à la dérive. On préférera de beaucoup saluer sa vie d'artiste, dans son dynamisme et son indépendance souveraine qui s’affranchit de tous les liens et se joue de toutes les doctrines, en y reconnaissant l'heureux produit d'une époque qui a trouvé en Füssli ses extrêmes en même temps que son juste milieu. »
[Sur la reconnaissance limitée de Füssli :]
« Si Füssli n'a pas bénéficié d'une reconnaissance plus grande et s'il ne s'est pas fait une place plus établie dans l'art de son temps, ce n'est pas seulement à cause de son extrême originalité, de sa position singulièrement émancipée par rapport au paradigme dominant de l'Antiquité mais sa domiciliation à Londres qui a également pesé de manière déterminante. Quiconque ne travaillait pas durablement à Rome ou à Paris, les centres artistiques incontestés de l'époque, restait relégué à la marge. Ce constat vaut aussi pour Goya par exemple, dont la carrière s'est faite pour l'essentiel à Madrid. Du reste, on pourra noter que la facture picturale et les sujets de l'Espagnol ressemblent souvent à ceux de Füssli. La redécouverte de ce dernier n’a commencé qu'en 1925, avec la grande rétrospective présentée au Kunsthaus de Zurich, à l'occasion du centenaire de sa mort, Depuis, sa popularité, attisée notamment par les surréalistes, mais aussi par d'autres courants qui se sont succédé en empruntant des voies opposées ne s’est jamais démentie : un état de grâce sans doute favorisé par le pluralisme stylistique du peintre. En tant qu'interprète souverain de l'Antiquité, Füssli reste néanmoins d'une persistante actualité. »
Noireclaire (2015)
Sortie : 8 octobre 2015 (France). Poésie
livre de Christian Bobin
Nushku a mis 4/10.
Annotation :
« Quand tu étais de ce monde j’adorais traverser avec toi la campagne au vert surnaturel, ses chorales de sous-bois et ses poèmes de barrières. »
« Lire prend mes mains, mon visage, mon temps, ma réserve d’espérance et change tout ça en silence, en bonne farine lumineuse de silence. »
« Je cherche ton visage comme on cherche l’interrupteur dans le noir.
Le poète perce quelques trous dans l’os du langage pour en faire une flûte. Ce n’est rien mais ce rien parle de l’éternel.
Personne n’est aussi seul que le son d’une flûte. »
« Le chat sauvage passe devant la fenêtre. Il est noir, musclé. Ses griffes sont d’acier. Dans ses yeux verts roulent des planètes, s’entassent des nuits et des guerres. »
Giono-Paulhan (2000)
Correspondance (1928-1963)
Sortie : 23 mars 2000. Correspondance
livre de Jean Giono et Jean Paulhan
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Ici, pas d'hiver. Soleil, azur, vent vinaigre, et sur la terre le plus beau tapis persan qu'on puisse imaginer. »
[Même Citron ne sait qui il pourrait être :]
« Gomez ! ah, il aurait fallu connaitre l'atmosphère de massacre de septembre dans laquelle cet éléphant atrophié se promenait. Sa serviette, sous son bras, était bourrée de têtes. Si encore ¢’avait été de vraies têtes, mais non ; des têtes de jardiniers, de fermiers, de cantonniers paisibles et ahuris, loin de se douter a quoi vraiment on en avait. Moi, la petite comédie qu'il m’a jouée avait été soigneusement mise en scène et même longuement répétée. C’est même le poli de cette préparation qui l’a trahi et m’a fortement réconforté. Ce pays de collines admirables, ici (si beau maintenant dans l’automne) lui a appartenu corps et Ames pendant trois mois. Il en a été l’empereur. C’est seulement
Ça que je ne pardonne pas. Il a tout tripoté et tout lourdement violé, à son aise, radieux, éléphantin, sublunaire et financièrement précis. Il aurait fallu le voir avec sa garde prétorienne. Quand vous saurez que les clairons sonnaient ‘aux champs’ quand il montait les marches du palais de justice ! Oh, on a de belles images pour se faire revenir le cœur (comme Cléarista le faisait avec l’odeur des pommes).
« Cher Jean,
Il y a quelque chose d’effrayant dans vos dernières œuvres. On n’évite pas de se dire qu’une telle légèreté, une telle assurance ici et la doivent se payer profondément par quelque abandon, quelque désespoir a jamais. Mais je parle de ce qui ne me regarde pas. »
« Et une pièce de théâtre Aux lisières de la forêt. Pièce de théâtre, c’est moi qui dis ça. Je ne sais même pas s’il est possible de jouer cette chose ou l’action danse comme une abeille, mais cela m’amuse et m‘instruit de travailler à ça ; je sens que toutes les charnières du dialogue sont en train de bouger dans beaucoup plus d’huile. Enfin, vous voyez, le travail : petit à petit, marcher s'il est possible vers plus de simplicité, de vérité, et voir de plus en plus vaste. Je crois qu’à la fin ¢a finira par aller si je ne rencontre pas trop de bêtes fauves sur ma route. »
« Je n’ai en réalité que des bouts de chansons, comme ça, et des lambeaux de récits. J’en ai beaucoup mais ce sont des morceaux disparates. Il est difficile de se mettre à noter devant quelqu’un qui parle ; il faut le faire en cachette, et pour restituer l’atmosphère après !... Enfin, vous savez que vous êtes libre d’en faire usage ou de le déchirer. »
Bazaar (1991)
Needful Things
Sortie : 8 octobre 1992 (France). Roman
livre de Stephen King / Richard Bachman
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Il y a toutes les chances pour que ce soit comme dans le patelin où vous avez grandi, ici. Des gens qui s'excitent sur la religion, des gens qui trimballent de bons gros mélos, mais aussi des secrets, des ressentiments... Et il y en a même qui racontent une apparition de fantômes, de temps en temps, par exemple ce qui a pu se produire (ou ne pas se produire) le jour où Pop a passé l'arme à gauche dans sa brocante, histoire de pimenter un peu la morosité de leurs journées. »
« Leland Gaunt se voyait en électricien de l’âme humaine. Dans une petite ville comme Castle Rock, tous les fusibles étaient sagement alignés dans leurs boîtes. Ne restait qu’à ouvrir celles-ci... et à entrecroiser les branchements. »
« — Oui. De mon temps, j’ai vu des choses à côté desquelles une médaille guérisseuse ou une amulette sont de la plus parfaite banalité (il y eut un fugitif éclat dans ses yeux noisette). Beaucoup de choses. On trouve de fabuleux débris dans les coins reculés de la planète, Polly. »
« J’ai cru comprendre que vous étiez plus ou moins un prestidigitateur de salon, mon ami déguisé en flic. Vous aimez les tours. Je vais vous en montrer quelques-uns avant de quitter le patelin. Je suis certain qu’ils vous épateront. »
« La ville dormait. Les boutiques étaient plongées dans l’obscurité, les maisons aussi. L’unique signe de vie était le feu orange qui, à l’intersection de Main Street et Watermill, clignotait paresseusement. Leland Gaunt jetait sur la ville un œil plein d’une tendresse gourmande. Elle n’était pas encore à lui, mais il n’y en avait plus pour longtemps. Il avait déjà une patte posée dessus. Ils ne le savaient pas, mais n’allaient pas tarder à l’apprendre. »
« La première règle de son mode d’existence, fondée sur une guérilla perpétuelle avec tout l’univers, était Toujours avoir le dernier mot. La deuxième, Toujours faire le premier mouvement. C’était ce qu’elle voulait dire par Régler la Question, et elle avait l’intention de Régler la Question Nettie sans traîner. »
L'Agrafe (2024)
Sortie : 29 août 2024. Roman
livre de Maryline Desbiolles
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Voici le héros. Le corps éparpillé il y a plus de deux cents ans et la chemise encore gonflée par le vent des épopées, les pilotes de rallye casqués et sanglés dans leurs combinaisons n’ont qu’à bien se tenir. Viol, vengeance, rébellion, combats, trahison, assassinat, cadavre outragé, quoi d’autre ? Voici le héros de L’Escarène, la chemise encore immaculée, offerte à toutes les aspersions de sang possibles. »
« Elle respire, elle fait partie de ceux qu’elle appelle les tout cassés. Elle respire entre les tout cassés, étrangement étayée par eux, les trachéotomisés, les ventilés, les obèses, les anorexiques, les cancéreux, les sidéens de naissance, les insuffisants rénaux, les traumatisés crâniens. Les éclopés qu’on répare, les blessés, les malades et leurs prothèses, leurs béquilles, leurs tuyaux, les tout cassés, sortis du rang de la normalité qu’on s’ingénie pourtant à vouloir leur rendre. Ainsi Emma Fulconis subit d’interminables séances de kinésithérapie, en pure perte, pour décoller les cicatrices de ses plaies ou pour redonner à la position de sa cheville un angle impeccable. »
« LES CHANSONS DÉHANCHENT les mots, les font boiter, divaguer. Les mots de travers, un peu. Les chansons sont des petites danses. La langue, les lèvres s’étirent autrement pour les mots des chansons. L’intérieur de la bouche est en mouvement. Les mots ne forment plus des phrases, mais attisent des improvisations. Les mots ont des accidents. Le sens des mots est en suspens, en souffrance, les mots sont insensés. Les chansons touchent les mots, les caressent, les laissent tomber. Les chansons se passent de mots. Les chansons sont des petites danses. Chante-moi une seule danse et je serai guérie. Tout le corps ému, ébranlé, le plus inconnu du corps, le plus secret et le plus commun, danse-moi une seule chanson et je serai guérie. »
Vies héroïques (2024)
Portraits, sentences et anecdotes
Sortie : 5 septembre 2024. Poésie
livre de Daniel Kay
Nushku a mis 3/10.
Annotation :
« Bien entendu, dans sa prime jeunesse, il eut l’occasion à Florence dans l’atelier de son maître de pouvoir retoucher une lance dans une scène de bataille ou achever quelque arbre aperçu d’une loggia. Mais ça, c’était jadis.
L’héritage de son père dont quelques terres en fermage en Lombardie lui avait épargné le souci d’être l’esclave de riches commanditaires, et de fait, si on peut le dire de cette façon, il était devenu son unique patron et modèle. Non pas qu’il fût vaniteux — il ne se trouvait pas particulièrement beau — mais il s’était habitué à ce modèle facile et toujours disponible dont il savait les vices et les qualités. Il avait notamment appris à connaître chaque aspect de son visage, orientant à son gré la lumière sur son front, infléchissant au besoin la rondeur de ses joues, captant telle ou telle expression du regard.
Néanmoins, les années passant, il semblait s’éloigner peu à peu de lui-même et regardait avec étonnement cet autre à la fois familier et étranger. Il avait trouvé un titre — pour peu que le mot titre eût ici un sens —, le même pour chacun de ses tableaux. Ainsi on pouvait lire, tracée de sa propre main au dos de chaque châssis, l’inscription suivante, laconique et quelque peu énigmatique : lui. »
Une histoire de la conquête spatiale (2024)
Des fusées nazies aux astrocapitalistes du New Space
Sortie : 2 février 2024. Essai, Sciences, Culture & société
livre de Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
[Note d’intention :]
« Tout cela participe de l'enchantement, de l'emballement, et quiconque souhaiterait ne pas abonder dans cette fuite en avant dans l'espace se trouve aussitôt disqualifié, parce que ce serait aller contre le cours de l'histoire et le devenir cosmique de l'humanité.
À rebours de l'histoire classique des technologies spatiales, faite par et pour les convaincus, la trame que nous proposons assume un cadrage politique d'ensemble. Il s'agira de mettre en série des faits établis dans les recherches historiques récentes, mais souvent ignorés de l'histoire des "affaires spatiales" — et pour cause, ces faits étaient souvent classés 'secret-défense' il y a encore peu de temps, ou bien étaient confidentiels car mettant en jeu des secrets industriels. À cette fin, nous documenterons et synthétiserons les histoires spatiales en passant par des éléments biographiques, l'histoire des programmes emblématiques, et d'autres programmes passés sous les radars. Ce travail permet de lever le voile sur le cours des événements, comme on gratterait un palimpseste : un parchemin où les couches d'Écriture ont été superposées les unes aux autres, de sorte que toute profondeur historique est masquée. Or ce sont bien les continuités que nous nous efforcerons de révéler. Aussi, ce livre donne une place importante aux sources que nous mobilisons, et laisse la possibilité au lecteur d'aller butiner plus en détail dans notre frise : d'autres ouvrages ont documenté plus précisément certains de ces détails dans des champs aussi divers que l'astroculture, l'espionnage ou encore la conquête de Mars. »
*
[Sur une autre imagerie :]
« Une histoire ponctuée de critiques, mais également d'imaginaires sociotechniques qui tranchent avec les récits de conquête et les velléités de colonisation d'espaces vierges dans le registre du Far West. Nous ne devrions pas doucher les rêves d'exploration et de contemplation de l'espace au prétexte qu'ils ont été happés par la rhétorique des astrocapitalistes. Ils n'en sont pas les dépositaires. D'autres perspectives culturelles, d'autres cosmologies leur ont fait face et continuent de le faire, dans des domaines aussi variés que l'ingénierie, la lutte pour la démilitarisation, la culture populaire, la science-fiction ou les revendications décoloniales. »
Le Journal du séducteur
Forförerens Dagbog
Sortie : 1843 (France). Essai, Roman
livre de Søren Kierkegaard
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Si je l'avais vue en hiver, elle aurait sans doute été enveloppée dans le manteau vert, elle aurait peut-être été transie de froid et l'intempérie de la nature aurait amoindri sa beauté. Mais à présent, quel bonheur ! Je l'ai aperçue d’abord au commencement de l'été, à l’époque la plus belle de
l'année et dans la lumière d’un après-midi. L'hiver a bien aussi ses avantages. »
« L'essentiel est de guetter ce que chacune peut donner et, par conséquent, ce qu'elle demande. C'est pourquoi toutes mes aventures d'amour ont toujours une réalité pour moi-même, elles constituent un élément de la vie, une période de formation sur laquelle je suis bien fixé, et souvent une adresse particulière s’y attache : j'ai appris à danser à cause de la première jeune fille que j'aimais, j'ai appris à parler le français à cause d’une petite danseuse. »
« Et ma joie est de tenir in suspenso ceux qui m'écoutent, de vérifier par des petits mouvements épisodiques l'issue qu'on désire à mon récit, et de les tromper pendant son cours. Mon art est d'employer des amphibologies pour qu'on me comprenne dans un sens et qu'on s’aperçoive subitement que mes paroles peuvent être comprises autrement aussi. »
« Jeune, nouvelle-née, comme une fleur poussée des racines de la montagne, elle se balancer sur l’abîme, presque à nous donner le vertige. —- Ce qu'elle doit apprendre, c'est à faire tous les mouvements de l'infini, c’est à se balancer, elle-même, à se bercer dans des états d'âme, à confondre poésie et réalité, vérité et fiction, à s’'ébattre dans l'infini. Quand elle se sera familiarisée avec ce remue-ménage, j y associerai l'érotisme, et elle sera ce que je veux, ce que je désire. Alors j'aurai fini mon service, mon travail, je pourrai plier toutes mes voiles, je serai assis à son côté, et nous avancerons en nous servant de ses voiles. »
« Le printemps est bien la plus belle époque de l’année pour tomber amoureux -— et la fin de l'été la plus belle pour arriver au but de ses désirs. Il y a dans la fin de l'été une mélancolie qui répond entièrement à l’émotion qui vous pénètre en pensant à la réalisation d'un désir. »
Vallée du carnage
Sortie : 27 septembre 2024 (France). Roman
livre de Romain Lucazeau
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Le mal fonctionne ainsi, par petites touches, par habituation, par diffusion progressive dans les âmes les mieux intentionnées, les plus nobles. »
« Ils diront plus tard : « Je n’ai rien décidé, je n’ai fait que mettre en œuvre. » D’autres, les courtisans, les courroies de transmission, les inutiles, s’affairent autant que possible pour dissimuler sous un vernis d’adhésion absolue les réticences que leur cœur pourrait nourrir vis-à-vis de ton dernier gambit. Tu les connais, les arguments des tièdes, leur prévention contre l’usage des armes de destruction massive. »
« Sur les rives lointaines de la Méditerranée et de l’Atlantique, on commence, plus souvent que par le passé, à parler du conflit. Les bellicistes, qui n’auraient reçu naguère, pour prix de leurs harangues, que moqueries, trouvent un plus large écho auprès des opinions. Dans les temples, les prêtres ne détournent plus le regard à l’évocation de futurs combats. Sur les places, aux terrasses des cafés, les marchands, les hommes d’affaires en oublient de commenter le cours des Bourses, la valeur de l’argent et les taux d’intérêt. Car aucun de ces indices ne sortirait indemne d’un affrontement direct. »
« Sans qu’il soit possible de déterminer l’exact point de bascule, une certitude s’empare de l’esprit collectif : Orode va étendre la guerre et, à travers la soumission terminale d’Ecbatane, il menace le monde. Avant même qu’à Persépole un premier corps d’armée ait été déplacé, que la moindre déclaration ait été lue concrétisant ce risque, les cours des matières premières et des industries d’armement grimpent. Au sein de l’opinion, le mépris pour les peuples orientaux se cristallise en haine ouverte, tandis que les gens d’Ecbatane ou d’Arménie se voient parés de toutes les vertus. Douter devient sacrilège. Ainsi fonctionnent les cités libres. Une accumulation de rancœur leur est nécessaire pour se mettre en branle, mais, une fois acquise la conviction qu’il faut frapper l’ennemi, le mouvement devient implacable. »
Voyage à pied dans la Haute-Drôme (2024)
Notes pour "Les Grands Chemins"
Sortie : 3 octobre 2024. Journal & carnet
livre de Jean Giono
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Je vois ce que pourra être ce livre pour lequel j'ai fait cette balade et pris ces notes. Bien entendu tout ce pays est le livre, tout ce pays depuis mon départ et , il sera en même temps tous les pays qu'à partir de celui-là je pourrai inventer (en partant de tout ,vents,pluies,orient des choses) et il sera en même temps tous les personnages que j'ai rencontrés plus les personnages que je pourrai inventer (en partant de tout ce que j'ai vu - sang ,lumière de l'oeil ,les bouches et les sombres histoires que m'ont racontées les murs ,les portes ,les lits et les photographies des chambres) et en plus bien entendu moi et en plus bien entendu ,le personnage qui m'habite et m'accompagne tout le long de cette route avec sa présence inéluctable et constamment désirée. »
« Particularité - Toutes les vieilles portes de maison sont ornées d'un cœur.
Dormi deux heures, réveillé à six heures. Sorti vers le petit bois de pins. Curieux village que je
domine construit sur une arête de rocher. La fenêtre de ma chambre domine d'au moins quarante mètres la place où les jeunes gens jouent aux boules. Les champs de lavande pendus en oblique devant les yeux du village sont comme de vieilles tapisseries. On a enterré la jeune femme au cimetière. Je vois d'ici sa tombe fraîche. Qui enterre-t-on donc dans les champs à six kilomètres d'ici ? Ici c'est un pays d'amour lent, paisible et énorme, c'est pour toute la vie. Orages dans le ciel, il tonne... »
« Route qui elle-même a abandonné toute retenue et maintenant est toute cernée dans les pierres. Ce qui s'avance devant mon pas c'est le Thibet [sic]. C'est le Thibet du Dict de Padma avec les vallons hantés de diables et les grands cimetières flottants des légendes, profonds et clapotants comme des marécages reposant directement sur la poitrine des dieux funèbres. Le piédestal rocheux qui porte Chalancon le porte haut mais s'élance encore plus haut dans le ciel torturé de nuages et de vent et s'y découpe en crinières de roches. »
La Lueur des jours (1991)
Sortie : 20 novembre 1991. Poésie
livre de Jean Grosjean
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Le pâle décours sur les bois du matin.
Le chemin désert sur l'épaule du coteau.
Le graillement d'un corbeau dans les maïs.
De blancs nuages défilent sur l'horizon.
Le vent tranquille va d'arbre en arbre.
Les heures s'égouttent comme du caillé.
Le ciel m'observe comme l'ont fait les lisières
depuis longtemps à travers leurs saisons.
Le ciel m'entend ne plus bouger,
sa mémoire trie mes pas. »
*
RÉPITS
« Feuillages, feuillages mobiles dans l'air,
errants sous les cimes des nuages,
envols d'oiseaux, errance des graines,
taches mouvantes du soleil par terre.
Mais les soudains repos des souffles,
tout le ciel qui retient son souffle,
les mains apaisées des feuillages,
l'immobilité des nuages,
l'odeur stagnante d'une fleur surprise,
le cri bref d'un oiseau très loin,
l'ombre d'une pierre. »
*
FENÊTRE
« La fenêtre à travers les arbres
voit s'exténuer la saison.
Les oiseaux dans un feuillage
déjà jaune et prêt à choir.
Les prés ras, le ciel sans ride.
La maison est une vieille arche
amarrée au bord des jours.
Ses vivants n'y ont plus d'âge.
Le temps dort dans une remise
et les anges derrière les murs. »
Théodoros
Sortie : 22 août 2024 (France). Roman
livre de Mircea Cărtărescu
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« Ensuite, j’ai parcouru les jardins et les musées de Florence, et j’en ai découvert les merveilles, chaque tableau au mur fut pour moi une fenêtre sur les prairies de l’Éden, et toute l’Italie, un don de Dieu. Il s’y trouve des œuvres de quatre ou cinq coudées de haut et plus encore de large, qui représentent des batailles navales sur des mers écumeuses et les combats des dieux hellènes, et tant de corps contorsionnés que cela donne la migraine et que les yeux s’aveuglent et que vos jambes ne vous portent plus. Je me nourrissais d’un morceau de fromage, de trois olives et d’un croûton de pain chaque jour, mais j’oubliais même ma faim, en passant d’église en église et de musée en musée, et d’icône en icône, et c’est ce que j’ai fait pendant cinq ans, ayant toujours mon matériel de dessin avec moi, pour apprendre à faire un bras tendu ou une épaule, avec leurs muscles exactement comme les faisaient Michel-Ange et Raphaël. Je dormais sous les pins de Rome, au milieu des ruines de marbre, et je rêvais de peindre à mon tour un tableau, fût-ce le plus humble, qui rejoindrait l’une de ces pinacoteche que je hantais tout le jour. »
« Tu ne te souvenais pas – mais nous gardons tout en mémoire pour toi, Théodoros, chaque instant de ta vie et du monde, car nous, nous trouvant si haut dans les sphères au-dessus de votre voûte bleue, nous pouvons suivre les histoires depuis l’époque où elles n’en formaient toutes qu’une seule, fil tissé de tous les autres fils, scintillant de toutes les scintillances, doré de toutes les dorures, fil qui a la douceur du lin et la rugosité de la laine et le parfum du chanvre et la transparence de la soie et les couleurs des cotons à broder, avant que tous les fils ne soient tendus sur les cadres du métier à tisser, et ensuite nous pouvons les suivre un par un, qui se séparent et se retrouvent dans la trame des jours et des nuits, du lait et du sang, du soleil et de la lune et des étoiles, là où s’entretissent les vies des rois et des moines et des laboureurs, des charpentiers et des passementiers et des saints, et des putains et des mendiants, de ceux qui besognent en enfer et de ceux qui brillent comme le soleil dans l’Empire des Cieux, formant tous un unique tapis béni et bariolé, dans lequel ta vie n’est qu’un motif parmi des milliers de motifs, luisants comme les pierres précieuses, le tapis de la Création. »
Le Cri du canard bleu (2012)
Sortie : 3 octobre 2012. Roman
livre de Alexandre Vialatte
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« La Beauté ne s’explique pas. Elle s’impose, elle vous saisit. Elle vous laisse un signe au passage ; on le reconnaîtra toute sa vie. Elle vous attrape et vous conduit par des chemins qui sont à elle. Quand elle vous lâche, elle vous laisse des bleus sur vos poignets. »
« C’était encore lui qui, suivi de Lafayette, partait en éclaireur, à la messe du dimanche, ranger les bancs des collégiens. À les voir descendant la rue des Sacristies, un petit labyrinthe gothique, l’un en pantalon blanc et l’autre tout en noir, baleiné d’on ne sait quelle solennité rustique, raidie de parapluie et de cellulo, on aurait dit deux artistes de cirque qui vont jouer leur numéro. Dans l’église il aimait le clinquant des roses métalliques, des feuilles dorées, des vases de mois de Marie.
Il aimait de la même façon les choses qu’on apprend à l’école, les problèmes, les départements, les poètes, la géométrie, comme des boutons de facteur ou des billes d’agathe. Ça brille, c’est sans utilité ; les autres ne pensaient qu’au bachot. »
Le Château de ma mère (1958)
Souvenirs d'enfance, tome 2
Sortie : 1958 (France). Autobiographie & mémoires
livre de Marcel Pagnol
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« "Je ne serais pas étonné, dit-il, si nous prenons quelques sayres ce soir, parce qu'aujourd'hui, c'est l'automne." Je fus stupéfait.
Dans les pays du centre et du nord de la France, dès les premiers jours de septembre, une petite brise un peu trop fraîche va soudain cueillir au passage une jolie feuille d'un jaune éclatant qui tourne et glisse et virevolte, aussi gracieuse qu'un oiseau... Elle précède de bien peu la démission de la forêt, qui devient rousse, puis maigre et noire, car toutes les feuilles se sont envolées à la suite des hirondelles, quand l'automne a sonné dans sa trompette d'or.
Mais dans mon pays de Provence, la pinède et l'oliveraie ne jaunissent que pour mourir, et les premières pluies de septembre, qui lavent à neuf le vert des ramures, ressuscitent le mois d'avril. Sur les plateaux de la garrigue, le thym, le romarin, le cade et le kermès gardent leurs feuilles éternelles autour de l'aspic toujours bleu, et c'est en silence au fond des vallons, que l'automne furtif se glisse : il profite d'une pluie nocturne pour jaunir la petite vigne, ou quatre pêchers que l'on croit malades, et pour mieux cacher sa venue il fait rougir les naïves arbouses qui l'ont toujours pris pour le printemps. C'est ainsi que les jours des vacances, toujours semblables à eux-mêmes, ne faisaient pas avancer le temps, et l'été déjà mort n'avait pas une ride. »
« Une voix au loin m'appela : je me cachai derrière la haie, et j'avançai sans bruit, lentement, comme autrefois... Je vis enfin le mur d'enceinte : par-delà les tessons de la crête, le mois de juin dansait sur les collines bleues ; mais au pied du mur, tout près du canal, il y avait l'horrible porte noire, celle qui n'avait pas voulu s'ouvrir sur les vacances, la porte du Père Humilié…
Dans un élan de rage aveugle, je pris à deux mains une très grosse pierre, et la levant d'abord au ciel, je la lançai vers les planches pourries qui s'effondrèrent sur le passé. Il me sembla que je respirais mieux, que le mauvais charme était conjuré.
Mais dans les bras d'un églantier, sous des grappes de roses blanches et de l'autre côté du temps, il y avait depuis des années une très jeune femme brune qui serrait toujours sur son cœur fragile les roses rouges du colonel. Elle entendait les cris du garde, et le souffle rauque du chien. Blême, tremblante, et pour jamais inconsolable, elle ne savait pas qu'elle était chez son fils. »
Le Miroir magique (2020)
Sortie : 19 novembre 2020. Essai, Peinture & sculpture
livre de Jean Frémon
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Bellini aime les sujets nouveaux. Tout ici est nouveau pour lui, il lui tarde d’en prendre possession en le dessinant. Il exerce son œil et sa main, apprend à rendre en quelques traits la finesse d’une étoffe, le volume d’un turban. Constantinople est une mosaïque, le costume des femmes grecques n’est pas celui des Druzes, des Turques ou de celles d’Arménie, il lui faut les dessiner toutes. Il dessine le scribe, le porteur d’eau, les marchands du souk dans leur échoppe. L’un des janissaires qui garde la porte du sultan accepte de poser pour lui. Gentile le peint assis en tailleur, légèrement de trois quarts, les mains posées sur les genoux, on aperçoit le manche de son sabre et la crosse de son arc, un carquois de cuir pend à sa ceinture. Il porte un haut chapeau conique au sommet replié qui rendrait tout autre ridicule, mais pas lui. Une calme détermination émane de sa présence massive. »
*
« Le Lison est un cours d’eau du Haut-Doubs, affluent de la Loue. Je me souviens de son eau claire où nous pêchions de petits poissons pour la friture, parfois même une truite. Il arriva aussi que nous ne résistâmes pas à nous y tremper des pieds à la tête pour nous rafraîchir au terme d’une longue course à vélo. C’est le pays de Courbet, dont le nom semble prédestiné tant il sut rendre le charme de cette nature, collines et vallées, méandres de ses rivières, qui tient précisément à l’abondance de ses courbes.
De Courbet à Maupassant, il n’y a que la distance d’Ornans à Étretat, d’un tableau à l’autre, des Sources de la Loue à La Vague. »
*
« Ayant reconnu les traits de l’artiste dans ce tableau de jeunesse, on peut maintenant s’amuser à le chercher partout où il se cache. La profondeur est abolie, il n’y a plus de perspective, plus de lointain, mais toujours, dans chaque tableau jusqu’au dernier, les hiéroglyphes élémentaires d’un visage défiguré. Toujours ce cercle, pupille obstinée, parfois l’amande d’un œil, pris dans une matière fluide dont les coulures excèdent la forme. « La peinture, c’est un œil, un œil aveuglé, qui continue de voir, qui voit ce qui l’aveugle. »
Un voyageur en terre du milieu
A Middle-earth Traveller : Sketches from Bag End to Mordor
Sortie : 9 octobre 2018 (France). Beau livre & artbook
livre de John Howe
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« [...] Une Nouvelle-Zélande spirituelle et symbolique vue à travers le prisme de la fiction ; la topographie n'est plus un objet et les paysages deviennent un véhicule narratif.
Après de longues années en Terre du Milieu, je constate que j'ai suivi les mêmes chemins. Toutes les images qu'elle m'a inspirées, et qui sont devenues mes créations, ne recoupent pas une seule et même catégorie: alors que certaines s'inspirent d'endroits précis, d'autres sont le fruit du hasard et des combinaisons. Imaginer la Terre du Milieu repose à mon sens sur une stratification à quatre couches: les histoires elles-mêmes, les descriptions et les détails qu'elles révèlent, les lieux et les événements qui ont inspiré l'auteur et, enfin, les régions de Nouvelle-Zélande choisies dans les deux trilogies cinématographiques. Superposée à cela — et parfois mêlée au tout — il y a mon expérience personnelle, les rencontres fortuites de paysages et de lumières, les endroits qui semblent "cadrer" et qui trouvent leur place dans l'image. (Curieusement, l'Amérique du Nord de ma jeunesse n'en fait pas partie: les Rocheuses n'ont rien des Montagnes de Brume, les Havres Gris ne se trouvent nulle part dans le Nord-Ouest Pacifique.) Certains endroits, comme la Suisse, recoupent deux catégories. Au bout du compte, ils deviennent tous inextricablement liés au paysage mental de la Terre du Milieu. Il s'agit là, naturellement, d'une géographie de la pensée et de l'esprit, guidée par les histoires et par le hasard ; marquée par un désir de communion avec le paysage et, plus encore, avec le sublime.Combien de fois ai-je regardé du haut des remparts de Gundabad, contemplant le Nord, cherchant en vain une excuse pour aller me perdre au royaume du Roi-Sorcier de l'Angmar ? Je me rappelle notre excitation quand le scénario du Hobbit nous a transportés vers l'est, jusqu'à la mer du Rhûn, ou au nord sur la Lande Desséchée où régnaient autrefois des dragons, et ma déception lorsque des révisions au scénario ont empêché son exploration. »
Cabane (2024)
Sortie : 21 août 2024. Roman
livre de Abel Quentin
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« — Il faut modifier notre regard sur les choses, Paul. Regarder chaque morceau de terre comme une parcelle d’un tout épuisable et fini. Éprouver la surface limitée de toute chose. Mentalement. Et dans le même temps, éprouver l’emprise humaine sur le monde. Son emprise grandissante. Chaque hectare de nature sauvage irrémédiablement perdu. Il faut laisser la panique gagner, et tirer toutes les conséquences du rapport. Cela signifie : inverser la direction du monde. Inverser la force énorme d’expansion. Moi, j’ai entendu le bruit de l’effondrement. »
« Il avait l’impression que ceux qui le félicitaient tenaient pour acquis que le rapport avait changé la sienne. Tel n’était pas le cas, pourtant. Certes il lui arrivait, au cœur de la nuit, d’entendre le bruit de l’effondrement : le chant infernal des plateformes de forage, le craquement des glaciers, les hurlements d’enfants affamés. Alors il s’efforçait de les convertir en un élégant schéma de boucles de rétroactions, un système dynamique à la Stoddard, et les bruits disparaissaient. »
« — … Et il a fait des petits. Des milliers de petits Halshey, prêts à dénigrer nos travaux. Des milliers de petits ayatollahs ultralibéraux qui croient aux vertus magiques du marché, qui pensent que le marché pourra éviter la catastrophe écologique. Je me souviens de Halshey, avec son « signal-prix », qu’il agitait comme un fétiche : « Lorsque les ressources sont rares, leur prix augmente, et elles sont moins consommées. » Fermez le ban ! Imaginez : des régiments de petits Halshey prêts à raconter n’importe quoi pour endormir les gens, et les convaincre que nous « noircissons le tableau ». Ce ne sont pas les pires, d’ailleurs. Eux, au moins, se battent sur le terrain des idées. Aujourd’hui, il existe un ennemi bien plus redoutable. »
Roland Cat (1981)
Sortie : 1981 (France). Beau livre & artbook, Peinture & sculpture
livre de Jean-Marie Benoist et Constantin Jelenski
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Attiré par le mystère, je partage le désintérêt de Roger Caillois pour ce qu'il appelle le "fantastique de parti-pris", pour les œuvres créées expressément pour surprendre et qui stipulent au départ un univers imaginaire qui ne tient aucun compte des lois du monde réel. "Il faut au fantastique — écrit Roger Caillois— quelque chose d'un volontaire, de subi, une interrogation inquiète non moins qu'inquiétante, surgie à l'improviste d'on ne sait quelles ténèbres, que son propre auteur fut obligé de prendre comme elle est venue".Or, si toutes les oeuvres que reproduit Caillois dans son ouvrage Au cœur du Fantastique répondent à cette exigence, aucune n'est postérieure au XIX° siècle (curieusement, elles ne comportent que 30 tableaux et plus de 150 gravures). Comment se fait-il, me suis-je demandé, que l’œuvre de Cat corresponde de si près au fantastique défini par Caillois, tout en restant ouverte de plein-pied sur notre temps ? Je vois la réponse à cette question dans le rapport entre le premier plan et l'arrière-plan de ses tableaux, autrement dit dans son usage du "violon de Constable". » [Jeleński]
*
« Plus maléfique encore peut-être, La ceinture (1973), cette clairière entravée de cordages qui courent entre les arbres qu'ils enserrent : sous ce foisonnement fou des feuillages, des renoncules et des champignons tapis sous les fougères, il faut lire les dentelures extrêmes du végétal comme une singularité vénéneuse poussée jusqu'à l'angoisse. Ce qui se dit ici, avec la précision ciselée et burinée de certains rêves, c'est l'étreinte contraire à la liberté, c'est l'entrave qui, loin de ceindre la totalité de la forêt, ensemble incernable, se contente d'empêcher l'accès à la clairière, donc à la Lumière : Lichtung promise et jamais atteinte. » [Benoist]
Jour de ressac (2024)
Sortie : 15 août 2024. Roman
livre de Maylis de Kérangal
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« ; voir la mer, l’initiation alpha pour ceux qui ne l’avaient encore jamais vue, se l’imaginaient bleue quand la nôtre était autre chose, rude, complexe, à la fois pétrolière et impressionniste, prosaïque et rêveuse, parcourue de lignes, de routes, et d’une couleur que pas un seul nom de couleur ne pouvait résorber, d’une couleur qui aurait amplement mérité qu’un nom fût créé pour elle, incluant sa texture, son reflet, son mouvement ; voir la mer, oui, puis nos visiteurs passaient le reste de leur séjour à se pâmer, certains que nous ne savions pas apprécier notre ville à sa juste mesure, quand pas un seul d’entre eux, of course, n’aurait songé à s’attarder ici, le béton leur était inamical, le port opaque et trop industriel, les rues du centre-ville désertes à dix-huit heures, et déjà le premier soir ils se mouchaient, geignards, certains d’avoir chopé la crève. »
« Blaise connaît mon penchant pour les histoires. Celles que je me raconte, celles que je raconte aux autres, celles où je me démultiplie, où je peux me cacher, redevenir une inconnue, en finir avec moi. Les histoires, c’est ta tendance, c’est ta gravitation interne, c’est ce qu’il me chuchote à l’oreille tandis qu’il pose une main à l’arrière de ma tête, sa paume tel un aimant chaud, comme s’il cherchait à faire venir par haptonomie les récits qui circulent dans ce petit sac cabossé qu’on appelle l’occiput. Il sait ma pente pour ces mythes configurés dans toutes les langues, pour ces vieux poèmes actifs, pour ces petites narrations mal foutues et sauvages, hoquetées, étranglées, trouées de partout, ces bribes. Il est parfaitement au courant de mon attrait pour les contes, ceux que j’ai découverts à l’âge de six ans et que je lisais à mon frère, ces contes que j’ai tant aimés et sous l’empire desquels nous entrions dans la nuit, abasourdis, où nous nous tapissions ensemble. »
« […] nous serions insérés dans un réseau de connecteurs qui maillent tous les paysages du globe, par-delà l’arbitraire de la naissance et les classes sociales, les castes et les ghettos, nous serions les points de contact d’un étoilement vertigineux où chacun d’entre nous est relié à tous, autrement dit à tout vagabond aux pieds calleux, à tout soldat tondu en route vers le front de l’Est, à tout prisonnier détenu à l’isolement, à tout réfugié blotti sur le pont de l’Ocean Viking, à tout défunt enterré sous X au cimetière de Thiais par un matin de printemps vert tendre. »
Beren et Lúthien (2017)
Sortie : octobre 2017 (France). Récit, Conte
livre de J.R.R. Tolkien
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Peut-être tous les Elfes disent-ils vrai, que tous deux chassent à présent dans la forêt d’Oromë en Valinor, et que Tinúviel danse sur les vertes pelouses de Nessa et de Vána, filles des Dieux, à tout jamais ; mais grand fut le chagrin des Elfes lorsque les Guilwarthon les quittèrent, et se trouvant sans souverain et leur magie amoindrie, leur nombre diminua ; et ils furent nombreux à partir pour Gondolin, car la rumeur de sa puissance et de sa splendeur grandissantes courait en murmures secrets parmi tous les Elfes. »
« Alors Tinúviel entama une danse telle que ni elle ni aucun autre esprit ou fée ou elfe n’en ont dansé auparavant ou depuis, et même le regard de Melko se figea d’émerveillement au bout d’un moment. Tout autour de la salle alla-t-elle, rapide comme une hirondelle, silencieuse comme une chauve-souris, magiquement belle comme seule Tinúviel le fut jamais, et tantôt était-elle aux côtés de Melko, tantôt devant lui, tantôt derrière lui, et ses draperies brumeuses touchaient son visage et s’agitaient devant ses yeux, et les gens assis le long des murs ou bien debout en ce lieu furent l’un après l’autre envahis par le sommeil, tombant en des rêves profonds de tout ce que leurs cœurs maléfiques pouvaient désirer. »
« Or Tinúviel prit le vin et l’eau lorsqu’elle se retrouva seule, et chantant tout au long une chanson fort magique, ensemble elle les mêla, et alors qu’ils reposaient dans le bol d’or elle chanta une chanson de croissance, et alors qu’ils reposaient dans le bol d’argent elle leur chanta une autre chanson, et les noms de toutes les choses les plus grandes et les plus longues sur Terre furent mises dans cette chanson ; les barbes des Indravangs, la queue de Karkaras, le corps de Glorund, le tronc de Hirilorn, et l’épée de Nan nomma-t-elle, et elle n’oublia pas non plus la chaîne Angainu que façonnèrent Aulë et Tulkas ni le cou de Gilim le géant, et en dernier et la plus longue de toutes elle parla de la chevelure d’Uinen la dame de la mer qui s’étire à travers toutes les eaux. »
« Ainsi advint-il que Beren fut traîné devant Melko, et il tint un cœur brave en lui néanmoins, car c’était une croyance du clan de son père que le pouvoir de Melko ne durerait pas toujours, mais que les Valar prêteraient enfin attention aux larmes des Noldoli, et se lèveraient et lieraient Melko et ouvriraient le Valinor une fois de plus aux Elfes las, et une grande joie reviendrait alors sur Terre. »
La Maison des soleils (2008)
House of Suns
Sortie : 18 avril 2024 (France). Science-fiction
livre de Alastair Reynolds
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« – On ne l’appelle pas une constante universelle pour rien, Abigail. Malgré tout, qui sait ? Peut-être qu’une civilisation émergente, un rameau humain lointain de l’Heure d’or finira par concevoir les instruments du voyage supraluminique. Ce qui aura une grande importance pour nous. On l’adoptera de tout cœur, n’ayez crainte. Mais ça n’altèrera ni la nature de notre être ni la raison de notre existence. La galaxie restera trop vaste, trop complexe, pour qu’un individu l’appréhende dans son intégralité. Se fragmenter, devenir un ensemble de points de vue, sera toujours la seule façon d’y parvenir. Je dois ajouter que le voyage supraluminique me paraît peu susceptible de se réaliser dans notre avenir. Des individus bien intentionnés s’y attaquent depuis mille ans, Abigail. Ils n’ont même pas réussi à déplacer une information utile de cette manière, sans parler d’un objet aussi massif, aussi peu maniable qu’un vaisseau spatial. Cette limite est intrinsèque aux règles fondamentales de l’univers. C’est comme essayer de jouer au go sur un échiquier. On ne peut pas.
– Pourquoi ? »
*
« Des fantasmes me donnaient le tournis. J’allais mener une conquête interstellaire, me fragmenter en mille éclats de joyaux et les imprégner de mon étincelle vitale. Le petit garçon était un coup à la porte, venu d’un passé dont je ne me souciais plus. Je voulais qu’il s’en aille et qu’il emporte mon enfance avec lui. »
L'Ange exilé (1929)
Une histoire de la vie ensevelie
Look Homeward, Angel
Sortie : 1989 (France). Roman
livre de Thomas Wolfe
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« Mais il était absolument incapable d'accepter la discipline, l'assiduité dans l'effort, l'amertume de l'échec et de la défaite, comme le fait le bon athlète ; il voulait toujours gagner, toujours être le général, l'héroïque porte-drapeau de la victoire. Venait ensuite le désir d'être aimé. La victoire et l'amour. Dans toutes les proliférations de ses rêveries, c'était ainsi qu'Eugène se voyait – invaincu, adoré. Mais il y avait des moments où il voyait plus clair et où se révélait une vie de déconvenues et de chagrins. Il voyait son corps monté en graine, ridicule, son visage rêveur, absent, égaré, trop semblable à une fleur étrange et mystérieuse pour éveiller chez ses compagnons ou ses parents, pensait-il, d'autres sentiments que la gêne, l'hostilité ou l'envie de se moquer ; le cœur serré, il se rappelait les innombrables humiliations qu'il avait subies, par le geste ou la parole, à l'école et en famille, à la face du monde, et à cette pensée, les trompettes de la victoire se taisaient au fond des bois, les roulements triomphants des tambours s'éteignaient, les vibrations sonores et fières des gongs faisaient place au silence. Ses aigles envolées, il se voyait, dans un moment de lucidité, comme un fou qui joue le rôle de César. Il détournait la tête et se voilait la face. »
« Puis chacun redevint conscient de la présence de l'autre ; l'étrangeté et l'horreur de l'endroit les frappèrent soudain. Ils se remémorèrent la maison couverte de vigne, là-bas dans les montagnes, les feux ronflants, le tumulte, les imprécations, la souffrance, toute leur vie confuse et mêlée, et le mauvais coup du sort qui les avait amenés ici, maintenant, loin de tout, pour y rencontrer la mort, à l'issue du carnaval.
Eliza se demandait pourquoi elle était venue : en quête d'une réponse, elle s'engagea dans les ardents et furieux labyrinthes :
— Si j'avais su, fit-elle bientôt, si j'avais su comment cela tournerait… »
Connexions (2017)
Nexus
Sortie : 16 mars 2023 (France). Roman, Science-fiction
livre de Michael F. Flynn
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Ils tiennent le monde au creux de leurs mains. Un homme venu d’un continuum perdu qui considère tous ceux qui l’entourent comme des « fantômes », une femme qui voit en eux des « ombres » éphémères ; un être dont les ancêtres sont devenus semblables aux humains grâce à l’ingénierie génétique, mais qui vit dans la crainte que ces mêmes « aborigènes » l’attaquent avec sauvagerie s’il venait à être percé à jour ; une androïde pour qui le concept même de « vie » est étranger ; une télépathe chez qui un long trempage dans la marinade des pensées instinctives des gens a coloré les émotions d’un mépris tenant du réflexe. Aucun d’eux n’éprouve un intérêt particulier pour le destin de l’humanité. A-t-on jamais vu jury plus mal constitué ? »
L'Examen (1954)
The Test
Sortie : 21 novembre 2019 (France). Science-fiction, Nouvelle
livre de Richard Matheson
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Personne ne parlait de mourir. L'Administration envoyait des convocations, on subissait un examen, et ceux qui échouaient étaient sommés de se présenter au centre administratif pour leur injection. La loi fonctionnait, le taux de mortalité était stable, le problème de la surpopulation jugulé - le tout de façon officielle, impersonnelle, sans hauts cris ni scandale. Mais c'étaient toujours des personnes aimées que l'on tuait. »
« Si seulement il pouvait oublier le passé et prendre son père pour ce qu’il était à présent : un vieillard impotent, radoteur, qui leur gâchait la vie. Mais il était difficile d’oublier combien il avait aimé et respecté son père, difficile d’oublier les randonnées dans la campagne, les parties de pêche, les longues conversations le soir venu et toutes les joies qu’ils avaient partagées. »
Zodiaques (2023)
Constellations d'Orient
Sortie : 3 novembre 2023. Essai, Histoire, Peinture & sculpture
livre de Khalid Chakor Alami
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Le mot zodiaque, dérivé du grec zôdios ou "figure d'animal", désigne les constellations parsemées dans une bande de ciel qui coupe l'équateur céleste d'après un angle d'environ 23°26' et qui s'étale sur 8°30' de part et d'autre de l'écliptique, soit la trajectoire parcourue par le Soleil pendant un an à partir de l'équinoxe du printemps, appelé également "point vernal".
Cette trajectoire est désignée par le terme arabe nitâq al-burouj. Sur cette bande évoluent également les six astres mobiles. Le zodiaque est divisé en douze parties de 30° appelées "signes', chacune étant divisée à son tour en trois décans de 10°. Il convient de distinguer deux conceptions zodiacales : tout d'abord le zodiaque sidéral des constellations, qui se réfère aux étoiles fixes à l'origine de sa naissance. Celui-ci prend en compte la lente précession de l'axe de rotation terrestre qui fait varier la longitude des étoiles d'environ un degré tous les soixante-douze ans. Un signe zodiacal ne rejoint sa constellation d'origine qu'au bout de 2 150 ans : c'est ce qu'on appelle la précession des équinoxes. La seconde conception concerne le zodiaque tropical des signes, qui ne prend en compte que le point vernal et le parcours annuel en douze parties égales à partir de l'équinoxe du printemps. »
La Peste du léopard vert (2003)
The Green Leopard Plague
Sortie : 21 septembre 2023 (France). Roman, Science-fiction
livre de Walter Jon Williams
Nushku a mis 4/10.
Annotation :
« La famine et les camps relèvent de la politique à présent, et ça date d’avant ma naissance. Si une population entière souffre de la famine, c’est parce que quelqu’un, quelque part, y voit une source de profit. Il est difficile d’exterminer un groupe ethnique que vous détestez, la guerre coûte cher, il y a des questions à l’ONU, et vous risquez de vous retrouver à La Haye, jugé pour crimes de guerre. Mais attendez que survienne une mauvaise récolte et arrangez-vous pour que la population tout entière soit affamée , et ce n’est plus pareil – voilà que vos ennemis sont prêts à lâcher leur argent contre de la nourriture, voilà que l’ONU arrive à la rescousse plutôt que de vous taper sur les doigts, et vous récupérez une fraction des aides, vous collectez des pots-de-vin auprès de toutes les ONG, vos ennemis sont parqués dans des camps et vous pouvez faire entrer vos forces armées dans le pays sans rencontrer la moindre résistance, vous assurer que vos ennemis disparaissent, contrôler tout ce qui se passe lorsque certaines livraisons s’égarent dans des entrepôts gouvernementaux où on peut vendre de la nourriture aux affamés ou carrément l’exporter pour en tirer profit… »
La Survivance des Dieux antiques (1940)
Essai sur le rôle de la tradition mythologique dans l'humanisme et dans l'art de la Renaissance
Sortie : 9 novembre 2012 (France). Essai, Histoire, Peinture & sculpture
livre de Jean Seznec
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Nous avons étudié, dans les chapitres qui précèdent, les causes générales de la survivance des Dieux au Moyen Âge : ils servaient de véhicules à des idées si profondes, si tenaces, qu'ils ne pouvaient pas périr.
Pourquoi, dès lors, parle-t-on communément de la mort des Dieux à la fin du monde antique, et de leur "résurrection", à l'aube de la Renaissance italienne ? C'est que, précisément, de leurs images le contenu subsistait seul: l'enveloppe, la forme classique avait disparu ; ils l'avaient peu à peu dépouillée pour revêtir des déguisements barbares, qui les rendaient méconnaissables. Aussi L'histoire, jusqu'à présent, les a-t-elle toujours méconnus.Cette erreur, et cette injustice, s'expliquent d'autant plus aisément qu'une très ancienne habitude d'esprit nous incline à considérer la tradition antique d’un point de vue exclusivement formel: seules attirent notre intérêt, ou retiennent notre attention, les œuvres qui ont conservé, ou retrouvé, le style classique. Pour nous, les Dieux ont donc cessé de vivre, dès l'instant où ils l'ont perdu.
Nous voudrions montrer […] combien, tout au contraire, ces dieux du Moyen Âge, ces dieux bâtards, ces dieux-fantômes, ont vécu d'aventures étonnantes, à travers le monde et les siècles ; et combien l'étude même de leurs métamorphoses et de leurs avatars est riche d'enseignements pour l'histoire de la civilisation. »
« D’autre part, ce que nous avons dit des migrations des dieux éclaire, sur certains points, le véritable rôle de l’Italie. Ce rôle est capital ; mais il est un peu différent de celui qu’on a coutume de lui prêter.
Tout d’abord, l’Italie a regu du dehors un grand nombre de thèmes antiques : le cas est frappant pour les dieux. Ils n’ont pas tous surgi, comme on l’imagine d’ordinaire, du sol méme où ils avaient régné jadis ; ils sont revenus d’un lointain exil, beaucoup après d’étranges détours. On ne saurait trop souligner l’exemple de Pétrarque — le plus grand humaniste italien du XIVe siécle — s’inspirant d’un Anglais, ‘Albricus’, pour tracer la figure de Neptune ou de Jupiter. »
Art et nature à Chaumont-sur-Loire (2017)
Sortie : 24 mars 2017. Beau livre & artbook, Peinture & sculpture, Écologie
livre de Chantal Colleu-Dumond
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Ce n'est pas des matières que je pars, c'est de l'espace. Depuis que nous sommes sortis du tableau, c'est l'espace lui-même qui est le cadre, qui est la matière [...]. À partir du moment où nous sommes sortis du tableau, tout est devenu tableau. C'est pour cela que je me considère comme un peintre. » (Jannis Kounellis)
« Oliveira travaille le plus souvent en lien avec l'architecture dont il épouse les volumes, les creux et les fissures. "Mes installations sont davantage des murs vivants faits de chair, de peaux abîmées ou encore de grandes peintures." (Henrique Oliveira)
Comme des troncs d'arbres ou des racines tordus par des énergies mystérieuses ou des ondes telluriques,ses sculptures, aux qualités également très picturales,semblent se mouvoir et nous entraîner dans un tourbillon fascinant. »