Journal de bord Littérature - 2025

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Janvier / Lu.

Chant maudit du poète déicide, volant d’horreur en supplice.

En guise de programme : « J’ai reçu la vie comme une blessure, et j’ai défendu au suicide de guérir la cicatrice. Je veux que le Créateur en contemple, à chaque heure de son éternité, la crevasse béante. C’est le châtiment que je lui inflige. » En vouloir tant à la vie et à Dieu qu'on ne souhaite que leur malheur.

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Janvier / Lu.

Le choix du point de vue resserré sur une seule ville donne à voir l’ensemble des mécaniques locales à l’œuvre dans la mise en place technique d’une extermination. On en ressort en ayant l’impression de connaitre tout le monde en ville, du maire aux flics, du directeur d’école au prêtre orthodoxe du coin. En multipliant et entrelaçant les témoignages, Bartov fait surgir un véritable effet de quotidien : les commentaires et prises de hauteur sont peu fréquents, c’est la parole des habitants avant tout.

Pris en tenaille dans un conflit ethno-nationaliste entre polonais et ukrainiens, les Juifs servaient déjà, bien avant la seconde guerre mondiale, de boucs-émissaire. L’appareil génocidaire nazi vient en quelque sorte « profiter » d’une structure idéologique antisémite préétablie déjà faite de pillages, calomnies, brimades ou pogroms. La tache d’extermination était déjà facilité.

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Janvier / Lu.

Mascarade délirante de pantomime nazillons en goguette. Derrière le ton ricaneur et sarcastique, c’est l’horreur cru du Troisième Reich en plein phare. Chaque amante de la Reine finit avec une balle sous la peau, torturée, violée, et/ou exterminée.

Les hommes sont tous hideux et crasseux, sauf au cinéma.

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Janvier / Lu.

"Fâchés pas fachos" mon cul. Le malaise socioéconomique des électeurs d'extrême-droite (déclassement, baisse du pouvoir d'achat, prix prohibitif du logement etc.) ne joue pas en autonomie du racisme, c'est tout le contraire, il s'y arrime et s'y articule : dans leur narratif, ce sont les classes sociales inférieures à la leur (comprendre, les non-blancs) qui sont responsables de l'accaparement des redistributions, menant à leur propre "déchéance" sociale. A la lisière entre les classes du haut et celle du bas, ces électeurs se sentent en danger de minorisation au sein de leur majorité, poussant à un sur-jeu de la différenciation entre eux et "les autres".

Le plus important à comprendre dans tout ça, c'est qu'il savent très bien ce qu'il font. Ils sont lucides, tout à fait au courant de la capacité réelle du RN à gouverner. Ce parti n'a berné personne, il a en revanche bien compris sur quels affectes il fallait jouer.

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Janvier / Lu.

Tout l'après-midi, Nasr Eddin s'est promené en compagnie de deux notables dans la ville, l'imam et le cadi, mais l'heure est venue de se séparer.
- Tu es vraiment un homme surprenant, remarque le religieux. Parfois on dirait que tu es un filou capable de voler de duper n'importe qui, et puis, quelques instants après, on croirait avoir affaire à un imbécile.
- Allons, Nasr Eddin, soit franc pour une fois, continue le magistrat, dis-nous donc qui tu es en réalité : un escroc, un idiot ?
- Cela dépend, répond le Hodja, mais ce que je peux vous dire tout de même, chers amis, c'est qu'en ce moment je suis juste entre les deux.

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Ainsi parlait Nassr Eddin Hodja. Personnage semi-légendaire du folklore musulman, dont la célébrité s’étend de l’Europe de l’est à la Chine, ce facétieux illuminé aussi idiot que sage, est l’incarnation d’une certaine irrévérence malicieuse et paradoxale, qui sous l’atour de la plaisanterie cache une certaine subversion allant contre le sens commun et le pouvoir.

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La vache de Nasr Eddin est morte et il a déjà passé deux jours à prier sur le cadavre. L'imam alerté par les voisins trouve la chose inconvenante et même sacrilège.
- Hodja que fais-tu ? Tout le village est choqué par ton comportement.
- Pourquoi donc ? Quel mal y a-t-il donc à prier Allah le Tout puissant et le Tout miséricordieux pour qu’il ressuscite ma bête ?
- Et tu crois qu'il va te répondre ?
- Ton manque de foi m'étonne, imam, tu devrais savoir qu’il répond toujours quand on l'appelle sincèrement.
L'imam décontenancé s'en va mais quand il revient le lendemain il trouve le Hodja prostré dans un coin de l'étable.
- Alors Nasr Eddin, il a répondu ?
- Oui. C'est non.

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Janvier / Lu.

Anderson a choisi de ne pas choisir entre nouvelles et roman. Ce qui commence comme une suite de portraits ruraux plutôt charmants mais manquant d’épaisseur, devient au fur et à mesure une vaste fresque naturaliste dépeignant une typique bourgade endormie du Midwest ; portraits discrètement entrecroisés d'une ville et d'un de ses habitants, le triste ambitieux George Willard.

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Janvier - février / Lu.

Percées dans la pensée marxiste orthodoxe couplé à une lecture des radicalités noires, en particulier dans le nouveau monde (marronage, révoltes d'esclaves, penseurs petit-bourgeois devenus trotskyste…). Robinson apporte une (érudite et lourde) pierre à l'édifice de la compréhension de la question de la race à la fois dans l'émergence du capitalisme, mais aussi dans la construction des radicalités noirs, en dévoilant notamment comment celles-ci s'inscrivent avant tout dans des systèmes idéologiques et métaphysiques africains (qu'on songe au rôle joué par le vodou dans la révolution haïtienne par exemple), se distinguant ontologiquement des radicalismes européens. Cette idée vient enrichir la manière de concevoir les formes de luttes, confrontés à des apories toujours actuelles sur l'articulation des oppressions.

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Janvier / Lu.

Absolument drôle et absolument triste, tout en jouissance coupable. La famille comme collection de petits calvaires individuels qui mis les uns à coté des autres donne un sympathique coin d'enfer partagé. DFW ne s'y est pas trompé, tout est dans la justesse des répliques anodines chargées d'infinis reproches, dans la guerre de tranchée que se mènent parents et enfants, ou dans la mesquinerie d'un repas familiale volontairement sabordé par vengeance crasse. Si vous avez le début d'une famille dysfonctionnelle vous allez rire très, très jaune.

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Janvier / Lu.

A la suite d’une crise alimentaire mondiale (faisant partie, on imagine, d’un effondrement écologique global), l’abondance n’est plus. La culture s’est entièrement recentré sur la nourriture, à tel point que le régime alimentaire définit la classe.

Très amusant exercice linguistique (métaphores alimentaires et vocabulaire transformé par paronymie graillesque), formel (se présente comme un livre de recette) et fictionnel, qui dans le fond est un examen de notre rapport actuel à la bouffe, où nos propres habitudes alimentaires apparaissent comme barbares et insoutenable.

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Janvier / Lu.

Scandalisé à 200 ans de distance par le déni de justice, l’accusation sans fondement, l’hideuse torture. La colonne infame trouve son sens renversée : elle qui devait servir à ce que l’on se souvienne de l’infamie, devient infamante de par sa présence.

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Janvier / Lu.

Un vieux texte médiéval qui ne demande qu'à être réactivé : par cette lecture ecoféministe poétisante du mythe de Mélusine, Gauthier actualise une puissance politique (caché ou contrecollé, qu'importe) niché au sein d'un texte qu'on a pas vu venir.

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Janvier / Lu.

Arrivé à Wright par le biais de Cedric J. Robinson, le premier considéré par le deuxième comme l'un des précurseurs du radicalisme noir.

Sans jamais excuser le geste criminel, Wright éructe sans espoir : Bigger Thomas était coupable avant son crime, depuis avant sa naissance, depuis des siècles, depuis que ces ancêtres ont été débarqués dans le nouveau monde. Coupable deux fois, parce qu'il tue, mais avant tout parce qu'il est noir.

Je crois que j'ai rarement été aussi tendu en lisant un bouquin.

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Janvier

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Janvier - avril / Lu.

Feuilletonesque et fluvial, mais moins fort que chez les français des mêmes temps. La Lombardie comme toile puis comme objet d'analyse, de ses paysages à ses guerres.

On retrouve ici, porté à des degrés supérieurs, la passion morale de La colonne infâme, cette même verve adressée aux puissants, qui finissent repenties ou pesteux (ficelles un peu grosses même si elles sont topiques du genre).

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Janvier / Lu.

Premier amour qui dérange la petite vie bien réglée, première pierre tombale rassurante comme un doudou.

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Février / Lu.

Projet sympathique mais abordant trop superficiellement ces questions pour que ça m'intéresse jusqu'au bout. La fête comme négation des injonctions à la productivité et comme espace d'invention de nouveaux modes de vie etc.

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Février / Lu.

Comme chez son acolyte Michon, il y a dans Bergounioux ce don de la trouvaille visuel et sensible, sans cesse miraculeusement répétée. A partir de bribes infimes de souvenirs d'enfance s'ouvre un champ d'évocation, de convocation d'impressions lointaines mais vivaces, qui font surgir l'émotion nette d'un paysage, d'une maison de famille, d'un puit abandonné.

Ou autrement dit, comment réussir à parler de son enfance sans tomber dans le cliché et la mièvrerie souvent de mise.

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Février / Lu.

Hommage aux vies dures et dangereuses des filles du pavé, à la verte gouaille des milieux interlopes. Zonzon fait ce qui lui plait, Zonzon ne s'en laisse pas conter, Zonzon tire sa révérence et nous emmerde.

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Février / Lu.

Indécision faite hommes, voyage impératif qui ne commence jamais ("on ne voyage pas pour le plaisir, on est con mais pas à ce point"). Encore et toujours des histoire de parapluie cassé (épreuve insurmontable), de sac perdu (spoliation invivable), ou de pardessus rapiécé (haillon inestimable).

Joie inattendu que de croiser les blazes d'autre héroïques épaves de Beckett au détour d'une page : un petit Watt par ci, un petit Murphy par là.

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Février / Lu.

Dans la catégorie commode de l'orientalisme, Segalen est sur le bord. La Chine sert de parure, mais la poésie de Stèles ne s'engage pas superficiellement dans la pensée chinoise, elle la laisse dans son coin, se contentant de toiser le décor.

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Février / Lu.

"Le soleil brillait, n'ayant pas d'alternative, sur le rien de neuf".

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Février / Lu.

Très mauvais titre putaclic.

Comment les classes capitalistes du monde entier font sécession de la société en créant des zones (micro-états, ZES, prédation de terres "vierges", metaverse...), dans lesquelles ils choisissent leurs règles, le moins possible démocratique s'il vous plait. C'est l'utopie de Dubaï, qui ne peut fonctionner sans le camp de travailleurs exploités de Jebel Ali, celle du Honduras vendu au plus offrant au mépris du passé colonial douloureux du pays, celle de Hong-Kong et de sa cité de misère de Kowloon…

Une armée de prolétaires invisibles pour tenir à bout de bras les rêves mouillés des libertariens, bande de cannibales.

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Février

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Février / Lu.

De la baignade improvisée en haute mer.

Du temps suspendu par la force magique de l'immensité.

D'une apparition irréelle ou illégale, qui le sait.

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Février - mars / Lu.

Orain propose un découpage inédit des âges du capitalisme, en fonction de ce qu'il nome la finitude ; en clair ce sont les moment (il en définit 3, dont notre époque) pendant lesquelles le capitalisme se "rend compte" que les ressources sont limités, incitant ainsi les états à l'accaparement, au protectionnisme, à la conquête, à l'impérialisme etc. Exit donc le libre échange et le beau rêve du libéralisme pur et parfait, les mers se ferment et les réflexes impériaux resurgissent ; la réalité est que quand les ressources viennent à manquer, la concurrence est le pire ennemie du capitalisme, il faut donc l'éliminer.

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Février - mars / Lu.

La ville contre la société, un clochard contre un artiste. L'architecture ruineuse autodestructrice comme porteuse de salut pour les moins que rien.

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Mars / Lu.

Abandon et solitude, le village se meurt et son dernier habitant attend la fin. Pluie jaune, tourbillon de feuilles morte ou sève des racines lézardant la maison et la mémoire, cette pluie jaune qui tombe comme le voile de l'oubli.

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Mars / Lu.

(Je te connais tu es la très courbée,
et moi, le transpercé, te suis assujetti.
Où flambe un mot qui témoignerait pour nous deux ? Toi – tout à fait réelle. Moi – tout entier folie.)

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UN VACARME ; c'est
la vérité même qui
est entrée,
parmis les hommes,
au beau milieu
des bourasques de métaphores.

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UNE FOIS,
je l'ai entendu,
il lavait le monde,
non vu, à longueur de nuit,
vraiment.

Un et Infini,
anéanti,
disaient Je.

La lumière fut. Sauvetage.

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Mars / Lu.

La partie centrale est le meilleur exercice métafictionnelle que j'ai jamais lu.

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Mars / Lu.

Autant l'idée centrale du roman me plait, celle de l'homme qui refuse de savoir et met sa vie à la marge, autant les déambulations nocturnes de Sigismond prennent une tournure plutôt redondante à la longue. On est loin des volutes sulfurés des deux recueils que j'ai précédemment lu.