Journal d'un bédéphile : année 2020

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Relecture. Même si j'avais de meilleurs souvenirs de ce tout premier album de la série Donjon, le plaisir de lecture est indéniable. Quand on le met en perspective avec le chemin parcouru depuis 20 ans et des dizaines d'albums, ça laisse rêveur...

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Le duo de personnages, deux chiens de deux armées opposées, fonctionne à merveille aussi bien sur le plan de l'empathie que de l'humour, ce qui n'était franchement pas évident. Ils ont beaucoup de potentiel qui je l'espère pourra se déployer dans un autre album tant cela donne envie de les retrouver et de les voir gagner en profondeur.

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C'est un grand plaisir de retrouver Marvin et Herbert dans un album mené tambour battant, tant le récit est dense. Peut-être que cela manque de respiration, mais au moins les enjeux sont très stimulants et les rapports entre les personnages évoluent suffisamment pour que la suite s'impose d'elle-même.

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Petite déception pour ce nouvel album de Lapinot. Le nouveau personnage introduit manque d'un semblant de crédibilité et de consistance pour que le récit s'épanouisse pleinement. Reste que c'est très osé d'aborder le thème de l'athéisme qui est bien traité, et que les gags font toujours aussi mouche.

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Les revirements idéologiques du personnage principal au cours de l'album sont très peu crédibles et gênent clairement le cours du récit. Mais il faut avouer qu'on se prend quand même complètement au jeu, tant il est jubilatoire de voir la tête d'Hitler dans du formol tenter de recréer le 4ème Reich, dans un univers aussi dense visuellement et aussi bien mis en scène. Cela peut sembler purement régressif à la manière de "Dead Snow" ou "Iron Sky" mais c'est sacrément bien réalisé, et doublé d'un fond ironique bien envoyé sur la capacité des peuples à oublier leur histoire. La réflexion tout aussi ironique sur l'esthétique nazi devenu objet de consommation est dans cette optique bien percutante.

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Trondheim et Velhmann abordent la question de la religion sans complexe avec une réflexion sur l'aspect vain des querelles d'interprétation des textes divins qui n'est pas nouvelle mais qui apporte un véritable enjeu à l'album. La découverte divine en cours de récit lui apporte ensuite un souffle inattendu, qui laisse quelque peu rêveur et place mine de rien assez haute les ambitions des auteurs. L'esthétique tout en aplat des dessins d'Olivier Balez est enfin assez osée pour un album de SF, ce qui rend la lecture d'autant plus plaisante.

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Miller atteint un niveau de perfection graphique incroyable. A bien y réfléchir, très peu d'auteurs ont atteint une telle maîtrise de la composition des cases en noir et blanc. Cerise sur le gâteau, la voix-off est toujours très bien écrite. Tout cela sublime un récit au déroulement et aux archétypes assez classiques. C'est avant tout un univers singulier que l'auteur veut mettre en place, notamment en faisant des allusions appréciables au tome 1 pour donner l'impression que Sin City a sa propre vie, autonome au récit.

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Le ressort comique est un peu trop facile, surtout après Imbroglio dont il reprend le principe sans véritablement le renouveler. Reste que le dessin de Frank le Gall est d'une élégance rare.

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Rochette livre son expérience de l'alpinisme avec une précision qui en fait d'abord un document/témoignage. Mais ce qui donne à l'album toute sa profondeur sur 300 pages, c'est son basculement dans une pleine subjectivité. Lorsque l'auteur raconte ses deux accidents de parcours, ses premiers pas de dessinateur, son conflit avec sa mère, il se dévoile sans détour. Et rend le récit vertigineux, dans tous les sens du terme.

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Une variation fictionnelle sur le thème de la montagne déjà abordé par la précédente oeuvre de l'auteur qui était elle autobiographique, voilà qui était séduisant. Et il faut bien dire qu'il parvient à rendre attachant son personnage principal bourru, solitaire et limite haineux. Son rapport à la nature, ambivalent, ouvre plein de pistes de réflexion plutôt que de tomber dans l'angélisme du retour à la nature. Mais on est loin de Jeremiah Johnson, tant les moments de grâce et de surnaturel que la narration par ailleurs très classique veut distiller manquent de subtilité. La scène du refuge dans la tempête a beau être belle, elle est tellement vue et revue que le charme n'opère pas. Dommage.

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Le postulat de départ (deux scientifiques retournent sur la Terre après l'extinction de l'homme pour repeupler la planète) était plutôt alléchant, bien que finalement assez casse-gueule. Le récit ne manque pas de surprise, mais l'embryon d'embryon de réflexion anthropologique qu'on voit à peine poindre le bout de son nez ne germe pas. Critiquer l'idéologie de l'homme comme maître et possesseur de la nature, c'est plus que jamais essentiel, mais le contrepoint dialectique que voulait apporter le récit, par la figure féminine, est trop peu présent. Si l'ensemble est donc bien mené, difficile de ne pas ressentir un manque de consistance et un potentiel gâché.

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Ce biopic sur un peintre canadien que je ne connaissais pas est vraiment exceptionnel. Là où Sandrine Revel aurait pu se contenter d'un récit très illustratif tant elle maîtrise bien les décors et le registre contemplatif, elle propose plutôt un récit éclaté, où le peintre en question est toujours vu d'un point de vue extérieur. Elle parvient donc à entretenir un mystère enivrant, d'autant que les circonstances de sa mort prématurée sont pour le moins troublantes.

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L'idée d'un groupe d'artiste engagé se revendiquant de la "guérilla symbolique" annonçait pas mal de réjouissances. Mais le récit est trop dense au vue de son nombre de pages, il en devient confus et superficiel dans l'introduction et le développement des personnages.

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Le problème de ce cinquième tome est son absence d'idée ou de thème sous-jacent, contrairement aux précédents tomes de la série, même les moins réussis. Davy Mourier a eu l'idée de faire un récit de zombies, mais il n'y a pas de fil directeur, la machine tourne à vide. Reste une scène d'horreur avec des enfants très marquantes, et l'idée de la décomposition progressive du personnage principal qui fonctionne très bien pour pimenter la dernière partie du récit.

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Ce sixième tomes apporte de nouveaux éléments assez marquants, notamment cet être végétal qui se répand comme un cancer dans le cosmos. Surtout, il pose avec pertinence la question de la connaissance et de la mémoire du passé lorsqu'on se retrouve face à des milliards d'espèces vivantes réparties sur des milliers de planètes différentes. D'autre part, la trame narrative principale avance enfin un peu (il était temps). Reste que graphiquement il s'agit du moins abouti de la série, et la narration est encore trop éparpillée, en résulte une fin quelque peu alambiquée.

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A la fois véritable manuel des convenances bourgeoises, et excellent reportage BD à visée satirique, c'est clairement l'album de Catherine Meurisse qui me touche le plus.

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Il y a des ambitions narratives et esthétiques dans ce "Regarde les filles" qui ne peuvent laisser indifférente. La comparaison avec Bastien Vivès est inévitable, mais l'auteur n'a pas à en rougir tant son approche de la sexualité est infiniment plus subtile que celle de certaines BD de Vivès. Le mutisme du personnage principal, le jeu permanent sur le regard, il y a matière à trouver des points communs avec les deux auteurs. Cependant là où Vivès s'accroche à l'essentiel, travaille les relations entre les personnages, Bertin choisit une approche plus allusive, où l'entourage du personnage principal fluctue et change en permanence tandis qu'il grandit. D'où l'impression d'une certaine superficialité, jusque dans une conclusion qui, bien qu'elle soit grandiose, paraît surtout hors de propos. Comme si l'auteur avait voulu tout mettre dans un seul album, quitte à en faire trop.

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Boulet apporte à la fois du renouveau et des réponses à la série Infinity 8, avec un enthousiasme communicatif. Certes, certaines ficelles du scénario (l'amour perdu de vue qui fait énormément penser au film Solo, le duo de personnages en conflit) sont vraiment grosses. Reste que Boulet étend l'univers visuelle de la série avec un talent fou. Et surtout, l'album apporte des réflexions métaphysiques fortes, sur le temps et la mémoire, notamment à l'occasion d'une scène marquante qui donne sa couverture à l'album.

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Ce classique absolu du comics renferme des trésors de noirceurs. Peut-être que j'en attendais trop pour être complètement converti à cette version de Batman. Mais il y a tout de même là une grande leçon de mise en scène : par ce découpage dense où les gros plans se succèdent dans de petites cases, Miller parvient à capter l'intériorité des personnages. C'est aussi grandement aidé par la voix-off, très bien écrite comme dans Sin City.

Il serait par ailleurs intéressant de gloser sur l'ambiguïté du discours politique dans lequel Miller s'engouffre la tête la première. Car si l'on peut en première instance rapprocher Batman du vigilantisme, son rapport à la mort et à la folie, son opposition avec Superman, ainsi que les propres doutes du personnage dépassent largement ce cadre restreint. D'autant que le regard désabusé sur la société n'empêche pas un regard positif sur d'autres vertus civiques que l'auto-justice. Les nombreuses scènes de journaux et débats télévisés permettent enfin à l'auteur une prise de recul critique passionnante sur les actes de Batman, renvoyant les arguments dos à dos.

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Aristophane, c'est une claque aussi bien graphique que littéraire : les décors de forêts comme les nombreux textes en voix-off sont l'objet d'un soin démentiel. On se prend complètement au jeu de suivre les pérégrinations morbides et destructrices du Faune, qui trouvent paradoxalement quelques notes poétiques et lyriques. Cela me donne fortement envie de lire Les "Contes démoniaques" du même auteur, à la pagination nettement plus ambitieuse.

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Le registre absurde de cet album des débuts de Frederik Peeters n'est pas aussi maîtrisé que dans ceux qui suivront. La folie grandissante du récit n'en est pas moins appréciable, et me laisse curieux de découvrir des albums de Ibn Al Rabin.

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Précurseur de Itchy et Scratchy, Squeak the mouse est un concentré de saloperies violentes et pornographiques. Si on ajoute à cela un style de dessin propice aux mouvements et aux gags à la Tex Avery... Ces successions de tueries deviennent hypnotisantes, comme si le plaisir régressif que procurent les dessins animés comiques était porté à un stade inconnu, un point de non-retour.

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Ce troisième tome des Traités d'écologie sauvage est plus intéressant que le précédent car il est encore plus nourri du travail de réflexion de l'auteur basé sur son expérience à la ZAD de NDDL. La postface d'une dizaine de pages en fin d'album notamment, est assez fouillée et très aboutie.

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Le cadre du récit, sous forme de BD-reportage, est peut-être un poil trop convenu, tout comme la mise en récit de certains passages de la vie du groupe Redbone. Mais lorsque l'album fait des apartés pour raconter les luttes amérindiennes au cours des dernières décennies, et pour se focaliser sur des moments de la vie des Redbone (l'enfance en épilogue, notamment) il devient bien plus pertinent et même un peu émouvant. En tout les cas, voilà un travail de reportage et de mémoire qui est essentiel tant il met en lumière avec détail un pan de l'histoire américaine marginalisé par rapport aux mouvement hippies et à Woodstock.

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Une grande ode à l'émancipation du salariat.

Critique à retrouver dans le numéro 11 des Cahiers de la BD (avril-juin 2020).

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Un début de série prometteur.

Critique à retrouver dans le numéro 11 des Cahiers de la BD (avril-juin 2020).

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Un polar bien mené, mais dont les archétypes sont assez convenus.

Interview de Henri Scala pour le numéro 134 de la revue Casemate (mars 2020).

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Typiquement le genre d'album bourré de maladresse, mais qu'on aimerait pourtant lire plus souvent. Et ce n'est pas seulement parce que Julien Revenu aborde un sujet peu traité en BD (les émeutes de 2005 et les petites humiliations du quotidien subies par les banlieusards). C'est surtout parce que le traitement est d'une sincérité totale, et qu'il ne mâche pas ses mots pour exprimer la condition étouffante des employés non-qualifiés, une des nouvelles classes dominées de notre ère contemporaine. Ça sent le vécu à plein nez, la rage et la frustration accumulée.

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Un condensé bien fichu de l'histoire des théories et pratiques anarchistes. C'est certes foutrement incomplet, mais les morceaux les plus importants sont bien abordés. Pour ceux qui connaissent peu l'anarchisme, voilà une excellente porte d'entrée.

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Cette compilation de récits courts de Derf Backderf est délectable, tant elle parvient à croquer des tranches de vies insolites et souvent hilarantes en quelques cases. Bon, cela ne va pas au-delà de l'anecdotique la plupart du temps, mais quel plaisir !