Jean-Pierre & Luc Dardenne - Commentaires
Top difficile à établir tant tout se vaut dans l’excellence ; à vrai dire je les aime tous autant. Très loin des clichés qui n’en finissent pas de leur coller à la peau (misérabilisme, déprime sociologique, vérisme glauque et j’en passe), souvent proférés par des gens qui n’ont jamais pris la peine ...
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créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a plus de 5 ansLa Promesse (1996)
1 h 33 min. Sortie : 16 octobre 1996 (France). Drame
Film de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Les frères Dardenne s’imposent d’emblée comme des réalisateurs majeurs en affirmant une sensibilité héritée de certains grands maîtres européens, depuis le réalisme social de Rossellini jusqu’aux préoccupations plus morales, voire spirituelles, d’un Bresson. Dans un cadre pas franchement folichon (l’exploitation des immigrés clandestins miséreux, grand refoulé social du capitalisme), les cinéastes captent le surgissement d’une conscience, le cheminement d’une pensée vers la lumière, à travers l’histoire d’une émancipation filiale douloureuse qui transcende magistralement le naturalisme du style. Et voilà comment, partant du documentaire, le film s’achève sur un plan fixe où la femme noire et le gamin blond, réunis par la vérité, s’en vont vers un avenir incertain.
Rosetta (1999)
1 h 35 min. Sortie : 29 septembre 1999 (France). Drame
Film de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Plus radical, plus viscéral peut-être, ce parcours d’une guerrière des temps modernes, sacrifiée sur l’autel d’une horreur économique cannibale, accentue le principe de mouvement et de prise à vif mis au point par l’opus précédent. Il affirme l’éruption d’un cinéma de l’échographie et de la protestation, l’ardeur d’un regard qui traverse les apparences pour les révéler à elles-mêmes. Rivés aux bottes de son héroïne fiévreuse, bloc de conviction muette au métabolisme primaire qui avance, prend des coups, en redonne, poussée par un instinct de survie enragé, les Dardenne enrichissent d’un chapitre terrible, exempt de tout misérabilisme, leur portrait d’une société sans âme, mais dont la violence est toujours contrebalancée par la conviction humaniste du propos.
Le Fils (2002)
1 h 43 min. Sortie : 23 octobre 2002 (France). Drame
Film de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Comme toujours pas de musique, peu de paroles, mais le bruit des pas et des souffles, le poids des gestes et des corps. Polo bordeaux, bleu de travail, regard captif derrière les verres de ses lunettes, le grand Olivier Gourmet trouve un rôle proche de celui de "La Promesse", mais parcourt un chemin symétrique, un itinéraire moral inversé. Il y est charpentier, ployant sur le poids de poutres qu’il porte tel un calvaire, miné par un événement tragique dont il tente de se remettre. La confrontation avec ce fils de substitution, responsable également de la tragédie qu’il subit, est racontée par les Dardenne comme un retour lent, difficile mais sûr, vers la lumière, le pardon, la paix intérieure. Une fois de plus, l’humilité magnifique des réalisateurs, leur constat de transmission, leur foi en l’humanité, me touchent droit au cœur.
Top 10 Année 2002 : http://lc.cx/UPm
L'Enfant (2005)
1 h 35 min. Sortie : 19 octobre 2005 (France). Policier, Drame, Romance
Film de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne
Thaddeus a mis 9/10.
Annotation :
L’enchaînement des films traduit une évolution et une cohérence sans faille, où les mêmes sujets sont approfondis sans êtres ressassés. Jadis fils de Gourmet, Jérémie Rénier est cette fois un jeune père immature, ignorant que toutes les choses n’ont pas toute la même valeur. Ce qui lui résiste et finira par le faire sortir du cercle infernal, c’est la jeune femme, dont il est amoureux comme seuls les enfants savent l’être, et qui, en se révoltant, enclenche le processus d’une rédemption. Les Dardenne filment son parcours tel un thriller haletant, agençant chaque incident comme autant d’étapes vers la prise de conscience individuelle. Au-delà de sa dimension sociale, ce cinéma a valeur de fable bienveillante, optimiste et généreuse, qui atteint son pic d’émotion lors de la bouleversante réconciliation finale, au parloir.
Top 10 Année 2005 : http://lc.cx/UPn
Le Silence de Lorna (2008)
1 h 45 min. Sortie : 27 août 2008 (France). Drame
Film de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Autour d’une immigrée clandestine prise au piège de ses calculs et de la mafia de Liège, les cinéastes dressent un nouvel état des lieux du monde contemporain et reconduisent le même regard altruiste et engagé, la même rigueur intellectuelle. Leur démarche intègre le parcours des personnages dans un cadre d’une grande précision documentaire mais bascule à la faveur d’une incroyable ellipse dans l’inconnu et l’imprévisible, en tordant le tracé rédempteur auquel ils sont souvent attachés. Soit une heure et demie de suspense bien tendu qui démontre qu'avec un dispositif minimaliste, une dramatisation implacable et l'élément moral qui vient perturber l'odieuse machinerie, les Dardenne parviennent à scotcher sans relâcher la pression une minute. Toujours aussi fort et émouvant.
Top 10 Année 2008 : http://lc.cx/UP8
Le Gamin au vélo (2011)
1 h 27 min. Sortie : 18 mai 2011. Drame
Film de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Jamais le cinéma des auteurs ne s’était autant ouvert à la lumière, au calme, à la sérénité. Évidemment tout est relatif : la quête affective de son petit protagoniste, boule d’énergie butée dans la grande tradition des héros dardenniens, ne va pas sans violence larvée, sans douleur et détresse éperdues. Mais cette fois elle est moins inféodée à la rage vive qui présidait aux films précédents, comme si la présence de Cécile de France la couvait de sa sollicitude et de sa protection. Son blondeur mordorée incline vers la douceur estivale d’un pique-nique improvisé, de quelques rires, d’un échange de sandwiches sous l’ombre d’un arbre. Et devant le portrait de ce gamin qui se cherche, s’égare, finit par trouver le chemin de sa vie, on est pas loin d’affirmer que, ça y est, les frères sont devenus lyriques.
Deux jours, une nuit (2014)
1 h 35 min. Sortie : 21 mai 2014. Drame
Film de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne
Thaddeus a mis 9/10.
Annotation :
Ne pas s’arrêter au principe, qui pourrait cumuler les handicaps d’un argumentaire manichéen contre les méfaits du Capital. Car on le sait : les auteurs ne goûtent pas à l’idée simpliste et au raccourci typologique. L’aventure de Sandra (magnifique Marion Cotillard), cette combattante d’aujourd’hui à laquelle on s’attache comme à une bouée de survie, bouleverse parce qu’elle met en jeu des comportements universels de solidarité ou de détresse, de honte ou de repentance, de courage ou d’abnégation. Elle dessine un mouvement à la fois individuel et collectif, révèle la dignité d’une prise de conscience politique, la persévérance d’un amour qui soutient, relève, encourage, et favorise l’expression d’un héroïsme prosaïque mais admirable, jusqu’à la plus belle et logique des conclusions. L’Humanisme avec un grand H.
Top 10 Année 2014 : http://lc.cx/zse
La Fille inconnue (2016)
1 h 46 min. Sortie : 12 octobre 2016 (France). Drame, Policier
Film de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
À défaut de se renouveler, les Dardenne creusent à nouveau les questions de la culpabilité et du rachat et continuent de diagnostiquer un monde invisible, rejeté en marge de la représentation dominante. Une ferveur sèche et contrôlée a remplacé la fébrilité d’autrefois, qui pourrait générer l’impression d’un déroulé programmatique s’ils ne s’en affranchissaient en recourant à un personnage envisagé comme une force de résolution sans idéal, emporté par un élan moral que rendent transparent les nécessités de l’action, et délestant chacun, par la confession, d’une faute qui le ronge sans savoir qu’il la partage avec tous les autres. Même avec un film mineur (en regard des précédents), ce cinéma intime et politique reste plus stimulant, plus avisé, plus touchant que bien d’autres autopromus "engagés".
Le Jeune Ahmed (2019)
1 h 24 min. Sortie : 22 mai 2019. Drame
Film de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
En se confrontant au radicalisme islamique, les auteurs renouent avec leur veine la plus sèche et dénudée et analysent au gré d’une charpente grattée jusqu’à l’os non pas les mécanismes de l’embrigadement (aucune explication sociale ou psychologique n’y est donnée) mais ses conséquences irréparables. Si leur cinéma oscille d’ordinaire entre le pôle lumineux de la transcendance et celui beaucoup plus sombre du fatalisme, alors ce chapitre relève clairement du second en éludant le cheminement spirituel d’un être sans repères au profit de la froide succession de ses actes, de la soumission à la logique aveugle et toxique qui les motive. Bloc d’opacité qui le rend courageux dans son principe mais rigide dans son exécution, en manque de l’investissement affectif apte à lui insuffler une vraie force dramatique.