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22 livres

créée il y a environ 9 ans · modifiée il y a plus de 8 ans
Clair de Lune
7.8

Clair de Lune (1883)

Sortie : 1883 (France). Recueil de nouvelles

livre de Guy de Maupassant

LaLouve a mis 7/10.

Annotation :

"Ils avaient au cœur cette passion terrible, inexorable. Elle les brûlait les ayant envahis tout entiers, ne laissant de place pour rien d'autre."

Aurélien
8.2

Aurélien (1944)

Sortie : 1944 (France). Roman

livre de Louis Aragon

LaLouve a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

"L'autre fois, il était venu se jeter à cette eau tiède pour y fuir l'image de Bérénice, mais il l'y avait retrouvée, attachante, imperdable. Il s'était abandonné à elle, vaincu. Bérénice mêlée à la caresse de l'eau, à la souplesse de la nage, à cette intimité solitaire de son corps nu, à cette paresse jointe à l'effort, à toute la merveille de la rêverie et du mouvement. Cette fois, il était revenu avec l'idée de la retrouver, une Bérénice plus vraie que celle qui se promenait avec Paul Denis, une Bérénice avec laquelle il avait ici rendez-vous. Très vite, il éprouva sa présence, son entière présence dans le songe. Il se retourna, nageant, comme on fait dans un lit dormant avec une femme; et dans cet enroulement d'un corps d'homme et d'une image, elle le suivit comme fait la femme, inconsciente, qui épouse la courbe du dormeur. Cette imagination de Bérénice, et non plus seulement du visage, du visage aux yeux fermés qu'il aimait tant, plus réel que l'autre, mais de Bérénice entière l'enivrait dans sa force, lui donnait le goût de la dépense musculaire, et il nagea le crawl avec violence, sans ménagement, évitant de justesse ses compagnons de baignade. Qu'y a-t-il de mal à ce qu'un homme jeune qui pense à une jeune femme l'imagine toute entière, et nue comme il est lui-même? Rien sans doute. Pourtant Aurélien en était brûlait, et seule la vitesse de la nage lui permettait de ne pas se reprocher de le faire."

Mémoires d'une jeune fille rangée
7.8

Mémoires d'une jeune fille rangée (1958)

Sortie : 1958 (France). Autobiographie & mémoires

livre de Simone de Beauvoir

Annotation :

"Même si la faim me tenaillait, même si j'étais fatiguée de lire et de ruminer, je répugnais à réintégrer ma carcasse et à rentrer dans l'espace fermé, dans le temps sclérosé des adultes. Un soir, je m'oubliai. C'était à la Grillère. J'avais lu longtemps, au bord d'un étang, une histoire de saint François d'Assise ; au crépuscule, j'avais fermé le livre ; couchée dans l'herbe, je regardais la lune ; elle brillait sur l'Ombrie mouillée par les premiers pleurs de la nuit : la douceur de cette heure me suffoquait. J'aurais voulu la saisir au vol, et la fixer à jamais sur le papier avec des mots ; il y aura d'autres heures, me disais-je, et j'apprendrai à les retenir. Je restai clouée à la terre, les yeux rivés sur le ciel. Quand je poussai la porte de la salle de billard, le dîner venait de s'achever."

La Confession d'un enfant du siècle
7.4

La Confession d'un enfant du siècle (1836)

Sortie : 1836 (France). Roman

livre de Alfred de Musset

LaLouve a mis 7/10.

Annotation :

"Je tenais dans mes bras une superbe danseuse d'un théâtre d'Italie, venue à Paris pour le Carnaval ; elle était en costume de Bacchante, avec une robe de peau de panthère. Jamais je n'ai rien vu de si languissant que cette créature. Elle était grande et mince, et, tout en valsant avec une rapidité extrême, elle avait l'air de se trainer ; à la voir, on eût dit qu'elle devait fatiguer son valseur ; mais on ne la sentait pas, elle courait comme par enchantement.
Sur son sein était un bouquet énorme, dont les parfums m'enivraient malgré moi. Au moindre mouvement de mon bras, je la sentais plier comme une liane des Indes, pleine d'une mollesse si douce et si sympathique, qu'elle m'entourait d'un voile de soie embaumée. À chaque tour on entendait à peine un léger froissement de son collier sur sa ceinture de métal ; elle se mouvait si divinement que je croyais voir un bel astre, et tout cela avec un sourire, comme une fée qui va s'envoler. La musique de la valse, tendre et voluptueuse, avait l'air de lui sortir des lèvres, tandis que sa tête, chargée d'une forêt de cheveux noirs tressés en nattes penchait en arrière, comme si son cou eût été trop faible pour la porter.
Lorsque la valse fut finie, je me jetai sur une chaise au fond d'un boudoir ; mon cœur battait, j'étais hors de moi. "Ô Dieu ! m'écriai-je, comment cela est-il possible ? Ô monstre superbe ! ô beau reptile, comme tu enlaces ! comme tu ondoyes, douce couleuvre, avec ta peau souple et tachetée ! comme ton cousin le serpent t'a appris à te rouler autour de l'arbre de la vie, avec la pomme dans les lèvres ! Ô Mélusine ! ô Mélusine ! les cœurs des hommes sont à toi. Tu le sais bien, enchanteresse, avec ta moelleuse langueur qui n'a pas l'air de s'en douter. Tu sais bien que tu perds, tu sais bien que tu noies , tu sais qu'on va souffrir lorsqu'on t'aura touchée ; tu sais qu'on meurt de tes sourires, du parfum de tes fleurs, du contact de tes voluptés ; voilà pourquoi tu te livres avec tant de mollesse, voilà pourquoi ton sourire est si doux, tes fleurs si fraîches ; voilà pourquoi tu poses si doucement ton bras sur nos épaules. Ô Dieu ! ô Dieu ! que veux-tu donc de nous ?"

La Femme et le Pantin
7.8

La Femme et le Pantin (1898)

Sortie : 1898 (France). Roman

livre de Pierre Louÿs

LaLouve a mis 6/10.

Annotation :

"Les femmes se battent mal et dangereusement. Elles ne connaissent pas le coup de main qui terrasse, mais le coup d'ongle qui défigure ou le coup d'aiguille qui aveugle. Elles me font peur."

Paulina 1880
7.8

Paulina 1880 (1925)

Sortie : 1925 (France). Roman

livre de Pierre Jean Jouve

LaLouve a mis 8/10.

Annotation :

"Paulina ne songeait plus à lutter contre le sentiment formidable qui la faisait chanceler de désir et de crainte. Le comte qui l'avait revue au déjeuner de midi, qui avait parfaitement tué tous ses regards, se trouvait dans un état de joie somnambulique. Tous les deux ils avaient couru vers la prochaine nuit. Ils ne pensaient rien, ils étaient possédés. [...]
Aucun bruit dans l'univers bienheureux complice. Ce petit rais de lumière sous la porte venait de sa veilleuse. Alors le comte entendit à travers la porte une vieille canzone de Naples. Il entra.
Paulina souffla la veilleuse. Elle dit : tirez le verrou de la porte. Sous la lune, le visage privé de couleur, elle était étendue pareille à une statue d'Egypte.
Le comte s'approchait, ôtait ses vêtements, tout était parfaitement simple entre eux. Il baisait ses pieds et ses mains, n'osant pas encore l'atteindre elle, son visage. Et légèrement, légèrement il découvrit le jeune corps. Puis il s'agenouilla et parut prier. O mondes splendides. La respiration de Paulina était suspendue. Mondes miraculeux, tièdes et vierges. Michele voyait Paulina l'objet charnel de l'amour. Il voyait Paulina avec cette unique première vision du corps et aussi de l'âme, du corps animé, qui ne d'effacera plus jamais et même pas dans l'au-delà de la mort. Paulina vivante et aimante sans pudeur mais absolument réservée et mystérieuse. Des voix anciennes, des voix sauvages, des voix de bêtes et d'anges la saluaient. La joie fait passer des brumes chaudes devant les yeux de l'homme, il regarde pourtant, il regarde de toutes ses forces; la jeune fille a des seins petits et parfaitement dressés, presque sans pointes; la taille longue et grasse, les hanches abondantes, son duvet luisant de lumière noire.
Gravement, avec la douceur et la force d'un ange, il l'aimait. Elle inanimée flottait comme Ophélie dans des eaux lointaines. La voix qui les réveilla, après le jugement, leur dit qu'à partir de cette nuit ils étaient scellés l'un à l'autre dans la foi, la volupté et la détresse"

" Mais le vent des passions tournait, une rafale autrement violente s'avançait de l'autre côté, Paulina gémit, tomba à genoux puis assise dans l'herbe, plus humble qu'une bête sous le noir soleil, elle connaissait un nouveau sentiment terrible, c'était le besoin de l'homme absent. Les arbres, son cœur, le soleil avaient soif, soif, soif, elle ouvrait les lèvres, lui seulement lui, soif et soif de lui "

Vingt-quatre heures d'une femme sensible
7.5

Vingt-quatre heures d'une femme sensible (1824)

Sortie : février 2007 (France). Roman

livre de Constance de Salm

LaLouve a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

"Enfin, vous le voyez, me voilà, je vis encore; il me semble que je ne souffre plus. Ah! sans doute il est un terme au-delà duquel le désespoir même ne peut plus rien sur nous! Pourtant, je ne vous écrirai plus; non, je ne vous écrirai plus; je n'ai plus rien à vous dire. Qu'aurais-je encore à vous dire ?"

Alexis ou le traité du vain combat - Le Coup de grâce
7.6

Alexis ou le traité du vain combat - Le Coup de grâce (1929)

Sortie : 1929 (France). Roman

livre de Marguerite Yourcenar

LaLouve a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

"On dit que les vieilles maisons contiennent toujours des fantômes ; je n'en ai jamais vu, et pourtant j'étais un enfant craintif. Peut-être je comprenais déjà que les fantômes sont invisibles, parce que nous les portons en nous-mêmes. Mais ce qui rend les vieilles maisons inquiétantes, ce n'est pas qu'il y ait des fantômes, c'est qu'il pourrait y en avoir.
Je crois que ces années d'enfances ont déterminé ma vie. J'ai d'autres souvenirs plus proches, plus divers, peut-être beaucoup plus nets, mais il semble que ces impressions nouvelles, ayant été moins monotones, n'aient pas eu le temps de pénétrer profondément en moi. Nous sommes tous distraits, parce que nous avons nos rêves : seul, le perpétuel recommencement des mêmes choses finit par nous imprégner d'elles. Mon enfance fut silencieuses et solitaire ; elle m'a rendu timide, et par conséquent taciturne."

"L'enfant que j'étais, l'enfant de Woroïno n'est plus, et toute notre existence a pour condition l'infidélité à nous-mêmes."

Les Nuits blanches
7.8

Les Nuits blanches (1848)

(traduction André Markowicz)

Belye notchi

Sortie : 1956 (France). Roman

livre de Fiodor Dostoïevski

LaLouve a mis 6/10.

Annotation :

"Et pourtant, encore, leur vie s’évanouira comme mon rêve. Dans un peu de temps, ils ne seront pas plus réels que mes fantômes. Oui, mais ils sont une succession de fantômes, leur vie se renouvelle ; aucun homme ne ressemble à un autre, tandis que ma rêverie épouvantée, mes fantômes enchaînés par l’ombre sont triviaux, uniformes ; ils naissent du premier nuage qui obscurcit le soleil ; ce sont de tristes apparitions, des fantaisies de tristesse. Et elle se fatigue de cette perpétuelle tension, elle s’épuise, l’inépuisable imagination. Les idéals se succèdent, on les dépasse, ils tombent en ruines, et puisqu’il n’y a pas d’autre vie, c’est sur ces ruines encore qu’il faut fonder un idéal dernier. Et cependant l’âme demande toujours un idéal et c’est en vain que le rêveur fouille dans la cendre de ses vieux rêves, y cherchant quelque étincelle d’où faire jaillir la flamme qui réchauffera son cœur glacé et lui rendra ses anciennes affections, ses belles erreurs, tout ce qui le faisait vivre."

Sur les cimes du désespoir
7.7

Sur les cimes du désespoir (1934)

Pe culmile Disperari

Sortie : 18 septembre 1991 (France). Essai, Philosophie

livre de Emil-Michel Cioran

LaLouve a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

"Seules deux catégorie d'hommes suscitent mon admiration : ceux qui peuvent devenir fous à tout moment et ceux qui sont, à chaque instant, capables de se suicider. Il n'y a que ceux-là pour m'impressionner, car eux seuls éprouvent de grandes passions et connaissent de grandes transfigurations."

"La vraie pensée ressemble, elle, à un démon qui trouble les sources de la vie, ou bien à une maladie qui en affecte les racines mêmes. Penser à tout moment, se poser des problèmes capitaux à tout bout de champ et éprouver un doute permanent quant à son destin ; être fatigué de vivre, épuisé par ses pensées et par sa propre existence au-delà de toute limite ; laisser derrière soi une traînée de sang et de fumée comme symbole du drame et de la mort de son être - c'est être malheureux au point que le problème de la pensée vous donne envie de vomir et que la réflexion vous apparaît comme une damnation."

"Ceux qui aiment d'une grande passion ne sauraient aimer plusieurs femmes à la fois : plus la passion a de force, plus son objet s'impose."

"J'aimerais être soulevé par la transcendance des flammes, être secoué par leur souffle délicat et insinuant, flotter sur une mer de feu, me consumer d'une mort de rêve. La beauté des flammes donne l'illusion d'une mort pure et sublime, semblable à une aurore. Immatérielle, la mort dans les flammes évoque des ailes incandescantes. N'y a-t-il que les papillons qui meurent ainsi ? - Mais ceux qui meurent de leurs propres flammes ?"

"Ceux qui n'aiment pas dans un abandon spontané sont freinés par leur tristesse et leur angoisse, mais aussi par leur incapacité à surmonter la temporalité. L'heure n'est-elle pas venue de déclarer la guerre au temps, notre ennemi à tous ?"

Crépuscule et déclin
8.2

Crépuscule et déclin

suivi de Sébastien en rêve et autres poèmes

Sortie : 15 octobre 1990 (France). Poésie

livre de Georg Trakl

LaLouve a mis 6/10.

Annotation :

MÉLANCOLIE.

Ombres bleutées. Ô sombres yeux
Qui longuement me regardent en passant.
Des sons de guitare accompagnent en douceur l'automne
Dans le jardin, dissous dans les lessives brune.
Les ténèbres graves de la mort naissent
Sous des mains de nymphe, des lèvres rongées
Sucent des seins rouges et dans des lessives noires
Flottent les boucles humides de l'adolescent Soleil.

RUINE.

Au soir, quand les cloches sonnent la paix,
Je suis les vols splendides des oiseaux
Qui en longues troupes, pareilles aux pieux cortèges des pèlerins,
S'évanouissent dans les lointains aux clartés d'automne.

Cheminant dans le jardin empli de crépuscule
Je rêve à leurs destins plus clairs
Et sens à peine encore l'aiguille des heures avancer.
Ainsi je suis, au-delà des nuages, leurs voyages.

Alors me fait trembler un souffle de ruine.
Le merle lamente dans les branches effeuillées.
Chancelle la vigne rouge aux grillages rouillés,

Tandis que comme des rondes macabres d'enfants blêmes
Autour de sombres margelles qui s'effritent,
Frissonnant dans le vent des asters bleus se penchent.

Vents
8

Vents (1946)

Sortie : 1946 (France). Poésie

livre de Saint-John Perse

LaLouve a mis 8/10.

Annotation :

NOCTURNE

Les voici mûrs, ces fruits d'un ombrageux destin. De notre songe issus, de notre sang nourris, et qui hantaient la pourpre de nos nuits, ils sont les fruits du long souci, ils sont les fruits du long désir, ils furent nos plus secrets complices et, souvent proches de l'aveu, nous tiraient à leurs fins hors de l'abîme de nos nuits... Au feu du jour toute faveur! les voici mûrs et sous la pourpre, ces fruits d'un impérieux destin - Nous n'y trouvons point notre gré.

Soleil de l'être, trahison! Où fut la fraude, où fut l'offense ? où fut la faute et fut la tare, et l'erreur quelle est-elle ? Reprendrons-nous le thème à sa naissance ? revivrons-nous la fièvre et le tourment ?... Majesté de la rose, nous ne sommes point de tes fervent : à plus amer va notre sang, à plus sévère vont nos soins, nos routes sont peu sûres, et la nuit est profonde où s'arrachent nos dieux. Roses canines et ronces noires peuplent pour nous les rives du naufrage.

Les voici mûrissants, ces fruits d'une autre rive. « Soleil de l’être, couvre-moi ! » - parole du transfuge. Et ceux qui l'auront vu passer diront : qui fut cet homme, et quelle, sa demeure ? Allait-il seul au feu du jour montrer la pourpre de ses nuits ?... Soleil de l'être, Prince et Maître! nos oeuvres sont éparses, nos tâches sans honneur et nos blés sans moisson : la lieuse de gerbes attend au bas du soir. - Les voici teints de notre sang, ces fruits d'un orageux destin.

À son pas de lieuse de gerbes s'en va la vie sans haine ni rançon.

Les Noces
7.1

Les Noces

Sortie : 1 janvier 1966 (France). Poésie

livre de Pierre Jean Jouve

LaLouve a mis 7/10.

Annotation :

" Ma nature est le feu
est-ce vrai est-ce bien vrai
La chose est consumée
Tes yeux à l'intérieur sont retournés
Une seconde vue vers le ciel les habite."

"Je suis le Feu.
Tu es le Feu ?
L'Ardeur
Oui ma nature est feu et je te reconnais.
À l'aube tu me fais me lever de mes songes brisés
Détruis, détruis!
Et moi je suis les étincelles."

"Chère image brûlée
Adieu adieu tu ne me verras plus jamais."

"Une colombe
Balancée sur la nue branche
Par le vent froid
Au soleil chaste
Après la mort
Avant la résurrection,
Voilà ce qui me reste d'espérance."

Les Contemplations
7.8

Les Contemplations (1856)

Sortie : 1856 (France). Poésie

livre de Victor Hugo

LaLouve a mis 8/10.

Annotation :

Il lui disait : « Vois-tu, si tous deux nous pouvions,
« L'âme pleine de foi, le cœur plein de rayons,
« Ivres de douce extase et de mélancolie,
« Rompre les mille nœuds dont la ville nous lie ;
« Si nous pouvions quitter ce Paris triste et fou,
« Nous fuirions ; nous irions quelque part, n'importe où,
« Chercher loin des vains bruits, loin des haines jalouses,
« Un coin où nous aurions des arbres, des pelouses,
« Une maison petite avec des fleurs, un peu
« De solitude, un peu de silence, un ciel bleu,
« La chanson d'un oiseau qui sur le toit se pose,
« De l'ombre ; - et quel besoin avons-nous d'autre chose ? »

Les Jeunes Filles
7.8

Les Jeunes Filles (1936)

Sortie : 1936 (France). Roman

livre de Henry de Montherlant

LaLouve a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Et cependant, il le désire, la femme le désire, la société le désire, et la nature, si elle était capable de désirer quelque chose, le désirerait aussi, et tout cela est l'amour qui est le fil de flamme qui retient le vivant à la terre, et suffirait à justifier la création. On nous dira : où voulez-vous donc en venir ? A rien d'autre qu'à dire notre étonnement. Notre étonnement de ce qu'un mouvement aussi essentiel que celui d'un sexe vers l'autre soit forcé par sa nature même de causer tant de maux. Il nous semble que ce que la nature devrait punir, c'est ce qui est fait contre elle, et non ce qu'elle demande. Mais non, elle réserve toutes ses rigueurs pour ceux qui la suivent, et sans lesquels elle ne serait pas. A moins que tout ne soit dans la nature, et qu'on ne se trompe quand on la voit ici plutôt que là. »

« Vous excellez à distiller à la fois le suc et l'acide, à lécher et à mordre en même temps, comme les fauves. »

« - Voici pourtant de beaux garçons. Pourquoi ne souhaitez-vous pas, qu'ils vous aiment ?
- Je reconnais qu'ils ont de beaux visages. Mais qu'est-ce que vous voulez que ça me fasse ? Quel rapport y a-t-il entre mon affection et un beau visage ?
- Et moi qui ne vous ai aimée qu'à cause de votre visage!
- Vous, vous êtes un homme. »

« Car c'était le passé de Costals qui injectait le présent de toute une connaissance qui modifiait sa vision de Solange, et il n'y avait rien à faire à cela. Rien ne pouvait empêcher qu'elle ne fût pour lui que la dernière, tandis que pour elle il était le premier. Rien ne pouvait empêcher qu'il n'eût connu beaucoup de copies avant de connaître l'original, et que l'original parût moins original après ces copies. »

La Côte sauvage
7.5

La Côte sauvage (1960)

Sortie : janvier 1997 (France).

livre de Jean-René Huguenin

LaLouve a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Ils revenaient ensemble en voiture, et avant de passer chez Pierre ils s'arrêtaient au bord de la route pour prendre ce qu'ils appelaient, depuis l'enfance, leur "bain de fougères" ; elle courait les bras tendus dans les fougères, qui battaient comme des élytres à la hauteur de ses épaules ; elle avait garder l'habitude enfantine de trouver tous les dimanches radieux et lorsqu'elle revenait en riant vers lui, jaillissant de l'océan des fougères, il la soulevait parfois dans ses bras et la faisait tourner dans le vent jusqu'à ce qu'elle eût les yeux pleins de larmes. Et quand je te reposais à terre, à demi étourdie tu t'appuyais contre mon épaule, puis tu faisais quelques pas titubants, enchantée de ton vertige, et moi je t'attendais près de l'auto, les bras vides. »

« Mais il n'avança pas vers elle. Il la regardait, assise sur le blockhaus dans sa robe rouge, adossée à la mer, et il eut tout à coup l'impression qu'il l'avait vue là, une autre fois, assise sur ce blockhaus, dans cette robe rouge, et que cette fois-là aussi il s'était souvenu de l'avoir déjà vue là, assise sur ce blockhaus, dans cette robe rouge, adossée à la mer. Il sentit que cette image deviendrait plus tard le repère, l'image clé de ces vacances - non parce qu'elle était plus belle ou plus frappante que les autres (elle restait immobile, il n'y avait pas de vent, sa robe ni ses cheveux ne bougeaient et elle ne souriait même pas) mais parce qu'il la regardait mieux. Plus complètement. Plus fort. Elle ne dépendait plus que de ses yeux, elle n'était plus que l'image qu'il se faisait d'elle - un rêve - un souvenir : s'il fermait les paupières un instant, elle mourrait ! Il ferma les paupières. »

« Sans regarder Anne, Olivier la devine debout au bord de la jetée - ses cheveux noirs, sa robe d'un bleu très clair. Elle a sans doute ce sourire rêveur et chagrin qu'elle réserve à ce qu'elle quitte, comme si déjà elle ne contemplait plus la mer, mais le souvenir de la mer. Il ne veut pas tourner la tête ; et il sait qu'elle n'ose tourner la sienne, ni bouger, ni lui parler, un peu par tristesse et surtout parce que la souffrance l'intimide. »

Pitié pour les femmes
8.1

Pitié pour les femmes (1936)

Sortie : 1936 (France). Roman

livre de Henry de Montherlant

LaLouve a mis 7/10.

Annotation :

« Mais leurs baisers étaient si voraces que la pointe de sa langue se fendilla, et qu'il dut cesser de fumer.»

« Ce qui est, dans notre cas, c'est que je ne suis pas amoureux de vous. J'ai pour vous, d'une part, de l'affection à nuance de tendresse, et de l'estime; et, d'autre part, du désir. Mais tout cela ne fait pas de l'amour, Dieu merci. »

« Il y a un grand signe que vous ne m'aimez pas : vous ne me posez jamais de questions sur ma vie. »

« L'odeur la plus intime du corps de la jeune fille lui revenait et l'obsédait, exaspérant son dépit, une touffe d'odeur qui semblait voguer dans la chambre, comme ces graines qui flottent, l'été, livrées à la grâce de l'air. »

« Lui, l'idée de la caresser chez elle, dans sa chambre de petite fille, l'avait brûlé. »

« Et il humait vaguement le visage de cette femme, pareil à un lion qui, déchiquetant la viande qu'il tient entre ses pattes, de temps en temps s'arrête pour la lécher. »

L'Insoutenable Légèreté de l'être
7.8

L'Insoutenable Légèreté de l'être (1984)

Nesnesitelná lehkost bytí

Sortie : 1984 (France). Roman, Philosophie

livre de Milan Kundera

LaLouve a mis 6/10.

Annotation :

« Trahir, c’est sortir du rang. Trahir, c’est sortir du rang et partir dans l’inconnu. Sabina ne connaît rien de plus beau que de partir dans l’inconnu. »

Les Désarrois de l'éleve Törless
7.7

Les Désarrois de l'éleve Törless (1906)

Die Verwirrungen des Zöglings Törless

Sortie : 1960 (France). Roman

livre de Robert Musil

LaLouve a mis 6/10.

Annotation :

« Il était cinq heures passées, une sorte de gravité froide gagnait les champs, annonçant le soir.
Törless fut pris d’une tristesse infinie.
Peut-être était-ce le départ de ses parents, peut-être seulement la sourde et méchante mélancolie qui traînait maintenant sur tout le paysage et, à quelques pas, brouillait le contour des choses de teintes sombres et ternes.
La même indifférence effrayante qui avait pesé l’après-midi durant sur tout le paysage rampait maintenant du fond de la plaine, et derrière elle, telle une traînée de bave, le brouillard semblait coller aux jachères et aux champs de betteraves couleur de plombs.
Sans regarder ni à droite ni à gauche, Törless sentait tout cela. Un pas après l’autre, il avançait dans les traces que venait de creuser dans la poussière celui qui le précédait, et ce qu’il sentait, c’est qu’il n’en pouvait pas aller autrement, qu’une contrainte implacable emprisonnait, comprimait sa vie dans cette progression (un pas après l’autre), sur cette ligne unique, sur cet étroit ruban déroulé dans la poussière.
Quand ils s’arrêtèrent à un carrefour où leur propre route et un autre chemin confluait en une sorte de rond-point de terre battue, et où un poteau indicateur de bois pourri s’élevait de guingois, cette ligne droite dont le contraste avec le lieu était si fort fit sur Törless l’effet d’un cri de désespoir.
Ils reprirent leur route. Törless pensait à ses parents, à des gens qu’il connaissait, à la vie. C’était l’heure où l’on s’habille pour une soirée, où l’on décide d’aller au théâtre. Ensuite on va au restaurant, on écoute un orchestre, on s’assied à une table de café. On fait une rencontre intéressante. Une aventure galante vous tient en haleine jusqu’au petit jour. La roue tourne comme une roue de foire, offrant sans cesse des lots nouveaux, inattendus…
A ces évocations, Törless soupirait, et à chaque pas qui le rapprochait de sa prison, il sentait quelque chose se nouait un peu plus en lui.
Déjà la cloche tintait à ses oreilles. Il n’était rien qu’il craignît plus que cette cloche qui déterminait irrévocablement la fin du jour, comme un coup de couteau.
Sans doute ne vivait-il rien, sans doute sa vie se perdait-elle dans les longues ombres de l’indifférence ; mais le son de cette cloche ajoutait son sarcasme à ce vide, et Törless frémissait d’une rage impuissante contre soi-même, contre son destin, contre ce nouveau jour enseveli. »

Bel-Ami
7.4

Bel-Ami (1885)

Sortie : 1885 (France). Roman

livre de Guy de Maupassant

LaLouve a mis 6/10.

Annotation :

« Il ajouta, après un silence : - Je n’ai que la rime.
Puis, levant la tête vers le firmament, où luisait la face pâle de la pleine lune, il déclama :
Et je cherche le mot de cet obscur problème
Dans le ciel noir et vide où flotte un astre blême. »

« Ils allaient devant eux doucement. C’était une nuit tiède dont l’ombre caressante et profonde semblait pleine de bruits légers, de frôlements, de souffles. Ils étaient entrés dans une allée étroite, sous des arbres très hauts, entre deux taillis d’un noir impénétrable.
Elle demanda : - Où sommes-nous ?
Il répondit : - Dans la forêt.
- Elle est grande ?
- Très grande, une des plus grandes de la France.
Une senteur de terre, d’arbres, de mousse, ce parfum frais et vieux des bois touffus, fait de la sève des bourgeons et de l’herbe morte et moisie des fourrés, semblait dormir dans cette allée. En levant la tête, Madeleine apercevait des étoiles entre les sommets des arbres, et bien qu’aucune brise ne remuât les branches, elle sentait autour d’elle la vague palpitation de cet océan de feuilles.
Un frisson singulier lui passa dans l’âme et lui courut sur la peau ; une angoisse confuse lui serra le cœur. Pourquoi ? Elle ne comprenait pas. Mais il lui semblait qu’elle était perdue, noyée, entourée de périls, abandonnée de tous, seule, seule au monde, sous cette voûte vivante qui frémissait là-haut. »

Des bleus à l'âme
7.2

Des bleus à l'âme (1972)

Sortie : 1972 (France). Roman

livre de Françoise Sagan

LaLouve a mis 7/10.

Annotation :

« Le concert avait été très beau, bien qu’Éléonore eût laissé brûler les raviolis et que Sébastien se sentît un léger malaise de faim qu’il essayait de calmer à force de cigarettes. La fenêtre était restée ouverte sur la nuit et Éléonore assise par terre, de biais, de sorte qu’il ne voyait que ce profil si connu et si lointain, tranquillement tourné vers la nuit. « La seule femme à qui j’ai eu envie de demander parfois : à quoi penses-tu ? » songea-t-il. La seule aussi qui ne lui aurait jamais répondu.
Le téléphone sonna et ils sursautèrent. Personne ne les savait là, dans leur île du sixième, et Sébastien hésita un instant avant de répondre. Puis il décrocha doucement : c’était la vie qui venait les rappeler à l’ordre, il le sentait, à temps pour leurs finances, sans doute, mais trop tôt pour leur état d’âme. Pourquoi ne se seraient-ils pas tués, là, au fond, après quarante ans de bons et loyaux services rendus à l’existence ? Il savait, que sans être le moins du monde suicidaire, Éléonore l’eût suivi. »

Belle de jour
7.4

Belle de jour (1928)

Sortie : 1928 (France). Roman

livre de Joseph Kessel

LaLouve a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

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