Céline au cinéma

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Une fille gueule que les fruits sont trop chers avant de les voler au marchand. Au milieu d'une scène qui n'aurait pas dépareillé dans son oeuvre, Céline en personne quitte le magasin.

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Chaplin n'a jamais lu Céline mais quatre ans après le Voyage sa satire du taylorisme rejoint la description des usines Ford par Bardamu.

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Pour sa vision désabusée des rapports amoureux proche de celle d'un Bardamu. Surtout, pour son médecin revenu des colonies, comme Bardamu dans le Voyage.

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Pour la cruauté de certaines scènes de couple.

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Pour l'ambiance de décadence, de pourrissement d'un monde émanant du film.

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Pour le tableau déshumanisé du travail à l'usine. Et parce que Arletty, qui avait inspiré à Céline un synopsis écrit juste pour elle.

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Pour un Montand revenu des States avec des péripéties et des désillusions en tête, pour les passants commentant avec mesquinerie une tragédie, les mots cruels dits lors d'une rupture et la lâcheté face au meurtre.

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Pour son manège évoquant celui du Voyage.

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Parce que les dialogues d'Albert Simonin, auteur de série noire devant beaucoup à l'argot célinien travaillé.

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Pour sa mamie évoquant la vieille Henrouille.

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Très célinien dans sa façon de transformer un moment tragique de l'histoire en comédie, dans sa peinture de la vanité d'une majorité de Français sous l'occupation, dans son dialogue argotique à la fois direct et écrit ("Salauds de pauvres"). Il aura fallu pour ça voir deux scénaristes Qualité France (Aurenche/Bost) adaptant un écrivain admirateur de Céline (Marcel Aymé). "Une verve proche de celle de Céline et une férocité insistante dominent le film, mais il est sauvé de la mesquinerie par quelques notes émotionnelles qui nous submergent, en particulier celles des scènes finales" (François Truffaut)

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Critique de l'héroïsme ET critique de l'opportunisme mesquin déguisé en héroïsme, le tout en temps de guerre.

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La guerre comme une comédie tragique et une tragi-comédie. Pas étonnant que Céline soit l'un des écrivains français les plus lus en Italie.

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Film dans lequel Céline devait à l'origine tenir le rôle joué par Jean-Pierre Melville. Surtout, la manière dont Belmondo brise le 4ème Mur pour interpeller le spectateur dans le mythique monologue "Si vous n'aimez pas la mer..." n'est pas très éloignée de la manière dont l'écriture célinienne semble interpeller le lecteur.

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La fin de la guerre, comme une horreur et un canular à la fois.

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Lorsqu'il voulait adapter le Voyage, Audiard père rêvait de Bébel en Bardamu (et Fellini metteur en scène!). On y est presque, Belmondo jouant ici un mélange entre la désinvolture de Michel Poiccard et le côté désabusé sur l'humanité d'un Bardamu.

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Albert Simonin encore. Pour le film qui a ancré un certain "argot écrit" dans la mémoire collective.

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Où la femme de ménage de Charlotte déclame des passages très crus de Mort à Crédit sur la sexualité.

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Godard, qui abandonnera son projet d'adaptation du Voyage, fait déclamer Guignols Band à Bébel (ici prénommé Ferdinand) et Karina.

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Les scénaristes de Leone adoraient Céline, le lui lisaient et affirment qu'il n'avait jamais lu le Voyage. Selon eux, le projet d'adaptation évoqué n'était qu'un remerciement aux Français qui furent les premiers à reconnaître son génie. Reste que le film mentionné est hautement picaresque, que l'horreur de la guerre y est vue dans les yeux des cyniques Blondin/Sentenza et du ridicule et attachant Tuco et que le film rit à gorges déployées de la soif d'argent de ses (anti-)héros.

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Il y a plus de points communs qu'on l'imagine entre le dandy germanopratin Alexandre et Bardamu le médecin des pauvres: une manière identique de haïr son époque et de cracher cette haine en longues tirades.

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Célinien parce que rien n'est plus célinien que de croiser néoréalisme, farce et tableau du quotidien difficile des plus pauvres sans jamais les idéaliser. Et parce que comme dans Mort à crédit il est question de montrer des exclus d'un développement économique sans croire que la Gauche peut être un salut pour eux.

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Parce qu'il fallait bien Pialat, l'homme qui haïssait les autres et se haïssait autant que Céline, celui qui reprochait à la Nouvelle Vague de se focaliser sur la classe moyenne plutôt que sur le peuple, celui qui regardait les prolos sans idéalisme ni morgue parisianiste, celui dont certains titres de films n'auraient pas dépareillé chez Céline (Nous ne vieillirons pas ensemble, Passe ton bac d'abord). Passe ton bac d'abord justement : le Nord, la jeunesse prolo qui ne croit pas des masses en son avenir pour un film qui a fait école dans le cinéma d'auteur français. Un tableau du peuple au pessimisme voisin de celui professé par Mort à crédit (que Pialat voulait adapter) du temps du Front Populaire.

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Pour le verbe haut et trivial à la fois et le peu de croyance de Blier en l'humanité.

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Un (anti-)héros dans une posture ironique par rapport au monde, au milieu d'une France en désolation. En adaptant Jim Thompson avant Tavernier et en lorgnant vers le Nouvel Hollywood, Pérec et Corneau finissent par retrouver Céline.

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Bloqué dans l'élaboration du scénario, Tavernier aura le déclic de transposer le matériau de Thompson en Afrique en relisant Voyage au bout de la nuit. Le parti pris scénaristique farceur de Tavernier est probablement fortement lié à Céline.

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Accélérations burlesques des cuisiniers au travail vs ralentis sur le dîner élégant du bateau: un travail de découpage soulignant par le grotesque un contraste de classes sociales analogue à celui des passages sur le bateau dans le Voyage. Une séquence légitimant le rêve d'Audiard d'une version du roman filmée par Fellini.

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Parce que Mocky voulait adapter D'un Château l'autre. Parce que si Céline avait connu le fanatisme d'une fraction des supporters de football ça lui aurait peut être inspiré une telle farce.

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Il y a quelque chose de Mort à Crédit dans la description de l'enfance dans un quartier pauvre, dans la narration déconstruite.

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Premier film de Carax et y prendre le métro, c'est déjà rencontrer Céline au travers d'un gamin arménien sans titre de transport déclamant des passages de Mort à Crédit.