Il suffit de lire // Lectures 2018

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Chronique de la folie ordinaire.
J'ai plusieurs fois envisagé d'abandonner ma lecture, trop sensible à la violence physique et psychologique que subit le jeune héros de ce roman quasi-autobiographique.

Mais Sorj Chalandon parvient à éviter le pathos qu'imposerait un tel récit pour livrer le portrait empreint de pudeur d'un foyer sous le joug d'un tyran aussi pathétique qu'inquiétant.
Sans colère, sans aigreur, sans rancune.

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On décèle dans ce Paul Halter une tentative de jouer dans la cour des grands en flirtant plus du côté du roman psychologique que du roman à énigmes...

On peut effectivement reconnaître une belle tentative dans l'atmosphère qui se dégage de la première moitié du roman. Mais Paul Halter est rapidement rattrapé par ses vieux démons. Son talent n'a jamais résidé dans son style, loin de là, ni dans l'écriture fouillée de ses personnages. Ce sont ses crimes retors et ses stratagèmes tordus qui plaisent aux lecteurs.

Jusque dans le derniers tiers du roman, Paul Halter semble se convaincre qu'il peut écrire un véritable roman d'ambiance, avant de tout envoyer valdinguer dans une dernière partie qui renoue avec les grands classiques de l'auteur. On en sort un peu amer, avec l'étrange impression d'avoir lu un roman qui ne savait pas sur quel pied danser.

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Séduit par les nouvelles qui composaient le recueil "La Chambre rouge", j'ai tenté une nouvelle approche de l'oeuvre d'Edogawa Ranpo. Si nous retrouvons ici les thématiques chères à l'auteur (les jeux de dupes, déguisements, transformations diverses infligées au corps), l'aspect feuilletonnant de ce roman a plutôt mal vieilli. Les personnages se limitent à quelques archétypes (le détective infaillible, la femme fatale, l'ingénue), les rebondissements sont prévisibles et le léger basculement dans l'horreur que tente d'opérer le récit dans ses derniers chapitres n'est jamais vraiment assumé.

Seule petite surprise de cette lecture : la référence à "La chaise humaine", autre œuvre d'Edogawa Ranpo (bien plus convaincante), sympathique clin d'œil pour les passionnés de l'auteur.

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// Je dois avouer avoir lu en diagonale les 50 dernières pages du livre //

Ça devait finir par arriver...
Depuis quelques romans, j'ai de plus en plus de mal à m'impliquer dans les délires de José Carlos Somoza. L'auteur semble avoir troqué son esprit aiguisé et sa passion dévorante des classiques de la littérature contre des effets de manche grossiers et un style qui se complait dans la perversité gratuite et tendancieuse.
"L'étau" m'avait déjà semblé à la limite de l'escroquerie, mais son rapport fascinant avec l'œuvre de Shakespeare le sauvait de justesse. Ici, je suis incapable de savoir quel était le but de Somoza dans cette succession de nouvelles balourdes, qui semblent désespérément chercher à instaurer un climat de malaise au détriment de toute logique narrative.
Je m'arrêterai là, bien qu'il y ait à dire sur la médiocrité thématique de l'ensemble ou bien encore sur la fascination que semble exercer sur Somoza le corps des jeunes filles...

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Fidèle auditeur du Masque et la Plume depuis quelques années, ce livre a été un délicieux petit supplément à mes séances hebdomadaires de mauvaise foi radiophonique.

La forme de l'abécédaire est tant une qualité qu'un défaut. On prend plaisir à sauter d'une catégorie à l'autre, à recoller les morceaux de ce petit monument qu'est devenue l'émission, à se délecter des traits d'esprit flegmatiques de Jérôme Garcin. Mais il se dessine, le temps de quelques pages, quelque chose de plus profond. Des blessures qui ne guérissent pas (le suicide de Jean-Louis Bory que j'ai découvert avec ce livre), la projection de la grande Histoire au détour de certains articles (la guerre d'Algérie) et la sensation que l'âge d'or de l'émission est à présent derrière elle, le spectacle ayant progressivement perdu de son éclat...

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"Au pays du canard sauvage, le temps s'est arrêté."

Enfin un retour à du classique après quelques lectures plus frivoles. Mon premier Ibsen (et sans doute pas le dernier), même si la lecture d'oeuvres théâtrales n'est jamais chose facile, mon esprit vagabondant beaucoup plus facilement entre deux répliques que dans un roman.

Une lecture convaincante qui a su me toucher par la force de ses thématiques (la quête d'une pureté révolue, le désir insatiable de réparer ses erreurs au détriment de son confort, le mensonge nécessaire à nos relations humaines) incarnées dans d'élégantes métaphores ainsi que par son rythme, la pièce ne lésinant pas sur les rebondissements pour garder captif ses lecteurs/spectateurs, laissant planer l'ombre de la catastrophe jusque dans ses derniers instants.

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Envoûtante plongée dans une maison où le temps semble s'être arrêté, "La maison où je suis mort autrefois" tire pleinement parti de son postulat fascinant pour tisser un subtil portrait en creux de ses personnages privés d'enfance.

La pudeur des deux protagoniste, le minimalisme de l'intrigue et l'alternance savamment dosée entre passé et présent via le journal intime d'un enfant ont fait de cette lecture une expérience obsédante, l'un de ces rares romans "policiers" qu'on ne repose qu'une fois la dernière page tournée.

Une très belle découverte.

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Bien que voguant sur des thématiques similaires à "La maison où je suis mort autrefois" (la mémoire et ses limbes, les relations perdues qui nous hantent toute notre vie...), cette suite de L'île des chasseurs d'oiseaux m'a semblé bien longuette, maîtrisant nettement moins bien son récit policier que dans le précédent opus. Sans doute l'auteur s'est-il persuadé que notre attachement envers les personnages suffirait à nous impliquer dans cette nouvelle histoire... Malheureusement, l'alternance entre passé et présent m'a semblé moins ludique et passionnante que dans le précédent tome, parfois même redondante dans ses rebondissements.

N'enlevons pas pour autant à Peter May un certain talent d'auteur, que ce soit dans les portraits de ses gueules cassées ou bien de la nature écossaise.

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Studieux, Didier Decoin.
Fruit de 12 ans de travail, Le Bureau des Jardins et des Étangs suinte la passion que porte son auteur au Japon médiéval, au risque de perdre son lecteur dans une écriture trop savante. J'ai eu bien du mal à m'attacher aux personnages de ce roman, tant je sentais sur chaque page l'érudition de Didier Decoin prendre le pas sur la sensualité de son récit. Un rendez-vous manqué pour un roman ambitieux, dense, mais qui ne parvient jamais totalement à s'évader de son savant carcan stylistique pour embrasser la richesse évocatrice de son sujet.

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Moi qui tente de délaisser le roman policier, voici que je tombe sur un Stefan Zweig au ton hitchcockien, jusque dans son retournement final.

Plus que pour son héroïne (dont Zweig retranscrit à merveille la dégradation psychologique et physique), j'ai été frappé par la transformation progressive des personnages secondaires (la maître chanteuse et le mari) en entités cauchemardesques, bourreaux se repaissant de la culpabilité dévastatrice d'Irène. À ce titre, les dernières pages de la nouvelle m'ont laissé délicieusement songeur, incertain quant à la morale que je devais tirer de cette histoire...

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Court roman épistolaire, ce Fusil de chasse a su me séduire par ses portraits de femmes, trois reflets de l'âme d'un même homme, chacune porteuse des illusions qui les mèneront à leur perte, cet infâme petit serpent qui sommeille en chacun de nous. Rarement un roman sur l'amour n'aura été aussi catégorique : l'amour n'existe pas, il n'est qu'une illusion que la solitude, la passion et les conventions entretiennent un temps.

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Un Paul Halter classique mais très efficace. Comme à l'accoutumée, l'ensemble manque un peu de fond, les personnages servant purement et simplement les mécaniques du récit. Mais le mystère est de qualité, et les réponses proposées plutôt convaincantes (ce qui n'est pas toujours le cas chez cet auteur).

Annotation :

Une oeuvre fascinante, jeu de pistes insensé au sein de la littérature, jouant des codes du roman policier pour toucher du doigt des questionnements plus retors sur le rapport qu'entretient le lecteur à son propre passif littéraire. C'est finalement tout le pan mystique de l'intrigue qui reste le moins convaincant, ce qui est bien dommage lorsqu'on sait qu'il est le seul à avoir survécu dans la très moyenne adaptation de Polanski.

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Dany Laferrière ne déçoit jamais.
Plus qu'un poème, plus qu'une nouvelle pierre posée dans le vaste édifice autobiographique que mène l'auteur, c'est avant tout un cri de l'âme, une errance furieusement attachante dans les interminables rues de Montréal. Un récit qui n'est pas sans évoquer le style de John Fante, ce portrait d'une médiocrité brillante qui fait de chaque micro-événement un sujet de poème.

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Un beau roman, sensible et prestigieux comme le Palais de glace qui le compose. J'ai été particulièrement touché par l'amitié qui lie Siss et Unn, ce lien ineffable dont l'auteur ne nous livre jamais la clé. La seconde partie de l'oeuvre m'a semblé légèrement moins puissante, bien que l'auteur parvienne avec talent à restituer la psyché d'un enfant.

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Une arnaque.
Les critiques citent Christopher Nolan, mais le niveau est davantage du côté des téléfilms de M6, par un dimanche après-midi pluvieux. Tout est d'une bêtise assez ahurissante dans ce roman qui complique inutilement une intrigue qui abuse de tous les tours de manche pour mener en bateau ses lecteurs. Malheureusement, une fois que les illusions s'estompent, l'auteur révèle la terrible banalité de son récit lors d'un dernier acte d'une platitude et d'une fainéantise insupportable. J'aurais pu accepter ces défauts, si au moins l'auteur avait pris la peine d'écrire son roman. Mais il n'y a aucun style, aucune recherche dans l'écriture. J'ai pourtant persévéré, persuadé qu'un dernier twist sauverait l'ensemble. En vain.

Annotation :

Un postulat assez redoutable pour un roman d'une grande efficacité. J'ai été particulièrement sensible à la nature méta-textuelle de l'intrigue, bien que la dernière partie m'ait semblé légèrement en-deçà.

Annotation :

En dépit de toute l'admiration que j'ai pour Claudel, ce dernier roman m'a semblé beaucoup plus mécanique que ses précédents. Comme toujours, il touche du doigt des sujets sérieux et parvient à nous embarquer avec une certaine maîtrise, mais les thèmes abordés font bien trop écho à ses précédents romans, sans y apporter de nouvelles perspectives.