Hou Hsiao-hsien - Commentaires
Un cinéaste de grande renommée dont je perçois la considérable virtuosité et la richesse du champ thématique. Très concerné par la restitution de la réalité sociale de son pays, Hou est un cinéaste qui n’a de cesse, dans le même temps, d’expérimenter de nouveaux moyens de narration et de restituer ...
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créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a plus de 4 ansLes Garçons de Fengkuei (1983)
Feng gui lai de ren
1 h 39 min. Sortie : 13 juillet 1983 (Taïwan). Drame
Film de Hou Hsiao-Hsien
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
De l’aveu même de l’auteur, son quatrième long-métrage est celui qui marque ses vrais débuts. On y décèle l’amorce d’un style affirmant une distance inhabituelle dans un cinéma généralement marqué par le corps-à-corps avec les personnages et la recherche d’émotions plus franches, plus violentes. Le paysage taïwanais où errent les jeunes gens du village portuaire révèle de ce fait un autre force, celle d’un enracinement et d’une dérive, et leur histoire s’ancre dans la description d’une campagne qui semble les gober, dans la création d’un milieu documentaire d’où observer un peu de récit, dans la sûreté d’un regard posé à un moment donné et sur un lieu précis, qui organise par son fait même un fragment du monde. Les airs de Bach et de Vivaldi parachèvent le pincement au cœur laissé par ce beau film.
Un temps pour vivre, un temps pour mourir (1985)
Tong nien wang shi
2 h 17 min. Sortie : 28 avril 1999 (France). Drame
Film de Hou Hsiao-Hsien
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
HHH a vécu sans le comprendre un exil qui a meurtri ses géniteurs dans leur chair. A-Ha, jeune garçon immature et frondeur prenant conscience des choses au fil d’expériences réverbérées par sa vie d’adulte, c’est lui. Il y a beaucoup de délicatesse, un art de la variation infinitésimale dans cette évocation autobiographique dont le ton naturaliste est altéré par la déformation du souvenir et des impressions vécues lors de l’enfance et de l’adolescence. La structure en tableaux-flashes s’élevant spontanément à l’exemplarité retrouve la magie ironique ou attendrie de la mémoire, et la chronique fait ressentir l’écoulement du temps, le lien de la famille, l’héritage des aînés, les humeurs de la campagne taïwanaise et l’inéluctabilité de la mort qui, après le père, après la mère, emporte l’aïeule figée dans l’oubli.
Poussières dans le vent (1986)
Lian lian feng chen
1 h 49 min. Sortie : 20 mars 1991 (France). Drame, Romance
Film de Hou Hsiao-Hsien
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
De toute évidence, Hou doit énormément à Ozu, tout comme un Jia Zhang-ke lui sera très redevable à son tour. Son expression s’enracine dans une tradition séculaire de réserve et de repli, un genre d’ataraxie extrême-orientale par laquelle il filme au plus loin personnages et paysages, préfère l’écart contemplatif à la proximité de la participation, le jeu des nuages et du soleil sur la masse reculée d’une montage aux lunes habituelles de l’identification. Une telle distance à l’égard de l’agitation des hommes, qui vise à capter les tremblements plutôt que les secousses, ce qui se diffuse plutôt que ce qui survient, frise régulièrement le retrait monastique. Voilà pourquoi il n’est pas facile d’accéder à la plénitude recherchée par ce poème du déracinement, cette ode ultra-minimaliste à la terre et à la famille.
La Cité des douleurs (1989)
Bei qing cheng shi
2 h 37 min. Sortie : 28 novembre 1990 (France). Drame
Film de Hou Hsiao-Hsien
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Entre les mains d’un Zhang Yimou ou d’un Chen Kaige, le film serait sans doute devenu une fresque somptueusement enluminée, à vocation internationale. HHH travaille quant à lui l’attente et la contemplation, et l’évocation d’un destin familial et des quatre années de répression qui suivirent la restitution de Taïwan à la gouvernance chinoise s’opère dans un mouvement plus large et mélancolique, qui inscrit les soubresauts politiques au cœur d’une respiration intimiste et entraîne peu à peu comme en un tourbillon au centre d’un calme plat. La dramatisation s’évapore au profit d’une patiente composition symphonique, faite de suspension et de non-dit (la surdité du photographe dicte l’inspiration de quelques scènes parmi les plus belles), doucement imprimée par la marche tragique de l’histoire.
Le Maître de marionnettes (1993)
Xì mèng rén shēng
2 h 22 min. Sortie : 8 décembre 1993 (France). Comédie dramatique
Film de Hou Hsiao-Hsien
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Second volet consacré par le réalisateur à l’histoire de son pays (les quarante-cinq années effacées par les efforts du Kuomintang) : même narration méditative favorisant l’imprégnation, même travail esthétique d’élaboration qui exclut l’accessoire pour livrer l’essentiel. Il faut oublier toute satisfaction immédiate pour apprécier les élégantes natures mortes, les intérieurs blutés, les vastes paysages captés par une caméra immobile, comme autant de compositions ne délivrant que difficilement leurs secrets. Un vieillard raconte la japanisation de Taïwan, la douleur de son peuple, du deuil, du couple et de la famille ; sa voix facétieuse est notre point d’ancrage au sein de ce cinéma coulant comme une rivière à la constance obstinée, et dont le vide apparent doit être comblé par la seule implication du spectateur.
Goodbye South, Goodbye (1996)
Nan guo zai jian, nan guo
1 h 52 min. Sortie : 16 avril 1997 (France). Comédie dramatique
Film de Hou Hsiao-Hsien
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Dans un style délié et subtilement chorégraphique, dont le système complexe de flux et de reflux, les variations imperceptibles et l’alternance de creux et de pleins imposent un rythme somnambulique, Hou organise une chronique étrangement abstraite de la jeunesse canaille de Taiwan, évoluant dans une nuit urbaine striée de néons. Aucune dramatisation, un refus radical de l’événementiel, une esthétique de l’étirement ou du mouvement (en train, à voiture, à moto) raccord avec les papillonnements de ses trois protagonistes, petites frappes courant après des chimères, et dont toutes les activités tournent autour de l’argent dans une société patriarcale à la chinoise et gangstérisée à la japonaise. D’envergure assez restreinte, le film fascine et lasse à la fois.
Les Fleurs de Shanghai (1998)
Hai shang hua
1 h 54 min. Sortie : 18 novembre 1998 (France). Drame
Film de Hou Hsiao-Hsien
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
HHH délaisse la jeunesse pop pour ausculter avec un extrême délicatesse les rituels complexes d’une communauté en vase-clos : celle d’un bordel de Shanghai à la fin du XIXème siècle. Par ses plans-séquence rigoureusement organisés, son leitmotiv musical entêtant, ses fondus au noir systématiques, son atmosphère feutrée aux lumières très basses, cette somptueuse rêverie opiacée met toute sa virtuosité au service d’un tissage élaboré de sentiments réprimés, d’amours cachées ou pudiquement dévoilées, de manipulations et de cruautés policées, de jalousies et de rivalités qui exprime la solitude ou le désarroi, la fugacité du bonheur ou la violence du chagrin. Beauté vibratile des images, art précis de la suggestion et du non-dit, bouquets de courtisanes souffrantes et d’hommes brisés : une réussite admirable.
Top 10 Année 1998 : http://lc.cx/UPA
Millennium Mambo (2001)
Qian xi man po
1 h 45 min. Sortie : 31 octobre 2001 (France). Drame, Romance
Film de Hou Hsiao-Hsien
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Franchissement d’une étape supplémentaire dans l’invention de nouvelles figures, à la lisière de l’abstraction. Partant de la concrétude des corps, des objets, des lieux, HHH se livre à une saisissante expérience de focalisation interne et donne à ressentir la déconnexion avec le réel dont souffre Vicky, papillon nocturne d’une jeunesse désœuvrée en pleine apnée de night-clubbing électro. Le film est une dérive hypnotique et évanescente, mélancolique et impalpable, jouant presque exclusivement de pulsations sensorielles, de décalages temporels, d’impressions fugitives, d’une perception à la fois ultra-sensible et déréglée – comme un présent différé, qui exprimerait des fantasmes, des regrets, des souvenirs. Le tout est presque trop volatil, mais il s’agit incontestablement de l’œuvre d’un très grand formaliste.
Café Lumière (2003)
Kohi jikou
1 h 43 min. Sortie : 8 décembre 2004 (France). Drame
Film de Hou Hsiao-Hsien
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Jamais peut-être l’art d’Hou n’a atteint un tel niveau d’effacement et de ténuité dans son approche des personnages et du déroulement de leurs existences. Conçu comme un hommage à Ozu, le film tente de transmettre la sensation d’un passé qui se délite devant une modernité peu avenante. Il pousse la contemplation des gestes anodins, des voix, des mouvements jusqu’à ce que la vie se dépose à l’écran, comme stabilisée par l’extrême lenteur du rythme. Les tramways, les métros, les trains, toute la topographie du réseau de transports tokyoïte y échographient la ville, ses sons et ses reliefs avec clarté, mais il y a quelque chose d’irréductiblement ardu dans cette "a-narration", ce refus obstiné de tout contenu, qui empêche d’entrer véritablement dans cet univers et de s’abandonner à sa douceur.
Three Times (2005)
Zui hao de shi guang
2 h 10 min. Sortie : 16 novembre 2005 (France). Drame, Romance
Film de Hou Hsiao-Hsien
Thaddeus a mis 4/10.
Annotation :
À trois époques différentes et en trois parties étanches, le cinéaste se penche sur l’amour et les rapports entre ce sentiment et l’évolution de la société. Le premier épisode (segment "Un Temps pour vivre, un Temps pour mourir") est celui du bonheur perdu pour des héros seuls au monde, ignorants des tourments de la grande Histoire. Le second (segment "Fleurs de Shanghaï") se met au diapason d’une relation contrainte où la liberté n’est pas une aliénation mais une utopie. Le dernier (segment "Millennium Mambo") oppose la frénésie des rapports charnels à la vanité d’un monde gouverné par l’apparence et détruit par la perte d’identité. Très accomplie d’un point de vue théorique et esthétique, l’œuvre (ma première découverte d’HHH) m’avait semblée artificielle et terriblement froide. À revoir, donc.
Le Voyage du ballon rouge (2008)
1 h 53 min. Sortie : 30 janvier 2008 (France). Comédie dramatique
Film de Hou Hsiao-Hsien
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
"Café Lumière" offrait au cinéaste une opportunité d’exportation géographique et culturelle ; ce film-ci, qui fait partie d’une série de longs-métrage réalisés pour le vingtième anniversaire du musée d’Orsay, en propose une seconde. Le point de départ en est un ballon gonflé à l’hélium qui suit un petit Parisien, situation ténue vis-à-vis de laquelle Hou prend ses distances pour papillonner vers d’autres personnages et d’autres activités. Confronté au bloc photogénique de la capitale, il pose ses repères habituels (tunnels débouchant sur la blancheur du jour, métros, marionnettistes, rideaux de perles...), brosse d’une caméra sinueuse un joli portrait du quartier de la Bastille, et signe une chronique charmeuse du quotidien dont il faut savoir accepter les creux et les longueurs pour en apprécier la poésie.
The Assassin (2015)
Nie Yinniang
1 h 45 min. Sortie : 9 mars 2016 (France). Arts martiaux, Drame
Film de Hou Hsiao-Hsien
Thaddeus a mis 9/10.
Annotation :
Avec une liberté conquérante à l’égard de l’autorité et de la tradition, une irrévérence qui s’oppose à tout ce qui enrégimente, commande et oppresse, Hou dispose en calligraphe d’une intrigue shakespearienne pour atteindre à une sorte de présent immémorial. En résulte des couleurs poussées à la quintessence de leur pigmentation, des images inouïes de brume soyeuse et de feu acrobate, de coursives parfumées et de vapeurs d’encens, de chevelure d’encre dissimulée dans les replis d’une tenture rougeoyante. Et si autant d’alchimie chamanique, de minutie et de précision laissent dans un tel état d’envoûtement, c’est parce que leur économie de la retenue et de l’incomplétude laissent percevoir les tourments intimes de personnages déchirés par des conflits et des tourments qu’ils ne peuvent exprimer. Une splendeur.
Top 10 Année 2015 : https://lc.cx/4xvN