Films vus en 2022
Tous les films vus en salles avec un petit avis en prime.
211 films
créée il y a presque 3 ans · modifiée il y a environ 1 anTwist à Bamako (2021)
2 h 09 min. Sortie : 5 janvier 2022. Drame, Historique
Film de Robert Guédiguian
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
Les excursions à l'étranger du cinéaste marseillais ne produisent toujours pas ses meilleurs films et Twist à Bamako en est hélas une nouvelle illustration. Nous sommes en 1962 au Mali tout juste indépendant tenté par le projet d'une révolution socialiste auquel participe ardemment le jeune Samba.
Robert Guédiguian en homme de gauche idéaliste regarde du côté de cette utopie et de la jeunesse qui la porte, partagée entre ses rêves et la promesse d'un ciel qui s'éclaircira et les nuits dans les clubs locaux envahis par la musique des colonisateurs.
Entre bluette amoureuse et chronique d'une désillusion en marche, le film manque d'envergure et de souffle malgré la qualité plastique de sa photographie et de sa mise en scène. Samba est sans doute plus amoureux que révolutionnaire et ainsi le privé l'emporte de plus en plus sur le collectif, rejetant au second plan les enjeux du destin d'un pays qui se font encore douloureusement sentir cinquante après.
Licorice Pizza (2021)
2 h 13 min. Sortie : 5 janvier 2022 (France). Comédie dramatique, Romance
Film de Paul Thomas Anderson
Patrick Braganti a mis 4/10.
Annotation :
À en lire les critiques dithyrambiques, on tiendrait là le premier grand film de l'année qui démarre, voire d'ores et déjà le film de l'année. Avis aussi grotesques et boursouflés que le cinéma d'un réalisateur largement surestimé. Une histoire d'amour entre un garçon de quinze ans entreprenant à tous les sens du terme et une jeune femme de dix ans son aînée, photographe en attendant mieux constitue donc la trame narrative de ce long film.
Le postulat n'est aucunement gênant, même il serait stimulant si on parvenait un seul instant à croire à cette romance définitivement placée sous le signe de l'entreprise commerciale, comme si l'amour trouvait son énergie et sa substance dans le business des matelas à eau ou des flippers, ou dans l'engagement politique.
À côté des tourtereaux en puissance, un gamin qui a déjà tout d'un vieux et une jeune femme qui se cherche, un panel d'adultes tous aussi plus affligeants les uns que les autres, obsédés, ambitieux, mégalomanes.
C'est une impression de laideur qui envahit cet ensemble long et hétéroclite faisant donc avant tout l'éloge de l'esprit d'initiative et d'entreprise qui s'applique indifféremment aux affaires et à l'amour. Triste philosophie capitaliste dont on retrouve par un clin d'œil malicieux les stigmates dans notre société française dirigée par un jeune qui fait vieux, chantre de la start-up nation et liée à une femme plus âgée.
Plus ennuyeux et lénifiant que réellement raté, le nouvel opus de Paul Thomas Anderson s'ajoute logiquement à la liste de ses films prétentieux et vains aux personnages grossièrement glauques et antipathiques suscitant le rejet ou l'indifférence, rendant leur fréquentation fastidieuse et dilatoire.
Jane par Charlotte (2021)
1 h 30 min. Sortie : 12 janvier 2022. Portrait, Art
Documentaire de Charlotte Gainsbourg
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
On a tous en général beaucoup de sympathie pour Jane Birkin, son naturel et son délicieux accent qu'elle n'a jamais vraiment perdu, mais aussi son parcours émaillé de ruptures et de drames (dont la perte tragique de sa fille Kate en 2013).
On aime bien aussi la comédienne et chanteuse Charlotte Gainsbourg, muse (instrumentalisée ?) de son père, elle-même fragile et en recherche d'une relation plus profonde et moins pudique avec sa mère.
À s'exposer devant une caméra dans l'intimité de la maison normande, des déplacements à Tokyo et New York, la pudeur en prend forcément un sacré coup et nous voici donc spectateurs d'une sorte de psychanalyse teintée d'un sentimentalisme à la limite du sirupeux. Les échanges entre la mère et la fille délivrent au final un message consensuel et banal. Célèbre ou pas, chacun vit les mêmes accidents qui jalonnent une vie.
Derrière l'apparente intimité entre les deux femmes, existe tout un dispositif de mise en scène et d'assistance. De nombreuses séquences flirtent avec un narcissisme certes bon enfant et honnête, mais tout ceci reste chic et bohème On le sait pertinemment mais on ne peut s'empêcher de les aimer et les derniers disques de ces dames contenant chacun une chanson très belle dédiée à la fille et à la sœur disparue sont magnifiques.
Mes frères et moi (2021)
1 h 48 min. Sortie : 5 janvier 2022. Drame
Film de Yohan Manca
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
C'est d'évidence un pur feel good movie mais aussi un film sensible et pas idiot sur la découverte par Nour à 14 ans de l'art lyrique et du plaisir de chanter les airs d'opéra. Benjamin d'une fratrie de quatre, Nour vit dans un quartier pauvre d'une ville française près de la mer. Les trois ainés vivent de petites magouilles et s'occupent de la mère alitée et inconsciente.
Portrait prompt à tous les excès de sentimentalisme, Mes frères et moi montre une belle énergie dans une atmosphère solaire et estivale. Le jeune Maël Rouin Berrandou est épatant dans sa candeur comme dans la rage qu'il met à trouver sa place et sa voie.
Ça n'a rien de révolutionnaire, c'est juste un bon moment où on est heureux de constater une fois encore que la curiosité pour l'art et ce qu'on ne connait pas est le plus idéal des chemins pour l'épanouissement et le bonheur.
Ouistreham (2021)
1 h 46 min. Sortie : 12 janvier 2022. Drame
Film de Emmanuel Carrère
Patrick Braganti a mis 5/10.
Annotation :
On n'est pas du tout certains que ce soit la dimension sociale de l'ouvrage de la journaliste Florence Aubenas qui ait le plus captivé l'écrivain réalisateur Emmanuel Carrère. Toutes les femmes qui entourent la star Juliette Binoche démaquillée et cependant convaincante sont des non professionnelles jouant plus ou moins ce qu'elles sont dans la 'vraie' vie, mais plus que des personnages avec une réelle épaisseur elles apparaissent comme des archétypes ou des porte-étendards de situations qui ont au moins le mérite de prendre corps devant la caméra. Sur ce plan Carrère manque singulièrement de point de vue.
Ce qui a sans doute davantage plu à l'auteur de L'Adversaire, c'est le parti pris de dissimulation de la part d'Aubenas rebaptisée ici Winckler, auteure elle-même cachant les raisons de sa présence à Ouistreham. Un dilemme qui ne va pas sans que l'enquêtrice se pose des questions et ait des états d'âme jusqu'à l'avènement d'une situation paroxystique et artificielle qui finit de mettre définitivement à l'arrière-plan les préoccupations sociales du projet.
Même si elle est annoncée comme libre, cette adaptation ne convainc guère tant l'artifice et l'incapacité à aller au-delà de la description de conditions (le travail dur et pénible, mais aussi la solidarité de l'équipe) prévalent et cantonnent l'ensemble à une esthétique de téléfilm.
Conférence (2020)
Konferentsiya
2 h 10 min. Sortie : 12 janvier 2022 (France). Drame
Film de Ivan I. Tverdovsky
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
À partir d'un événement tragique (la prise d'otages au théâtre Dubrovka par un groupe de terroristes tchétchènes dont l'assaut final à coups de gaz se conclut par la mort des assaillants et d'une partie des otages), le réalisateur met en scène une fiction autour d'un personnage Natalia qui organise une soirée commémorative pour entretenir le souvenir et ne pas sombrer dans l'oubli.
Dispositif radical et théâtral où circule une parole de douleur, de chagrin et de confession. Les témoins venus à la soirée reprennent les places qu'ils occupaient alors et transforment ainsi la salle en scène en renversant les rôles spectateurs versus acteurs.
Longs plans fixes, cadres resserrés ou décentrés installent une atmosphère de très grande proximité qui devient de plus en plus pesante, voire angoissante. À l'intérieur du théâtre comme dans les quelques séquences filmées au domicile de certains protagonistes, le climat est lourd, plombé par le traumatisme vécu il y a dix-sept années.
C'est du cinéma exigeant dans la droite ligne de ce que la Russie a coutume de produire. Pour peu qu'on accepte le dispositif qui rappelle par endroits le travail du metteur en scène belge Ivo van Hove, on ressort ébranlés de ces plus de deux heures de cinéma comme exercice de mémoire et de rédemption.
Sans Toi (2022)
1 h 16 min. Sortie : 12 janvier 2022. Drame, Romance
Film de Sophie Guillemin
Patrick Braganti a mis 4/10.
Annotation :
C'est comme une histoire de famille en quelque sorte : Sophie Guillemin actrice passée à la réalisation aime sans doute beaucoup son mari, l'acteur plutôt physique et animal davantage habitué aux téléfilms du service public, Thierry Godard, lequel doit aussi éprouver une profonde affection pour son fils Lino.
Toujours est-il que tout ce petit monde se retrouve devant et derrière la caméra de Sans toi, une dérive existentielle d'un cinquantenaire négociant en vin parti sur un coup de tête en Russie sur les traces d'une amoureuse disparue. Un voyage initiatique après avoir été récupéré par une famille au bord d'un lac gelé.
Au-delà des failles d'un scénario échevelé qui nous rend circonspects sur le sentiment que peut nous inspirer Antoine, on ne comprend guère les motivations de la réalisatrice novice, quel message elle veut faire passer. Et, au final, le misanthrope s'ouvre t-il davantage aux autres, a-t-il compris ses erreurs, nous n'en sommes guère persuadés.
Une fois encore, le milieu où évolue ces nantis névrosés parait totalement hors sol. Comme un nouvel avatar d'un certain cinéma français !
Memory Box (2021)
1 h 42 min. Sortie : 19 janvier 2022. Drame
Film de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
Entre Montréal aujourd'hui et Beyrouth trente ans plus tôt, une histoire de souvenirs enfouis qui rejaillissent et questionnent la relation entre Maïa une mère taiseuse et sa fille Alex alors que la première apprend le décès de sa meilleure amie avec qui elle échangea de nombreux écrits consignés dans des cahiers illustrés de dessins et de polaroids.
Le couple de cinéastes qui sont aussi des auteurs reconnus dans le monde de l'art contemporain fait preuve de beaucoup d'inventivité dans l'utilisation des cahiers, des photos et aussi de la musique des années 80. Écartelé entre la blancheur hivernale canadienne et la lumière éclatante libanaise, Memory Box se décline dans une belle palette de couleurs et de lumières.
La tenue du récit est hélas plus confuse et sème le doute dans la disparité affichée entre Maïa adolescente téméraire et amoureuse et Maïa adulte tellement terne et renfermée. Le mensonge et la réécriture de certains événements font subsister un voile de mystère. Ce qui donne l'impression que le film nous échappe quelque peu en dépit de sa beauté plastique et de sa forme étudiée.
Nightmare Alley (2021)
2 h 30 min. Sortie : 19 janvier 2022 (France). Drame, Thriller, Film noir
Film de Guillermo del Toro
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
Une association de malfaiteurs entre un forain ambitieux et bonimenteur d'un côté et une psychiatre glaciale et diabolique de l'autre nous conduit vers une galerie de détraqués de tous genres, puissants ou modestes, dans la fange des terrains où sont alors implantées les foires comme au cœur des plus belles résidences.
On connait le goût du réalisateur mexicain pour les contes, les elfes et autres univers à la frontière de l'onirisme poétique et du cauchemar glauque et prompt à susciter le malaise. Pour cet opus, on est clairement dans la deuxième catégorie. Stan le forain est mégalomane et manipulateur et trouverait pleinement sa place dans un film de Paul Thomas Anderson comme un double de Daniel le prospecteur à la recherche d'or dans There Will Be Blood. Cependant, l'univers des foires en tant que lieux d'exposition des freaks généralement truqués renvoie aussi aux œuvres telles que Elephant Man et le cinéma d'un Cronenberg.
On le constate : Nightmare Alley appelle les références prestigieuses et on n'évoquera pas ce jardin enneigé aux haies taillées pas loin de recomposer un labyrinthe d'anthologie. Pas sûr hélas qu'il soit en mesure de se hisser à leur niveau. Après un lent démarrage poussif, l'action s'accélère et s'intensifie avec l'apparition de la psychiatre jouée par la vénéneuse Cate Blanchett.
L'ensemble est léché, un poil boursouflé mais demeure au final conventionnel. Un bon spectacle du samedi soir en résumé.
Little Palestine - Journal d'un siège (2021)
Little Palestine (Diary of a Siege)
1 h 29 min. Sortie : 12 janvier 2022 (France). Historique, Société
Documentaire de Abdallah Al-Khatib
Patrick Braganti a mis 8/10.
Annotation :
À l'intérieur de Damas existe le quartier de Yarmouk devenu depuis la révolution syrienne le plus grand camp de réfugiés palestiniens au monde. Un camp transformé en siège par Bachar-Al-Assad. Fils d'une infirmière qui tente de venir en aide aux personnes âgées, Abdallah-Al-Khatib à l'aide de sa caméra témoigne de ce que signifie un état de siège avec ses privations de nourriture, d'eau, d'électricité et de médicaments tandis que le régime syrien largue des barils d'explosifs sur la population assiégée.
Tenus par la colère, la tristesse et l'espoir, les assiégés qui vivent dans des conditions effroyables au milieu des décombres acceptent avec résignation d'être dépendants de l'aide humanitaire internationale distribuée avec parcimonie et injustice et aspirent avec l'énergie du désespoir à la levée des barrages.
Ce sont les enfants déscolarisés et dénutris, souvent livrés à eux-mêmes et en charge de ramasser les plantes comme substituts des repas qui constituent les premières victimes d'une infamie qui ne semble guère émouvoir la communauté internationale.
Il faut avoir le cœur bien accroché devant un film qui montre sans artifices l'horreur quotidienne qui ne parvient toutefois pas à altérer l'énergie et l'espérance de milliers d'êtres humains sans cesse humiliés, ramenés dans la poussière, la saleté et l'extrême dénuement à un état de bêtes.
La voix off du réalisateur évoque avec lyrisme et gravité l'état d'assiégé, comment il peut assujettir l'individu à moins qu'il ait le force et le courage de le surmonter. En ce sens, Little Palestine est une véritable leçon d'espoir et de dignité. Indispensable.
The Chef (2022)
Boiling Point
1 h 32 min. Sortie : 19 janvier 2022 (France). Drame, Thriller
Film de Philip Barantini
Patrick Braganti a mis 4/10.
Annotation :
C'est avant tout un film de dispositif qui consiste en un seul plan-séquence à l'intérieur d'un restaurant londonien de renom quelques jours avant Noël censé montrer l'activité débordante en salle et en cuisine, le stress de l'équipe conduite par un chef au bord de l'implosion, la diversité des clients : les odieux, les célèbres, les influenceurs et les anonymes.
Un restaurant complet avec une centaine de couverts doit sans doute générer plus d'activités et de denrées alimentaires que ce que le réalisateur nous montre ici. Le défaut majeur de ce film qui se voudrait virtuose et n'est in fine que clinquant et toc - à l'image de l'endroit probablement - est qu'il n'est jamais vraisemblable tant le propos est chargé et peu crédible : tout le monde discute, s'invective ou se courtise et travaille au demeurant fort peu. C'est agité et virevoltant mais surtout terriblement vain comme une enfilade de clichés (la gérante intraitable, le chef qui carbure à l'alcool et l'employé qui se prend son gramme de cocaïne,...) qui débouche sur une fin carrément idiote.
The Chef décourage de fréquenter cet endroit, purement fictif et construit pour les besoins des contraintes de la mise en scène permettant la multiplication des mouvements et les possibilités de circulation. Et peut-être tous les restaurants en général.
Si deuxième degré et exercice satirique il y a, ce n'est jamais perceptible. Aussi prétentieux et indigeste que certains plats servis dans les gargotes à la mode !
Les Promesses (2021)
1 h 38 min. Sortie : 26 janvier 2022. Drame
Film de Thomas Kruithof
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
Les films qui investissent le champ politique de l'intérieur ne sont pas si nombreux et méritent ainsi le détour. Les Promesses les tient-il en quelque sorte ? En grande partie en montrant aussi bien les arcanes d'un pouvoir local, celui d'une maire investie pour sauver une cité gangrenée par l'insalubrité et la mainmise des marchands de sommeil, que les coulisses des cabinets ministériels.
Pas tout à fait certain que la politique en ressorte grandie, non pas qu'elle soit de manière simpliste dépeinte comme un milieu de pourris, mais bien plus subtilement comme un sacerdoce paradoxal où, selon les mots mêmes de la maire, on est capable du meilleur comme du pire.
Le film permet de voir l'importance des réseaux dont l'entregent en quelques instants peut sceller pour longtemps le destin de milliers de personnes.
L'ambition peut ainsi côtoyer un véritable engagement proche parfois d'une certaine abnégation. Ce que montre de façon appuyée et trop volontariste un scénario habile. Aux côtés d'Isabelle Huppert qui excelle une fois encore à jouer les femmes puissantes et déterminées, Reda Kateb compose un directeur de cabinet pétri de contradictions, soit un personnage complexe qui joue à armes égales avec la comédienne.
Plus qu'un exercice de style, Les Promesses à la forme classique et sage constituera d'abord un plaisir pour les spectateurs intéressés par la vie publique et politique. En souhaitant que cela ne les décourage pas dans leur démarche de futur votant !
Municipale (2021)
1 h 50 min. Sortie : 26 janvier 2022. Politique, Société
Documentaire de Thomas Paulot
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
De plus en plus de films se placent sur la frontière ténue entre la fiction et le réel comme Ouistreham dernièrement. Si le projet de Thomas Paulot peut se situer dans cette zone, il n'en demeure pas moins singulier. Un comédien qui se présente comme tel - il n'y a donc pas ici une dimension d'imposture ou de mensonge - ambitionne dans la petite ville ardennaise de Revin de se porter candidat à la prochaine élection municipale et de constituer une liste à cet effet.
Cette expérience inédite porte en elle l'utopie d'une prise de conscience et donc de décision de la part d'une partie de la population lassée des agissements habituels et globalement stériles des élus en place. En ce sens, elle véhicule une vision optimiste de l'intérêt réel des habitants de la commune. Nullement choisie au hasard, celle-ci témoigne avec la fermeture de l'usine locale du déclassement d'une partie du territoire, la fameuse diagonale du vide. Cela n'entraine pas de vision manichéenne, l'extrême-droite a certes une candidate mais elle ne caracole pas en tête et les enfants ou petits-enfants d'immigrés s'investissent avec clairvoyance dans la vie politique.
Au-delà de son regard sociologique, Municipale questionne aussi en filigrane le rapport entre un cinéaste (le créateur) et son acteur (la créature). Presque inconnu, Laurent Papot se prend au jeu de manière assez saisissante. Preuve s'il en fallait que l'exercice de la politique est passionnant et prenant.
Michael Cimino - Un mirage américain (2022)
2 h 10 min. Sortie : 19 janvier 2022. Portrait, Cinéma
Documentaire de Jean-Baptiste Thoret
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
Le critique érudit et amateur du cinéma américain Jean-Baptiste Thoret se penche de manière personnelle sur l'œuvre du cinéaste culte et maudit Michael Cimino en partant à la rencontre des lieux et de leurs habitants où furent tournés ses films. Ni chronologique ni linéaire dans ses déplacements dans l'Ohio et le Montana, peuplé d'inconnus à part les deux cinéastes Oliver Stone et Quentin Tarantino, le documentaire à l'image soignée fait la part belle à l'Amérique des déclassés, aux paysages infinis et aux ciels sans limite.
Si l'évocation de Voyage au bout de l'enfer et dans une moindre mesure de La Porte du paradis constitue le morceau de choix de ces plus de deux heures, c'est toute une mythologie des Etats-Unis à travers le cinéma qui est convoquée et le passionné Thoret totalement absent de l'écran y met toute son énergie pour nous la faire partager et ressentir.
Une madeleine roborative pour tous les cinéphiles.
Un monde (2021)
1 h 13 min. Sortie : 26 janvier 2022 (France). Drame
Film de Laura Wandel
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
Jamais l'expression "filmé à hauteur d'enfant' n'aura tant pris son sens. Pour son premier long-métrage qui investit une école, essentiellement la cour de récréation, la piscine et le réfectoire, Laura Wandel ne quitte pas sa jeune héroïne Nora (la petite Maya Vanderbeque est tout simplement époustouflante) un seul instant alors qu'elle entre en primaire et découvre que son frère aîné subit le harcèlement de quelques garçons.
L'école et ses dépendances comme préparation cruelle et inexorable au domaine de la lutte que constitue le reste de l'existence, voilà un théâtre de petites histoires et d'aventures que les adultes ne soupçonnent sans doute pas.
Le seul bémol qu'on émettra à propos d'un film maîtrisé et radical de bout en bout, c'est cette répétition de plans construits sur l'opposition netteté et flou. Manque de moyens ou option formelle, on ne saurait trancher. En tout cas, Un monde est un film sec et resserré qui devient ainsi la version fictionnelle du formidable documentaire Récréations de Claire Simon sorti initialement en 1993.
En presque trente ans, rien n'a changé de la dure condition d'être souffre-douleur ni des moyens d'échapper à cette torture.
Nos âmes d'enfants (2021)
C'mon C'mon
1 h 48 min. Sortie : 26 janvier 2022 (France). Comédie dramatique
Film de Mike Mills
Patrick Braganti a mis 4/10.
Annotation :
Horripilant de bout en bout dans la forme comme dans le fond.
Pour ce qui est de la forme, un noir et blanc très arty qui sillonne les États-Unis entre Detroit, Los Angeles, New-York et enfin La Nouvelle-Orléans pour une chronique entre un oncle journaliste radio bohême et célibataire et son jeune neveu dont il doit s'occuper car sa mère doit elle-même prendre soin de son ex en pleine dépression.
À partir de cette trame qui met en scène des personnages à peu près hors sol, le propos est d'investiguer le territoire de l'enfance, ses craintes, ses angoisses et ses espoirs. Un territoire auquel les adultes n'ont pas toujours accès, loin s'en faut.
Pourquoi faut-il dès lors que ce projet pourtant prometteur d'émotions accouche d'une succession de clichés et de lieux communs à grands coups de conversations sentencieuses et philosophiques qui puent à plein nez l'écriture soignée et l'artifice outrancier ? Imagine-t-on seulement un enfant de neuf ans réfléchir à sa zone de résilience ?
Paradoxalement c'est en dehors du trio que le film trouve ses meilleurs moments, à savoir les témoignages d'enfants sur leur vécu et leur manière d'envisager l'avenir. Soudain tout sonne plus juste et donne naissance à une véritable émotion.
Une jeune fille qui va bien (2021)
1 h 38 min. Sortie : 26 janvier 2022. Drame, Historique
Film de Sandrine Kiberlain
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
Comment être une jeune fille juive de dix-neuf ans dans le Paris de l'Occupation en 1942 alors que les mesures de répression (mention sur la carte d'identité de la judéité et port de l'étoile jaune) se multiplient. Pour son premier long-métrage en tant que réalisatrice, la comédienne Sandrine Kiberlain ne choisit ni un sujet facile ni un angle d'attaque habituel.
Les évènements graves sont abordés hors champ ou traités par de petites touches presque elliptiques. Ici le choix de la mise en scène se tourne résolument vers l'amour du théâtre d'abord, puis du garçon qu'Irène va rencontrer dans une ambiance volontiers solaire et presque intemporelle, en tout cas dans une période qui pourrait être en temps de paix.
C'est un parti pris audacieux qui peut en effet déstabiliser et laisser penser ainsi à une certaine légèreté ou inconsistance de la part de Sandrine Kiberlain. Celui-ci ne s'accompagne nullement d'une mièvrerie ou d'une négation de la situation.
La grande force du film réside également dans son interprétation. La réalisatrice a su s'entourer d'un casting haut de gamme avec en premier lieu la jeune pensionnaire de la Comédie-Française, Rebecca Marder formidable d'énergie et de détermination. Les personnages autour d'elle, son père, son frère, sa grand-mère et son amie du cours de théâtre ne sont pas des faire-valoir et contribuent à la cohésion de l'ensemble. Qui demeure convaincant et tout à fait honorable.
Petite Solange (2021)
1 h 25 min. Sortie : 2 février 2022. Drame
Film de Axelle Ropert
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
Petite Solange, mais grand personnage pour le nouveau long-métrage d'Axelle Ropert, cinéaste qui s'épanouit de film en film à observer la cellule familiale, territoire privilégié des tensions et des conflits. Le choc émotionnel que va connaitre Solange, douze ans, c'est la mésentente croissante entre ses parents, prémisses d'une separation à venir et de la disparition du monde dans lequel elle a grandi.
Il y a comme toujours chez l'auteure de La Famille Wolberg beaucoup de délicatesse et de justesse en construisant l'ensemble de ses personnages, les parents mais aussi le frère aîné.
La jeune Jade Springer est touchante dans sa candeur qui fait place peu à peu à une douleur rentrée. Ainsi Petite Solange gagne-t-il en intensité qui culminera dans les vingt dernières minutes.
À côté de la jeune comédienne, Léa Drucker (comme d'habitude) et Philippe Katerine (éloigné de ses rôles de clown décalé) apportent une belle contribution à ce fort et joli film.
H6 (2021)
1 h 54 min. Sortie : 2 février 2022. Société
Documentaire de Yé Yé
Patrick Braganti a mis 8/10.
Annotation :
À la manière d'un Wiseman, le réalisateur chinois Yé Yé place sa caméra dans un lieu déterminé (l'hôpital H6 à Shanghai) pour y scruter à travers l'histoire personnelle de cinq familles l'état de son pays. Le constat est terrifiant, non par l'incompétence médicale - même si un médecin emploie des méthodes pour le moins radicales pour réparer les fractures et les cassures - mais par ce qu'il révèle de l'économie du secteur où tout semble être payant, entrainant hypothèques ou ventes de biens immobiliers et emprunts.
D'autres constats sont aussi alarmants : la surpopulation de la ville rejaillit sur la fréquentation du lieu, salles d'attentes bondées, promiscuité des lits, des patients et des visiteurs, mais aussi le peu d'empathie des praticiens qui, en gros, font entièrement porter la responsabilité des accidents et des maladies sur les victimes elles-mêmes.
Il ne fait donc pas bon être malade et pauvre en Chine aujourd'hui car la ruine et l'incertitude de soins appropriés prévalent largement. L'attention et la solidarité sont davantage du côté des aides-soignantes, de façon plus sporadique et moins évidente à l'intérieur des familles où les parents renâclent à solliciter leurs enfants.
Deux heures édifiantes et riches d'enseignement qui nous laissent sceptiques et dubitatifs sur le modèle sanitaire chinois. Yé Yé rejoint ainsi l'excellent travail de son collègue Wang Bing - notamment le magistral À la folie en 2013.
Red Rocket (2021)
2 h 08 min. Sortie : 2 février 2022 (France). Comédie, Drame, Comédie dramatique
Film de Sean Baker
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
Mikey Saber qui connut ses heures de gloire à Los Angeles comme acteur porno revient au Texas dans la maison de sa femme et de sa belle-mère pour tenter de remonter à la surface. Reflet d'une certaine Amérique, l'homme est à la fois cynique et beau parleur, débrouillard et attendrissant. Le décor du film est aussi contrasté : dans un paysage de centrales et de raffineries surplombées par d'énormes nuages de fumée, des maisons aux teintes pastels et acidulées sous un ciel uniformément bleu.
Environnement de rêve ou de cauchemar éveillé ? Sans doute les deux à l'image de notre appréciation partagée sur une chronique trop longue qui finit par tourner en rond entre Mikey, sa famille et sa nouvelle jeune conquête.
Cependant Red Rocket ne tombe jamais dans la vulgarité gratuite et déborde de la même énergie communicative de son héros, incessant baratineur jamais à court de solutions et d'idées.
En toile de fond, la télévision regardée à longueur de journées par une population oisive et désœuvrée déverse les images de la campagne électorale qui débouchera sur l'élection de Donald Trump.
Pas réellement trash ni tout à fait politiquement correct, le film vaut aussi largement par l'abattage de Simon Rex célèbre pour sa participation à la franchise Scary Movie.
Les Jeunes Amants (2021)
1 h 52 min. Sortie : 2 février 2022. Drame, Romance
Film de Carine Tardieu
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
La déflagration amoureuse peut survenir n'importe quand et à n'importe quel âge et il n'est donc pas inconcevable qu'un homme de 45 ans tombe amoureux d'une femme de vingt-cinq années son aînée. La différence d'âge et le regard condescendant ou méprisant qu'on peut porter sur elle n'est au fond pas le cœur d'un film qui mêle habilement l'amour et la mort.
La première rencontre entre Shauna (Fanny Ardant qui fait son numéro comme d'habitude, serait-on tentés d'écrire) et Pierre (Melvil Poupaud qui polit de plus en plus son image) s'effectue dans un environnement d'hôpital où la mort d'une amie est imminente.
La maladie, comme dernière étape, est ensuite omniprésente dans un long-métrage qui devient dès lors plus mortifère que porteur d'espoir et de vie. Ce parti pris alourdit considérablement le propos encore lesté de personnages secondaires aux histoires compliquées (les filles de Shauna et de Pierre, le collègue de Pierre).
Mais peut-être le défaut majeur de Les Jeunes amants réside-t-il dans le fait qu'on ait du mal à y croire, que l'ensemble au-delà de ses qualités d'interprétation et d'écriture paraisse artificiel comme un dispositif à mettre en place des performances des jeux d'acteurs.
Tout ceci reste plutôt convenu et consensuel, attendrissant et confortable.
Great Freedom (2021)
Große Freiheit
1 h 56 min. Sortie : 9 février 2022 (France). Biopic, Drame, Romance
Film de Sebastian Meise
Patrick Braganti a mis 4/10.
Annotation :
Le cinéma autrichien ne fait pas toujours dans la subtilité et affectionne ainsi la radicalité. Great Freedom ne fait pas exception à la règle. Sur trois époques carcérales, Hans est emprisonné pour homosexualité en respect du paragraphe 175. La confusion temporelle et des rôles - on y entend parler anglais sans qu'on saisisse exactement pourquoi - égare et embrouille dans une histoire d'amour et de domination ou dépendance mettant en scène un curieux billard à trois bandes.
C'est souvent glauque et frontal, répétitif dans les scènes et le dispositif, chaque envoi au mitard servant de passage entre les trois temps. Sauf à nous rappeler la condition faite aux homosexuels pendant la Seconde guerre mondiale où ils furent déportés et au-delà jusqu'à l'abolition de la loi, Great Freedom s'avère plutôt fastidieux et lourd.
La Disparition ? (2021)
1 h 25 min. Sortie : 9 février 2022. Politique
Documentaire de Jean-Pierre Pozzi
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
Le bédéaste Mathieu Sapin à l'occasion d'une collaboration avec le quotidien Libération revient en compagnie de l'homme politique Julien Dray sur l'évolution du Parti socialiste depuis l'élection de François Mitterrand en 1981 et tente d'expliquer le lent (et peut-être irréversible) déclin du parti.
À l'image de son principal commentateur, à la fois lucide, nostalgique, échaudé et toutefois résolument optimiste, le documentaire évoque davantage la désillusion en marche, la déception croissante et la résignation des électeurs tentés par d'autres candidats ou réfugiés dans l'abstention.
C'est presque à partir de 1984 avec la nomination de Laurent Fabius comme Premier ministre et le tournant de la rigueur que le processus de l'éloignement des classes populaires couplé avec le projet d'une société de plus en plus tournée vers le secteur tertiaire, les loisirs et le tourisme s'enclenche de manière souterraine et implacable sans que la parenthèse des cohabitations et l'exercice comme chef du gouvernement par Lionel Jospin ne parviennent à l'enrayer, tandis que le quinquennat de François Hollande finira un travail de sape et de déconstruction à partir duquel Emmanuel Macron aura beau jeu d'asseoir une candidature chanceuse et opportuniste.
Le constat est donc amer et sans appel qui témoigne d'une catastrophe annoncée et prévisible provoquée par l'aveuglement et l'égotisme des dirigeants d'un mouvement de plus en plus sur la défensive et incapable de la moindre proposition apte à susciter la mobilisation et l'adhésion d'une partie du peuple à présent niée et perdue.
Dans un Paris souvent nocturne et gris, dans les lieux emblématiques (la rue de Solférino, les places de la République et de la Bastille), Mathieu Sapin le taiseux croque les confessions douces-amères d'un Julien Dray dont le corps alourdi et fatigué suffit à lui seul comme mesure d'un fiasco incroyable.
L'Horizon (2021)
1 h 25 min. Sortie : 9 février 2022. Drame
Film de Emilie Carpentier
Patrick Braganti a mis 5/10.
Annotation :
Comme l'impression d'avoir vu ce genre de scénarios des dizaines de fois sous fond de banlieue avec son lot de clichés. L'inédit ici est à chercher du côté d'un message écologique bon enfant avec le combat de zadistes contre l'implantation d'un parc de loisirs porteur de promesses de rêves et d'emplois.
Les jeunes comédiens sont épatants et pleins d'énergie mais cela ne suffit jamais à insuffler de l'originalité à un projet qui vient donc s'ajouter à des tas d'autres.
De plus les mouvements de caméras à grands coups de drones et de renversement de cadres rendent la mise en scène inutilement ostentatoire.
Arthur Rambo (2021)
1 h 27 min. Sortie : 2 février 2022. Drame
Film de Laurent Cantet
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
Le grand intérêt du nouveau film de Laurent Cantet est son absence de psychologie, sa volonté de ne jamais juger et de rester constamment dans le factuel. En conséquence, le film nous montre la chute vertigineuse d'un jeune écrivain célébré pour son roman, tandis qu'est révélé son activité sur Twitter sous un pseudonyme où il déverse des monceaux de haine.
Après avoir conquis Paris, ses beaux quartiers et ses soirées branchées pour happy few, Karim D fait le chemin inverse, traverse dans un matin blême le périphérique et retrouve avec douleur son univers amical et familial.
De manière dégraissée et directe, le réalisateur de Entre les murs interroge l'état d'une société en prise aux réseaux sociaux et aux divisions qui la minent en profondeur.
Si hier la question se posait de savoir si on pouvait rire de tout, peut-être aujourd'hui le débat s'est-il déplacé sur notre capacité collective à polémiquer de tout et au final à débattre. Le constat est terrible mais il est à peu près certain dans les dernières séquences que la réponse soit définitivement négative.
Golda Maria (2020)
1 h 55 min. Sortie : 9 février 2022. Historique
Documentaire de Patrick Sobelman et Hugo Sobelman
Patrick Braganti a mis 8/10.
Annotation :
La force du propos de Golda Maria filmée en 1994 par son petit-fils est tellement considérable que la simplicité extrême du dispositif ne pose aucunement problème et n'est jamais un obstacle à écouter le récit limpide et lucide d'une juive polonaise née en 1910 qui connut au bout d'un parcours inouï les camps de concentration en Pologne, Allemagne et Tchécoslovaquie.
La mémoire de la femme digne dans son tailleur bleu assise dans son canapé n'est jamais prise en défaut, sauf à de rares moments où l'émotion la submerge et emmêle passagèrement ses souvenirs.
Franche et honnête sur sa part de chance, condition injuste mais pourtant indispensable à la survie dans les camps - au sujet desquels il est évident qu'elle édulcore son témoignage - elle avoue aussi un bonheur à être devenue une mère et une grand-mère comblée des années plus tard, même si la mort du petit Pierre déporté avec elle la hante à jamais et lui fait rechercher de manière compulsive et peut-être consolatrice la présence des enfants.
À peu près incapable de parler à son retour de l'horreur absolue - mais voulait-on vraiment l'entendre, elle et ses compagnons survivants réfugiés à l'hôtel Lutetia ? - elle commence à parler auprès de ses petits-enfants.
Au-delà du travail de mémoire historique toujours nécessaire, c'est aussi le portrait d'une personnalité exceptionnelle à l'intelligence intuitive et à la force de vie intacte qui la mèneront jusqu'à l'âge de 102 ans.
Enquête sur un scandale d'État (2021)
2 h 03 min. Sortie : 9 février 2022. Drame, Thriller
Film de Thierry de Peretti
Patrick Braganti a mis 8/10.
Annotation :
On a perdu depuis plusieurs années en France l'habitude de ces films qui scrutent les errements louches et clandestins de l'appareil d'état. Yves Boisset, même s'il ne faisait pas toujours dans la subtilité, fait partie d'un passé révolu et les séries ont pris le relais pour ces thématiques.
On accueille ainsi avec plaisir le nouveau film de Thierry de Peretti (Les Apaches, Une vie violente) qui s'inspire de faits réels pour mettre en scène une sorte de thriller policier et politique où il est en gros question des moyens déployés par l'État français et ses commis pour lutter contre le trafic de drogues.
Le film prend la forme d'une enquête menée par un journaliste de Libération qui va rencontrer un ancien agent infiltré détenteur de révélations impliquant un haut gradé de la police française.
Entre Marbella, Paris et Lugano, l'histoire est dense et peuplée de nombreux personnages. Aussi le film requiert-il une certaine attention.
Mais au-delà de l'intrigue, la grande force des deux heures de la projection proviennent du magnétisme et de la justesse de situations troubles et glauques à la limite du poisseux. On est dans des milieux occultes de basse œuvre et de diplomatie secrète.
L'interprétation des rôles principaux comme des participations secondaires est ad hoc. Le trio de comédiens : Roschdy Zem, Pio Marmai et Vincent Lindon est impeccable dans un jeu dangereux aux règles fluctuantes où l'intérêt le dispute à l'affect.
Enfin Thierry de Peretti réussit la gageure de nous maintenir dans une expectative et un doute permanents. Ce qui rajoute encore à l'attraction vénéneuse que suscite un film brillant et intense.
Piccolo corpo (2021)
1 h 29 min. Sortie : 16 février 2022 (France). Drame
Film de Laura Samani
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
Entre conte et fantastique, un film venu d'Italie qui se singularise par son hiératisme parfois lourd et sa rigueur formelle qui en font un objet très fort qui installe une atmosphère de plus en plus pesante et mystérieuse. La jeune Agata au début du vingtième siècle accouche d'un bébé mort-né voué selon les traditions à errer dans les limbes et à ne jamais trouver le repos éternel, à moins d'être baptisé dans un sanctuaire en haut de la montagne.
Le voyage initiatique qu'entreprend Agata est aussi une trajectoire vers la liberté et l'émancipation, la possibilité d'un relais comme une reconnaissance de sa personne et de son statut. Plutôt que d'y chercher un sens, un message, peut-être faut-il d'abord se laisser submerger par la beauté des paysages rudes et glaciaux, l'intensité de la jeune fille et de l'autre personnage qui lui propose son aide.
Un film sur la foi et la croyance aux miracles qui est aussi une œuvre qui croit dans le cinéma et la puissance des images.
Vous ne désirez que moi (2021)
1 h 35 min. Sortie : 9 février 2022. Drame, Romance
Film de Claire Simon
Patrick Braganti a mis 8/10.
Annotation :
Une tentative d'explication de la passion amoureuse et vampirique entre l'iconique Marguerite Duras et le jeune Yann Andréa qui s'avère très fastidieuse et attendue tant la réalisatrice Claire Simon joue les épigones dans une mise en scène qui alterne l'interview de Yann et les images d'archives qu'on connait par cœur.
Tout cela sent le bel exercice de style durassien mais on peut tout aussi bien n'éprouver aucun intérêt pour les affres et les tourments du jeune Yann à qui Duras livre cette réplique réactionnaire : " Vous n'êtes pas pédé, vous êtes un homme'. De quoi casser un peu le mythe...
Un autre monde (2020)
1 h 36 min. Sortie : 16 février 2022. Drame
Film de Stéphane Brizé
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
Le réalisateur Stéphane Brizé poursuit sa collaboration avec le comédien Vincent Lindon dans un troisième volet qui imbrique étroitement l'auscultation du monde de l'entreprise et la sphère privée de ceux pris dans les rets d'une économie totalement tournée vers le profit et la rentabilité avec comme corollaire la négation de l'humain devenu variable d'ajustement.
Le schéma de construction reste le même : l'exposition en de longues séquences des thématiques qui délimite ainsi le cheminement vers une rédemption libératrice qui a pris par le passé des formes pour le moins contestables ou déplacées eu égard au contexte dans lequel elles étaient adossées : démission ou immolation.
Cette fois-ci Philippe - le personnage joué par Lindon, très bien malgré sa composition habituelle de mec dépassé au regard de chien battu - est plutôt du côté des gagnants. Il est directeur d'un site industriel qui va devoir superviser le prochain plan social exigé par l'actionnaire américain. C'est du côté du privé que les choses se passent plus mal : en pleine séparation compliquée avec Anne, Philippe doit aussi affronter les troubles comportementaux de son fils.
Un autre monde raconte d'abord l'histoire d'un homme qui doute et qui vacille dans sa vie professionnelle et affective et l'auteur de La Loi du marché ambitionne d'investir les deux tableaux.
Documenté, resserré et implacable, le volet du travail et de l'entreprise est sans conteste le plus convaincant et saluons à cette occasion la prestation inattendue de la journaliste Marie Drucker. On connait le cynisme et les éléments de langage des cadres dirigeants internationaux mais une piqûre de rappel n'est jamais inutile.
À l'inverse, les déboires privés qui viennent en résonance et en écho des aléas professionnels sont particulièrement chargés et apparaissent même comme une justification à ces derniers.
Il n'empêche : le film est tendu et plutôt bien écrit, sonnant juste. Stéphane Brizé sait manifestement de quoi il parle et ce troisième fragment convainc davantage que le précédent En guerre.