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L'Empire des absences

Mes récentes expériences avec Gone Home et Silent Hill 2 m'ont rappelé combien j'aime ces présences fantomatiques dignes d'un Horla ou d'une Lénore perdue. Au cinéma plus qu'ailleurs car leurs "représentations" sont souvent l'occasion de trésors de mise en scène que je vais essayer de détailler au ...

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10 films

créée il y a plus de 8 ans · modifiée il y a plus de 5 ans
Rebecca
7.6

Rebecca (1940)

2 h 10 min. Sortie : 22 mai 1947 (France). Drame, Romance, Thriller

Film de Alfred Hitchcock

Annotation :

Absence #1 * : Sans doute l'exemple le plus connu. L'ancienne maîtresse du manoir Manderley, Mrs Dewinter, dont la mystérieuse disparition est rattachée à tous les motifs du conte de fée (Barbe-Bleue) et du roman gothique (Jane Eyre).

Scène mythique : la découverte de la chambre par la nouvelle maîtresse des lieux : transgression spatiale tout en jeu d'ombres dont chaque mouvement est exalté par une musique féerique à mesure que se révèlent la pièce et les effets personnels de l'ancienne Mrs Dewinter. Cerise sur le gâteau : le délicieux sous-texte lesbien avec la servante.

Video :
https://lc.cx/SAHa

Image :
https://lc.cx/dwG8

Bunny Lake a disparu
7.7

Bunny Lake a disparu (1965)

Bunny Lake Is Missing

1 h 47 min. Sortie : 30 décembre 1969 (France). Thriller, Drame

Film de Otto Preminger

Im-not-Paul-Avery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Absence #2 * : Le personnage éponyme, fillette disparue après son premier jour d’école, dont personne ne se souvient et dont l'existence devient de plus en plus remise en question à mesure que sa mère cherche à la retrouver.

Preminger s'amuse ici à solliciter l'attention du spectateur en répétant les mêmes actions et les mêmes lieux pour voir si quelque chose à changer et laisse volontairement sa caméra stagner 3 ou 4 secondes dans la pièce après que les personnages en soient sortis. Tension garantie pour ce qui constitue, sans aucun doute, l'une des principales inspirations de la saga Silent Hill.

Scène mythique : le sous-sol de "l’hôpital" avec toutes les poupées - surabondance de corps et pourtant aucune présence, un geste plutôt ironique de la part de Preminger. Si l'ambiance était déjà tendue, elle en devient de plus en plus inquiétante avec cette interruption incongrue et baroque qui s'achèvera bien plus tard, dans un final étrange et tout aussi ironique.

Image :
https://lc.cx/dwGP

Les Innocents
7.8

Les Innocents (1961)

The Innocents

1 h 40 min. Sortie : 18 mai 1962 (France). Épouvante-Horreur, Fantastique, Drame

Film de Jack Clayton

Annotation :

Absence #3 * : Peter Quint et Miss Jessel, les anciens domestiques d'un domaine isolé, tous deux morts dans d'étranges conditions et dont la présence réelle ou fantomatique sera au cœur de l'intrigue.

Sans aucun doute mon cas préféré tant Les Innocents semble être l'expérience sensorielle ultime : Clayton étant capable de conjuguer avec aisance abstraction et représentation, tout en restant aussi bien révélateur de nos sensibilités respectives qu'illustrateur suprême de ce paradoxe : l'absence peut-être une expérience sensorielle stimulante.

Scène mythique : la séquence d'ouverture, naturellement.

Un écran noir et une comptine qui ouvrent le film, bien avant que toute autre image n'ait envahi notre champ de perception. Quoi de plus efficace pour stimuler notre imagination qu'en nous conditionnant directement au manque ou au trop plein d'informations (auditives et visuelles) du film, qui va tenter de fausser notre grille de lecture pour mieux nous livrer aux mains de la surinterprétation.

Video :
https://lc.cx/JkQY

Image :
https://lc.cx/SA9R

Les Dix Petits Nègres
7.1

Les Dix Petits Nègres (1987)

Desyat negrityat

2 h 17 min. Sortie : 1987 (Union Soviétique). Policier, Drame, Thriller

Film de Stanislav Govoroukhine

Annotation :

Absence #4 * : U.N.Owen, le fameux hôte de l’île du Nègre, absent durant le séjour de ses invités.

A défaut de jouer exclusivement sur les grand espaces comme d'autres adaptations de l'œuvre, celle-ci déploie une mise en scène plus atmosphérique, plus introspective pour suggérer l'absence et la tension inexorable, notamment avec sa musique glaçante et sa composition des plans, dont un particulièrement frappant :

Video :
https://lc.cx/SAC5

Image :
https://lc.cx/dwG9

Scène mythique : l'accusation par gramophone en plongée divine - le fameux chant du Cygne.

Si la version moisie du bulbe de 1974 pouvait au moins compter sur la voix magistrale d'Orson Welles, celle de 1987 préféra une voix plus tranchante, robotique et donc non identifiable mais qui nous évoque quand même, à nous européens, un dictateur pendant son discours - élément parfait pour souligner le contexte paranoïaque de cette superbe production soviétique.

Video :
https://lc.cx/SAry

Image :
https://lc.cx/SAHT

Pique-nique à Hanging Rock
7.2

Pique-nique à Hanging Rock (1975)

Picnic at Hanging Rock

1 h 55 min. Sortie : 30 mars 1977 (France). Drame, Fantastique

Film de Peter Weir

Annotation :

Absence #5 : Un groupe de jeunes filles du pensionnat Appleyard, disparu lors du fameux pique-nique qui donne son nom au film.

On pourrait voir Pique-nique à Hanging Rock comme une version moins abstraite de l'Avventura d'Antonioni - les deux films prétextant une disparition prés d'un rocher pour explorer de nouvelles manières de mettre en scène l’absence qui en découle. A la différence que la patte de Peter Weir la transforme en une expérience non plus seulement cérébrale mais incroyablement sensuelle. Toute l'audace de son procédé sera de créer une disparition à rebours et de construire son film aussi bien avant qu’après son absence, transformant ainsi son histoire non plus comme la résolution d'une disparition mais celle de sa contextualisation, ce qui lui assure un potentiel de relecture quasi-inépuisable.

Scène mythique : la balade sur le rocher.

Weir convie le spectateur à devenir le témoin privilégié mais passif d'une disparition dont il ne sera finalement rien, laissant le mystère s'opérer dans un hors-champ aussi glaçant qu'intelligent. Seul indice formel face à cette ambiguïté : sa mise en scène lascive et vaporeuse où la flûte de pan et les fondus de visages sur les rochers font de cette disparition un acte non plus dramatique mais un processus naturel, une déliquescence inévitable qui deviendrait presque un acte mythologique, voire cosmogonique.

Séquence :
https://lc.cx/SDbm

Musique :
https://lc.cx/SDbs

Image :
https://lc.cx/SDbe

Le Parrain - 2e Partie
8.3

Le Parrain - 2e Partie (1974)

The Godfather: Part II

3 h 20 min. Sortie : 27 août 1975 (France). Gangster, Drame

Film de Francis Ford Coppola

Annotation :

Absence #6 * : Don Corleone.

Mort à l'issue de la première partie, son ombre se projette dans la seconde au travers de Michael, qui suit le même cheminement, mais également de manière plus incarnée par la forme de flash-back sous les traits de Robert de Niro, qui reprend le rôle du parrain durant ses jeunes années.

Scène mythique : l'anniversaire de Don Corleone.

Véritable leçon de mise en scène, Le Parrain 2 aura joué tout du long avec les longueurs, le silence et les jeux d'ombre pour suggérer l'absence du patriarche, si ce n'est dans sa dernière séquence festive en prolepse qui tranche avec l'ambiance feutrée installée jusqu'alors. Brando devait initialement reprendre le rôle du Parrain pour cette dernière séquence mais certaines divergences l'auraient dissuadé, obligeant alors Coppola à composer avec le hors-champ. Et c'est finalement une chance tant il signe ici l'un des épilogues les plus marquants du cinéma, qui n'aurait pas du tout été le même avec la présence animal de Brando ; les bruits de célébration se fondant sur le plan d'un Michael esseulé et silencieux dans le présent valant plus que n'importe quel dialogue.

Video :
https://lc.cx/SAyA

Image :
https://lc.cx/dwfu

Laura
7.8

Laura (1944)

1 h 28 min. Sortie : 13 juillet 1946 (France). Film noir

Film de Otto Preminger

Annotation :

Absence #7 * : Personnage éponyme disparu, tout aussi célèbre que Rebecca et sans aucun doute celui qui aura inspiré Gone Girl.

Vue d'abord au travers du récit et des sensibilités de chacune de ses connaissances masculines, Laura apparaît contrastée mais néanmoins avantagée par la description du magnétisme qu'elle dégage et l'impression qu'elle laisse auprès de ceux qui croient avoir ses faveurs alors que c'est simplement sa nature et les traits séduisants de Gene Tierney qui opèrent.

Scène mythique : l'arrivée de Laura.

Alors que le personnage est considéré comme mort et tandis que le policier chargé de son cas (tombé amoureux d'elle entre temps) contemple un portrait du personnage dans son appartement (mis en valeur par un sublime noir et blanc), celle-ci apparaît alors dans une pure mise en abyme de la représentation où le contraste entre réalité et fantasme (robe de cocktail noire découvrant ses épaules sur le tableau, manteau blanc couvrant son corps dans la scène) est des plus fascinant et révélateur des dynamiques hommes-femmes.

Image :
https://lc.cx/dwxZ

Le Faux coupable
7.1

Le Faux coupable (1956)

The Wrong Man

1 h 45 min. Sortie : 1 mai 1957 (France). Drame, Policier, Film noir

Film de Alfred Hitchcock

Annotation :

Absence #8 : L'homme qui a commis les crimes et qui est confondu avec Manny, le personnage d'Henry Fonda.

Sans doute l'illustration la plus aboutie d'une des obsessions d'Hitchcock mais aussi la plus déroutante tant elle ne répond pas au style habituel du maître, qui fait preuve ici de maturité en reprenant un fait divers avec froideur et réalisme dans ses effets, ce qui lui permet par la même occasion de faire passer un message politique fort (le personnage étant jugé selon son appartenance sociale et culturelle).

Scène mythique : Le climax du film, superposition du visage de la victime et du bourreau, dont ce dernier n'aura jamais été montré à l'écran avant ça. L'intelligence du film aura été de nous y préparer par sa manière d'épouser constamment le point de vue de Manny tout en accumulant les témoignages qui l'incriminent, créant ainsi une tension croissante et un doute chez le spectateur dont le besoin de rationalisation passera de l'absurdité kafkaïenne aux appels du surnaturel.

Video :
https://lc.cx/SAvw

Image :
https://lc.cx/dwxh

Gone Girl
7.7

Gone Girl (2014)

2 h 29 min. Sortie : 8 octobre 2014 (France). Drame, Thriller, Film noir

Film de David Fincher

Im-not-Paul-Avery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Absence #9 : Amy Dunne, supposément enlevée le jour de son anniversaire de mariage.

A l'enquête policière se joint des flash-back sur le jeune couple et les pensées intimes d'Amazing Amy retranscrites dans son journal. Nous connaissons donc Amy ainsi que ses inquiétudes. Nous l'avons vu en flash-back et son visage est d'ailleurs la première chose que nous voyons.

Scène mythique : La découverte des cadeaux et du journal.

Comme pour la séquence de la cave dans Zodiac, Fincher joint ici deux informations contradictoires de l’enquête pour à la fois relancer son film et chambouler les prétendues convictions du spectateur. A la différence ici que ces éléments sont réunis par un montage alterné dont la précision chirurgicale les fait concorder pour dessiner peu à peu le vrai visage d'Amy et sa dualité, retranscrite grâce à une voix off sensuelle qui énonce les règles du jeu du couple pour enchaîner sur celle plus craintive du journal. Le tout sublimé par celle de Rosamund Pike, terriblement envoûtante et la distorsion sonore d'un mariage en ruine de Trent Reznor, qui mêle fragments d'orgasmes, d'étouffement et de paroles perdues.

Musique :
https://lc.cx/SAtU

Soudain l'été dernier
7.6

Soudain l'été dernier (1959)

Suddenly, Last Summer

1 h 54 min. Sortie : 23 mars 1960 (France). Drame, Thriller

Film de Joseph L. Mankiewicz

Annotation :

Absence #10 * : Sebastian Venable, jeune dandy excentrique mort sur la côte dans des conditions mystérieuses.

Un cas intéressant tant cette absence à l'écran relève plus de la censure que de la dramaturgie. Le nom de Sebastian sera répété inlassablement durant tout le film par les personnages bien qu'il sera constamment marginalisé dans sa représentation, comme son visage qui ne sera jamais montré durant les flash-back (Selon The Celluoid Closet, ce serait pour empêcher à l'époque toute sympathie envers un personnage homosexuel).

Scène mythique : La rencontre avec la mère de Sebastian, jouée par Katharine Hepburn.

Première rencontre avec tous les non-dits et les mensonges qui vont structurer le film jusqu'à un dernier aveu explosif, cette séquence permet également à Mankiewicz de suggérer toute la personnalité de Sebastian et son ambiguïté (aussi bien sexuelle que morale) à travers tout un exotisme tropical et des statues de différentes nature (gargouilles ou modèles grecques). Il crée ainsi un certain érotisme rance qui contribue à l'ambiance étrange et étouffante du film mais également à contourner la censure comme cela n'avait pas été forcément le cas pour d'autres adaptations de Tennessee Williams.

Video :
https://lc.cx/SKQr

Image :
https://lc.cx/SKAJ

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