Comprendre Singapour
Installé dans la cité-État depuis 2010, il m’a semblé important de commencer à me forger une culture cinématographique locale. L’intention de cette liste est donc de partager mes découvertes, tout en tentant d’établir un parallèle avec la société singapourienne lorsque cela s’y prête.
6 films
créée il y a plus de 4 ans · modifiée il y a 13 joursAh Boys to Men (2012)
新兵正传
1 h 48 min. Sortie : 6 novembre 2012 (Singapour). Comédie
Film de Jack Neo
RRDB a mis 4/10.
Annotation :
Le service militaire ('NS' pour National Service) est obligatoire à Singapour. Cette période de deux ans, durant laquelle de nouvelles amitiés se créent et où la solidarité aide à surmonter l'adversité, semble laisser un très bon souvenir à une majorité de mes amis locaux.
Il n’est donc pas surprenant que "Ah Boys to Men" – une comédie sans prétention sur le service militaire singapourien, dans un style rappelant "Police Academy" – ait rencontré un grand succès lors de sa sortie. D’un point de vue extérieur, le film offre une réalisation assez moyenne, mais son succès repose essentiellement sur la nostalgie qu’il suscite chez le spectateur masculin.
15 (2003)
15: The Movie
1 h 36 min. Sortie : 23 octobre 2003 (Singapour). Drame, Comédie
Film de Royston Tan
RRDB a mis 6/10.
Annotation :
Lors d’une soirée où je discutais du faible taux de délinquance à Singapour avec un ami local, celui-ci me fit remarquer qu’il existait bel et bien des gangs de jeunes dans la banlieue de Singapour. Il me conseilla alors de regarder ce film pour en apprendre davantage.
"15" retrace l’histoire de cinq adolescents chinois singapouriens et du monde qu’ils se construisent, où la drogue, les combats, les piercings, l’automutilation et même le suicide font partie du quotidien.
Si le sujet peut prêter à sourire pour un Occidental qui n’y verrait que de petites frappes, il faut néanmoins prendre en compte le contexte local. Notamment, la culture et les valeurs des familles chinoises singapouriennes, qui – pour certaines – préfèrent rejeter leur enfant plutôt que de perdre la face ; une société où la prévention est quasi inexistante et où les erreurs de jeunesse ne sont guère pardonnées.
Plutôt expérimental dans sa mise en forme, le film oscille entre un style frénétique et des moments visuellement un peu « cheap ».
Ilo Ilo (2013)
1 h 39 min. Sortie : 4 septembre 2013 (France). Drame
Film de Anthony Chen
RRDB a mis 7/10.
Annotation :
A Singapour, il est fréquent d’avoir une maid (servante) qui vit à plein temps chez soi, la simple banalisation de ce mot en dit déjà long sur le sujet. Majoritairement en provenance des Philippines ou d’Indonésie, elles font ce choix afin de mieux gagner leur vie et d’envoyer de l’argent à leur famille restée au pays. Jusque là, rien de vraiment dérangeant si cela s’avère être un choix personnel ou une “opportunité” comme aime le souligner certains locaux. Cependant, les abus sont légion : passeport retenu par la famille d’accueil, chambre minuscule sans fenêtre, heures de travail excessives, harcèlement psychologique et/ou corporelle… Ceci n’est bien entendu pas la norme mais le problème est bien présent à la vue des articles réguliers sur le sujet. Le dernier scandale en date (à l’heure où j’écris ces lignes) étant l’affaire du CEO de l’aéroport de Changi qui a du démissionner après avoir été reconnu, lui et sa famille, coupable d’avoir fait pression sur leur helper en l’obligeant à nettoyer plusieurs appartements et en portant plainte contre elle pour un faux vol lorsque cette dernière a voulu arrêter de travailler pour eux.
Pour en revenir a “Ilo Ilo”, je lui avais d'abord attribué un 6 il y a de ça quelques années avant de ne vraiment saisir à quel point il mettait le doigt avec justesse sur un problème de grande ampleur ici. Car ce film dépeint parfaitement bien cette réalité. A savoir, celle d’une maid qui devient progressivement le souffre douleur d’un couple frustré qui subit de plein fouet la crise financière de 1997 et qui devient tout aussi progressivement la mère 'par défaut' de leur enfant délaissé. Une production simple mais efficace, un sujet traité avec finesse et un jeu d’acteurs juste font de ce film l’une des meilleures productions locales.
Crazy Rich Asians (2018)
2 h. Sortie : 7 novembre 2018 (France). Comédie romantique
Film de Jon M. Chu
RRDB a mis 5/10.
Annotation :
Petite parenthèse avec cette comédie romantique américaine dont l'histoire se déroule à Singapour. Un film qui a fait énormément parlé de lui lors de sa sortie dans la cité-État.
Et pour cause, les Singapouriens se sont retrouvés partagé entre la fierté d’avoir leur pays et culture représentés à l'international et l’incompréhension vis à vis de cette classe d'ultra-riche dépeinte à l’écran qui ne reflète en aucun cas la majorité. Le film ne lésine pas non plus sur les stéréotypes asiatique ce qui - sans surprise - est un acquis venant d’Hollywood. Heureusement que la charismatique Awkwafina est de la partie pour sauver les meubles.
Apprentice (2016)
1 h 36 min. Sortie : 1 juin 2016. Drame
Film de Boo Junfeng
RRDB a mis 6/10.
Annotation :
Avec 8 cas recensés en 2017, 13 en 2018 et 4 en 2019, la peine de mort par pendaison est toujours d’actualité à Singapour. Principalement utilisé pour les meurtres et traffic de drogue, ce châtiment suprême n’est jamais mis en avant et peu d’informations filtres à son sujet dans les journaux locaux. Singapour étant la quatrième place financière au monde et 50% de sa population étant des étrangers, on peut comprendre que cette méthode d’un autre temps soit plus ou moins cachée.
“Apprentice” nous permet donc d’accéder aux coulisses du couloir de la mort singapourien à travers l’histoire d’une jeune recrue qui choisit de devenir gardien de prison afin de se rapprocher du bourreau de son père condamné à mort 30 ans plus tôt. Un film dramatique qui fonctionne relativement bien. L’atmosphère carcérale y est surreprésentée à travers une mise en scène qui met en exergue ce sentiment d'étroitesse. Le scénario est un peu tiré par les cheveux par moment mais le résultat est très correct.
[6.5/10]
Wet Season (2019)
Wet Season
1 h 43 min. Sortie : 19 février 2020 (France). Drame
Film de Anthony Chen
RRDB a mis 6/10.
Annotation :
Deuxième film d’une trilogie annoncée par son auteur Anthony Chen, “Wet Season” met en scène une enseignante de Chinois dans un lycée singapourien qui tente d’avoir un enfant (en vain) avec son mari qui finit par la délaisser. Une femme perdue qui va progressivement se rapprocher d’un de ses élèves… incarné par l’enfant - devenu adolescent - de “Ilo Ilo”.
Les parallèles avec Singapour sont nombreux, la femme étant elle même le reflet de la cité-état. Elle enseigne le mandarin, une matière dépréciée dans le film tout comme dans ce pays où le gouvernement impose l’utilisation de l’anglais. Avec une famille basée en Malaisie - les racines de Singapour - le personnage principal se retrouve quelque peu perdue lorsque son mari la délaisse. De la meme manière, Singapour est continuellement tiraillé entre les valeurs de ses origines chinoises et malais et l’influence occidentale qui prend de plus en plus de place dans cette société qui doit en partie sa survie grâce aux liens qu’elle a su tissée avec l’international.
Une réalisation toujours aussi intimiste mais qui pêche cette fois-ci par une pudeur et des non dits qui ne fonctionnent pas toujours. A cela s’ajoute un jeu d’acteur (en premiere ligne celui du jeune Koh Jia Ler) relativement moyen. Un film correct qui reste tout de même en dessous de “Ilo Ilo”.