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3 livres

créée il y a 7 mois · modifiée il y a 7 mois
Jours de colère
7.9

Jours de colère

Sortie : septembre 1989 (France). Roman

livre de Sylvie Germain

Annotation :

2022

"Ils étaient hommes des forêts. Et les forêts les avaient faits à leur image. À leur
puissance, leur solitude, leur dureté. Dureté puisée dans celle de leur sol commun, ce
socle de granit d’un rose tendre vieux de millions de siècles, bruissant de sources,
troué d’étangs, partout saillant d’entre les herbes, les fougères et les ronces. Un même
5 chant les habitait, hommes et arbres. Un chant depuis toujours confronté au silence,
à la roche. Un chant sans mélodie. Un chant brutal, heurté comme les saisons, - des
étés écrasants de chaleur, de longs hivers pétrifiés sous la neige. Un chant fait de cris,
de clameurs, de résonances et de stridences. Un chant qui scandait autant leurs joies
que leurs colères.
10 Car tout en eux prenait des accents de colère, même l’amour. Ils avaient été
élevés davantage parmi les arbres que parmi les hommes, ils s’étaient nourris depuis
l’enfance des fruits, des végétaux et des baies sauvages qui poussent dans les sousbois et de la chair des bêtes qui gîtent dans les forêts ; ils connaissaient tous les
chemins que dessinent au ciel les étoiles et tous les sentiers qui sinuent entre les
15 arbres, les ronciers et les taillis et dans l’ombre desquels se glissent les renards, les
chats sauvages et les chevreuils, et les venelles 1 que frayent les sangliers. Des
venelles tracées à ras de terre entre les herbes et les épines en parallèle à la Voie
lactée, comme en miroir. Comme en écho aussi à la route qui conduisait les pèlerins
de Vézelay vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Ils connaissaient tous les passages
séculaires2 20 creusés par les bêtes, les hommes et les étoiles.
La maison où ils étaient nés s’était montrée très vite bien trop étroite pour pouvoir les abriter tous, et trop pauvre surtout pour pouvoir les nourrir. Ils étaient les fils
d’Ephraïm Mauperthuis et de Reinette-la-Grasse."

Diderot, l'expérience de l'art : Salons de 1759, 1761, 1763 et Essais sur la peinture

Diderot, l'expérience de l'art : Salons de 1759, 1761, 1763 et Essais sur la peinture

livre

Annotation :

2023

https://www.youtube.com/watch?v=jp7wLMZyIC0

(Salon de 1767) - avec coquille !
« Les idées que les ruines réveillent en moi sont grandes. Tout s'anéantit, tout périt, tout passe. Il n'y a que le monde qui reste. Il n'y a que le temps qui dure. Qu'il est vieux ce monde ! Je marche entre deux éternités. De quelque part que je jette les yeux , les objets qui m'entourent m'annoncent une fin, et me résignent à celle qui m'attend. Qu'est-ce que mon existence éphémère, en comparaison de celle de ce rocher qui s'affaisse, de ce vallon qui se creuse, de cette forêt qui chancelle, de ces masses suspendues au-dessus de ma tête, et qui s'ébranlent ? Je vois le marbre des tombeaux tomber en poussière ; et je ne veux pas mourir ! et j'envie un faible tissu de fibres et de chair à une loi générale qui s'exécute sur le bronze ! Un torrent entraîne les nations les unes sur les autres, au fond d'un abîme commun ; moi, moi seul, je prétends m'arrêter sur le bord, et fendre le flot qui coule à mes côtés !
Si le lieu d'une ruine est périlleux, je frémis. Si je m'y promets le secret et la sécurité, je suis plus libre, plus seul, plus à moi, plus près de moi . C'est là que j'appelle mon ami . C'est là que je regrette mon amie. C'est là que nous jouirons de nous sans trouble, sans témoins, sans importuns, sans jaloux . C'est là que je sonde mon cœur. C'est là que j'interroge le sien, que je m'alarme et me rassure. De ce lien (sic) [Ndc: lieu], jusqu'aux habitants des villes, jusqu'aux demeures du tumulte, au séjour de l'intérêt des passions, des vices, des crimes, des préjugés, des erreurs, il y a loin.
Si mon âme est prévenue d'un sentiment tendre, je m'y livrerai sans gêne. Si mon cœur est calme, je goûterai toute la douceur de son repos.
Dans cet asile désert, solitaire et vaste, je n'entends rien, j'ai rompu avec tous les embarras de la vie. Personne ne me presse et ne m'écoute. Je puis me parler tout haut, m'affliger, verser des larmes sans contrainte. »

Edouard
6.5

Edouard

Sortie : novembre 2005 (France). Roman

livre de Claire de Duras

Annotation :

2024
"Madame de Nevers s'était assise dans l'embrasure d'une des fenêtres pour respirer
l'air frais du soir ; un grand jasmin qui tapissait le mur de ce côté du château montait
dans la fenêtre, et s'entrelaçait dans le balcon. Debout, à deux pas derrière elle, je
voyais son profil charmant se dessiner sur un ciel d'azur, encore doré par les derniers
rayons du couchant ; l'air était rempli de ces petites particules brillantes qui nagent
dans l'atmosphère à la fin d'un jour chaud de l'été ; les coteaux, la rivière, la forêt,
étaient enveloppés d'une vapeur violette qui n'était plus le jour, et qui n'était pas encore
l'obscurité. Une vive émotion s'empara de mon cœur. De temps en temps un souffle
d'air arrivait à moi ; il m'apportait le parfum du jasmin, et ce souffle embaumé semblait
s'exhaler de celle qui m'était si chère ! Je le respirais avec avidité. La paix de ces
campagnes, l'heure, le silence, l'expression de ce doux visage, si fort en harmonie
avec ce qui l'entourait, tout m’enivrait d'amour. Mais bientôt mille réflexions
douloureuses se présentèrent à moi. Je l'adore, pensai-je, et je suis pour jamais
séparé d'elle ! Elle est là ; je passe ma vie près d'elle, elle lit dans mon cœur, elle
devine mes sentiments, elle les voit peut-être sans colère : eh bien ! jamais, jamais,
nous ne serons rien l'un à l'autre ! La barrière qui nous sépare est insurmontable, je
ne puis que l'adorer ; le mépris la poursuivrait dans mes bras ! et cependant nos cœurs
sont créés l'un pour l'autre. Et n'est-ce pas là peut-être ce qu'elle a voulu dire l'autre
jour ! Un mouvement irrésistible me rapprocha d'elle ; j'allai m’asseoir sur cette même
fenêtre où elle était assise, et j'appuyai ma tête sur le balcon. Mon cœur était trop plein
pour parler. « Édouard, me dit-elle, qu'avez-vous ? – Ne le savez-vous pas ? » lui dis-je. Elle fut un moment sans répondre ; puis elle me dit : « Il est vrai, je le sais ; mais si
vous ne voulez pas m'affliger, ne soyez pas ainsi malheureux. Quand vous souffrez,
je souffre avec vous ; ne le savez-vous pas aussi ? – Je devrais être heureux de ce que vous me dites, répondis-je, et cependant je ne le puis. – Quoi ! dit-elle, si nous
passions notre vie comme nous avons passé ces deux mois, vous seriez
malheureux ? » Je n'osai lui dire que oui ; je cueillis des fleurs de ce jasmin qui
l'entouraient, et qu'on ne distinguait plus qu'à peine ; je les lui donnai, je les lui repris ;
puis je les couvris de mes baisers et de mes larmes. "
"

Frenhofer

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