Histoire des mentalités

Annotation :

« À chaque époque, une certaine représentation du monde et des choses, une mentalité collective dominante anime, pénètre la masse entière de la société. Cette mentalité qui dicte les attitudes, oriente les choix, enracine les préjugés, incline les mouvements d’une société est éminemment un fait de civilisation. Beaucoup plus encore que les accidents ou les circonstances historiques et sociales d’une époque, elle est le fruit d’héritages lointains, de croyances, de peurs, d’inquiétudes anciennes souvent presque inconscientes, au vrai le fruit d’une immense contamination dont les germes sont perdus dans le passé et transmis à travers des générations et des générations d’hommes. Les réactions d’une société aux événements de l’heure, aux pressions qu’ils exercent sur elle, obéissent moins à la logique, ou même à l’intérêt égoïste, qu’à ce commandement informulé, informulable souvent et qui jaillit de l’inconscient collectif. Ces valeurs fondamentales, ces structures psychologiques sont assurément ce que les civilisations ont de moins communicable les unes à l’égard des autres, ce qui les isole et les distingue le mieux. Et ces mentalités sont également peu sensibles aux atteintes du temps. Elles varient lentement, ne se transforment qu’après de longues incubations, peu conscientes, elles aussi. »

Annotation :

aussi connu sous le nom La mentalité primitive
précurseur ?

"Les fondateurs des Annales en ont retenu l'idée que les différences culturelles observées à travers le temps et l'espace portent non seulement sur l'acquisition des savoirs et des savoir-faire, mais aussi sur les structures logiques de la pensée." - http://www.universalis.fr/encyclopedie/mentalites-histoire/

Annotation :

"Dans Les Rois thaumaturges (1924), Marc Bloch, qui veut montrer comment naît, se développe et se maintient pendant des siècles la croyance dans le pouvoir guérisseur des rois, expérimente la méthode comparatiste qu'il emprunte à ses maîtres linguistes et inaugure l'étude des phénomènes des mentalités collectives."

Annotation :

"Des Rois thaumaturges (1924), consacré aux rites et aux croyances concernant le pouvoir guérisseur du roi, à La Société féodale (1939-1940), l'œuvre de Marc Bloch s'efforce de rendre au monde médiéval son étrangeté et son opacité en dégageant les structures psychologiques sur lesquelles s'appuient son organisation sociale."

En ligne : http://classiques.uqac.ca/classiques/bloch_marc/bloch_marc.html

Annotation :

Livres de LF en ligne : http://classiques.uqac.ca/classiques/febvre_lucien/febvre_lucien.html

"De Un destin : Martin Luther (1928) au Problème de l'incroyance au XVIe siècle, la religion de Rabelais (1942), Lucien Febvre, qui s'intéresse avant tout à l'histoire culturelle de la Renaissance, veut déchiffrer l'univers mental du XVIe siècle en étudiant les manières de penser de quelques personnalités intellectuelles censées représenter leur temps."

- l'article d'universalis est payant, continuons sans

Annotation :

en pdf ici : http://classiques.uqac.ca/classiques/febvre_lucien/probleme_incroyance_16e/febvre_incroyance.pdf

Dans son article « Une vue d’ensemble : histoire et psychologie », LF demande : « Quel est l’objet d’étude de l’historien ? ».
"D’emblée, l’histoire des mentalités s’inscrit dans une problématique épistémologique et méthodologique. Liée à une volonté de redéfinir l’objet de l’étude historique, la notion de mentalité a dès l’origine une vocation critique.[...] Elle reprend des questions épistémologiques massives en récusant une conception restrictive de l’histoire comprise comme récit des grands événements politiques, militaires et diplomatiques. Pourtant s’il refuse de voir dans « l’action dirigeante des personnages historiques » l’ultime centre d’intérêt de l’historien, s’il milite pour une connaissance plus poussée des « masses humaines », Lucien Febvre est surtout soucieux de rééquilibrer l’étude respective de ces deux questions. Comprendre l’histoire suppose pour lui qu’on saisisse la relation qui structure le « binôme individu-société. » [...] Toute personne humaine subit des influences innombrables et, en droit, susceptibles d’une gradation dans leur intensité. De ces influences dépendent, pour l’individu, l’équilibre nerveux, le sentiment de sécurité, les attitudes alimentaires et d’autres dimensions de la vie pratique. Deux facteurs sont prédominants et constituent les vecteurs principaux de ces influences : le langage et l’outillage." (langage = outillage mental)
- http://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2003-1-page-155.htm

Annotation :

à la suite de Febvre et Bloch :

G. Duby, « Histoire des mentalités » dans C. Samaran (dir.), L’Histoire et ses méthodes, Gallimard, « Encyclopédie de la Pléiade », Paris, 1961.
« Telles sont quelques-unes des voies qui s’ouvrent devant une recherche historique vraiment soucieuse de psychologie et qui, tournant le dos à la très primitive explication des événements par la psychologie, prendrait, au contraire, pour sujets de son attention principale les mécanismes intellectuels, les sentiments, les comportements des hommes qui nous ont précédés. Nommons-la histoire des mentalités »
"Lucien Febvre considérait cette étude comme « extrêmement séduisante et affreusement difficile »."

Annotation :

R. Mandrou, « L’histoire des mentalités », in Encyclopaedia Universalis, 1968, t. VIII, p. 436-438.

"L’histoire des mentalités est située dans le projet d’une histoire totale."

/Mandrou critiqué par de Certeau

Annotation :

P. Ariès, « L’histoire des mentalités » dans Le Goff (dir.) La nouvelle histoire. Editions Complexes, « Historiques », 1988.

"Pour cet auteur, l’histoire des mentalités, qu’il semble concevoir comme homogène, a contribué à sortir l’histoire du domaine où elle a traditionnellement été cantonnée : « celui des activités conscientes, volontaires, orientées vers la décision politique, la propagation des idées, la conduite des hommes et des événements »"

Annotation :

J. Le Goff, « Les mentalités ; une histoire ambiguë. » in Le Goff et Nora (dir.), Faire de l’histoire, t. III, Gallimard, « Bibliothèque des Histoires » 1974.

Annotation :

Selon certains, plus "orthodoxe" que celui de Febvre

Annotation :

« Le livre d’histoire, écrit-il, commence avec un présent. Il s’édifie à partir de deux séries de données : d’un côté, les “idées” que nous avons sur un passé, celles qui véhiculent encore d’anciens matériaux, mais dans les circuits instaurés par une mentalité nouvelle ; de l’autre, des documents et des “archives”, restes triés par le hasard, gelés dans les fonds qui leur affectent une signification elle aussi nouvelle. Entre les deux, une différence permet de déceler une distance historique dont l’observation à partir de deux points éloignés permit à Le Verrier l’invention d’une planète encore inconnue.
« C’est dans cet entre-deux que s’est formé ce livre sur Loudun. Il est lézardé du haut en bas, révélant la combinaison, ou le rapport, qui rend possible l’histoire. Car, ainsi partagé entre le commentaire et les pièces d’archives, il renvoie à une réalité qui avait hier sa vivante unité, et qui n’est plus. Il est, en somme, brisé par une absence. Il a une forme proportionnée à ce qu’il raconte : un passé. Aussi bien, chacune de ses moitiés dit ce qui manque à l’autre plutôt que la vérité de l’autre »


Belle déclaration à ce livre et à Michel de Certeau : http://www.cairn.info/revue-le-debat-1988-2-page-85.htm
"l’objet le moins insaisissable de l’histoire [...], un certain type de formalité dans l’ordre des discours et des pratiques, un certain agencement, une certaine articulation entre les champs de la croyance et ceux de la culture, de la société et du pouvoir."

(Est-ce la « fonction du langage que de dire l’absent », s’interroge, un peu plus loin, Michel de Certeau (p. 275) ?
Brièvement encore, ce commentaire, qui a trait à la dernière lettre qu’adresse Urbain Grandier à sa mère : le bien-disant désormais se tait ; « du même geste, ajoute Michel de Certeau, il rend la parole à sa mère, qui sans doute n’a jamais cessé d’en être la véritable détentrice » )

Annotation :

--> Michel de Certeau, François Roustang, La Solitude. Une vérité oubliée de la communication, Paris, Desclée De Brouwer, coll. Christus, n° 25, 1967.

"Dans cette mutation de son regard vers l’autre, il peut être « aidé », écrit Michel de Certeau, « par les méthodes de l’enquête ethnographique ou de l’analyse sociologique et psychologique. En relevant les indices épars qui lui permettront de localiser et de déterminer cette terra incognita – signes linguistiques, dispositions topographiques, symbolisme iconographique ou idéologique, etc. –, il découvre un nouveau monde ».
Et de préciser la nature de ce cheminement, tout à la fois spirituel et intellectuel : « Comme l’ethnographe, le missionnaire prend conscience des profondeurs différentes, mais de même nature, où s’enracine sa propre mentalité. Comme lui encore, il est mis devant ce fait troublant qui contraste avec ses postulats simplificateurs : la pluralité des univers mentaux. Des cassures séparent ces mondes, d’autant plus réelles qu’elles sont moins explicites. Des inféodations collectives creusent entre les groupes ces failles que révèle une rencontre. L’homme est autre que l’homme. »"

"non pas que Michel de Certeau songe à répudier la question de l’historicité des croyances et des opinions ni à esquiver le problème de leur présente intelligibilité ; mais il les entend autrement, dans un rapport complexe d’interactions et de déplacements réciproques, dans lequel croyances ou systèmes de croyances occupent une place spécifique, distincte, qui ne se confond ni ne se perd dans le flou d’une « histoire des mentalités collectives », mais s’articule, selon des modalités ou des formalités changeantes, aux champs eux-mêmes distincts et mouvants du social et du politique, de la science et de la culture. En ce sens, La Possession de Loudun fonde à sa manière une nouvelle histoire ; celle des croyances."

Annotation :

//Lectures ou envies personnelles

Annotation :

"JB a montré par des comparaisons probantes que l'iconographie démoniaque européenne des XIV et XVI siècles s'était grossie d'éléments venus d'Orient qui en avaient renforcé les aspects effrayants. La Chine a ainsi envoyé en Occident des hordes de diables aux ailes de chauve-souris ou aux seins de femme. Elle a exporté des dragons aux ailes membraneuses, des géants à grandes oreilles avec une corne unique sur le front." Delumeau

Sur wikipédia : « J'ai une seule méthode de travail : aller à la source, chercher les vrais textes, au-delà des articles de synthèse [...]. C'est en allant à la source qu'on arrive à une vision exacte des choses. »

Annotation :

cité par De Certeau, in La fable mystique