Films vus en 2024
Liste et notes des films vus en salles pour 2024
238 films
créée il y a 11 mois · modifiée il y a environ 2 heuresJeunesse (Le Printemps) (2023)
Qīngchūn
3 h 35 min. Sortie : 3 janvier 2024. Société
Documentaire de Wáng Bīng
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
L'année cinéma 2024 commence en fanfare avec le premier volet de la trilogie documentaire sur les jeunes ouvriers et ouvrières de l'industrie textile en Chine.
Fruit d'un travail de cinq années, implication humaniste et sensorielle de la part du réalisateur, le documentaire de 3h35 est comme une plongée en apnée au cœur des ateliers bruyants et surpeuplés, lieux d'un travail acharné de jour comme de nuit, d'un marivaudage continu et moderne entre jeunes gens hyper connectés à l'énergie débordante, sans illusions mais aussi sans amertume face à un monde hyper capitaliste qui les broie et leur offre cependant des espoirs de gains et d'une vie meilleure.
Inconfortable du fait même de sa longueur, de la profusion de personnages et de situations, de la violence des échanges (qui pour le coup ne sont même pas en milieu tempéré tant le froid du dehors et la chaleur moite du dedans créent un perpétuel hiatus thermique), le nouvel opus du chinois Wang Bing témoigne une fois encore de l'impact nécessaire d'un travail exigeant et indispensable.
On attend les deux autres volets avec impatience.
Pour ton mariage (2023)
1 h 19 min. Sortie : 20 décembre 2023. Portrait
Documentaire de Oury Milshtein
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
Un homme qui va se confier sur la tombe de son psychanalyste parce qu'il avait totale confiance en lui et que désormais ça lui coûte moins cher ne peut que susciter une sympathie immédiate.
Celui qui épousa la fille du chanteur Enrico Macias aimerait enfin pouvoir mener un projet à terme avant de disparaître. Ce qui est à l'origine de ce film qui oscille entre passé (de nombreuses scènes de ce curieux mariage phagocyté par un beau-père envahissant et nombriliste) et présent (un repas de famille avec les ex-épouses et les enfants). On passe aussi de l'autodérision à la plus grande gravité tant le parcours de l'apprenti cinéaste est émaillé de drames (la perte de sa fille Léah à 14 ans et on apprend presque incidemment qu'il fut le compagnon de Kate Barry).
Personnage attachant, lunaire et complexe, Oury Milshtein orchestre avec fantaisie et lucidité une détonante étude de son propre cas.
SHTTL (2022)
1 h 54 min. Sortie : 13 décembre 2023 (France). Drame, Guerre, Historique
Film de Ady Walter
Patrick Braganti a mis 5/10.
Annotation :
Prisonnier de son dispositif (un seul et virtuose plan-séquence, une alternance entre noir et blanc - le présent - et colorisé - le passé), le film à l'interprétation disparate qui frôle souvent une grandiloquence malvenue est d'abord un exercice de style doublé d'un traité de pensée religieuse et politique. Les véritables enjeux dans un village imaginaire aux confins des combats entre russes et allemands disparaissent derrière un suspense de retrouvailles amoureuses.
L'Usine, le bon, la brute et le truand (2023)
1 h 15 min. Sortie : 3 janvier 2024. Société, Politique
Documentaire de Marianne Lère (Marianne Lère Laffitte)
Patrick Braganti a mis 5/10.
Annotation :
Aussi important soit-il, le combat des trois employés (deux ouvriers syndiqués à la CGT et un cadre sans étiquette) débouche sur un documentaire assez poussif qui manque cruellement d'ampleur et du regard extérieur de la réalisatrice. Ajoutons cette curieuse idée d'un chœur d'opéra pour narrer les vicissitudes de l'entreprise comme ponctuations décalées sinon saugrenues . On prendra le film comme rappel utile sur un fait économique dont on aurait aimé connaître l'issue.
Priscilla (2023)
1 h 53 min. Sortie : 3 janvier 2024 (France). Biopic, Drame, Romance
Film de Sofia Coppola
Patrick Braganti a mis 4/10.
Annotation :
Le fond de commerce de Sofia Coppola continue à être l'ennui d'une jeune femme potentiellement riche plongée dans un univers nouveau et déconcertant. Ici il s'agit donc de Priscilla Presley, que le chanteur alors affecté en Allemagne va rencontrer et finir par ramener à Memphis. La belle maison se transforme petit à petit en prison dorée pour la jeune femme totalement réifiée par un mari addict aux médicaments qui le rendent paranoïaque et colérique.
Au final, la réalisatrice finit par susciter autant d'ennui que semble éprouver elle-meme Priscilla dont le long chemin vers l'émancipation manque de relief et se résume à une succession de scènes à peu près identiques et sans grand intérêt.
De plus on n'éprouve aucune compassion ni pour le rocker névrosé sorte de pantin falot et capricieux, ni pour Priscilla dont on ne saisit pas en quoi cet homme la fascine.
En tout cas le spectateur n'en ressent guère de la fascination pour cet objet terne reprenant les gimmicks habituels de la cinéaste.
Moi capitaine (2023)
Io Capitano
2 h 02 min. Sortie : 3 janvier 2024 (France). Drame
Film de Matteo Garrone
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
Le réalisateur ne parvient pas à trouver le ton juste ni la bonne distance pour traiter un sujet qu'il enjolive d'une esthétique proche du dépliant touristique et de séquences oniriques déréalisant les enjeux réels. La bienveillance qui confine ici à l'angélisme conduit à un traitement elliptique minimisant les tragédies.
Si seulement je pouvais hiberner (2022)
If Only I Could Hibernate
1 h 38 min. Sortie : 10 janvier 2024 (France). Drame
Film de Zoljargal Purevdash
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
Si les paysages sont magnifiques et l'histoire particulièrement touchante, le film pêche néanmoins par la faiblesse de son scénario et l'insuffisance de développements narratifs qui le cantonnent ainsi à son programme charmant et bienveillant dans une démarche universaliste salutaire, mais pas inédite. Comme l'impression que Noël s'est prolongé !
Scrapper (2022)
1 h 24 min. Sortie : 10 janvier 2024 (France). Comédie, Drame
Film de Charlotte Regan
Patrick Braganti a mis 4/10.
Making of (2023)
1 h 54 min. Sortie : 10 janvier 2024. Comédie, Drame
Film de Cédric Kahn
Patrick Braganti a mis 7/10.
Bonnard, Pierre et Marthe (2023)
2 h 03 min. Sortie : 10 janvier 2024. Biopic, Drame, Romance
Film de Martin Provost
Patrick Braganti a mis 4/10.
Annotation :
Hormis ses belles images bercées d'une lumière solaire (tout se passe en été), le nouveau film de Martin Provost, qui reste décidément un bon faiseur, ne présente guère d'intérêt ni historique ni artistique. Alors que le peintre y est présenté comme veule et plutôt passif, celle qui de muse deviendra épouse semble prendre toute la place d'une narration au long cours aux multiples artifices cumulant dans une dernière partie presque ridicule. Une impression de ridicule qui plane durant deux heures et culminant dans une scène de dispute féminine entre Marthe Bonnard (Cécile de France peu convaincante) et une ancienne conquête du peintre. Au final on s'ennuie beaucoup sans qu'on parvienne à saisir les intentions de l'auteur.
Animal (2023)
1 h 57 min. Sortie : 17 janvier 2024 (France). Drame
Film de Sofia Exarchou
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
Entre documentaire et fiction, le deuxième film de la réalisatrice grecque ausculte sans misanthropie ni cynisme la vie d'une équipe d'animateurs d'un hôtel-club sur une île du pays. Articulé autour d'un personnage féminin, Kalia, expérimentée et énergique, Animal alterne les séquences de travail (les spectacles sur la scène et dans les coulisses, les répétitions) et les moments de repos et de relâche en fin de nuit.
L'envers du décor pour sordide et impitoyable qu'il puisse apparaître n'est pas ici un prétexte à la charge ou l'avalanche dramatique. Au contraire, Sofia Exarchou évite tous les écueils dans une mise en scène âpre et rugueuse qui repose aussi sur un montage maîtrisé où chaque scène semble s'arrêter au bon moment.
Toujours surprenant, nous conduisant sur des pistes inattendues, Animal se resserre de plus en plus sur Kalia, dont les fêlures et la lassitude en font une poignante héroïne, cousine éloignée des femmes cabossées et battantes qui parsèment le cinéma.
Un premier coup de cœur en ce début d'année.
La Tête froide (2023)
1 h 32 min. Sortie : 17 janvier 2024. Drame, Thriller
Film de Stéphane Marchetti
Patrick Braganti a mis 5/10.
Annotation :
Il est quand même regrettable - et on pourrait ajouter suspect ou problématique - que la thématique des migrants, contemporaine et universelle dont personne ne doute de l'importance sans cesse accrue, produise des films aussi bancals et insatisfaisants. Après le conte esthétisant et gênant Moi, capitaine, voici un film français pétri de bonnes intentions qui se fracasse néanmoins sur l'indigence d'un scénario tarabiscoté où, une fois encore, les scories alourdissent et déréalisent le sujet au point d'en devenir contre-productif. Toujours cette même impression d'un réalisateur qui, n'ayant pas suffisamment confiance en son sujet, croit utile de l'emberlificoter de développements parallèles dilatoires et inintéressants.
Malgré la talent de Florence Loiret-Caille qui excelle dans ce type de rôles, le film s'enlise de plus en plus dans des raccourcis et des ellipses qui finissent par lui ôter toute crédibilité. Alors que la compassion devrait nous animer - même si on sait que le public est acquis d'avance, s'octroyant avec une bienveillance douteuse une confortable et inoffensive bonne conscience -, c'est hélas l'agacement qui nous gagne. On en est à coup sûr les premiers déçus
Un silence (2023)
1 h 41 min. Sortie : 10 janvier 2024 (France). Drame
Film de Joachim Lafosse
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
Réalisateur belge qui trouve son inspiration dans l'observation clinique et approfondie de la cellule familiale, Joachim Lafosse livre un nouveau film particulièrement malaisant et exigeant dans sa sollicitation extrême du spectateur à la fois malmené et érigé comme participant à l'élaboration, sinon la compréhension, d'un projet déroutant et fascinant.
Il est ici question de la prolifération et de la contagion du mal au sein d'une famille de notables où le silence devient le poison venimeux de la destruction qui se fait fi de la sauvegarde des apparences et de la volonté fragile et dérisoire de la préservation d'un statut lui-même bâti sur une accumulation de faux-semblants.
Porté par des comédiens transcendés au jeu pourtant minimal - le regard y prend sans conteste la première place - Un silence bénéficie d'une construction cérébrale qui laisse une place de choix au spectateur chargé - comme un double de la commissaire - d'essayer de comprendre ce qu'on lui donne à voir. Projet en soi vertigineux qui s'appuie et se déploie sur le pari tenu et réussi d'une intelligence exprimée sur tous les niveaux. On en sort ébranlés et bousculés, mais aussi heureux de voir le talent du cinéaste confirmé et amplifié de film en film.
Les Chambres rouges (2023)
1 h 58 min. Sortie : 17 janvier 2024 (France). Thriller
Film de Pascal Plante
Patrick Braganti a mis 7/10.
Le Dernier des Juifs (2024)
1 h 30 min. Sortie : 24 janvier 2024. Comédie dramatique
Film de Noé Debré
Patrick Braganti a mis 5/10.
Annotation :
Comédie poussive qui met en scène un énième avatar de mère juive (Agnès Jaoui manifestement en sous-régime) vivant avec son fils homme à tout faire ( Michael Zindel dont on cherche encore le potentiel comique qui ne dépasse jamais le stade du personnage pleurnichard à la Droopy) sous fond d'un projet sans cesse repoussé de départ (les Noirs ayant remplacé les arabes dans la cité). Le tout surfe sans vergogne sur toutes les vagues à la mode du vivre ensemble et des différents communautarismes. Mais si au moins il s'y passait quelque chose de drôle, de truculent et de surprenant. À la place, un programme qui se déroule dans l'ennui qui gagne.
Un été afghan (2022)
A Cooler Climate
1 h 12 min. Sortie : 24 janvier 2024 (France).
Documentaire de James Ivory et Giles Gardner
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
À présent âgé de 94 ans, James Ivory revient sur un voyage qu'il fit en Afghanistan afin d'y tourner des images qui auraient dû donner naissance à un documentaire resté dans les cartons. L'exhumation d'images et de souvenirs s'avère passionnante à plus d'un titre.
D'abord elle montre un pays libre et en voir d'émancipation avant les invasions russes et américaines qui vont progresser le transformer dans une prison à ciel ouvert, d'abord pour les femmes;
Ensuite, on comprend en quoi ce voyage fut déterminant dans les rencontres qu'il permit pour le réalisateur sans lesquelles son œuvre future n'aurait probablement pas été tout à fait la même.
À la fois de dimension politique et sociétale, le documentaire n'en est pas moins très personnel, voire intime, puisque James Ivory y évoque la découverte et la pratique de son homosexualité.
Resserré en 72 minutes, Un été afghan va à l'essentiel et touchera aussi bien les cinéphiles q
L'Homme d'argile (2023)
1 h 34 min. Sortie : 24 janvier 2024. Drame, Romance
Film de Anaïs Tellenne
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
Il y a à la fois de très bonnes choses et d'autres davantage contestables dans ce film audacieux où il est question de différence et de création artistique. L'Homme d'argile semble se tenir constamment en équilibre précaire et réussit le pari de ne jamais sombrer dans un voyeurisme tentant ni un moralisme affecté. Le travail sur les matières organiques et musicales rend l'ensemble charnel et sensuel; On apprécie d'abord tout ce qui se passe entre Garance et Raphaël, nettement moins les autres personnages (la postière lubrique, la mère possessive et les amis de l'artiste comme ceux de Raphaël, un groupe de musiciens locaux);
Mais il faut saluer ce projet non conventionnel et osé porté par un duo de comédiens dont la célébrité de l'une n'écrase jamais la modestie de l'autre. Au contraire les deux se nourrissent, s'apprivoisent pour donner le meilleur du film.
La Vie rêvée de Miss Fran (2023)
Sometimes I Think About Dying
1 h 33 min. Sortie : 10 janvier 2024 (France). Comédie, Drame, Romance
Film de Rachel Lambert
Patrick Braganti a mis 5/10.
Annotation :
Tout sonne faux dans ce film qui avait pourtant un sujet en or, celui de suivre une trentenaire solitaire souffrant d'évidence de difficultés à communiquer avec les autres par timidité ou maladresse, les deux allant souvent de pair. Le souci, c'est qu'on ne s'attache guère à Fran dans une succession de scènes (principalement sur son lieu de travail, une improbable agence dans une ville portuaire dont on peine à situer l'époque) qui sentent l'artifice à plein nez (le sommet étant atteint lors d'une soirée où se déroule un curieux jeu de rôles auquel on ne comprend à peu près rien, ni de son déroulement et encore moins de son intérêt). Le tout est terriblement mollasson et sans charme. Décidément les spectateurs ont de moins en moins une vie rêvée.
May December (2023)
1 h 57 min. Sortie : 24 janvier 2024 (France). Comédie dramatique
Film de Todd Haynes
Patrick Braganti a mis 8/10.
Annotation :
Moins policé et confortable que ses opus précédents, nettement plus grinçant et vitriolé, le nouveau film de Todd Haynes qui, à partir d'un fait divers qui révulsa l'Amérique, la liaison entre une femme de 36 ans et un jeune adolescent de 13 ans, livre un portrait de deux femmes pareillement - mais pour des raisons différentes - antipathiques.
Haynes choisit un biais étonnant, celui du travail préparatoire d'une actrice qui jouera prochainement le rôle de la femme scandaleuse.
Alors que l'actrice (Natalie Portman) est dans une recherche effrénée et somme toute vaine de la vérité pour composer son futur personnage, celle qu'elle doit interpréter (Julianne Moore) semble en permanence redéfinir la vérité dans un objectif doublement manipulateur et égotiste.
L'action se situe sur une île dans une communauté qui paraît réduite. Les deux femmes attisent la curiosité, l'une par son statut de star et l'autre par son aura scandaleuse.
Dans une hypocrisie relationnelle généralisée, le cinéaste dézingue dans une mise en scène élégante et épurée sans tomber dans la sophistication une certaine idée du modèle étatsunien. C'est incisif, mordant et cruel. Mais aussi complètement jouissif et stimulant pour le spectateur à qui il est laissé une place de choix dans la reconstitution du récit et la structuration de son opinion. C'est devenu suffisamment rare pour être mentionné.
Stella, une vie allemande (2023)
Stella. Ein Leben.
2 h 01 min. Sortie : 17 janvier 2024 (France). Biopic, Drame, Guerre
Film de Kilian Riedhof
Patrick Braganti a mis 5/10.
Annotation :
Ce n'est hélas pas la présence de la toujours impeccable Paula Beer qui sauve le film du naufrage dans lequel il sombre, lesté très lourdement d'une mise en scène tape-à-l'œil qui enchaine les plans à une vitesse vertigineuse (pas un ne paraît durer plus que quelques secondes) alourdis derechef par des angles de prises de vues tarabiscotés et qui finissent par devenir inconvenants - oserions-nous le mot obscènes - compte tenu du sujet traité.
On pense davantage à une production américaine, clinquante aux multiples effets appuyés, qu'à un long-métrage du crû avec une identité et un point de vue propres. Cela ne fonctionne que par instants, mais le sentiment général est d'abord celui d'un certain malaise qui trouve d'abord son origine dans la médiocrité criarde er tapageuse de la mise en images alors qu'il devrait naître du parcours équivoque oscillant entre sauvegarde personnelle et actes absolument honteux de l'héroïne.
On est tellement submergés d'images qu'au final on ne parvient même plus à se faire la moindre opinion. On en ressort essorés et suffocants, mais pour les mauvais motifs.
Le Bonheur est pour demain (2023)
1 h 38 min. Sortie : 31 janvier 2024. Drame
Film de Brigitte Sy
Patrick Braganti a mis 5/10.
Annotation :
Brigitte Sy y est allée à la truelle pour raconter une assez sordide histoire d'amour à travers l'épreuve de la misère, du gangstérisme de toutes sortes et enfin de la prison. Se vautrant dans la facilité du misérabilisme et reprenant à son compte les combats féministes (les femmes, qu'elles soient mère, épouse ou petite amie, sont les victimes tandis que les mecs, à part bien sûr Claude l'emprisonné, apparaissent comme de complets connards), la réalisatrice met en scène sans souffle ni originalité un scénario plutôt lourd (à tout cela il faut encore rajouter le sida de la mère de Claude) et on ne sait pas trancher à la fin qui, de Béatrice Dalle ou Laetitia Casta, est ici la plus cabotine et en roue libre, en faisant des tonnes dans leur composition respective, alors que Damien Bonnard fait le service minimum.
La Grâce (2022)
Blazh
1 h 59 min. Sortie : 24 janvier 2024 (France). Drame
Film de Ilya Povolotsky
Patrick Braganti a mis 8/10.
Annotation :
Du pur cinéma venu de l'Est où l'important n'est pas tant l'histoire que la manière de la raconter. Sorte de road-movie à travers la Russie entrepris par un père et sa fille à bord d'un van rouge qui leur sert aussi d'habitation et d'entrepôt pour le matériel qui leur permet de projeter des films dans les coins les plus reculés, La Grâce est une merveille de mise en scène où se déploient dans des paysages de fin du monde de lents, longs et circulaires travellings qui révèlent un élément narratif inattendu et supplémentaire. Poétique et envoûtant, porté par un travail somptueux aussi bien sur la photographie que sur la musique, le film nous happe jusqu'aux séquences finales dans ce no man's land où s'écroule inexorablement un ancien institut de recherche. Doublement crépusculaire et initiatique, le périple comme tentative de réconciliation et de travail sur le deuil débouche sur une magnifique expérience de cinéma. Du très grand art.
Mambar Pierrette (2023)
1 h 33 min. Sortie : 31 janvier 2024 (France). Drame
Film de Rosine Mbakam (Rosine Mfetgo Mbakam)
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
D'origine camerounaise, Rosine Mbakam n'avait jusqu'alors réalisé des films qu'en Belgique qui connurent un petit succès d'estime. En décidant de revenir au pays et de mettre en scène sa cousine Pierrette, elle passe paradoxalement du côté de la fiction en s'appuyant sur le parcours de Pierrette avec laquelle elle partage davantage que le lien familial. À des millers de kilomètres de distance, en effet les deux femmes connaissent les mêmes difficultés financières, la même précarité et une incertitude identique et anxiogène quant à l'avenir.
Les rajouts fictionnels qu'on parvient d'ailleurs à plus ou moins identifier permettent ainsi de faire de la cousine couturière élevant seule ses trois enfants et s'occupant de sa mère malade un véritable personnage de cinéma appréhendé et filmé comme tel. Cela autorise aussi, au-delà du cadre privé et des soucis quotidiens (Pierrette se fait agresser et dépouiller, sa maison est inondée), de questionner les problématiques politiques et sociétales, notamment au travers des figures du frère de Pierrette et d'un clown des rues, désabusé et lucide.
Filmé en plans resserrés dans lesquels Pierrette semble mener une lutte permanente, parfois plaintive et jamais résignée, gardant foi en l'avenir que peut lui assurer son métier de couturière, Mambar Pierrette fait de son héroïne une figure majeure et magistrale qui dépasse largement le cadre de son statut et de sa condition. Parce que c'est elle qui donne son rythme, son apparence à l'ensemble, Pierrette entre petit à petit et de manière prolongée dans le panthéon des grandes figures du cinéma contemporain.
Mambar Pierrette s'avère in fine un grand film important et indispensable.
A Man (2022)
Aru Otoko
2 h 01 min. Sortie : 31 janvier 2024 (France). Drame, Thriller
Film de Kei Ishikawa
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
A Man requiert beaucoup d'attention de la part du spectateur à qui on conseillera d'aller le voir en pleine forme physique et morale. Car, au-delà de sa construction complexe en plusieurs strates temporelles et multiples protagonistes, le sujet abordé n'est pas non plus léger. Il y est en effet question de certains troubles de la personnalité conduisant à la négation de l'identité qui débouche sur des mécanismes d'usurpation.
Quand des vies se déroulent comme des palimpsestes, cela donne naissance à la manière japonaise, c'est-à-dire subtile et élégante, à un très joli film où est aussi abordée la thématique de la perception des étrangers dans l'archipel, dans le personnage de l'avocat originaire de Corée.
La Zone d’intérêt (2023)
The Zone of Interest
1 h 45 min. Sortie : 31 janvier 2024 (France). Drame, Historique, Guerre
Film de Jonathan Glazer
Patrick Braganti a mis 4/10.
Annotation :
Tout d'abord il faut évacuer ce mauvais procès d'abjection qui ferait de Jonathan Glazer une sorte de complice du négationnisme en plein essor. Le réalisateur de Under the skin opte, en adaptant librement le roman de Martin Amis, pour un parti pris formel : filmer l'extérieur d'un lieu devenu infilmable pour mieux pouvoir en exprimer et faire ressentir l'horreur absolue.
L'extérieur, c'est la maison du commandant Rudolf Höss, présidant à l'administration du camp d'Auschwitz et au déploiement à grande échelle de la solution finale, l'extermination de centaines de milliers de juifs, plus précisément ici de 700 000 juifs hongrois (deuxième semestre 1943). Une maison occupée par sa famille dirigée par une épouse qu'on pourrait dépeindre comme parvenue et ambitieuse, qui a transformé le lieu en paradis (selon ses propres mots), notamment par l'implantation d'un potager et la culture de nombreuses fleurs (chargées de masquer le mur d'enceinte et d'atténuer aussi probablement les odeurs pestilentielles).
Respectant en cela le précepte édicté par Claude Lanzmann (Shoah) qui considérait impossible l'idée de fiction à l'intérieur des camps, Jonathan Glazer met en place un dispositif rigoureux et radical auquel il se tient en grande partie. La maison des Höss est ainsi filmée par le biais de dix caméras fixes réparties dans la cuisine, la salle à manger et les chambres. Un choix qui n'est pas sans rappeler celui utilisé de nos jours dans la télé-réalité. Est-ce-à dire que l'existence des Höss, rythmée par une sortie au bord de la rivière, l'anniversaire du commandant, la visite de la grand-mère - qui s'éclipsera sans coup férir en pleine nuit - et les rencontres avec les épouses des autres officiers est aussi vide et hors sol que les nouvelles vedettes du petit écran ? On n'est pas loin d'y voir une analogie, peut-être assez incongrue, sinon scabreuse.
Pour ne pas oublier cependant l'existence du camp, le cinéaste a travaillé en compagnie de son sound designer attitré, Johnnie Burn, sur la bande-son, soit tous les bruits sourds et diffus qui proviennent comme étouffés (aboiements, ordres, fusillades), agrémentés de fumées des fours crématoires et des arrivées des convois ferroviaires.
Jonathan Glazer semble vouloir appliquer de manière plutôt scolaire et respectueuse les théories de Hannah Arendt sur la banalité du mal. La banalité est aussi en quelque sorte ce qui régit l'existence des Höss à Auschwitz, un petit fonctionnaire zélé et efficace, nanti d'une épouse ma
They Shot the Piano Player (2023)
1 h 40 min. Sortie : 31 janvier 2024 (France). Animation, Drame, Historique
Long-métrage d'animation de Fernando Trueba et Javier Mariscal
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
Forme parfaite, un film d'animation coloré et rythmé, pour retracer le parcours tragique d'un pianiste de jazz brésilien, Francisco Tenório Jr, disparu au moment où le continent sud-américain sombre dans la dictature suite aux coups d'Etat (Argentine, Chili, Paraguay et Uruguay).
Le long-métrage très documenté et très riche est constitué d'interviews de musiciens menés par un journaliste musical new-yorkais. On y croise la fine fleur de ce qui constitua les années fastes de la musique brésilienne qui allait alors déferler sur le monde.
Double leçon, à la fois artistique et géopolitique, They Shot The Piano Player est épatant de bout en bout. À voir et aussi à écouter de toute urgence.
Francisco Tenório Jr est auteur d'un seul album en son nom : Embalo qui date de 1964. On peut le trouver sur toutes les plateformes.
Daaaaaalí ! (2023)
1 h 18 min. Sortie : 7 février 2024. Comédie
Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)
Patrick Braganti a mis 5/10.
Annotation :
L'idée de faire jouer par plusieurs comédiens un même personnage n'est pas nouvelle. Avec brio et à-propos, Todd Haynes s'y était essayé pour Bob Dylan dans le très réussi I'm Not There. Le stakhanoviste Quentin Dupieux n'a hélas pas le même talent et se fracasse dans cette tentative ratée d'approcher le mythe de l'excentrique et égotique Salvador Dali. A partir d'un fumeux projet de réaliser un film sur le peintre catalan, le réalisateur de Yannick construit un film gigogne où se croisent les différents acteurs qui vont l'interpréter avec plus ou moins de bonheur - seuls Edouard Baer et Jonathan Cohen tirent leur épingle du jeu, alors que les autres se livrent à un assez désastreux jeu d'imitation avec force roulement d'yeux et accent ibérique exagéré, même si le créateur des montres molles avait fini par n'être plus qu'une caricature.
C'est dans l'évocation d'un rêve à tiroirs par un prélat local que le film décolle un peu, renouant ainsi avec l'esprit d'un Luis Buñuel que Dupieux porte haut dans son cœur. Sinon l'ensemble se révèle peu drôle et souvent pénible dans un dispositif de réitération (l'arrivée de Dali dans le couloir de l'hôtel est une bonne idée qui s'essouffle, la fin du film) qui, in fine, donne l'impression d'une longueur qu'il n'a pourtant pas, Dupieux attaché à circonscrire son œuvre autour de 80 minutes.
Sans jamais nous connaître (2023)
All of Us Strangers
1 h 45 min. Sortie : 14 février 2024 (France). Drame, Romance, Fantastique
Film de Andrew Haigh
Patrick Braganti a mis 8/10.
Annotation :
Imbriquer le mélo au fantastique ou irrationnel paraissait un pari audacieux que le britannique Andrew Haigh réussit en poussant son dispositif jusqu'au bout. On retrouve ici des motifs similaires à ceux qui figuraient déjà dans le formidable Week-end (2012) : la rencontre entre deux hommes, d'abord très sexuelle puis glissant vers le sentimental, la tour et un appartement dans les derniers étages dominant Londres, le ciel crépusculaire, la boite de nuit. Tout cela sert de décorum au mélo. L'intangible, l'anormal en quelque sorte, se situe dans le rapport aux morts. Adam, le scénariste en panne et esseulé qui perdit ses parents à l'âge de douze ans, se retrouve dans la maison familiale avec ces derniers encore en vie et lui adulte (et en l'occurrence plus vieux qu'eux).
Le film ausculté aussi bien les blessures et les failles consécutives à la disparition des deux parents que tout ce que celle-ci a laissé en jachère, a signifié comme secrets, non-dits et, par ricochet, non-assistance en adolescent fragile et en danger. C'est dans ces échanges post-mortem que Sans jamais nous connaître est très juste, subtil et donc bouleversant. On comprend aussi que cet exutoire, ce faux-semblant psychanalytique, ce recours à ce qui pourrait être aussi bien un rêve qu'une hallucination, un déni conduisant à la folie, est d'abord une passerelle, un tremplin pour Adam vers Harry, l'entreprenant voisin.
Quand il s'agit de filmer ce qui se passe entre deux garçons, Andrew Haigh sait manifestement de quoi il parle. Les scènes sexuelles sont plutôt rares, presque pudiques, alors que les conversations entre les deux hommes en dévoilent davantage (très belle séquence autour d'une baignoire). D'évidence, il sait aussi de quoi il parle quand il associe la condition gay et son acceptation à un long chemin solitaire et douloureux, sans tomber dans le misérabilisme - Adam répète à ses parents combien les choses ont évolué.
Le Molière imaginaire (2024)
1 h 34 min. Sortie : 14 février 2024. Historique, Comédie dramatique, Biopic
Film de Olivier Py
Patrick Braganti a mis 6/10.
Annotation :
On ne s'étonnera pas que l'ancien directeur du Festival d'Avignon, Olivier Py, en passant au septième art, continue à faire du Py plein pot (ou du plein pipeau peut-être) en revisitant à sa manière les dernières heures de Molière. Une manière outrancière et assez virtuose en proposant une mise en scène éclairée à la bougie constituée d'un long plan-séquence dans les coulisses, les sous-sols, les cintres, la scène et la salle du théâtre qui prend méchamment l'eau.
Malgré la flamboyance des ors et des rouges, c'est une sensation générale de farce crépusculaire, de masques hideux se délectant de la chute et de la disparition annoncée de l'auteur des Précieuses ridicules. Py prend beaucoup de liberté avec l'histoire et fait de son Molière une sorte de héros queer entouré d'une clique assez savoureuse. On y frise souvent le grand-guignol, pour ne pas dire le n'importe quoi à certains moments mais comme c'est drôle et que beaucoup de morceaux de dialogues font mouche, on y rit pas mal. L'ancien directeur de l'Odéon y règle aussi quelques comptes et on pourra y voir quelques clins d'œil avec le théâtre contemporain.
Porté par un casting haut de gamme déjà rompu à l'exercice des planches, Le Molière imaginaire est une œuvre certes bancale et iconoclaste, naviguant entre sacré et profane dans un débordement permanent des passions, des jalousies et des intérêts.
20 000 espèces d'abeilles (2023)
20.000 especies de abejas
Sortie : 14 février 2024 (France). Drame
Film de Estibaliz Urresola Solaguren
Patrick Braganti a mis 7/10.
Annotation :
Il serait dommage de réduire ce premier long-métrage plutôt abouti à la thématique de l'identité et du genre, incarnée ici dans le personnage de Coco âgée de huit ans. Car 20 000 espèces d'abeilles sonne d'abord comme un manifeste féministe mettant en scène trois générations réunies au cours d'un été dans une maison du Pays basque espagnol où semblent se jouer et s'entrecroiser les destins de chacune.
A la manière pointilliste et naturaliste, la réalisatrice scrute avec tendresse et perspicacité ce qui se passe dans la tête et le corps de la petite Coco qui devient, à son insu en quelque sorte, le pivot des tensions et des troubles familiaux. Sa mère en cours de séparation et en mutation professionnelle tente de protéger la petite fille et laisse davantage de libertés aux deux autres enfants. Alors que la grand-mère fait preuve d'une froide et distante rigidité, sa sœur qui est celle qui s'occupe des ruches saisit avec acuité et bienveillance le déchirement intérieur de la petite fille.
Dans un environnement vert, montagneux et liquide, on sent la proximité des corps souvent filmés en lieux clos sombres qui créent un sentiment de malaise et de lourdeur. La frontière du genre trouve son illustration dans la géographie entre France et Espagne. Œuvre de l'entre-deux, souffrant peut-être de quelques longueurs, 20 000 espèces d'abeilles n'en demeure pas moins un film touchant, subtil et exigeant.