Krzysztof Kieslowski - Commentaires
Cinéma hautement parabolique, engagé dans de très subtiles constructions narratives, plastiques et littéraires, l’œuvre de Kieslowski est celle d’un artiste aux préoccupations spirituelles passionnantes, dont la poésie met à distance de toute aridité. D’une façon générale, je le trouve ...
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créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a 12 moisLe Hasard (1987)
Przypadek
2 h 02 min. Sortie : 10 janvier 1987 (Pologne). Drame
Film de Krzysztof Kieslowski
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Par sa structure à choix multiples et ses différentes entrées combinatoires, ce film annonce toute une série d’avatars bâtis sur un principe similaire, pour le meilleur (Resnais et ses exquis "Smoking/No smoking") et pour le pire (les purges "Cours Lola, cours" ou "L’Effet papillon"). Virtuose, stimulant, le kaléidoscope de Kieślowski captive de bout en bout parce qu’il radiographie avec une lucidité parfois goguenarde la réalité sociale d’un pays fracturé par les compromissions et la désagrégation des idéologies politiques. À travers les trois parcours de son héros, ballotté par la roulette du hasard et des coïncidences, il interroge le sens de l’engagement et la fragilité des choix individuels jusqu’à une ultime image en forme de pied-de-nez sarcastique, sans pour autant donner de leçon de désespoir au nom de l’objectivité.
Sans Fin (1985)
Bez konca
1 h 55 min. Sortie : 17 juin 1985 (France). Fantastique
Film de Krzysztof Kieslowski
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Kieślowski a toujours traqué l’invisible, éclairé les motivations et les comportements de ses personnages à la lumière d’une interrogation existentielle, voire métaphysique. Son questionnement se porte ici sur l’histoire d’une jeune veuve découvrant tardivement l’amour qu’elle porte à son mari – spectre traversant le récit en d’étranges émanations d’outre tombe. L’inquiétude et le désarroi de cette héroïne engourdie pourraient toucher mais leur traitement sibyllin rend la trajectoire d’autant plus énigmatique qu’elle est comme parasitée par un regard critique sur les failles de la justice polonaise et les humiliations sociales des ouvriers, tableau noir et pessimiste d’une réalité nationale, dénué cependant du moindre militantisme. Maîtrisé, déroutant, le film intrigue davantage qu’il n’emporte l’adhésion.
Tu ne tueras point (1988)
Krótki film o zabijaniu
1 h 24 min. Sortie : 26 octobre 1988 (France). Drame
Film de Krzysztof Kieslowski
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Varsovie est une ville-fantôme, filtrée par des cadrages tordus et des tonalités d’ocre et de vert qui la transforment en purgatoire de fin du monde, débouchant sur un désespoir sans nom. La démarche du cinéaste est méandreuse et accablée, qui cherche à cerner l’atroce condition humaine dans une quête obstinée, tourmentée, de la lumière. Son approche quasi bressonnienne, visant à saisir décors, êtres et objets dans leur apparence immédiate, est constamment déplacée par un processus de subjectivisation qui interpelle le jugement et le regard du spectateur : lorsqu’au crime crapuleux, longuement décrit, répond le minutieux préparatif de la mise à mort légalisée, on a le cœur au bord des lèvres. La fable est donc éprouvante, mais elle traduit une angoisse, une colère aussi, qu’il est difficile d’oublier.
Brève histoire d'amour (1988)
Krotki film o milosci
1 h 27 min. Sortie : 11 octobre 1989 (France). Comédie dramatique
Film de Krzysztof Kieslowski
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
D’un abord plus séduisant, ce sixième volet du "Décalogue" rappelle l’argument de "Fenêtre sur Cour", mais Kieślowski est évidemment loin d’Hitchcock, quand bien même son récit prend la respiration d’un suspense paradoxal. À travers l’histoire d’un adolescent timide qui s’enhardit à avouer sa flamme à la voisine qu’il contemple maladivement, et dont le comportement finit par troubler la jeune femme, le voyeurisme est moins la marque d’une forme d’impuissance que la manipulation d’un désir refoulé. Lui, solitaire et inquiet, découvre l’amour sans tendresse ; elle, épanouie et libérée, l’amour au-delà du plaisir. Le cadre précis, l’enfermement des personnages dans un décor de grisaille et de béton dessinent la trajectoire croisée de deux êtres dont le mystère est toujours préservé par la mise en scène.
La Double Vie de Véronique (1991)
1 h 37 min. Sortie : 15 mai 1991. Drame, Fantastique, Romance
Film de Krzysztof Kieslowski
Thaddeus a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Chez Kieślowski, l’immatériel de la matière est aussi déterminant que l’inconscient de la pensée. Plus que jamais, son cinéma est celui de la ténuité, de la suggestion, de la transparence, qui donne à voir l’invisible et à entendre l’indicible. Il est ici question d’une quête spirituelle, celle de l’identité d’une jeune femme, celle de son double – qui comme elle frotte un anneau d’or contre sa paupière et approcha petite sa main du feu. Sans apporter de réponse aux questions qu’il soulève, le cinéaste élabore une construction très travaillée qui joue de la répétition, de la réitération, de la permutation, vectorisée par le recours aux vitres, aux miroirs, aux loupes, aux reflets, aux appareils optiques. Et peu à peu, ce qui pourrait n’être qu’un jeu de pistes fascinant devient, par on ne sait quelle magie, un poème étonnamment serein.
Top 10 Année 1991 : http://lc.cx/UPN
Trois couleurs : Bleu (1993)
Trzy kolory: Niebieski
1 h 34 min. Sortie : 8 septembre 1993 (France). Drame, Romance, Musique
Film de Krzysztof Kieslowski
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Bleu azur, espoir. Ce premier volet de la trilogie est comme toujours difficile à appréhender ; encore plus à décrire par des mots. Sa chirurgie cinétique et sonore désintègre le piège du roman-photo pour suivre un parcours intérieur, mot à mot, pouls à pouls. Le récit ne se raconte pas, trop réducteur par rapport à l’ambivalence des images ; on peut le décrypter comme une avancée vers la plénitude, la recherche d’une grâce que le cinéaste traduit par l’emploi cérémonieux de la musique, un réseau de signes lumineux et mystiques, l’attention continue aux vibrations intimes d’une héroïne laissant enfin l’amour signer son arrêt de vie par touches d’abandon ou de reconquête, et à laquelle Binoche apporte sa sensibilité. On est ici entre la parabole, le conte philosophique, la peinture des sentiments.
Trois couleurs : Blanc (1994)
Trzy kolory: Bialy
1 h 31 min. Sortie : 26 janvier 1994 (France). Comédie, Drame, Romance
Film de Krzysztof Kieslowski
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Blanc neigeux, exil. Kieślowski creuse la dimension moraliste de son cinéma avec cette fable sarcastique et grinçante, qui s’éloigne des tonalités lyriques des précédents films au profit d’un absurde ricanant, loufoque, noir (proche en cela de son compatriote Polanski), quelque chose comme un homme mourant de rire un couteau planté entre les épaules. C’est un peu l’histoire du lièvre qui, non seulement coiffe le lièvre sur le poteau, mais s’en fait un monstrueux civet. D’une délectation morose dans l’ironie, le cinéaste double le récit policier d’une farce sur l’inégalité, dénonce les ravages du capitalisme en soulignant les contradictions entre l’Europe de l’Ouest et de celle de l’Est, résume nos sociétés respectives avec une lucidité féroce qui ne laisse entendre qu’une seule chose : la vie est un jeu truqué.
Trois couleurs : Rouge (1994)
Trzy kolory: Czerwony
1 h 39 min. Sortie : 14 septembre 1994. Drame, Romance
Film de Krzysztof Kieslowski
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Rouge feutré, passion. Le volet le plus flamboyant, le plus harmonieux, le plus réussi sans doute de la trilogie. Allégé du didactisme et du symbolisme légèrement pesant de "Bleu", enrichissant l’acuité de "Blanc" d’une belle densité émotionnelle, Kieślowski organise un réseau de ramifications, de ruptures et de croisements, tissant une multitude de fils autour du hasard, du destin, des liens invisibles qui se tissent entre les gens. Beauté du cadre, élégance constante des compositions : la forme est assez souveraine, toujours un service d’un propos chaleureux, lucide et résolument optimiste, qui fait de cette parabole initiatique sur la fraternité, le remords, le pardon, la rédemption et l’amour, unité spirituelle et protectrice permettant d’enrayer la dispersion des êtres et des choses, un très beau dernier film.