Carnet de lectures - 2023
Après l'éclipse de 2022. Ce genre de liste comme une tentative de barrage contre le pacifique oubli.
En 2021 : https://www.senscritique.com/liste/carnet_de_lectures_2021/2941919
En 2020 : https://www.senscritique.com/liste/Carnet_de_lectures_2020/2574185
En 2019 ...
20 livres
créée il y a presque 2 ans · modifiée il y a plus d’un anLa Plus Secrète Mémoire des hommes (2021)
Sortie : 19 août 2021. Roman
livre de Mohamed Mbougar Sarr
Raphmaj l'a mis en envie.
Annotation :
Un livre sur un livre, sur un livre dans un livre - livre d'écrivain, donc, et pourtant c'est par son mouvement plutôt qu'en lui-même, par ce qu'il déplace, ce qu'il questionne dans son déplacement que ce livre existe vraiment. Quelle est ta question ? Voilà ce à quoi conduit ce livre.
Il existe ce livre, ce livre passé qui est aussi un livre à venir. Un livre, bien qu’imaginaire, qui est ici ledit "Labyrinthe de l’inhumain", livre génial mais unique, magique mais oublié, maudit mais sauvé, livre qui s'efface au fil du livre comme ce texte qui se retourne pour former le visage de l'auteur - ce T.C. Elimane dont on ne retrouve la trace et l'écriture qu'à la fin, lavés de tant de mer, tant de temps, tant de villes (Dakar, Paris, Buenos Aires).
Livre de désir d'écrire et de son impossibilité, de la condition nègre et de la volonté de n'y être jamais réduit en littérature, livre de l'exil et de la parole, ce livre veut être tout, livre des esprits et des sortilèges bien réels des êtres ensorcelés par la littérature comme celle qui semble sourder des pages du "Labyrinthe de l'inhumain" de T.C. Elimane.
Il y a quelque chose d'un Lautréamont féticheur plus que de "Rimbaud nègre" dans la destinée de ce T.C. Elimane ayant écrit son unique chef d’œuvre à 24 ans, comme l'auteur des Chants quand Rimbaud a déjà étreint la réalité d'Abyssinie et quitté l'absence du monde qu'est devenu la poésie. Peut-être faut-il surtout abandonner toutes ces comparaisons de tous ces "Orphée noir[s]".
Peut-être que voilà un livre labyrinthe, voudrait-on écrire.
Voudrait-on lire. Ce serait peu dire.
Qu'est-ce qu'un livre où l'on reviendrait sur ses pas, lèverait la tête au ciel, retracerait dans son esprit tout l'itinéraire comme une souris destinée à mourir, même sans Minotaure ?
Mais "La plus secrète mémoire des hommes" est plutôt une enquête qu'un labyrinthe. Une enquête avec ses tiroirs biographiques. Ses biographies hantées. Ses papiers perdus. Ses recompositions incertaines.
Le charme qu'il y a ainsi à se perdre dans le delta de vie est cependant ce qui m'a été une réserve sur tout le livre : j'aurais préféré lire plus vite, lire cette flèche dans le cœur, ce roman vif et assassin qui reste sur le bonheur et le malheur de l'énigme dont le dénouement final - je veux dire le sens de ce livre de pillage à rebours du "Labyrinthe de l'inhumain" - donne une leçon profonde comme l'obscurité.
Fresh théorie
Sortie : octobre 2006 (France). Essai
livre de Mark Alizart et Christophe Kihm
Annotation :
La fin et le début. C’est toujours la même histoire. Belle histoire. Sale histoire. Comment le dire ? Comment hériter, c’est-à-dire faire de la fin un début, quitte à répéter à nouveau tout en réinventant ? C’est ainsi que « Fresh Théorie » revient sur ce que l’on a appelé la « French Theory » cette constellation de penseurs français de la seconde partie du 20e siècle qui ont été mis sur le même plan depuis un regard étranger (américain) quand ils nous semblent à nous de traditions si incompatibles, étoiles éloignées dans leurs positionnements philosophiques (ensembles Foucault et Derrida, Barthes et Deleuze, Baudrillard et Guattari...).
La « Fresh théorie » est donc une manière de rafraîchir la French Theory à l’aune de la pensée française en 2005. En 2005, soit la même année que le livre très savant de François Cusset faisant l’histoire de cette réception outre-atlantique des intellectuels français. On sait ce que le postmoderne (au sens de Lyotard) nous a enseigné du sens de la satire (saturation) et de la parodie. Et c’est ainsi qu’on se retrouve avec tant d’ouvrages qui miment la French Theory, empilant les concepts sans rien combiner rien de nouveau : « Ersatz et répétition ».
Il est en effet singulier d’hériter de cette génération qui voulait congédier les maîtres (il faut le dire vite, dans ce grand mélange de la « French theory » où Lacan peut côtoyer Rancière), génération qui a aussi pensé en profondeur ces phénomènes d’héritage et de hantise (je pense au magistral "Spectres de Marx" qui posait la question de l’héritage du communisme à l’heure de son effondrement mondial). Je me souviens du très beau « D’après Foucault » de Mathieu Potte-Bonneville et Philippe Artières, qui deux années plus tard s’affrontaient, ou plutôt justement retissaient les problématisations apportées par Foucault pour penser « d’après » Foucault, c’est-à-dire après lui, et à travers lui, et donc aussi autrement, malgré tout.
A côté de cette entreprise, cette collection de textes divers de « Fresh théorie » forme (nécessairement ?) un ensemble disparate. C’est que la pensée est quelque chose de rare, disait Deleuze. On a une, deux idées au maximum dans sa vie de philosophe. Et pour cela penser latéralement et dans tous les sens. Dans cette anthologie d’un présent aujourd’hui déjà daté, j’en retiens le début et la fin. Encore une fois. Comme par hasard. Le premier texte, l’introduction de Mark Alizart, esquissant un parallèle entre le postmoderne et la Réforme. Et le der
Pizarnik autrement
Sortie : 7 octobre 2022 (France). Poésie
livre de Dominique Maurizi
Annotation :
Pizarnik fascine, obsède. Toujours. Terriblement. Pizarnik est le feu, la nuit, la vie, le corps. Aujourd’hui dans l’image, déjà demain dans ta chair.
Il y a dans sa sensibilité excessive qui toujours consume, une passion au-delà des comparaisons et qui exige en retour, de nous qui la lisons, la même passion engageant la poésie dans son vertige, dans le bouleversement et l’extase, tout le corps et l’esprit renversés.
C’est pourquoi on ne lit pas Pizarnik sans risque, sans folie, ni sans en rester hanté, ayant partagé avec cette flamme-sœur, couleur noir et lilas, un moment de vertige, une exigence de vivre à son intensité.
Ainsi, depuis quelques années que les éditions Ypsilon ont republié son œuvre voit-on toute une nouvelle génération s’intoxiquer à son encre inflammable (comme des poisons des chants de Maldoror, ou les poésies ensorcelées et ensorcelantes d’Artaud en leur temps).
Dominique Maurizi y revient elle aussi après un long parcours poétique depuis les années 1990. Pizarnik était déjà là dans « La lumière imaginée » (dans le texte et en exergue : « La lumière m’enivre. Je ne nomme que la lumière. / Je veux la voir. Je veux voir au lieu de nommer. » ) Elle revient ici à Pizarnik autrement. Façon de parler de Pizarnik depuis l’ailleurs, depuis l’impossible communication entre deux poétesses. D’une langue à l’autre. Portraits aux miroirs brisés où les images se fragmentent. Autre chose qu’une ventriloquie, autre chose qu’un commentaire, la poésie existentiellement.
Liberté dans la montagne
Sortie : 3 janvier 2013 (France). Roman
livre de Marc Graciano
Raphmaj a mis 9/10.
Annotation :
Il est des langues qui décident de tout. Il est des livres dont on saisit dès le début qu'elles appartiennent à la littérature et qu'ils renvoient les masses des livres qui s'accumulent dans la pile des livres à lire dans un néant de divertissement. La langue de Graciano, son rythme, son souffle, son esprit est une pierre lourde dans le paysage des lettres, balayée par le vent descendu du col, un vent âpre et beau malgré les archaïsmes, un vent entêtant et qui rend ivre de liberté et de littérature.
Dictionnaire littéraire de la nuit
Sortie : 1 novembre 2013 (France).
livre de Alain Montandon
Annotation :
Je suis de cette génération antédiluvienne où Internet a joué le rôle du Déluge dans notre mythologie contemporaine, déluge d’un flot sans interruption de données où ce sont les capitaines d’industrie (salut Larry, salut Sergey) qui tracent les cartes et défini les amers.
Les dictionnaires sont des fictions. Des tours de Babel promises au désastre.
Les dictionnaires sont comme des constellations, promises à l’éclatement, elles ne tiennent que par un agencement factice. Celui-ci n'échappe pas à la disgrâce du disparate et au bonheur des mots manquants.
Il faut reconnaître qu'on n'y trouve pas toujours ce que l'on cherche et que cela en est presque heureux.
Rupture
Sortie : novembre 2008 (France). Poésie
livre de Édith Azam
Raphmaj l'a mis en envie.
Annotation :
Mes yeux se découpent mais n'arrivent pas à lire ces vers. Avec toujours cette impression que l'on obscurcit le sens par la rupture, par le rythme dégingandé. Quand la pensée concentrée suffit à l'obscurité et à la folie de la poésie.
Après la révélation de "Caméra", je suis resté hélas à l'extérieur de cet opus-là.
Sexistence (2017)
Sortie : 12 janvier 2017. Essai
livre de Jean-Luc Nancy
Raphmaj l'a mis en envie.
Annotation :
Il y a un vertige de pensée qui ne semble pas suivre au premier abord le mouvement du corps. Mais qui lirait ce texte comme une suite à la réflexion érotologique de Bataille se tromperait. "S'exister", c'est à la fois réfléchir sur la façon d'être à l'existence et de repenser la question sexuelle dans ce rapport à l'existence.
Si Nancy écrit avec un charme irrésistible, une ligne claire ourlée d'ombre, une lèvre de velours noir.
Penseur du corps, Nancy révèle que jusqu'au bout il aura pensé les extrémités de la pensée : celles justement par lesquelles on pense le monde.
Apories
Sortie : 12 janvier 1996 (France). Essai
livre de Jacques Derrida
Raphmaj a mis 8/10.
Annotation :
Derrida a cet aspect de livre canonique sur lesquels revenir encore et encore, car la lecture n'y retient jamais le même sens, et demandant un effort de lecture qui donne au fil du temps accès à de nouvelles dimensions de compréhensions.
Apories : voilà presque tout le programme de la déconstruction. Défaire les fins, introduire des passages.
« Passage de la mort : au-delà. La mort est si souvent représentée comme une fin, une limite, une frontière – un voyage, un départ ou le passage d’une frontière. La mort y arrive-t-elle ? Peut-on faire l’histoire de cette frontière et de cette arrivée ? Qu’est-ce qu’un arrivant ? Et que veut dire “s’attendre”, “s’attendre soi-même”, “s’attendre l’un(e) l’autre – à la mort ?”
Caméra
Sortie : 11 juin 2015 (France).
livre de Édith Azam
Raphmaj l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Véritablement lu en 2022, sa lecture continue en moi en 2023. Est-ce que cela justifie de le mettre dans cette recension-là ?
Je le crois.
Ce livre donne le vertige. Celui de la vérité. Celui du Nom. Celui qui s'affronte à la parole telle qu'elle se dit dans son pouvoir et sa monstration.
Toute la première partie du texte est celui de ce nouvel Igitur, cette Caméra dont la spéculation, la pensée se déploie dans l'écriture pour dire l'essence même de l'écriture.
Qu'arrivent des personnages - personnages de fantaisie - et l'on perd (mais c'est aussi un bonheur dans l'angoisse de lire) cette intensité de lecture.
Eloge de l'imperfection
Sortie : 31 octobre 2012 (France). Poésie
livre de Hassan Wahbi
Raphmaj a mis 9/10.
Un chant dans l'étroitesse des jours
Sortie : 27 septembre 2017 (France). Poésie
livre de Hassan Wahbi
Raphmaj a mis 6/10.
Raske on kergeks saada
Difficile de devenir léger
Sortie : 16 février 2016 (France). Poésie
livre de Jaan Kaplinski
Raphmaj a mis 9/10.
Le Livre des rois (1010)
Shâh Nâmeh
Sortie : 1010 (Perse). Conte, Poésie
livre de Ferdowsi
Raphmaj a mis 9/10.
Politique du cinéma iranien, de l'âyatollâ Khomeyni au président Khâtami
Sortie : 2004 (France). Histoire, Culture & société
livre de Agnès Devictor
Annotation :
En fait "L'Iran mis en scènes"... il faut que je crée la fiche.
Anthologie du chamanisme
Shamans Through Time: 500 Years on the Path to Knowledge
Sortie : avril 2009 (France). Culture & société
livre de Francis Huxley et Jeremy Narby
Raphmaj a mis 8/10.
Elégie pour une jeune fille en noir (2021)
Sortie : 20 août 2021. Poésie
livre de Hélène Bessette
Raphmaj l'a mis en envie.
Nagori
La nostalgie de la saison qui vient de nous quitter
Sortie : octobre 2018 (France).
livre de Ryôko Sekiguchi
L'Éternité par les astres (1872)
Sortie : 1872 (France). Essai, Culture & société
livre de Auguste Blanqui
Raphmaj a mis 8/10.